5-275/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

12 OCTOBRE 2010


Proposition de loi modifiant le Code pénal en ce qui concerne les infractions non intentionnelles en matière de roulage

(Déposée par M. Guido De Padt)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 25 janvier 2008 (doc. Chambre, nº 52-728/1).

Le texte de la présente proposition de loi tend à supprimer quelques inégalités du Code pénal.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2005 modifiant les lois coordonnées du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, les articles 419 et 420 du Code pénal sont définis comme suit:

« Art. 419. — Quiconque aura involontairement causé la mort d'une personne sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante à mille euros.

Lorsque la mort est la conséquence d'un accident de la circulation, l'emprisonnement sera de trois mois à cinq ans et l'amende de 50 euros à 2 000 euros. »

« Art. 420. — S'il n'est résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou des blessures, le coupable (sera puni d'un emprisonnement de huit jours à six mois) et d'une amende de cinquante à cinq cents euros, ou d'une de ces peines seulement.

Lorsque les coups ou les blessures sont la conséquence d'un accident de la circulation, l'emprisonnement sera de huit jours à un an et l'amende de 50 euros à 1 000 euros. »

La loi du 7 février 2003 a inséré dans le Code pénal les articles 419bis en 420bis, qui punissent en particulier les usagers de la route qui, par défaut de prévoyance ou de précaution, provoquent un accident de la circulation d'où il est résulté la mort d'une personne (419bis) ou des coups ou des blessures (420bis).

Lors de la discussion de la loi de 2005 modifiant le code de la route, on a estimé qu'il serait juridiquement plus cohérent d'aggraver les peines prévues par les articles 419 et 420 du Code pénal que d'insérer des dispositions pénales distinctes. L'objectif était en tout état de cause de permettre le placement en détention préventive des auteurs d'infractions graves.

Plusieurs inégalités semblent malgré tout s'être glissées dans le texte.

Avant la modification de 2005, tous les articles du chapitre II intitulé « De l'homicide et des lésions corporelles involontaires » (articles 418 à 422ter du Code pénal) prévoyaient un emprisonnement et une amende « ou (d')une de ces peines seulement ». Le juge jouissait d'un pouvoir d'appréciation en la matière et pouvait prononcer la peine qui lui paraissait la plus adéquate en fonction des circonstances.

L'adoption de la loi du 20 juillet 2005 a compromis la cohérence du système. Alors qu'auparavant, tous les articles de ce chapitre II (sauf l'article 419) prévoyaient un emprisonnement et une amende ou une de ces peines seulement, cette option a été abandonnée à l'article 419 du Code pénal et n'est plus prévue qu'à l'alinéa 1er de l'article 420 du Code pénal, de sorte que les infractions commises dans la circulation sont sanctionnées bien plus sévèrement que les autres. Les autres articles, non modifiés, de ce chapitre comportent toujours les termes « ou d'une de ces peines seulement ». Pour mettre fin à cette inégalité, nous proposons d'intégrer cette option dans toutes les dispositions. Il incombera dès lors au juge d'apprécier dans chaque cas concret quelle est la peine la plus adéquate.

L'instauration de peines distinctes pour l'homicide involontaire ou les lésions corporelles involontaires selon que l'infraction a été commise dans ou en dehors de la circulation est également source d'inégalité. Ainsi, l'automobiliste qui provoque un accident impliquant des blessés (légers) encourrait une peine deux fois plus lourde que celui qui blesse involontairement quelqu'un avec un couteau. Il en résulte un certain déséquilibre entre la loi pénale ordinaire et les dispositions nécessaires pour faire respecter la législation routière. Cette distinction remet également en cause la hiérarchie entre coups et blessures involontaires et coups et blessures volontaires.

Même si l'on peut comprendre la philosophie de la loi dans un certain nombre de cas, il n'en demeure pas moins que les accidents de la circulation causés par un défaut de prévoyance ou de précaution résultent souvent d'un concours de circonstances fortuites, auquel s'ajoute encore souvent la fatalité. Dans de tels cas, il n'est pas souhaitable d'être tenu d'invoquer les articles 419, alinéa 2, et 420, alinéa 2, du Code pénal, qui portent également trop à conséquence.

D'autres situations sont en outre imaginables, en dehors des accidents de la circulation visés. Pour quelle raison faut-il prévoir un traitement distinct et plus sévère pour les accidents de la circulation que pour les autres homicides involontaires ou coups et blessures involontaires ? Une négligence peut tout aussi bien se produire dans le cadre d'un accident de travail ou d'une catastrophe écologique, etc. Il semble que l'on veuille plus particulièrement viser l'automobiliste et en faire un criminel. D'aucuns préconisent dès lors d'abroger l'alinéa 2 tant de l'article 419 que de l'article 420 du Code pénal.

Dans un avis du 2 juillet 2002, le Collège des procureurs généraux a, lui aussi, formulé quelques observations à propos de la nouvelle réglementation, estimant que les dispositions des articles 418 à 420 du Code pénal semblaient suffisantes pour couvrir le champ d'application et qu'il existait en fin de compte une contradiction, étant donné que les peines prévues dans le projet étaient sensiblement plus lourdes que celles prévues par les articles 418 à 420 du Code pénal, alors même qu'elles sanctionnaient les mêmes faits.

Plus récemment, dans un avis (du 15 juin 2005) formulé à l'occasion de la modification de la loi relative à la police de la circulation routière, le Collège des procureurs généraux a d'ailleurs renvoyé explicitement au point de vue adopté antérieurement.

Un éventuel compromis entre les différents points de vue pourrait consister à rendre explicitement facultatif l'alinéa 2 de l'article 419 ainsi que l'alinéa 2 de l'article 420, de sorte qu'il appartienne au juge d'alourdir ou non la peine, compte tenu des circonstances concrètes du dossier. Confier au juge le soin de procéder à une évaluation témoigne par ailleurs de la confiance que l'on a en ce même juge.

Le taux de la peine prévu à l'article 419 du Code pénal est également quelque peu tempéré, dès lors qu'une peine de cinq ans au maximum paraît quand même fort sévère en pareil cas. Étant donné que l'augmentation de la peine avait essentiellement pour objectif de permettre l'application de la loi relative à la détention préventive, on peut s'interroger sur la raison pour laquelle il faut aussi augmenter les amendes. Il nous paraît que la marge entre le montant minimum et le montant maximum est déjà suffisant grande. Il est par conséquent proposé d'alourdir uniquement la peine d'emprisonnement.

Guido DE PADT.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 419 du Code pénal, modifié par les lois des 26 juin 2000 et 20 juillet 2005, sont apportées les modifications suivantes:

1º l'alinéa 1er est complété par la disposition suivante:

« , ou d'une de ces peines seulement »;

2º l'alinéa 2 est remplacé par la disposition suivante:

« Lorsque la mort est la conséquence d'un accident de la circulation, la durée de l'emprisonnement pourra être portée à trois ans. »

Art. 3

L'article 420, alinéa 2, du même Code, est remplacé par la disposition suivante:

« Lorsque les coups ou blessures sont la conséquence d'un accident de la circulation, la durée de l'emprisonnement pourra être portée à un an. »

27 septembre 2010.

Guido DE PADT.