4-1752/1

4-1752/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

22 AVRIL 2010


Proposition de résolution visant à préserver l'indépendance des pharmaciens

(Déposée par M. Louis Ide et Mme Helga Stevens)


DÉVELOPPEMENTS


Le 7 mai 2009, l'auteur de la présente proposition de résolution a déposé au Sénat une résolution sur le rôle du pharmacien dans le secteur des soins de santé en Belgique (doc. Sénat, nº 4-1321/1 - 2008/2009). Il déclare avoir toujours défendu l'idée que le rôle du pharmacien se situe au « niveau zéro » du système des soins de santé. C'est en effet le pharmacien qui aide le patient lorsque celui-ci est confronté à des problèmes de santé mineurs, qui lui donne des conseils gratuitement, qui l'envoie au besoin consulter le médecin généraliste (première ligne) ou qui le persuade de le faire s'il n'a pas conscience de sa maladie.

Cette reconnaissance du pharmacien en tant que professionnel de la santé à part entière est en contraste flagrant avec l'image du pharmacien en tant que « vendeur » de médicaments. La vision qui consiste à reconnaître le pharmacien comme un travailleur de la santé a aussi comme corollaire le principe que la place du pharmacien est dans une pharmacie. Étant donné qu'un nombre sans cesse croissant de pharmacies sont rachetées par certaines chaînes, les pharmaciens sont de plus en plus nombreux à exercer leur profession dans les liens d'un contrat de travail. Ce n'est pas un fait nouveau. Des pharmaciens attachés à une mutualité et employés par celle-ci, il y en a déjà depuis hélas fort longtemps. C'est ainsi que les mutualités se posent à la fois comme juge (contrôleur des soins de santé) et partie (organisateur des soins de santé, par exemple par le biais de la pharmacie) dans le secteur des soins de santé.

Les professionnels de la santé doivent pouvoir travailler de manière indépendante, et la question qui se pose en l'espèce est de savoir dans quelle mesure ils sont à même de le faire lorsqu'ils exercent leur activité professionnelle dans les liens d'un contrat de travail. L'auteur de la présente proposition de résolution estime dès lors préférable que les professionnels de la santé restent des titulaires de professions libérales et qu'ils exercent donc leur métier sous le statut d'indépendant. C'est la meilleure garantie d'indépendance (du point de vue médical et scientifique). Si notre système de soins de santé parvient à se hisser à la onzième place dans l' Euro Health Consumer Index, c'est grâce aux travailleurs de la santé et en dépit du système. S'il n'y a pas de listes d'attente en Belgique, c'est dû en grande partie aux prestataires de soins indépendants (médecins) qui ne ménagent pas leurs efforts pour répondre au mieux aux besoins du patient.

On a beau considérer, par principe, que la profession libérale est le statut idéal pour le secteur de la santé, force est de constater qu'à l'heure actuelle, nombre de pharmaciens travaillent déjà dans les liens d'un contrat de travail. Comment réagir à cette évolution ? Comment garantir l'indépendance de ces prestataires de soins ?

Des pharmaciens, il n'y en a pas que dans les officines publiques; il y en a aussi dans des laboratoires privés. Ils travaillent comme pharmaciens-biologistes et possèdent un contrat de travail (en fait, ils ont souvent un statut de pseudo-indépendant). Ces biologistes doivent écouter les actionnaires de ces laboratoires et leur rendre des comptes. En ce sens, la proposition formulée par les groupes professionnels, qui prévoyait de créer dans ce type de laboratoires un conseil des biologistes cliniques par analogie avec les conseils médicaux existant dans les hôpitaux, constituait donc un pas en avant. C'était assurément une première initiative dans le bon sens pour renforcer l'indépendance des professionnels de la santé. Malheureusement, pour d'obscures raisons, cette proposition fut rayée du projet de loi de Mme Onkelinx. Ce fut une occasion manquée.

Au vu de la situation actuelle, l'auteur a le sentiment qu'il serait particulièrement intéressant de mettre en place des conseils indépendants pour des titulaires d'autorisation qui chapeautent un très grand nombre de pharmacies. Ces conseils seraient créés sur le modèle des conseils médicaux qui existent dans les hôpitaux et auraient pour vocation de garantir l'indépendance des pharmaciens. Qu'il s'agisse de laboratoires, de pharmacies de mutualités ou de la société Lloyd's Pharma, ces conseils indépendants seraient spécifiquement chargés de la supervision des aspects médico-scientifiques. Ils auraient pour mission d'étayer par des éléments de médecine factuelle les choix qui sont faits. Les conseils permettraient de garantir que les motivations économiques des titulaires d'autorisation ne soient pas les seules à peser dans certaines décisions stratégiques et que les motivations des pharmaciens-titulaires soient également prises en compte. Ils protégeraient aussi des confrères vis-à-vis des actionnaires et des titulaires d'autorisation (au sens large du terme), les décisions du conseil étant prises de manière plus collégiale. Il faut espérer que les pratiques purement mercantiles appartiendront alors définitivement au passé.

Est-ce à dire que les pharmaciens et, plus largement, les professionnels de la santé, qui exercent leur métier dans les liens d'un contrat de travail sont dans l'incapacité de travailler de manière indépendante ? La réponse est non. Ils peuvent bel et bien travailler de manière indépendante, mais un « conseil » pourrait peut-être jouer un rôle préventif et, dans certains cas, curatif, dans un secteur pharmaceutique en perpétuelle évolution. L'auteur de la présente proposition de résolution admet que sa proposition est loin d'être parfaite et qu'elle nécessite quelques améliorations. Il dit néanmoins espérer qu'elle préludera à la création d'instruments permettant de garantir l'indépendance des prestataires de soins, qui devraient de préférence continuer à exercer leur activité en tant que titulaires de professions libérales.

Louis IDE.
Helga STEVENS.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Reconnaissant que le pharmacien est un travailleur de la santé à part entière;

B. Estimant que l'État doit promouvoir l'indépendance du pharmacien et ce, pour des considérations liées à la santé du citoyen;

C. Considérant que le statut de profession libérale offre les meilleures garanties d'indépendance (du point de vue médical et scientifique) pour le professionnel de la santé et donc aussi pour le pharmacien;

D. Constatant que nombre de pharmaciens exercent déjà leur profession dans les liens d'un contrat de travail;

E. Estimant qu'en cette matière, il y a lieu de s'inspirer de l'exemple des conseils médicaux créés dans les hôpitaux;

Demande au gouvernement de créer, par analogie avec les conseils médicaux institués dans les hôpitaux, des conseils indépendants pour les titulaires d'autorisation qui chapeautent plusieurs pharmacies et ce, afin de garantir l'indépendance des prestataires de soins concernés, à savoir en l'espèce les pharmaciens employés sous contrat de travail.

26 février 2010.

Louis IDE.
Helga STEVENS.