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12 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend, en l'adaptant, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 31 janvier 2008 (doc. Chambre, nº 52-760/1).
Elle vise à conférer un fondement légal à un service minimum garanti et obligatoire à assurer par les entreprises publiques autonomes.
Selon l'article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, les organismes suivants sont classés parmi les entreprises publiques autonomes: Belgacom, les différentes entités de la SNCB (Holding, Infrabel et la SNCB), La Poste, Belgocontrol et le Fonds de l'infrastructure ferroviaire.
La caractéristique de ces entreprises publiques est qu'elles jouissent d'une certaine autonomie de gestion par le biais de la conclusion d'un contrat de gestion avec l'État aux conditions prévues par la loi du 21 mars 1991.
Le contrat de gestion règle notamment les tâches de service public, les tarifs pour les prestations de service public, les subventions éventuelles à charge du budget général des dépenses de l'État visant à couvrir les charges qui découlent de l'accomplissement des tâches de service public et les sanctions en cas de non-respect des engagements.
Les entreprises publiques autonomes fournissent des prestations de service public d'intérêt général.
Pour servir l'intérêt général, les pouvoirs publics délimitent des besoins collectifs et organisent des services publics qui permettent de répondre à ces besoins en permanence.
Cela signifie que ces prestations de service public, financées avec de l'argent public, doivent être assurées sans interruption tant que les pouvoirs publics estiment que ces besoins collectifs existent.
La continuité du service public est toutefois menacée par les conflits sociaux qui entraînent des grèves.
Les grèves qui touchent la société de transport nationale entraînent ainsi des difficultés, des désagréments et des frais importants, non seulement pour les voyageurs et pour le service public même, mais aussi pour toute l'économie. Le droit des travailleurs de la société de transport en commun à faire la grève doit dès lors être mis en balance avec certains droits fondamentaux des citoyens et avec l'intérêt général.
La mobilité est l'une des conditions qui permettent de participer pleinement à la vie sociale et elle est essentielle à l'exercice de nos droits et libertés. La mobilité est un facteur primordial de la prospérité comme du bien-être. Il ne faut pas sous-estimer son impact sur les plans économique, écologique et humain.
C'est pourquoi il y a lieu de garantir la continuité des prestations d'intérêt public que la SNCB fournit à ses clients.
Les entreprises et les particuliers pâtissent aussi gravement des conflits sociaux de longue durée qui surviennent à La Poste.
Ceux-ci causent un important préjudice économique aux entreprises, mais aussi aux plus faibles qui attendent une attestation médicale ou le versement de leur pension.
En outre, il ne faut pas oublier que La Poste doit atteindre un certain nombre de normes de qualité. En principe, 95 % du courrier doit être distribué le lendemain. Pour préserver la confiance des usagers dans La Poste, il faut dès lors également prévoir un service minimal dans cette entreprise, y compris en cas de conflits sociaux.
Nous soulignons que nous ne remettons pas en cause le droit de grève.
Une première auditrice du Conseil d'État, Mme Degnelie, a indiqué, à propos des grèves à La Poste en 1993, qu'il n'y avait pas d'abus de droit si la contestation portait sur les modalités d'exercice du droit de grève.
La Constitution belge ne consacre pas formellement le droit de grève. En droit national, on peut faire référence, en la matière, à l'article 11ter de la loi relative aux contrats de travail. Cet article prévoit que la participation à des grèves ne saurait constituer un motif de suspension du contrat de travail pouvant entraîner le recours à un contrat de remplacement.
L'article 3 de la loi relative aux prestations oblige les entreprises à recourir à leur propre personnel pour l'exécution de prestations d'intérêt général. Le droit de grève peut également se déduire de la loi du 24 mai 1921 garantissant la liberté d'association.
Le droit international, quant à lui, reconnaît formellement le droit de grève. Ce droit est garanti par l'article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et, indirectement, par l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et par l'article 6, 4º, de la Charte sociale européenne.
L'article 31 de la Charte sociale européenne dispose que des restrictions peuvent être apportées au droit de grève si elles sont prescrites par la loi et qu'elles sont nécessaires, dans une société démocratique, pour garantir le respect des droits et des libertés d'autrui ou pour protéger l'ordre public, la sécurité nationale, la santé publique ou les bonnes mœurs.
Bien qu'il ne soit pas reconnu formellement dans la législation belge, le droit de grève reste un instrument essentiel dont les travailleurs peuvent user pour appuyer leurs revendications.
Le droit de grève doit cependant être mis en balance avec le droit fondamental du citoyen à pouvoir recourir de façon continue au service public fourni par des entreprises publiques financées avec l'argent des contribuables.
Contrairement au secteur privé, auquel la loi du 19 août 1948 relative aux prestations d'intérêt public en temps de paix permet de garantir un service minimum en cas de cessation collective et volontaire du travail ou en cas de licenciement collectif du personnel, en vue de faire face à certains besoins vitaux, d'effectuer certains travaux urgents aux machines ou au matériel, d'exécuter certaines tâches commandées par une force majeure ou une nécessité imprévue, le secteur public ne connaît pas d'instrument semblable en Belgique.
Bien que la loi relative aux prestations d'intérêt général en temps de paix concerne exclusivement le secteur privé, on en a fait, par le passé, un usage abusif. Le Conseil d'État a estimé, post factum, que le ministre concerné s'était basé à tort sur la loi du 19 août 1948 et que cette loi ne constituait pas une base juridique suffisante pour procéder à la réquisition de travailleurs dans le secteur public.
La majorité des États membres de l'Union européenne ont déjà élaboré des règles prévoyant un service minimum en cas de grève dans les services essentiels.
Le Royaume-Uni constitue une exception, car il ne prévoit ni service minimum, ni service garanti.
L'organisation du service minimum est généralement négociée avec les partenaires sociaux. Il existe deux exceptions en la matière: l'Espagne et le Portugal. La Constitution espagnole prévoit qu'en cas de grève, il faut assurer le maintien « des services essentiels de la communauté ». C'est le gouvernement national ou celui de la communauté autonome, en fonction des circonstances, qui fixe les mesures indispensables au fonctionnement des services tenus pour essentiels. Au Portugal, la loi de 1977 sur le droit de grève a instauré des mesures spécifiques dans les services « assurant des besoins sociaux absolument nécessaires », comme l'obligation d'accomplir un service minimum. Une loi de 1992 devait modifier la loi de 1977 sur le plan de l'organisation du service minimum par l'introduction de négociations collectives. Le ministre chargé de l'emploi pouvait alors, en accord avec le ministre responsable du secteur d'activité, tenter une médiation avant de prendre des mesures en matière de service minimum. Par la suite, cette méthode a cependant été jugée contraire à la Constitution. En conséquence, le service minimum est actuellement aménagé, selon les circonstances, par la négociation collective ou par un arrêté royal.
En Italie, le principe du service minimum figure dans la loi nº 146 de 1990 portant dispositions relatives à l'exercice du droit de grève dans les services publics essentiels et à la sauvegarde des droits de la personne qui sont constitutionnellement garantis. Cette loi est complétée par une nouvelle loi (avril 2000) qui établit un équilibre entre le droit de grève et la continuité des services publics. Les conditions du service minimum doivent être fixées dans un accord collectif. À défaut d'accord sur le service minimum, une « commission de garantie » évalue l'opportunité d'instituer un service de prestations minimales, telles qu'elles sont définies dans les conventions collectives, et cette commission doit édicter, si nécessaire, des prescriptions supplémentaires. La commission peut également entamer une procédure pénale au cas où le service minimum n'est pas garanti. Jusqu'à présent, toutefois, aucune peine n'a encore été prononcée. En réalité, les organisations syndicales jugent la procédure de déclenchement d'une grève extrêmement complexe et, de plus, la « commission de garantie » n'a pas de véritable pouvoir de sanction, de sorte qu'est elle inefficace.
Les pays qui n'ont pas adopté de réglementation spécifique en matière de service minimum sont parfois confrontés à d'énormes problèmes. C'est ainsi que la Norvège a connu une situation chaotique dans les hôpitaux à la suite de plusieurs conflits entre 2000 et 2002.
En France, le service minimum n'était réglementé que dans quatre secteurs: la radio/télévision publique, la navigation aérienne, les entreprises qui renferment des substances radioactives et la santé publique. Cette réglementation du service minimum s'applique aussi aux entreprises privées qui fournissent un service public. En 2008, deux lois réglementant le service minimum dans le secteur des transports et dans l'enseignement sont entrées en vigueur. La loi du 1er janvier 2008 oblige les sociétés de transports publics à prévoir un plan en vue de l'organisation d'un service minimum lors des journées de grève. Le service minimum dans l'enseignement a été réglé par la loi du 23 juillet 2008.
En Hongrie, outre quelques restrictions légales, le respect de certaines obligations est imposé en cas de grèves de l'administration publique, dans la perspective d'un accord entre les organisations syndicales des travailleurs des services publics et le ministre de l'Intérieur. De plus, dans ce pays, les partis sont légalement tenus de s'engager à assurer un service minimum en ce qui concerne la distribution de gaz, d'eau et d'électricité pendant la procédure de négociation et de médiation qui précède la grève.
La présente proposition de loi vise à obliger les entreprises publiques autonomes à fournir un service minimum lorsque la fourniture des services de base au citoyen est compromise.
Les prestations minimales garanties font dès lors obligatoirement partie intégrante du contrat de gestion conclu entre l'État et l'entreprise publique autonome.
Les modalités de mise en œuvre du service minimum garanti continuent toutefois à être fixées par les parties qui concluent le contrat de gestion et seront soumises à la commission paritaire pour concertation.
Guido DE PADT. Nele LIJNEN. Bart TOMMELEIN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 3, § 2, 1º, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques est complété comme suit:
« , ainsi que les prestations minimales de service public qui sont garanties à tout moment. »
29 septembre 2010.
Guido DE PADT. Nele LIJNEN. Bart TOMMELEIN. |