4-117

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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 25 MARS 2010 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Questions orales

Question orale de Mme Caroline Désir au secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales sur «l'octroi de la protection subsidiaire aux Afghans dans notre pays» (nº 4-1171)

Mme Caroline Désir (PS). - Depuis douze jours, trente-cinq Afghans sont en grève de la faim à Ixelles. Sans encourager cette action, nous sommes néanmoins sensibles à la situation de ces personnes qui craignent un renvoi vers un pays où la situation reste extrêmement difficile.

Depuis la directive européenne 2004/83/CE, les personnes qui ne sont pas en mesure de prouver une persécution personnelle peuvent légitimement espérer bénéficier de la protection subsidiaire. Celle-ci doit être accordée aux victimes civiles de la violence aveugle du conflit armé en cours dans leur pays.

Les chiffres disponibles dans les pays de l'Union européenne laissent cependant penser que la protection subsidiaire est interprétée de façon assez inégale. Il est pourtant indéniable que l'Afghanistan connaît un conflit armé meurtrier, même si certaines zones sont plus dangereuses que d'autres. Le gouvernement vient d'ailleurs de confirmer la présence militaire belge jusqu'en 2011.

Avant d'octroyer le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, le CGRA vérifie si le demandeur d'asile fait des déclarations crédibles quant à son identité, son origine, sa nationalité ou les faits rapportés. Ces précautions sont bien sûr compréhensibles, de même que la nécessité d'un entretien individuel avec le candidat. Nous craignons toutefois que la procédure et les interrogatoires ne pénalisent parfois injustement les demandeurs. D'après nos informations, certains Afghans sont interrogés sur les noms des candidats aux dernières élections dans leur pays, le nom d'une montagne ou celui d'une rue. En Belgique, beaucoup de citoyens auraient du mal à répondre à ce genre de questions. Certains Afghans parlent d'ailleurs un dialecte que l'interprète désigné ne comprend pas.

Le secrétaire d'État peut-il nous dire combien de personnes ont bénéficié de ce statut de protection subsidiaire depuis son introduction dans notre législation, et, parmi elles, combien sont originaires d'Afghanistan ? Peut-il nous indiquer le nombre d'Afghans en centre fermé dans notre pays ainsi que le nombre de rapatriements forcés vers l'Afghanistan ?

Le secrétaire d'État est-il encore en contact avec les grévistes de la faim ?

M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - Je rappellerai d'abord qu'en vue de garantir la qualité et l'indépendance du traitement des demandes d'asile, le législateur a confié cette compétence à une instance indépendante, le CGRA. Ce dernier est également chargé d'examiner les demandes de protection subsidiaire.

Chaque demandeur d'asile peut compter sur un examen individuel approfondi de sa requête, dans le cadre de laquelle il peut exposer ses motifs au cours de son audition par le CGRA. En cas de rejet de la demande, l'intéressé peut introduire un recours en plein contentieux, suspensif, devant le Conseil du contentieux des étrangers. Toute décision de rejet d'une demande d'asile est donc susceptible d'un contrôle juridictionnel auprès d'une instance indépendante.

Le CGRA procède également à un examen individuel de chaque demande d'asile selon les critères définis dans la loi sur les étrangers en matière de protection subsidiaire. La crédibilité des déclarations du demandeur est vérifiée quant à son identité, son origine, sa nationalité, son profil et les faits invoqués. Le CGRA s'appuie sur une évaluation approfondie et constamment actualisée de la situation dans le pays d'origine, en l'occurrence l'Afghanistan.

Le déroulement des auditions décrit par la sénatrice ne semble pas correspondre à la réalité : l'audition par le CGRA ne se réduit pas à quelques questions sur des points de détail qui serviraient ensuite à motiver une décision négative.

Une éventuelle décision négative du CGRA peut être annulée par cette juridiction indépendante qu'est le Conseil du contentieux des étrangers.

Depuis le 1er juin 2007 jusqu'au 28 février 2010, la protection subsidiaire a été accordée à 1105 personnes (enfants mineurs accompagnés non compris), à savoir 186 en 2007, 394 en 2008, 418 en 2009 et 107 en 2010.

Entre le 1er juin 2007 et le 28 février 2010, la protection subsidiaire a été accordée à 206 Afghans, à savoir 14 en 2007, 79 en 2008, 93 en 2009 et 20 en 2010.

En février 2010, on comptait 34 Afghans répartis dans les cinq centres fermés.

Un rapatriement a eu lieu en 2010 et neuf dans le courant de l'année 2009.

L'administration reste en contact avec les grévistes de la faim même si, comme je l'ai dit la semaine dernière, nous ne pouvons pas accepter cette manière d'agir. C'est d'ailleurs aussi la position que vous adoptez dans votre question.

Mme Caroline Désir (PS). - Je remercie le secrétaire d'État de sa réponse et des chiffres qu'il nous a communiqués.

La situation reste néanmoins problématique, non seulement pour les 34 personnes qui se trouvent actuellement dans les centres fermés mais aussi pour celles qui sont déboutées de leur demande de protection subsidiaire et se retrouvent dès lors sur notre territoire sans titre ni obligation de retour. Elles sont dans un no man's land juridique.

Un retour forcé en 2010 a abouti à l'exécution en Afghanistan de la personne qui en faisait l'objet. A-t-on vérifié l'authenticité de ce fait ?

J'insiste sur la situation dramatique ou d'insécurité juridique de ces personnes sur notre territoire.