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8 OCTOBRE 2010
La présente résolution vise à attirer une nouvelle fois l'attention sur la situation précaire des droits de l'homme en Iran et condamne énergiquement l'application de la peine de mort, la torture et la pratique barbare de la lapidation dans ce pays.
Nele LIJNEN. Rik DAEMS. Bart TOMMELEIN. |
Le Sénat,
A. rappelant les résolutions antérieures concernant les graves violations des droits de l'homme en Iran, adoptées à l'unanimité, à savoir la résolution relative aux exécutions de mineurs en Iran (1) et la résolution relative à l'exécution de Delara Darabi en Iran (2) ;
B. ayant pris acte des déclarations de la présidence de l'Union européenne (UE) des 4 et 10 juin 2008 au sujet de l'exécution imminente de délinquants juvéniles en Iran;
C. vu les déclarations de la Haute Représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité des 14 juin et 6 juillet 2010 et la déclaration précédente de la présidence du 13 juin 2008 au nom de l'Union européenne sur l'exécution de Mohammad Hassanzadeh et des exécutions antérieures, notamment la pendaison en public, à Mashad, le mardi 19 juillet 2005, de deux jeunes accusés d'être homosexuels;
D. rappelant les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies (ONU) et, en particulier, sa résolution 62/168 du 18 décembre 2007 sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran et sa résolution 62/149 du 18 décembre 2007 sur un moratoire sur l'application de la peine de mort, et vu le rapport du secrétaire général des Nations unies du 23 septembre 2009 sur la situation des droits de l'homme dans la République islamique d'Iran et la déclaration sur l'Iran faite par le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme le 4 mars 2010;
E. vu la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention relative aux droits de l'enfant, auxquels la République islamique d'Iran est partie;
F. considérant que la situation générale des droits de l'homme en Iran n'a cessé de se détériorer depuis 2005, que l'Iran reste le pays qui exécute le plus de délinquants juvéniles au monde et considérant qu'au cours de cette année 2010, quelque 2000 peines de mort ont déjà été prononcées;
G. constatant que l'Iran continue d'exécuter des mineurs et que l'on sait que l'Iran a exécuté plus de délinquants juvéniles qu'aucun autre pays au monde;
H. considérant que, selon certaines informations, plus de cent détenus de la prison de Mashad's Vahil Abad auraient été exécutés pour des délits en matière de drogue rien qu'au cours de ces dernières semaines et qu'une centaine d'autres devraient connaître le même sort dans les prochains jours; considérant que le caractère collectif de ces exécutions qui, de surcroît, sont décidées dans le plus grand secret, constitue une violation flagrante de la législation internationale;
I. considérant que, contrairement aux affirmations des plus hautes instances judiciaires iraniennes, l'Iran continue à condamner des personnes à la lapidation, comme dans le cas de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, qui a été reconnue coupable d'« adultère », ainsi qu'en témoignent ses « aveux » télévisés du 11 août 2010;
J. considérant qu'en 2006, Sakineh Mohammadi-Ashtiani, accusée d'avoir eu deux relations intimes hors mariage après la mort de son époux, a été condamnée, en Iran, à une sentence de nonante-neuf coups de fouet exécutée la même année;
K. considérant qu'elle a également été accusée de complicité dans le meurtre de son mari puis acquittée, avant d'être accusée d'adultère pendant son mariage et condamnée à la lapidation;
L. considérant que la lapidation qui devait avoir lieu le 9 juillet 2010 a été suspendue « pour des raisons humanitaires » par les autorités iraniennes, à la suite des pressions internationales;
M. considérant que la peine de lapidation constitue une violation flagrante des obligations internationales qui incombent à l'Iran en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; que l'Iran n'a accepté que récemment, lors de l'examen périodique universel le concernant au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, de respecter au moins les normes et les dispositions minimales du Pacte en matière de peine de mort tant que celle-ci sera maintenue;
N. considérant qu'Ebrahim Hammadi, âgé de dix-huit ans, a été condamné à la peine de mort au mois d'août à la suite d'allégations de sodomie, alors qu'il n'était âgé que de seize ans et après des aveux qu'il affirme avoir faits sous la torture;
O. considérant que l'avocat de la défense dans ces deux affaires, Mohammad Mostafaei, qui a tenté de sensibiliser l'opinion publique à leur situation, a dû fuir le pays de crainte d'être arrêté, et que les avocats spécialistes des droits de l'homme sont de plus en plus souvent confrontés à des persécutions étatiques allant de ponctions fiscales extraordinaires à des menaces contre leur vie et celle de leur famille, notamment à l'encontre de Mohammed Ali Dadkah, Mohammad Oliyifard et Mohammad Seifzadeh, et même de personnalités aussi éminentes que la lauréate du prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi;
P. considérant que Nasrin Sotoudeh, éminente avocate des droits de l'homme universellement respectée pour son action en faveur d'adolescents condamnés à la peine de mort et pour sa défense des prisonniers d'opinion, a été arrêtée le 4 septembre 2010 pour « propagande contre l'État » et pour « complicité et rassemblement en vue d'attenter à la sécurité nationale »;
Q. considérant qu'un an après les élections présidentielles frauduleuses et les manifestations de grande ampleur qu'elles ont provoquées, des centaines de manifestants, de journalistes et de défenseurs des droits civils, voire des citoyens qui affirment n'avoir aucun lien avec les manifestations, sont encore emprisonnés, à l'instar de la ressortissante néerlandaise Zahra Bahrami;
R. considérant que Zahra Bahrami, qui voyageait en Iran pour visiter sa famille, a été arrêtée à la suite des protestations de l'Achoura le 27 décembre 2009 et a été forcée à faire des aveux télévisés pour admettre les accusations portées contre elle;
S. considérant que ni les organisations internationales de défense des droits de l'homme, ni les autorités néerlandaises n'ont été autorisées à entrer en contact avec Mme Bahrami;
T. considérant que les aveux forcés, la torture et les mauvais traitements infligés aux prisonniers, la privation de sommeil, la détention au secret, la détention illicite, l'application de traitements cruels, inhumains et dégradants, les actes d'abus physiques, y compris la violence sexuelle, et l'impunité des agents de l'État demeurent répandus et suscitent un vif scepticisme en ce qui concerne l'équité et la transparence des procédures judiciaires dans le pays;
U. considérant l'augmentation du nombre d'affaires dans lesquelles des défenseurs pacifiques des droits civils sont accusés de « moharebeh » (inimitié envers Dieu), crime passible de la peine de mort, comme Shiva Nazar Ahari, membre du Comité des reporters des droits de l'homme, qui est emprisonnée depuis le 20 décembre 2009 et dont le procès devrait se tenir sous peu;
V. considérant que les persécutions des minorités religieuses et ethniques en Iran se poursuivent sans rien perdre de leur intensité; qu'au mois d'août 2010, les sept responsables de la minorité religieuse bahaïe, Fariba Kamalabadi, Jamaloddin Khanjani, Afif Naeimi, Saeid Rezaie, Mahvash Sabet, Behrouz Tavakkoli et Vahid Tizfahm, emprisonnés depuis 2008 en raison de leurs croyances religieuses, ont été condamnés à vingt ans de prison pour propagande contre l'État et espionnage;
W. considérant que les manoeuvres d'intimidation à l'égard des opposants politiques Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi et d'autres responsables de partis politiques continuent; que la résidence de Mehdi Karroubi, ancien candidat aux élections présidentielles, a été attaquée au début du mois de septembre par des dizaines de policiers en civil, ce qui s'est traduit par des graffitis, des actes de vandalisme, des fenêtres brisées et des tirs à l'intérieur de la maison de M. Karroubi; que ces attaques ont eu lieu après que Mohammad Ali Jafari, commandant en chef des gardes de la révolution, eut déclaré, en désignant les dirigeants de l'opposition, que le peuple d'Iran jugerait les « chefs de la sédition »; que la police n'a rien fait pour faire cesser ces attaques;
X. considérant que le pouvoir judiciaire iranien associe les personnes accusées de crimes à l'opposition politique en Iran, et les personnes appartenant à l'opposition politique aux crimes commis, de sorte qu'opposition politique et crime sont mis sur le même pied;
Demande au gouvernement:
1. de prier instamment les autorités iraniennes, par voie officielle et formelle au plus haut niveau, de revenir sur les condamnations qui ont été prononcées à l'encontre de Sakineh Mohammadi-Ashtiani et de rouvrir son procès dès le début;
2. d'insister avec force auprès du gouvernement iranien, par voie officielle et formelle au plus haut niveau, pour qu'il réexamine le cas de Mme Bahrami, l'autorise à bénéficier de l'aide d'un avocat et de l'assistance consulaire, la relaxe ou lui garantisse un procès équitable; de demander au ministre des Affaires étrangères d'évoquer la détention de Zahra Bahrami auprès des autorités iraniennes;
3. de condamner fermement et publiquement les condamnations à mort, les lapidations et les exécutions en Iran, en particulier l'exécution de délinquants juvéniles et de mineurs, en insistant auprès des autorités iraniennes sur le fait que la condamnation à mort par lapidation ne peut jamais être justifiée ou acceptée, quels que soient les faits commis;
4. d'exhorter les autorités iraniennes, par voie officielle et formelle, à enfin respecter les normes légales internationalement reconnues à l'égard des mineurs et, en particulier, à ne pas procéder à l'exécution d'Ebrahim Hammadi, âgé de dix-huit ans et accusé de sodomie; de rappeler au gouvernement iranien que les condamnations à mort de mineurs sont contraires aux obligations internationales auxquelles est tenue la République islamique d'Iran, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l'enfant qui interdisent formellement l'exécution de mineurs ou de personnes condamnées pour des crimes commis alors qu'elles étaient mineures;
5. d'insister auprès des autorités iraniennes, conjointement avec l'Union européenne, pour qu'elles n'appliquent pas les peines de mort prononcées à l'égard de tous les autres « délinquants » juvéniles;
6. de demander instamment aux membres du Majlis d'adopter rapidement la réforme du Code pénal iranien, dans le but notamment d'abolir la lapidation et les exécutions de délinquants mineurs, d'avancer sur la voie d'un moratoire sur la peine de mort et de mettre la législation iranienne en conformité avec les obligations internationales en matière de droits de l'homme;
7. d'appeler le gouvernement et le parlement iraniens à dépénaliser les relations homosexuelles en Iran;
8. de presser les autorités iraniennes d'éliminer, en droit et en fait, toute forme de torture et autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant, de faire respecter le droit à un procès équitable et de mettre un terme à l'impunité des personnes coupables de violation des droits de l'homme;
9. de prier la République islamique d'Iran de signer et de ratifier la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;
10. de prier les autorités iraniennes de permettre au Croissant-Rouge de voir tous les prisonniers sans exception, et de permettre aux organisations internationales de défense des droits de l'homme de suivre l'évolution de la situation dans le pays;
11. de demander instamment aux autorités iraniennes de libérer sans délai toutes les personnes emprisonnées au seul motif qu'elles ont manifesté pacifiquement et voulu exercer leur droit fondamental à la liberté d'expression et de renouveler notamment sa demande d'acquittement des sept responsables bahaïs;
12. d'insister auprès de la République islamique d'Iran en faveur de la libération immédiate de tous les avocats spécialistes des droits de l'homme qui sont détenus;
13. de faire part à la République islamique d'Iran de ses vives préoccupations quant à l'abus du pouvoir judiciaire dont font preuve les autorités iraniennes pour s'attaquer aux défenseurs des droits de l'homme et aux militants de la société civile, tels que les membres de la campagne « Un million de signatures » ou du Conseil central de l'organisation étudiante ADVAR;
14. de demander à la République islamique d'Iran de proposer des mesures supplémentaires dans le cadre de l'Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme pour protéger activement les défenseurs iraniens des droits de l'homme, et de soutenir concrètement le programme européen des villes refuges;
15. de faire en sorte qu'un nouveau rapporteur spécial des Nations unies reçoive mandat d'enquêter sur les abus des droits de l'homme en Iran et d'insister pour que les responsables des violations des droits de l'homme en Iran soient tenus de rendre compte de leurs actes;
16. d'insister, dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne, pour que la liste actuelle de personnes et d'organisations soumises à l'interdiction de se rendre dans l'Union européenne et au gel de leurs actifs soit étendue à tous les responsables des violations des droits de l'homme, de la répression et de la limitation de la liberté dans la République islamique d'Iran;
17. de suspendre les expulsions vers l'Iran de personnes qui risquent d'y être exécutées ou torturées ainsi que les expulsions de personnes homosexuelles, lesbiennes et bisexuelles;
18. d'inscrire l'exécution de mineurs et la lapidation en Iran à l'ordre du jour de l'Union européenne, étant donné que notre pays en assure actuellement la présidence;
19. de transmettre officiellement la présente résolution au Conseil de l'Europe, à la Commission européenne, au secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, au chef du pouvoir judiciaire en Iran ainsi qu'au gouvernement et au parlement de la République islamique d'Iran.
13 septembre 2010.
Nele LIJNEN. Rik DAEMS. Bart TOMMELEIN. |
(1) http://www.senate.be/www/?MIval=/dossier"&"LEG=4"&"NR=842"&"LANG=fr.
(2) http://www.senate.be/www/?MIval=/dossier"&"LEG=4"&"NR=1336"&"LANG=fr.