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29 AVRIL 2010
Notre médecine générale est actuellement en pleine mutation. En effet, la profession vieillit. Selon les chiffres issus du récent cadastre des médecins généralistes réalisé par le Service public fédéral Santé publique, un tiers des médecins généralistes considérés comme actifs a plus de 55 ans, et plus de la moitié a plus de 50 ans.
De façon plus générale, la nouvelle génération de médecins — tant les hommes que les femmes — a une vision et une approche de sa profession différente de la génération précédente. La nouvelle génération souhaite notamment assurer une meilleure conciliation entre vie de famille et vie professionnelle.
Il faut également souligner que la profession se féminise. Si cette évolution est positive en termes d'égalité entre les hommes et les femmes qui accèdent ainsi davantage à ce métier, cela n'est cependant pas sans impact sur la pratique médicale.
Or, en raison notamment du vieillissement de notre population, les besoins médicaux ne feront que croître à l'avenir. Ces évolutions sociologiques ne permettront pas de rencontrer tous ces besoins.
Un autre constat doit être également posé. L'exercice de la médecine générale étant soumis à des conditions de travail assez difficiles (charges administratives lourdes, gardes, ...), ce métier souffre d'une perte d'attractivité. De moins en moins d'étudiants en médecine se tournent vers cette spécialité.
Le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE), en collaboration avec cinq équipes de recherche (UCL, UA, ULg, UGent, KULeuven), avait déjà étudié en 2007 les causes de cette diminution d'attractivité. Le rapport soulignait notamment le fait que moins d'un tiers des étudiants en 7e année de médecine choisissent de se spécialiser en médecine générale et que près de 20 % des médecins généralistes diplômés n'exercent jamais ce métier.
Les groupes MR de la Chambre et du Sénat avaient organisé, le 13 juin 2008, une après-midi de réflexion pour donner la parole aux médecins généralistes sur la pénurie et l'attractivité de la profession en zones rurales et urbaines.
Toutes ces évolutions ont un impact sur l'organisation des gardes de médecine générale qui deviennent, dans certaines régions, difficiles à assurer. La pénurie de médecins qui se dessine dans certaines zones rend la situation plus complexe encore.
La première ligne de soins nécessite l'adoption de mesures pour assurer sa continuité. Ainsi, cette réflexion doit porter non seulement sur l'attractivité de la médecine générale de façon générale mais encore sur le problème bien précis de l'organisation des gardes de médecine générale.
Une résolution en ce sens a été déposée par l'auteur le 13 février 2009 (doc. Sénat, nº 4-1181/1). Des mesures sont ainsi avancées à court ainsi qu'à moyen terme pour améliorer l'attractivité de la médecine générale. Des solutions sont également proposées pour assurer l'avenir des gardes médicales.
Ainsi, l'auteur demande notamment la réalisation d'un cadastre complet de l'activité des professions de santé, une meilleure régulation des appels ainsi que des mesures renforçant la sécurité des prestataires de soins. Par ailleurs, la résolution avance plusieurs mesures spécifiques en faveur des médecins généralistes situés dans des zones à faible densité médicale. Enfin, une réflexion doit être entreprise dans le cadre des études de médecine en vue de valoriser l'image de la médecine générale pour recréer l'enthousiasme et susciter les vocations pour cette profession.
L'auteur a également déposé, le 7 décembre 2009, une proposition de loi visant à intégrer, dans chaque équipe de centre d'appels 112, un médecin généraliste « référent » ainsi qu'un médecin urgentiste « référent », qui ne seraient pas présents physiquement dans le centre de dispatching mais joignables par téléphone comme cela se fait dans d'autres pays (doc. Sénat, nº 4-1530/1).
Le gouvernement a également adopté plusieurs mesures en la matière.
Ainsi, plusieurs mesures incitatives ont été prises. Le fonds Impulseo 1 accorde des primes et des prêts sans intérêts aux médecins qui s'installent dans des zones considérées comme à faible densité. Un Impulseo 2 a également été prévu. Cette mesure vise à octroyer une aide financière aux médecins qui travaillent en réseaux et qui engagent une aide administrative. Un Impulseo 3 est en préparation visant l'aide aux praticiens en solo.
En ce qui concerne la garde, le gouvernement a procédé à un refinancement des postes de garde avancés pour diminuer les visites à domicile lors des gardes. Un projet-pilote « 1733 » de dispatching central actuellement en cours à Bruges et dans le Hainaut vise à enregistrer l'activité de médecine générale durant les périodes de garde et doit, à terme, analyser s'il est faisable de mettre en place un dispatching de la médecine générale durant la garde.
Si ces mesures constituent un premier pas assurément positif en faveur de la médecine générale, elles ne sont pas suffisantes. D'autres mesures doivent être prises. Elles doivent notamment porter sur l'organisation de la garde médicale. Tel est l'objectif de la présente proposition de loi.
Notre législation pose actuellement plusieurs règles ayant trait à l'organisation des services de garde.
L'article 9 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé prévoit que:
« § 1er. Les organisations professionnelles représentatives des praticiens visés aux articles 2, § 1er, 3, 4, 21bis et 21noviesdecies ou des groupements constitués à cet effet peuvent instituer des services de garde garantissant à la population la dispensation régulière et normale des soins de santé tant en milieu hospitalier qu'à domicile. Aucun des praticiens visés (aux articles 2, § 1er, 3, 4, 21bis et 21noviesdecies) et satisfaisant aux conditions exigées ne peut être exclu de ces services de garde, à condition que l'intéressé souscrive au règlement d'ordre intérieur et qu'il observe les règles déontologiques. Lorsqu'un service de garde a été institué pour les officines ouvertes au public, toutes les officines ouvertes au public reprises sur le rôle de garde doivent y participer conformément aux modalités déterminées par le Roi.
Les organisations ou les groupements visés à l'alinéa 1er du présent paragraphe communiquent à la commission médicale compétente le rôle de garde établi par leurs soins ainsi que toutes modifications qui y seraient apportées et un règlement d'ordre intérieur.
Le Roi peut confier les missions fixées par Lui, relatives à l'organisation locale et à la représentation des professionnels concernés et relatives à la collaboration avec d'autres professionnels des soins de santé, aux organisations ou groupements visés à l'alinéa 1er, à condition qu'ils soient agréés à cette fin. Les conditions et la procédure d'obtention de l'agrément sont fixées par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. ».
Ainsi, les services de garde doivent garantir à la population la dispensation régulière et normale des soins de santé tant en milieu hospitalier qu'à domicile.
On notera que cette disposition ne prévoit pas que le patient peut également se rendre au cabinet du médecin. Cette possibilité existe cependant. Cette disposition ne prévoit que les deux extrêmes: les soins au domicile et l'hospitalisation.
Or, l'introduction, dans l'arrêté royal nº 78, de la possibilité de prodiguer des soins au cabinet médical permettrait de tenir compte de cette réalité.
Par ailleurs, il découle implicitement de cet article 9 une obligation pour le médecin de se rendre au domicile du patient.
Cette obligation implicite est renforcée par l'article 422bis du Code pénal qui vise l'infraction de « non-assistance à personne en danger. », lequel prévoit que:
« Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à (un an) et d'une amende de cinquante à cinq cents francs ou d'une de ces peines seulement, celui qui s'abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. Le délit requiert que l'abstenant pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. Lorsqu'il n'a pas constaté personnellement le péril auquel se trouvait exposée la personne à assister, l'abstenant ne pourra être puni lorsque les circonstances dans lesquelles il a été invité à intervenir pouvaient lui faire croire au manque de sérieux de l'appel ou à l'existence de risques. La peine prévue à l'alinéa 1er est portée à deux ans lorsque la personne exposée à un péril grave est mineure d'âge. ».
Cette infraction est susceptible de s'appliquer à tout individu. Elle vise donc également le médecin de garde.
Dans le cadre des évolutions sociologiques qui se dessinent au sein de la médecine générale et qui ne sont pas sans impact sur l'avenir des gardes médicales, il convient de mener une réflexion pour faciliter les conditions de travail du médecin généraliste de garde.
Or, les déplacements au domicile des patients lors des gardes peuvent engendrer des pertes de temps et d'efficacité surtout quand le déplacement est long et d'autant plus que le patient aurait pu se rendre au cabinet médical du médecin.
Il nous paraît donc nécessaire de moduler la nécessité de déplacement du médecin généraliste de garde pour rencontrer uniquement les cas où la visite à domicile est réellement opportune.
La visite à domicile doit se justifier médicalement. Or, dans certains cas, les médecins sont obligés de se déplacer au domicile suite à des demandes inspirées par la seule facilité du patient qui refuse de se rendre au cabinet du médecin.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons introduire, dans le chef du médecin de garde, un pouvoir d'appréciation quant au bien-fondé de son déplacement. En donnant ce pouvoir d'appréciation au médecin, on lui permet d'écarter les demandes manifestement abusives.
Par ailleurs, la proposition de loi introduit explicitement dans l'arrêté royal nº 78 la possibilité qui existe déjà actuellement pour le patient de se rendre au cabinet du médecin.
On aurait pu penser à une solution qui est avancée par certains, à savoir l'instauration d'un système de triage des appels reçus par un préposé pour retirer au médecin la responsabilité qu'il encourt actuellement quand il refuse de se déplacer quand on l'appelle. L'objectif recherché ici serait d'exonérer le médecin de garde de sa responsabilité civile et pénale si un intermédiaire entre le patient et lui-même intervient pour trier les appels à sa place de sorte que la responsabilité du médecin ne puisse être engagée dès lors qu'il n'a pas connaissance de la situation du patient.
Cette solution ne semble pas acceptable. En effet, si l'auteur du texte est favorable à un système de tri des appels reçus pendant les gardes, le report de la responsabilité du médecin sur celle d'un préposé qui ne dispose pas de la même formation médicale n'est pas souhaitable.
Ainsi, sans remettre en cause la responsabilité pénale qui peut être encourue par tout individu dans le cadre de l'infraction pénale de non-assistance à personne en danger, nous donnons ici un pouvoir d'appréciation au médecin appelé à se déplacer pour qu'il ait la possibilité d'écarter les demandes manifestement abusives.
Cette mesure devrait contribuer à faciliter les conditions de travail du médecin de garde et permettre d'assurer l'avenir de nos gardes médicales.
Dominique TILMANS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À la fin de l'article 9, § 1er, première phrase, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, modifié en dernier lieu par la loi du 24 juillet 2008, les mots « ou au cabinet médical à l'appréciation du médecin concerné. » sont ajoutés après les mots « à domicile ».
25 février 2010.
Dominique TILMANS. |