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2 SEPTEMBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 17 mars 2009 (doc. Sénat, nº 4-1232/1 - 2008/2009).
La sécurité routière est une des priorités politiques.
Le respect des prescriptions en matière de circulation routière doit être un élément important dans la lutte contre l'insécurité sur les routes. Au cours des cinq premiers mois de 2002, on a considérablement augmenté le nombre des contrôles sur les autoroutes. Pas moins de 158 596 procès-verbaux ont été dressés, soit près du double par rapport à la même période en 2001. Le nombre d'heures de contrôle en Flandre est passé de 2 058 à 5 586. En Wallonie, on a enregistré une augmentation de 4 507 à 5 702 heures. Or, en dépit des nombreux constats d'infractions, il n'est pas rare que le traitement de celles-ci pose problème. Nombre d'infractions sont classées sans suite, le traitement pénal dure beaucoup trop longtemps et le recouvrement des amendes ne se fait pas sans mal.
Bref, les parquets de police ne sont pas en mesure de donner aux infractions constatées la suite qui s'impose.
Le but n'est pas de constater le plus grand nombre d'infractions possibles, mais de provoquer un changement de comportement en augmentant le risque d'être pris et ce faisant, de prévenir des infractions. Un traitement déficient des infractions au code de la route peut susciter auprès de la population le sentiment qu'on n'attache pas beaucoup d'importance à la répression de ces infractions, ce qui, à son tour, a des répercussions sur la sécurité routière. Cela peut en outre avoir une incidence sur le respect des lois dans d'autres domaines. L'Institut belge pour la sécurité routière affirme, lui aussi, que le fait de ne pas donner suite aux infractions hypothèque l'efficacité.
Dans le système actuel, le traitement des contraventions dure trop longtemps et crée une série de problèmes. Le directeur de l'enregistrement et des domaines assure, au nom du procureur du Roi, le recouvrement des amendes, après que le greffier a remis au receveur de l'enregistrement compétent un extrait du jugement ou de l'arrêt exécutoire. Après avoir suivi une procédure donnée, le receveur peut passer à l'exécution forcée par huissier de justice, mais il le fait rarement. Dans la plupart des cas, le dossier est transmis au ministère public, qui peut requérir l'application de la peine d'emprisonnement subsidiaire. C'est là que le bât blesse. Le ministère public envoie effectivement une lettre de sommation, dans laquelle il constate que l'on peut passer à l'application de la peine d'emprisonnement subsidiaire, mais les choses en restent là car, en pratique, on n'applique pas la peine pour des raisons d'opportunité.
Le refus de payer entraîne donc de facto une forme d'impunité en raison des déficiences dans le recouvrement. De fait, la situation actuelle laisse à désirer, en particulier pour ce qui est de certaines infractions au Code de la route. Sans compter l'irritation que ces procédures inefficaces suscitent au sein des services judiciaires. Depuis 2001, l'on a recouru plus systématiquement à des huissiers en cas de non-paiement, mais cela reste insuffisant.
Les Pays-Bas ont été confrontés à des problèmes similaires. Des responsables politiques néerlandais ont cherché des solutions de remplacement du traitement pénal de certaines infractions. En 1983, ces efforts ont déjà donné lieu à la création de la commission Mulder, qui a déposé un rapport en 1985.
Sur la base de ce rapport, les Néerlandais ont adopté la « loi Mulder » (wet-Mulder — Wet administratiefrechtelijke Afhandeling Verkeersvoorschriften), laquelle a retiré du domaine pénal une série relativement importante d'infractions au code de la route pour qu'elles soient traitées de manière administrative. Cette procédure accélère considérablement le traitement d'une affaire, évitant ainsi les procédures pénales lourdes et les nombreuses possibilités de les tourner pour échapper à l'amende. La loi Mulder prévoit un large éventail de possibilités de recouvrement, telles que la saisie sur compte bancaire, sur les biens, etc. Le juge de canton peut même (sur requête du procureur) requérir la mise hors service du véhicule ou retirer le permis de conduire. Ces mesures coercitives ne remplacent toutefois pas la sanction (par exemple la peine d'emprisonnement subsidiaire en Belgique), elles sont uniquement un moyen de contraindre le contrevenant à payer. L'amende peut toujours être majorée de manière forfaitaire si elle n'est pas payée dans certains délais. Un service spécial a été créé pour le recouvrement de ces amendes administratives: le Centraal Justitieel Incasso Bureau (CJIB); ce service dépend du ministère public.
Les prescriptions relatives à la circulation routière visées ont donc été retirées du domaine pénal, pour autant qu'il n'y ait pas eu de blessés ou de dégâts aux véhicules, et transférées au domaine administratif. En principe, le ministère public est donc habilité, lorsque le contrevenant ne paie pas, à recouvrer l'amende par des moyens de coercition administratifs et sans intervention judiciaire.
Des études scientifiques ont révélé qu'aux Pays-Bas, depuis l'introduction de la loi Mulder, les gens sont davantage disposés à payer les amendes, ce qui permet de conclure que le système fonctionne effectivement. Il s'avère même que la plupart des amendes sont déjà recouvrées lors de la décision initiale. Parmi les conséquences positives importantes du système, il faut relever qu'il a renforcé la crédibilité de l'autorité, du fait que le public a une meilleure image des institutions. Par ailleurs, d'après des enquêtes, la méthode « dure » instaurée par la loi Mulder ne pose pas de problèmes au gens. Les Pays-Bas envisagent même d'étendre le système à des infractions plus lourdes. En Belgique aussi, il y a déjà eu des initiatives parlementaires dans ce sens, mais, pour toutes sortes de raisons, celles-ci n'ont jamais abouti (voir notamment les doc. Chambre nos 49-462, 1995-1996 et 49-561, 1995-1996). La question est revenue sur le tapis. Il y a ainsi les résolutions adoptées dans le cadre du débat sur la mobilité au Sénat avec une recommandation sur ce thème spécifique (printemps 2001). Le gouverneur du Brabant flamand, M. Lode De Witte, a également plaidé, en 2000, pour l'instauration du système néerlandais.
Pour être efficace, le traitement des infractions doit au moins satisfaire à certaines conditions. Premièrement, la répression doit intervenir rapidement; deuxièmement, elle doit être certaine et, troisièmement, la peine doit être adaptée à la situation concrète. Il nous faut donc toujours garder ces aspects à l'esprit si nous voulons donner un élan nouveau au recouvrement des amendes.
La procédure actuelle ne satisfait pas aux critères susvisés. De plus, force est de constater que la charge de travail de la police et de la justice augmente constamment pour ce qui est des infractions au Code de la route. Cette situation a des conséquences néfastes. On consacrera ainsi moins d'attention aux affaires importantes, parce que les services doivent s'occuper de dossiers relativement simples, qui, à cause de leur nombre, mobilisent trop de moyens. Une autre conséquence est que le rythme de traitement diminuera du fait de cette grande masse, alors qu'il s'agit d'un domaine où une réaction rapide s'impose.
Un certain nombre d'infractions fréquentes doivent être retirées de la législation sur la circulation routière en vigueur pour qu'elles puissent être réprimées par le biais d'une procédure administrative. Cependant, aucune de ces infractions ne doit avoir causé des lésions corporelles ou des dégâts matériels; sinon le système existant reste en vigueur (on ne touche pas à la constitution de partie civile, par exemple). Certains policiers sont compétents, en premier lieu, pour imposer une sanction, le parquet exerçant, il est vrai, une certaine forme de contrôle. Dans ce type de procédure administrative, il faut toujours veiller à protéger les droits de la défense et c'est pourquoi la possibilité de recours (d'abord auprès du procureur du Roi et ensuite éventuellement avec des restrictions auprès du juge de police) et de cassation est prévue. Pour ne pas créer de structure sans substance, des moyens de coercition sont mis en place en cas de non-paiement ou de paiement tardif (par exemple, des majorations forfaitaires et, dans certains cas, une immobilisation administrative du véhicule).
Article 2
Cet article définit une série de notions.
Article 3
Le Roi détermine les infractions, énumérées dans les lois mentionnées à l'article 2, qui sont passibles d'amendes administratives. La proposition mentionne trois textes de base relatifs à la législation routière. La latitude politique qui est créée en l'espèce pour les pouvoirs publics permet de viser une grande partie des infractions routières.
Un tel règlement n'est possible que si on ne déplore aucun dommage matériel ni/ou physique. Cette règle est dictée par le fait que la victime ne peut voir limiter son droit de se constituer partie civile.
Le paragraphe 3 prévoit l'impossibilité pour le ministère public d'appliquer encore la procédure ordinaire à une infraction si celle-ci est passible d'une amende administrative de roulage. Autrement dit, une procédure exclut l'autre. Toutefois, en cas de concours d'infractions entrant en ligne de compte pour un règlement administratif avec d'autres infractions auxquelles s'applique toujours la procédure pénale actuelle, il faudra suivre la procédure pénale.
Le Roi fixe le montant des amendes administratives de roulage, en se tenant à la réglementation routière en vigueur. Il fixe le montant en tenant compte des montants minimum et maximum de l'amende pénale qui sanctionne l'infraction en question, majorée chaque fois des décimes additionnels. En cas de récidive, le montant de l'amende administrative de roulage est doublé.
Article 4
Les agents qualifiés sont ceux définis dans les lois visées à l'article 2 et chargés de faire respecter ces textes de loi. Pour les infractions entrant en ligne de compte pour un règlement administratif, ils peuvent, en plus du procès-verbal constatant l'infraction, dresser une injonction de payer.
Afin d'assurer malgré tout une certaine sécurité juridique, la loi indique les mentions qui doivent figurer dans l'injonction. L'intéressé, en effet, a le droit d'être correctement et complètement informé sur la procédure et les faits justifiant l'injonction de payer. Pour lui donner l'opportunité de se défendre correctement, il est prévu de reproduire, dans l'injonction de payer, deux articles de la présente loi concernant les possibilités de recours offertes à l'intéressé, d'une part devant le procureur du Roi et, d'autre part, devant le tribunal de police. Comme ces mentions visent à protéger l'intéressé, il est précisé qu'elles sont prescrites à peine de nullité.
L'injonction de payer sera transmise, autant que faire se peut, immédiatement après l'infraction. C'est possible, étant donné que les personnes qui dressent le procès-verbal sont aussi celles qui établissent l'injonction de payer. L'avantage d'une telle transmission immédiate est le gain de temps. Dans l'autre cas, l'injonction de payer sera envoyée et la notification sera réputée avoir eu lieu dans les trois jours de l'envoi.
L'injonction de payer est communiquée au procureur du Roi (étant donné qu'il jouit d'un pouvoir de décision en vertu de l'article 5) et au bureau d'encaissement (de manière que celui-ci puisse suivre l'évolution de la procédure et se tenir informé de l'application de l'amende administrative de roulage en vue de sa perception ultérieure).
Un délai de prescription d'un an a été prévu pour l'amende administrative de roulage. Comme dans le cas de l'action publique, ce délai est interrompu par les actes d'instruction ou de poursuite.
Article 5
Le procureur du Roi exerce un contrôle sur les amendes administratives de roulage. Il peut décider de rapporter l'injonction de payer ou de modifier le montant de l'amende. Pareil contrôle nous semble nécessaire, par exemple lorsqu'une amende est infligée de manière injustifiée ou que sa qualification est incorrecte. Le procureur peut donc prendre une telle décision d'office. Il ne doit pas attendre que l'intéressé ait accompli des démarches pour contester l'amende.
Il n'empêche que le contrevenant peut demander le retrait ou une adaptation de l'amende. Dans ce cas, il doit s'adresser par écrit au procureur du Roi dans le mois de la notification de l'injonction de payer. Le procureur dispose alors à son tour d'un délai d'un mois, à compter de la réception de la requête, pour communiquer sa réponse. S'il omet de répondre dans le délai imparti, la requête est censée être rejetée.
Il importe de souligner que l'on ne peut adresser un recours au procureur que si l'on a payé la totalité de l'amende administrative que l'on conteste. Il faut donc payer avant de pouvoir introduire un recours. On a prévu cela pour lutter contre les recours abusifs qui auraient pour but de faire traîner une affaire sans motif sérieux.
Article 6
Le contrevenant peut toujours s'adresser au tribunal de police si sa requête a été rejetée en tout ou en partie par le procureur du Roi (tel est donc également le cas lorsque le procureur ne répond pas dans le délai légal imparti). Le recours que le contrevenant adresse au procureur doit donc être considéré comme une condition de recevabilité en vue de l'ouverture d'une procédure devant le juge de police.
Le contrevenant doit introduire son recours devant le tribunal de police dans le mois de la notification de la décision du procureur du Roi ou, si ce dernier n'a pas donné de réponse, dans le mois de l'expiration du délai dans lequel le procureur aurait dû statuer.
Vu l'obligation pour le greffier de transmettre une copie au procureur du Roi, celui-ci est immédiatement informé des recours introduits contre ses décisions.
Article 7
Le juge de police peut décider de confirmer la décision du procureur du Roi, de l'annuler ou de modifier le montant de l'amende. En d'autres termes, il peut apprécier la légalité et la proportionnalité de l'amende administrative. Le juge de police ne peut toutefois pas se substituer à l'administration et il ne peut pas porter de jugement sur l'opportunité de l'amende administrative. Dans le cas contraire, il enfreindrait le principe de la séparation des pouvoirs. Cette disposition s'inspire de l'article 119bis, § 12, alinéa 2, de la nouvelle loi communale, insérée par la loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes.
Afin d'éviter les batailles de procédure qui ne visent qu'à paralyser l'administration de la justice, un seul recours peut être opposé à la décision du juge de police, à savoir le pourvoi en cassation. En effet, il y a déjà eu une décision en première instance (prise par le procureur du Roi) et en deuxième instance (prise par le juge de police).
Article 8
L'injonction est irrévocable lorsque le contrevenant ne peut plus opposer de recours. Tel est le cas lorsque les délais pour adresser une requête au procureur du Roi ou saisir le tribunal de police ont expiré ou lorsque la décision du juge de police a acquis force de chose jugée. Dès qu'il n'existe plus de possibilité de contestation, le contrevenant doit payer dans un délai d'un mois.
Afin d'inciter le contrevenant à payer l'amende administrative dans les délais, on prévoit des majorations automatiques du montant de l'amende en cas de non-paiement dans le délai imparti. Les taux de majoration sont basés sur ceux prévus par la législation néerlandaise.
Étant donné les nombreux commentaires relatifs au financement de la nouvelle police intégrée et, surtout, les répercussions de la création de cette nouvelle police sur les finances communales, il est prévu de ristourner une partie du produit de ces amendes administratives aux zones de police, qui sont en phase de démarrage. Par ailleurs, une ristourne partielle pourrait également inciter les services de police à renforcer le contrôle de la circulation routière. Il va de soi que ces moyens financiers supplémentaires ne pourront être utilisés que pour contribuer à assurer le fonctionnement de la police et qu'ils ne pourront pas servir à d'autres fins.
Article 9
La perception de l'amende administrative est confiée à un bureau de recouvrement (voir également l'article 14). Comme ce n'est pas l'administration fiscale qui sera chargée de la perception, en raison des divers problèmes pratiques qu'elle connaît actuellement, on ne pourra pas avoir recours aux lois sur la comptabilité de l'État. Toutefois, on prévoit un exécutoire, dès que l'amende administrative est devenue irrévocable. La seule manière de s'opposer à cet exécutoire est de se constituer partie civile, de manière que ce soit finalement le pouvoir judiciaire qui statue sur la validité de l'exécutoire.
Article 10
Cet article prévoit un moyen de pression supplémentaire si l'intéressé persiste à ne pas payer l'amende administrative. Le bureau de recouvrement peut décider l'immobilisation temporaire, après autorisation du tribunal de police. L'immobilisation temporaire ne peut porter que sur le véhicule avec lequel l'infraction a été commise si l'intéressé est propriétaire du véhicule en question ou si ce véhicule n'est à sa disposition que pour une durée égale à celle de l'immobilisation. Les modalités de cette autorisation spéciale seront précisées par le Roi.
Article 11
Cet article fixe les règles qui sont applicables lorsque l'intéressé n'a pas de domicile en Belgique. Sauf s'il paie immédiatement l'amende administrative, l'intéressé devra consigner une somme égale au montant de cette amende. Cette règle s'inspire des dispositions de la loi relative à la police de la circulation routière concernant l'extinction de l'action publique moyennant le paiement d'une somme.
Article 12
Cet article fixe un régime de responsabilité de l'amende administrative pour les personnes qui sont responsables en vertu de l'article 1384 du Code civil (les parents, les maîtres, les commettants, etc.).
Article 13
Étant donné que l'on crée une possibilité de recours devant le tribunal de police concernant l'application de l'amende administrative, il est nécessaire de modifier les règles prévues par le Code judiciaire en matière de compétence.
Article 14
À l'heure actuelle, l'amende est recouvrée par l'administration de la Taxe sur la valeur ajoutée, de l'Enregistrement et des Domaines. Comme ce système laisse à désirer, on a choisi de créer un bureau de recouvrement comme aux Pays-Bas. Le terme néerlandais « incassobureau » n'a pas été retenu en raison de sa connotation plutôt négative. Il est prévu de créer un bureau unique de recouvrement (inningskantoor) établi à Bruxelles, avec tous les avantages offerts par la centralisation et sans les inconvénients qu'entraînerait le choix d'un système décentralisé. Ce système centralisé a déjà fait ses preuves aux Pays-Bas.
Le bureau de recouvrement est dirigé par le receveur de l'amende administrative de roulage. Le receveur et les membres de son personnel ont le statut de fonctionnaires publics. Le but est explicitement que ce service ne soit pas donné en concession. Le receveur recouvrera l'amende administrative sous le contrôle judiciaire du procureur du Roi de Bruxelles, où sont situés aussi les locaux du bureau de recouvrement. Sur le plan pécuniaire, le receveur, en sa qualité de comptable de l'État, rendra des comptes à la Cour des comptes. Les modalités relatives au bureau de recouvrement, au receveur et à son personnel sont fixées par le Roi.
L'article 14, § 3, institue une responsabilité du receveur et s'inspire de l'article 132 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851. Cette disposition peut être considérée comme une précaution pour le cas peu probable où le receveur enfreindrait sciemment les dispositions de la présente loi.
Article 15
Afin de pouvoir se faire une idée exacte de l'application de la loi proposée et de l'amende administrative instaurée, il est souhaitable que la réglementation fasse l'objet d'une évaluation annuelle par le biais de l'inventaire de certaines données. Afin de donner au Parlement la possibilité d'exercer son droit de contrôle, il est prévu qu'un rapport lui sera transmis chaque année.
Martine TAELMAN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
TITRE Ier
Définitions
Art. 2
Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par:
1º « l'intéressé »: la personne qui a commis l'infraction routière ou, si cette personne n'est pas identifiée dans le procès-verbal, la personne physique ou morale titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule avec lequel l'infraction a été commise;
2º « domicile »: le domicile au sens du Code judiciaire;
3º « date de constatation »: la date à laquelle les agents verbalisateurs ont constaté l'infraction de visu ou à l'aide d'appareils autorisés par la loi, ou la date à laquelle l'infraction a été constatée par des appareils autorisés par la loi ou, s'il a été procédé à des analyses ou expertises, la date à laquelle le résultat de celles-ci a été porté à la connaissance des agents verbalisateurs;
4º « infraction routière »: l'infraction telle que définie dans l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière, dans l'arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière ou dans la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs;
5º « agents qualifiés »: les personnes chargées, en vertu de l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière, de l'arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière ou de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, de constater les infractions commises;
6º « bureau de recouvrement »: le bureau de recouvrement des amendes administratives de roulage visé à l'article 14.
TITRE II
Champ d'application
Art. 3
Les agents qualifiés peuvent infliger aux intéressés une amende administrative de roulage en cas d'infraction routière commise au préjudice des lois et arrêtés énumérés à l'article 2, 5º, de la présente loi.
Le Roi désigne les dispositions des lois et arrêtés visés à l'article 2, 4º, qui, en cas d'infraction, entraînent une amende administrative de roulage.
Toutefois, une amende administrative de roulage ne peut être infligée si l'infraction a occasionné des dégâts matériels et/ou corporels.
Aucune poursuite pénale ne pourra être engagée pour des infractions qui peuvent donner lieu, en vertu de la présente loi, à une amende administrative de roulage. La procédure de perception de l'amende administrative de roulage prévue par la présente loi ne peut pas être appliquée en cas de concours avec une ou plusieurs infractions routières qui ne sont pas désignées par le Roi conformément à l'alinéa 2.
Le Roi fixe, pour chaque infraction, le montant de l'amende administrative. Ce montant ne peut être supérieur au montant maximum de l'amende prévu, pour la même infraction, par la loi et les arrêtés visés à l'article 2, majoré des décimes additionnels. Il ne peut être inférieur au montant minimum de l'amende prévu pour l'infraction en question par cette loi et ces arrêtés, majoré des décimes additionnels.
Si une nouvelle infraction visée à l'alinéa 2 est constatée dans l'année qui suit la date du procès-verbal, les montants visés à l'alinéa précédent sont doublés.
TITRE III
Procédure de perception de l'amende administrative de roulage
Art. 4
§ 1er. Les agents qualifiés peuvent dresser, en même temps que le procès-verbal de constatation de l'infraction, une injonction de payer une amende administrative de roulage, s'ils constatent une infraction aux dispositions visées à l'article 3, alinéa 2.
§ 2. À peine de nullité, l'injonction de payer une amende administrative de roulage mentionne au moins:
— la date;
— l'identité de l'intéressé;
— les faits imputés et les dispositions légales qui ont été enfreintes;
— la date de constatation;
— le montant de l'amende administrative de roulage et les modalités de son paiement;
— la date limite pour le paiement de l'amende administrative de roulage, ainsi que les majorations qui seront appliquées en cas de retard de paiement;
— le texte des articles 5 et 6;
— l'identité de l'agent qualifié qui a constaté l'infraction.
L'injonction de payer une amende administrative de roulage est signée par l'agent qualifié.
§ 3. L'injonction de payer une amende administrative de roulage est, si possible, remise à l'intéressé immédiatement après la constatation de l'infraction. À défaut, l'injonction de payer est envoyée à l'intéressé. Dans ce cas, la notification est censée avoir eu lieu le troisième jour ouvrable qui suit celui de l'envoi.
§ 4. Un exemplaire de l'injonction de payer une amende administrative de roulage est transmis au procureur du Roi, en même temps que le procès-verbal constatant l'infraction.
§ 5. L'amende administrative de roulage est prescrite un an après la date de la constatation. Les actes d'instruction ou de poursuite effectués dans ce délai en interrompent le cours. Ces actes font courir un nouveau délai d'une durée égale, même à l'égard des personnes qu'ils ne concernaient pas.
Art. 5
Le procureur du Roi peut, soit d'office, soit à la requête du contrevenant, décider de rapporter l'injonction de payer une amende administrative de roulage ou d'en modifier le montant. Cette décision est motivée et communiquée par lettre à l'intéressé. La notification est censée avoir eu lieu le troisième jour qui suit celui de l'envoi.
L'intéressé peut demander par écrit le retrait de l'injonction de payer une amende administrative de roulage ou la réduction de son montant. Il doit adresser sa demande au procureur du Roi dans le mois de la notification de l'injonction de payer. Le procureur du Roi communique sa réponse à l'intéressé, conformément aux dispositions de l'alinéa 1er, dans le mois qui suit l'introduction de la requête. Si l'intéressé n'a pas reçu de réponse dans ce délai, la requête est censée avoir été rejetée. La demande n'est recevable qu'après que l'intéressé a payé le montant complet de l'amende administrative visée à l'article 3.
Art. 6
Si le procureur du Roi rejette tout ou partie de la requête de l'intéressé, celui-ci peut introduire, par la voie d'une requête, un recours contre l'injonction de payer une amende administrative de roulage auprès du tribunal de police du ressort dans lequel l'infraction a été commise.
Ce recours doit être introduit, à peine de forclusion, dans le mois de la notification de la décision du procureur du Roi ou, si celui-ci reste en défaut de statuer, dans les deux mois de l'expiration du délai dans lequel il aurait dû statuer.
Le greffier envoie une copie de la requête au ministère public.
Art. 7
Le greffier convoque l'intéressé et le ministère public afin qu'ils exposent leur point de vue en audience publique, le jour fixé par le juge.
Si le juge a déclaré la requête irrecevable, il peut décider de maintenir ou d'annuler l'amende administrative de roulage ou d'en modifier le montant. Le juge apprécie la légalité et la proportionnalité de l'amende administrative de roulage infligée au contrevenant.
Le jugement définitif n'est susceptible d'aucune voie de recours, sauf pourvoi en cassation.
Art. 8
§ 1er. Le contrevenant est tenu de payer l'amende administrative de roulage au plus tard un mois après que celle-ci est devenue irrévocable du fait de l'expiration du délai dans lequel il pouvait adresser une requête au procureur du Roi ou introduire un recours auprès du tribunal de police, ou du fait que la décision du tribunal de police a acquis force de chose jugée.
§ 2. Si l'intéressé n'a pas payé la totalité de l'amende administrative de roulage dans le délai fixé au § 1er, le montant de l'amende est majoré de 25 %.
Le montant ainsi majoré doit être acquitté dans les quatre semaines de la sommation de payer notifiée par l'administration compétente.
§ 3. Si l'intéressé se trouvant dans la situation visée au § 2 n'a pas payé la totalité de l'amende administrative de roulage ainsi majorée, dans le délai fixé au même paragraphe, le montant de l'amende est majoré de 50 %.
§ 4. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le pourcentage du produit des amendes administratives de roulage qui sera utilisé pour soutenir l'action des corps de police locaux.
Art. 9
§ 1er. Si l'intéressé reste en défaut de payer l'amende dans le délai visé à l'article 8, § 1er, l'injonction de payer une amende administrative de roulage ou la décision du tribunal de police passée en force de chose jugée est exécutoire de plein droit et transmise au bureau de recouvrement en vue du recouvrement de l'amende administrative.
Le receveur constate que l'amende administrative de roulage n'a pas été payée dans le délai imparti. Il ordonne l'envoi de l'exécutoire à un huissier de justice. Il est procédé à l'exécution de la même manière que pour un jugement en matière civile.
§ 2. L'exécutoire est établi selon le modèle fixé par le Roi au moyen d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. L'exécutoire est signifié à l'intéressé de la même manière qu'un jugement en matière pénale.
§ 3. L'intéressé ne peut s'opposer à l'exécutoire qu'en portant plainte, conformément à l'article 63 du Code d'instruction criminelle, contre le receveur pour infraction à l'article 14, § 3, de la présente loi. Cette plainte doit être déposée dans le mois de la signification de l'exécutoire.
Le juge pénal qui condamne le receveur ordonne l'annulation de l'exécutoire.
En cas de condamnation, l'État est tenu de dédommager complètement la partie civile. En cas de dol, le receveur est également condamné à dédommager la partie civile; il est tenu solidairement avec l'État à ce dédommagement.
Art. 10
Si, après sommation, l'intéressé persiste à ne pas payer l'intégralité de l'amende administrative de roulage, le bureau de recouvrement peut demander au tribunal de police du domicile ou de la résidence fixe de l'intéressé une autorisation d'immobiliser le véhicule avec lequel l'infraction a été commise, pour autant que le véhicule soit la propriété de l'intéressé ou qu'il soit à sa disposition exclusive pour un terme au moins égal à la durée de l'immobilisation. La mesure d'immobilisation doit être levée au plus tard le jour où le bureau de recouvrement a connaissance du paiement de l'intégralité de l'amende par l'intéressé. Le Roi définit les modalités de cette habilitation.
Les articles 53 et 54 des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, sont applicables.
Art. 11
§ 1er. Si l'intéressé n'a pas de domicile ou de résidence fixe en Belgique et ne paie pas immédiatement l'amende administrative de roulage, il est tenu de consigner entre les mains des personnes compétentes une somme égale au montant de cette amende. Les modalités de la consignation de la somme sont fixées par le Roi.
Le véhicule conduit par l'intéressé est retenu, aux frais et risques de celui-ci, jusqu'à remise de cette somme et justification du paiement des frais éventuels de conservation du véhicule ou, à défaut, pendant nonante-six heures à compter de la constatation de l'infraction. À l'expiration de ce délai, le ministère public peut ordonner la saisie du véhicule.
Un avis de saisie est envoyé au propriétaire du véhicule dans les deux jours ouvrables.
Le véhicule est conservé aux frais et risques de l'intéressé pendant la durée de la saisie.
La saisie est levée après justification du paiement de la somme à consigner et des frais éventuels de conservation du véhicule.
§ 2. Si l'amende administrative de roulage est devenue irrévocable, la somme consignée est imputée sur le montant de l'amende. L'excédent éventuel est restitué à l'intéressé.
Si l'amende administrative de roulage n'a pas été payée dans les quarante jours de la date à laquelle l'injonction est devenue irrévocable, le véhicule peut être vendu par le bureau de recouvrement. Le produit de la vente est imputé sur le montant de l'amende et sur les frais éventuels de conservation du véhicule. L'excédent éventuel est restitué à l'intéressé.
§ 3. Si l'injonction de payer une amende administrative de roulage est rapportée par le procureur du Roi ou annulée par le juge de police, la somme assignée et le véhicule saisi sont restitués. Les frais éventuels de conservation du véhicule sont à charge de l'État.
Art. 12
Il incombe à ceux qui sont civilement tenus des dommages et des frais en vertu de l'article 1384 du Code civil de payer l'amende administrative de roulage.
Art. 13
L'article 601ter du Code judiciaire, inséré par la loi du 13 mai 1999, est complété par le 4º rédigé comme suit:
« 4º du recours contre la décision d'infliger une amende administrative de roulage pour des infractions définies dans la loi du ... relative au règlement administratif de certaines infractions à la législation sur la circulation routière. »
TITRE IV
Le bureau de recouvrement de l'amende administrative de roulage
Art. 14
§ 1er. Il est créé un bureau de recouvrement de l'amende administrative de roulage, établi à Bruxelles.
Le bureau de recouvrement est dirigé par le receveur de l'amende administrative de roulage, qui se trouve sous le contrôle du procureur du Roi de Bruxelles.
Le Roi fixe les modalités relatives au paiement et au recouvrement de l'amende administrative de roulage.
§ 2. Le receveur de l'amende administrative de roulage et son personnel ont le statut de fonctionnaire public.
Le Roi fixe le cadre du personnel et les règles de fonctionnement du bureau de recouvrement.
§ 3. Le receveur est tenu, dans l'exercice de sa fonction, de se conformer aux dispositions de la présente loi, sous peine d'une amende de 1,5 euro à 25 euros.
TITRE V
Évaluation de la loi
Art. 15
Les ministres ayant la Justice et les Communications dans leurs attributions établissent chaque année un rapport d'évaluation dont les lignes de force sont communiquées au Parlement.
Ce rapport contient les données suivantes:
1º le nombre d'injonctions de payer une amende administrative de roulage;
2º le nombre de demandes visant à faire rapporter l'injonction de payer ou à en réduire le montant;
3º le nombre de décisions de retrait de l'injonction de payer ou de réduction du montant de l'amende.
En aucun cas le rapport d'évaluation annuel ne peut contenir de données permettant l'identification des intéressés.
TITRE VI
Dispositions finales
Art. 16
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par le Roi et elle s'applique aux infractions à la législation relative à la circulation routière qui ont été commises après son entrée en vigueur.
20 juillet 2010.
Martine TAELMAN. |