5-295/1 | 5-295/1 |
12 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 20 novembre 2007 (doc. Chambre, nº 52-0386/1).
La question de la responsabilité pénale des élus pour coups et blessures ou homicides par imprudence, celle de la criminalisation des négligences « légères » et celle de la stigmatisation pénale de l'homme public ont été relancées par la récente condamnation du bourgmestre de Damme dans une affaire de roulage.
Lorsqu'il dirige sa commune, l'élu local peut, en effet, être confronté à des situations susceptibles d'entraîner sa responsabilité, tant pénale que civile, alors même qu'il n'a commis qu'une faute dépourvue de toute malveillance.
De manière plus générale, cette situation fait ressortir le débat sur la question plus générale de l'opportunité du maintien dans notre droit du principe d'unité de la faute civile et de la faute pénale, établi par une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1884, pour les infractions de coups et blessures involontaires ou d'homicide involontaire (articles 418 à 420 du Code pénal). Cette unité de fautes, associée au principe d'autorité de chose jugée du pénal sur le civil (article 4 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle), a pour conséquence qu'une victime ne peut être dédommagée au civil que si la responsabilité pénale est établie. Donc, si le juge pénal acquitte un individu en estimant que la responsabilité pénale pour la faute légère n'est pas établie, il prive de facto la partie civile de la possibilité de demander la réparation civile de son dommage.
En conséquence, de nombreuses décisions de condamnation pénale pour faute légère sont uniquement motivées par la possibilité ainsi octroyée à la victime d'obtenir une réparation civile. Le juge pénal se sent effectivement « obligé » de punir pénalement, afin d'ouvrir une possibilité de réparation civile à la victime. Là réside tout l'effet pervers de cette unité de fautes.
En ce qui concerne les mandataires publics, on constate que cet effet est encore plus important. Une victime d'un accident impliquant un tant soit peu la commune choisit de plus en plus souvent la voie pénale pour obtenir réparation de son dommage. Ce choix s'explique essentiellement par la facilité qu'offre aux particuliers une instruction publique menée par un juge d'instruction ou le ministère public, qui ne doivent plus eux-mêmes instruire leur dossier. S'il est vrai que beaucoup de cas se soldent par l'intervention des assurances en responsabilité civile des communes, le bourgmestre ou l'échevin ne sont pas à l'abri de la voie pénale en la matière.
Pour remédier à cela, on peut imaginer de mettre fin à cette unité de fautes, en introduisant à la place un système de dualité de fautes pénales et civiles, l'inexistence de la première n'entraînant pas automatiquement l'inexistence de la seconde.
Cette solution est souhaitée depuis longtemps par la doctrine et a été adoptée par de nombreux autres pays, dont la France qui a modifié en 2000 son Code de procédure pénale dans ce sens.
En Belgique, des initiatives parlementaires ont déjà été prises en la matière mais n'ont pas abouti jusqu'à présent. Cependant, contrairement à ces dernières, l'auteur de la présente proposition de loi souhaite, pour rompre avec cette théorie d'unité de fautes, modifier le Code d'instruction criminelle. Il souhaite inscrire dans l'article 4 du titre préliminaire le principe selon lequel l'absence de condamnation pénale ne prive pas la victime de la possibilité de demander réparation de son dommage au juge civil.
Il entende, par cette méthode, faire bénéficier tous les justiciables du système de dualité des fautes.
Il estime qu'il est plus clair et plus simple de réformer le Code d'instruction criminelle pour y inscrire ce nouveau principe de manière générale, plutôt que de prendre le risque de réformer le Code civil et la théorie des responsabilités établie par la jurisprudence. En effet, cette matière étant construite principalement sur une jurisprudence ancienne et abondante, il serait sans doute plus difficile de cerner les conséquences d'une modification de cet ordonnancement.
Article 2
Cette disposition a pour but de permettre l'acquittement au pénal sans que cela préjudicie, de quelque manière que ce soit, la possibilité d'obtenir une réparation du dommage au civil. Par cette disposition, le juge pénal ne se sentira plus « moralement » obligé de condamner pénalement, uniquement pour ouvrir le droit à l'indemnisation civile devant le juge civil.
François BELLOT. |
Article 1er
La présente proposition de loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 4 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, remplacé par la loi du 13 avril 2005 et modifié par la loi du 23 décembre 2005, il est inséré entre les alinéas 1er et 2 un nouvel alinéa, rédigé comme suit:
« L'absence de condamnation pénale ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles, afin d'obtenir la réparation du dommage, en application des règles de droit civil »
21 septembre 2010.
François BELLOT. |