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M. le président. - M. Bernard Clerfayt, secrétaire d'État à la Modernisation du Service public fédéral Finances, à la Fiscalité environnementale et à la Lutte contre la fraude fiscale, répondra.
Mme Christiane Vienne (PS). - En octobre 2009, j'ai attiré l'attention sur la commercialisation par Dexia, à l'intention des communes belges, de produits structurés de dettes pouvant se révéler toxiques. À l'époque, le ministre m'a répondu que les prêts accordés par Dexia aux pouvoirs locaux n'avaient aucun lien avec des produits toxiques.
La presse a relayé la semaine dernière que des communes belges ont investi dans de tels produits sans en mesurer les risques. Il s'agit de produits complexes avec une variabilité de taux pouvant dépasser les 10%. Fort heureusement, la commune de Schaerbeek, par exemple, a réussi à négocier l'échange de ces produits structurés de dettes avec des produits plus classiques. Mais toutes les communes n'ont pas les moyens d'engager un avocat ni même du personnel spécialisé dans la finance internationale pour repérer le risque réel et rectifier la situation avant que celle-ci ne dégénère.
Pour remédier à ce manque d'expertise et rendre la négociation entre les établissements bancaires et les collectivités locales plus transparente, le médiateur français pour les emprunts toxiques des collectivités territoriales, M. Eric Gissler, a mis au point une grille de lecture permettant d'évaluer aisément la toxicité d'un produit structuré de dettes. Pour que cet outil soit efficace, les établissements bancaires doivent accepter de présenter leurs produits structurés de dettes selon la classification de ce tableau.
Bien entendu, pour Dexia, les produits structurés de dettes ne mettent nullement les communes belges en danger puisqu'ils ne représenteraient que 23% de l'encours total des communes belges. Ce pourcentage me semble pourtant assez important.
Mon inquiétude grandit à l'idée que nos communes puissent, dans les mois à venir, éprouver des difficultés financières.
Le ministre maintient-il sa position d'il y a quelques mois ou considère-t-il aujourd'hui qu'il y a matière à s'interroger ? Dispose-t-il d'informations supplémentaires par rapport à octobre 2009 ?
Le ministre connaît-il la grille Gissler ? Les établissements bancaires actifs en Belgique vont-ils être encouragés à utiliser une grille similaire ?
Une enquête va-t-elle être menée ?
M. Bernard Clerfayt, secrétaire d'État à la Modernisation du Service public fédéral Finances, à la Fiscalité environnementale et à la Lutte contre la fraude fiscale. - Je vous lis la réponse du ministre Reynders.
Vous revenez, à la suite de l'émission « Questions à la Une », sur le problème de la vente en Belgique de produits structurés de dettes par les banques, notamment par Dexia Banque Belgique.
Par rapport aux éléments de réponse que le secrétaire d'État à la Modernisation du Service public fédéral Finances, à la Fiscalité environnementale et à la Lutte contre la fraude fiscale, vous a apportés le 15 octobre 2009, je tiens à vous communiquer les informations suivantes.
À l'automne 2009, la Commission bancaire, financière et des assurances - CBFA - a examiné certains prêts, dits « structurés », octroyés par Dexia Banque Belgique aux pouvoirs locaux belges. Il ressort que de tels prêts devraient normalement permettre aux pouvoirs locaux de mieux gérer leur risque de taux d'intérêt en tenant compte des évolutions sur les marchés financiers et d'obtenir une charge de financement inférieure à celle d'un crédit classique. À la connaissance de la CBFA, il ne s'agit pas, en l'occurrence, de prêts pour lesquels le taux d'intérêt ne peut qu'augmenter ou de produits liés à l'évolution des devises. Ce sont des prêts structurés répondant à des réalisations, en termes d'intérêt, qui dépendent de diverses hypothèses dont il faut connaître la probabilité d'occurrence pour pouvoir examiner l'ensemble des effets de ce produit. C'est en cela qu'ils sont structurés et, par conséquent, complexes tant à comprendre qu'à analyser.
Il a été fait état de certains problèmes dans une émission de télévision mais, selon les informations publiques, il n'y a aucun litige à l'heure actuelle entre Dexia et une quelconque commune belge. Une seule commune a, en fonction de sa situation et de son appréciation personnelle des risques et de la nature des produits, demandé un règlement à l'amiable à la Banque Dexia. Il appartient à chacune des communes, en fonction de sa situation de risque, de se forger une appréciation.
L'octroi de ce type de crédits nécessite que la banque informe le preneur de crédit de manière circonstanciée quant aux caractéristiques du prêt, qu'elle s'assure que le preneur de crédit comprenne les conséquences et les risques y afférents et qu'elle tienne compte de la surface financière du preneur de crédit dans sa décision d'octroi et de fixation des conditions du prêt. C'est donc chaque fois un cas d'espèce.
Par ailleurs, le Groupe Dexia a publié, sur son site web, dix principes qu'elle applique dans cette activité et qui trouvent leur inspiration dans les bonnes pratiques telles que reprises dans la charte Gissler.
Un deuxième niveau de contrôle est évidemment celui de la structure même de décision au sein de la Banque Dexia dans laquelle un certain nombre de pouvoirs locaux sont représentés au Conseil d'administration. Je veux croire que ces administrateurs assurent une vigilance sur les pratiques et les politiques de la banque en matière de crédit par rapport aux besoins de leurs actionnaires que sont les pouvoirs locaux. Je pense plus particulièrement aux 589 communes de Belgique qui, à travers le holding communal, sont pour une bonne part actionnaires de Dexia.
Enfin, l'activité d'octroi de prêts par les banques fait partie des activités de contrôle prudentiel de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), notamment au regard de la gestion des risques et de la qualité des crédits en question. La CBFA m'a proposé, dans le cas où ses travaux d'inspection permettraient de dégager des conclusions de portée générale, de m'en faire part dans le cadre de l'action régulatoire des autorités publiques, mais cela n'a pas encore été le cas.
Mme Christiane Vienne (PS). - Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, on ne peut comprendre les impacts des prêts structurés qu'en analysant différentes hypothèses. Dans les débats que nous avons eus en commission de suivi, nous avons été frappés de constater que ceux qui vendaient des produits toxiques - les produits structurés n'étant pas toujours des produits toxiques mais pouvant le devenir - ne savaient pas ce qu'ils contenaient et ceux qui les achetaient encore moins. Il était dès lors extrêmement difficile de se faire une idée.
Vous parliez de la CBFA. Selon moi, celle-ci a également un rôle à jouer, à savoir faire en sorte que les produits mis sur le marché soient lisibles pour le citoyen ou pour les communes qui les achètent.
Il n'y a pas que la transparence. En commission, j'ai demandé ce que l'on avait fait des produits structurés au niveau du capital de Fortis. On m'a expliqué que l'on avait diminué d'autant le bilan ; une partie avait été vendue. C'est surprenant. On peut se demander qui achète ce type de produits, qui les intègre dans son bilan. On devrait d'ailleurs pouvoir suivre le parcours des produits. Ce type de produit, comportant une part aléatoire, figure dans les actifs des communes. Je comprends parfaitement ce que vous avez dit : on ne peut avoir de certitude quant à l'impact. Je pense néanmoins que des gestionnaires de biens publics tels que les communes devraient avoir à coeur - cela devrait également être le cas de Dexia - de ne vendre que des produits stables, de faire en sorte de réduire au maximum la part aléatoire dans les budgets et les actifs des communes.
M. Bernard Clerfayt, secrétaire d'État à la Modernisation du Service public fédéral Finances, à la Fiscalité environnementale et à la Lutte contre la fraude fiscale. - Si je peux me permettre une petite analogie, il en va des emprunts structurés comme des médicaments : un médicament, administré de la même façon à deux patients présentant les mêmes symptômes, peut se révéler toxique pour l'un et bénéfique pour l'autre. Il ne s'agit pas de l'interdiction d'un produit, mais de la relation entre le prescripteur du produit et le patient.
Comme vous, j'ai vu l'émission en question. On y montrait qu'une grande ville du sud de ce pays semble vouloir conserver ces produits, alors que son bourgmestre est un ancien ministre des Finances - on peut donc difficilement croire qu'il comprend mal les enjeux financiers qui se cachent derrière ces produits. D'autres communes peuvent avoir une appréciation différente. Preuve s'il en faut que le même médicament ne doit pas être administré de la même manière à deux patients différents.
Mme Christiane Vienne (PS). - La comparaison est judicieuse. Les médicaments sont composés d'un certain nombre d'éléments chimiques dont l'impact est impossible à mesurer avec précision. Donc, le mieux, c'est de s'en passer, à condition d'être en bonne santé.