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9 FÉVRIER 2010
Étant donné que la Belgique assumera la présidence de l'Union européenne au cours du second semestre de 2010, il a été décidé d'organiser des auditions des membres du gouvernement au sujet de leurs priorités respectives.
Les commissions ont procédé à l'audition de Mme Annemie Turtelboom, ministre de l'Intérieur, M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de Migration et d'Asile, à la Politique des Familles et aux Institutions culturelles fédérales, et M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice, lors de leur réunion commune du 9 février 2010.
I. Exposé de Mme Annemie Turtelboom, ministre de l'Intérieur
Avant d'aborder le programme de la présidence belge, la ministre de l'Intérieur souhaite brosser une brève esquisse du contexte dans lequel il s'inscrit, car des évolutions considérables ont été constatées ces dernières années, en particulier en ce qui concerne son département. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des nouveautés importantes sur les plans politique et juridique.
Citons tout d'abord l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui crée des opportunités et des synergies nouvelles à concrétiser en collaboration avec la Commission européenne et le Parlement européen. La Commission européenne qui entrera en fonction sous peu compte dans ses rangs un membre qui sera spécialement chargé des Affaires étrangères. Au sein de la Commission précédente, les compétences de la Justice, des Affaires étrangères et de l'Immigration étaient confiées à un seul commissaire. Un nouveau plan pluriannuel sera également mis en œuvre, à savoir le Programme de Stockholm, adopté lors du Conseil européen de décembre dernier, qui fixera le cadre de travail et les priorités de l'Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires étrangères.
Comme souligné précédemment, ce nouvel environnement est porteur d'opportunités et de possibilités nouvelles pour une présidence, mais il suppose également un changement de mentalité de la part des fonctionnaires de l'administration qui assume la présidence, tant sur la forme que sur le fond.
En ce qui concerna la forme, le temps est révolu où le Conseil déterminait à lui seul l'agenda européen en matière de sécurité. Le rôle accru de la Commission et du Parlement nous amène, dans le cadre de la présidence du Conseil, à l'élaboration d'un programme plus intégré, plus équilibré. C'est une très bonne chose.
Il est donc déterminant pour nous de connaître au plus vite les intentions de la nouvelle Commission. Inutile de travailler seuls dans notre coin à peaufiner un programme qui ne pourrait s'intégrer aux priorités de la Commission. Des contacts avec le Parlement européen sont également un préalable nécessaire. Un mot d'ordre s'impose: la concertation.
Sur le fond, une série d'objectifs ont d'ores et déjà été fixés par le Programme de Stockholm, et notamment l'élaboration d'une stratégie commune de sécurité intérieure. Ce concept a déjà fait couler beaucoup d'encre mais reste à définir. Il ne semble en tout cas pas susciter un égal enthousiasme parmi les États membres, la Commission et le Parlement. Reste donc à organiser le débat et à élaborer le concept.
La ministre souligne donc que les points qu'elle va évoquer comme susceptibles de figurer parmi nos priorités devront encore être approfondis au gré des consultations qui auront lieu avec la Commission et le Parlement.
La sécurité a toujours été une priorité européenne essentielle, tant pour les institutions européennes que pour les États membres et les citoyens. Aux yeux des citoyens européens, la sécurité et la lutte contre le terrorisme constituent d'ailleurs l'un des domaines dans lesquels l'action européenne offre une plus-value par rapport aux mesures purement nationales.
Les attentes sont donc élevées et les défis importants si l'on veut renforcer la crédibilité de l'action de l'Union européenne auprès des citoyens. Les péripéties qui ont entouré la ratification du Traité de Lisbonne montrent que l'intérêt varie peut-être, mais que le défi est aujourd'hui immense.
C'est pourquoi la double question qui a guidé jusqu'à présent notre réflexion sur la présidence est la suivante: comment pouvons-nous convaincre le citoyen que seule l'action européenne permet d'apporter une réponse pertinente dans cette problématique importante et comment lui démontrer qu'elle améliore son quotidien de manière perceptible ?
Quand l'intervenante parle de « citoyens », elle utilise le terme à la fois dans son sens le plus large et dans l'acception plus restreinte d''hommes du terrain », comme les policiers et les pompiers.
Elle a donc demandé que le programme se base sur deux points essentiels: une approche large de la notion de sécurité et une attention accrue portée à la prévention des phénomènes criminels et autres qui mettent en péril la sécurité du citoyen.
Penchons-nous tout d'abord sur le premier point, à savoir une approche plus large de la notion de sécurité.
Nous ne pouvons pas nous limiter à la lutte contre les grands phénomènes criminels tels que la criminalité organisée ou le terrorisme. Au contraire, nous devons étendre notre champ d'action à d'autres phénomènes, parmi lesquels la lutte contre la petite criminalité comme le cambriolage, le vol de propriété et la petite délinquance, ou à d'autres domaines pertinents en matière de sécurité comme la protection contre les incendies, les inondations ou les explosions.
Par exemple, la lutte contre les bandes itinérantes concerne une forme de criminalité qui est transfrontalière par définition et qui touche bon nombre d'États membres. Le citoyen est le premier à faire les frais de cette criminalité qui se traduit par de nombreux vols et cambriolages d'habitations. Mais les divergences de perception du phénomène entre les divers États membres nuisent à la bonne coordination de l'approche à adopter.
En l'occurrence, il s'agit clairement de nouveaux domaines de coopération qui devront encore être soumis au test de subsidiarité, mais il semble primordial de lancer ce processus de coopération, par exemple en intensifiant les contacts — y compris informels — entre les administrations européennes compétentes en la matière. Celles-ci doivent optimiser leur coopération, notamment grâce à l'échange de bonnes pratiques, d'expériences et des leçons tirées.
Il va de soi que l'élargissement susmentionné du champ d'action ne peut se faire au détriment de la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme. La lutte contre le terrorisme reste une priorité de l'agenda européen et donc de la présidence belge. Les événements de décembre dernier sur le vol Schiphol-Detroit l'ont démontré une fois de plus. Nous devons nous adapter en permanence aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes, toujours plus sophistiquées, des criminels. Heureusement, la coopération est sur les bons rails dans ce domaine. Le coordinateur de la lutte contre le terrorisme de l'Union européenne, Gilles de Kerckhove, suit de très près l'évolution du phénomène et évalue la menace terroriste de manière très nuancée. En novembre, il a d'ailleurs proposé dix grandes priorités en vue de renforcer la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme, parmi lesquelles la prévention et la lutte contre la radicalisation.
La traite des êtres humains compte également au nombre des priorités. En octobre, l'Union européenne organise la semaine de la lutte contre la traite des êtres humains. La ministre a également participé à une conférence à ce sujet l'année dernière et elle entend poursuivre le travail de la présidence suédoise en matière de coopération des services de police, en collaboration avec la Commission européennne et la Justice. Une conférence sera organisée durant la semaine en question.
En matière de lutte contre la traite des êtres humains, notre pays joue d'ailleurs un rôle remarquable de pionnier et il dispose d'un bagage de connaissances particulièrement fourni concernant le contexte européen. Un de nos défis consiste à valoriser ces connaissances au niveau européen.
La ministre aborde enfin la question de la gestion des catastrophes naturelles. Nous devons nous baser sur les leçons que nous avons tirées de nos actions en Haïti, où notre petit pays a été à pied d'œuvre avec l'équipe B Fast, une équipe de la Santé publique, dont l'organisation logistique a été assurée par la Défense, et une vaste équipe de l'Intérieur, constituée de pompiers et de membres de la Protection civile, pour venir en aide, avec notre équipe USAR (Urban Search and Rescue Team), aux personnes coincées sous les décombres. Notre pays fut le troisième arrivé sur place, malgré le délai de transport considérable pour atteindre Haïti. C'est aussi la raison pour laquelle notre équipe a connu une telle réussite.
Toutefois, nous devons réagir beaucoup plus dans un cadre européen. Ce qui peut être réalisé par la Belgique doit également pouvoir l'être par l'Union européenne. Nous devons assumer nos responsabilités dans le monde. Il est important que l'Union européenne adopte une approche descendante plutôt que de lancer des initiatives non coordonnées. Quoi qu'il en soit, nous pourrons mettre à profit le bilan que l'Union européenne dressera du mécanisme européen de protection civile.
Le deuxième point concerne une prévention accrue.
La ministre a dû constater que cet aspect pourtant essentiel était le parent pauvre de la coopération européenne, tant en matière de terrorisme que de petite et grande criminalité. En effet, l'Union s'est dotée de nombreux instruments et textes législatifs à l'attention des services de police ou du monde judiciaire, que ce soit pour améliorer leur collaboration ou pour leur permettre l'accès à des bases de données. Par contre, on n'enregistre que très peu d'activités dans le domaine de la prévention de ces phénomènes criminels.
Voici quelques exemples de projets que la ministre compte réaliser, pendant la présidence, dans le domaine de la prévention.
Premièrement, la prévention du radicalisme pour laquelle elle préconise une approche du community policing. L'intention est d'élaborer un manuel pour les policiers de terrain afin de les préparer à détecter les signes avant-coureurs de radicalisme. Une formation ad hoc sera organisée.
De plus, il faut mettre en œuvre une approche sociale. Le plan d'action européen de lutte contre le radicalisme et le recrutement incite les États membres à développer une prévention de type plus social et d'y associer les acteurs non policiers de la prévention. Il s'agit véritablement d'une priorité européenne que je souhaite concrétiser.
Deuxièmement, la prévention des cambriolages. Ils font certainement partie des faits qui touchent le plus nos concitoyens. Lors de la conférence du réseau européen de prévention de la criminalité, la ministre souhaite que soit adoptée une stratégie qui regroupe les différentes pratiques en matière de technoprévention — détermination de mesures et précautions pour protéger les habitations. Dans ce cadre aussi, le phénomène de bandes itinérantes évoqué tout à l'heure pourra être traité, mais cette fois sous l'angle préventif.
Troisièmement, la prévention contre le vol de documents d'identité. Pendant la présidence, l'objectif sera de mettre en place un cadre de référence européen. Le « check doc », qui a pour but de rendre inutilisable un document d'identité perdu ou volé, pourra servir de base de réflexion. Nous pourrons ainsi tenter d'apporter une solution à la fraude à l'identité.
Le dernier point concerne la transposition des directives.
Le respect des délais pour la transposition des directives européennes ainsi que l'application correcte du droit communautaire font partie des priorités du SPF Intérieur. Notre plan d'action a pour but de trouver le bon équilibre entre, d'une part, une transposition rapide dans les délais prescrits et, d'autre part, la transposition la plus correcte possible.
Dans le domaine qui relève de sa compétence, la ministre est parfaitement en ordre pour les tableaux de bord de mai et novembre 2010.
Le nombre de dossiers d'infraction pour mauvaise application a lui aussi fortement diminué: un seul dossier subsiste, qui concerne la planification d'urgence en cas d'accident au sein des entreprises de type Seveso. Ce dossier devrait heureusement être classé avant le début de la présidence belge de l'Union européenne.
À la suite de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, des directives européennes pourront à l'avenir être adoptées dans les domaines de la coopération policière et de la protection civile. Les services de la ministre sont prêts à répondre à ces nouvelles exigences.
Échange de vues
M. Philippe Mahoux (PS, Sénat) formule une question qui touche à la fois le département de la Justice et celui de l'Intérieur. Tous les programmes européens parlent de coopération policière et judiciaire. On ne peut que souhaiter une efficacité accrue à l'encontre des organisations criminelles et terroristes.
Cependant, sur le plan européen, l'orateur regrette que l'amélioration de la collaboration policière et judiciaire n'aille pas de pair avec une amélioration conjointe sur le plan législatif, en matière de protection de la vie privée. En Belgique, nous recherchons un équilibre entre ces deux éléments. Ce n'est pas le cas sur le plan européen. Les choses évolueront sans doute avec le Traité de Lisbonne.
À plusieurs reprises, alors que l'intervenant les interrogeait sur l'un ou l'autre sujet, les ministres belges successifs de la Justice et de l'Intérieur ne pouvaient répondre à ses questions parce que les sujets relevaient désormais de la compétence européenne. Cependant, les compétences européennes n'étaient pas définies à cet égard. Que faire alors, puisque nous sommes dans l'incapacité d'interpeller qui que ce soit ?
L'orateur tient à attirer l'attention de la ministre sur le fait que l'on ne peut pas demander de progresser sur le plan de la coopération européenne sans garanties législatives et démocratiques.
En ce qui concerne le radicalisme, l'intervenant souligne que cette notion revêt, même en Belgique, un sens un peu particulier. Le radicalisme des opinions n'est tout de même pas un délit. En outre, en France, le radicalisme n'a pas du tout la même signification. Le radicalisme existe depuis très longtemps et se caractérise justement par sa modération, par une démarche que l'on peut illustrer par « Je ne suis ni pour ni contre, que du contraire ». L'intervenant préconise donc le choix d'un autre terme, car la ministre risque d'être mal comprise.
Mme Clotilde Nyssens (cdH, Chambre), note qu'en ce qui concerne la prévention, sujet ô combien important, la ministre a évoqué le community policing, les bandes, les vols. L'oratrice ne peut s'empêcher de faire un parallèle entre ces propos et les discussions que l'on connaît dans les conseils de police, par exemple à Bruxelles.
En Belgique, la prévention, par le biais de certains contrats de quartier, est financée entre autres par ce que l'on appelle les fonds des sommets européens. L'intervenante souhaiterait vivement que la ministre insiste pour l'Europe, dont les institutions sont partiellement situées à Bruxelles, continue à financer la prévention et la sécurité. Les fonds des sommets européens, initialement prévus pour assurer les réunions du Conseil européen à Bruxelles, servent aussi, depuis longtemps, à financer des programmes de prévention. Cet apport est-il assuré à l'avenir ?
À juste titre, la ministre rappelle quelques domaines où la Belgique a toujours joué un rôle de pionnier, par exemple la lutte contre la traite des êtres humains. Il est évident qu'il faut poursuivre dans cette voie.
La ministre fait état de quelques-unes de ses priorités, mais l'oratrice préconise d'y ajouter la lutte contre la drogue. Il faut choisir des sujets de coopération au-delà de nos frontières, et la drogue en est bien un.
La ministre évoque la petite criminalité et la délinquance urbaine. Or, ces domaines ne sont de la compétence européenne qu'en ce qui concerne la coopération. Jusqu'à présent, l'Europe ne s'occupe pas des législations nationales en la matière. La ministre pourrait-elle préciser sa pensée à cet égard, notamment lorsque elle déclare que la sécurité doit être entendue au sens large ?
L'oratrice partage l'avis de la ministre selon lequel, depuis le Traité de Lisbonne, les matières qui relèvent des départements de la Justice et de l'Intérieur ont vraiment changé de statut. C'est une occasion pour dépasser le cadre belge et porter certaines matières sur le plan européen.
M. Dirk Claes (CD&V, Sénat) juge que la désignation d'un commissaire chargé du suivi de la politique de sécurité est évidemment une bonne chose. Il convient toutefois d'analyser cette problématique dans une perspective plus large. La lutte contre le terrorisme ne s'arrête pas aux frontières. Rien qu'en Belgique, on utilise actuellement certaines technologies qui ne sont pas adaptées entre elles. Qu'en est-il alors de la compatibilité entre les États membres ? La police et les services d'incendie doivent pouvoir communiquer par-delà les frontières. Nous devons donc choisir délibérément des technologies qui soient compatibles au niveau européen et déterminer précisément quel outil utiliser dans quel domaine. Il faut par exemple employer les scanners corporels de la même manière dans tous les aéroports européens, car cela n'a pas beaucoup de sens de les utiliser uniquement dans quelques aéroports. Qu'en pense la ministre ?
M. Stefaan Van Hecke (Groen !, Chambre) relève que la ministre déclare axer le programme en matière de sécurité sur deux points essentiels: une approche très large et une attention accrue à la prévention. L'intervenant préfère largement cette méthode à une politique répressive qui relègue souvent au second plan l'approche globale et la prévention. Bien entendu, la question reste de savoir comment cette volonté se traduira dans la pratique. Nous recevons actuellement beaucoup de textes de l'Union européenne sur le terrorisme, mais ceux-ci ne portent pas non plus une grande attention à la prévention et à une approche globale, du moins jusqu'à présent. Si la ministre est capable d'inverser cette tendance, ce sera déjà une très bonne chose. Mais cela reste encore à prouver. La ministre doit d'ailleurs encore rallier ses collègues ministres à son approche.
L'intervenant se demande aussi ce que la ministre veut dire exactement lorsqu'elle annonce vouloir faire de la lutte contre la petite criminalité une priorité. Comment définit-elle la petite délinquance ? L'Europe est-elle le niveau le plus approprié pour aborder ce problème ?
Lorsqu'on procède au contrôle de subsidiarité, l'on se demande si l'Europe doit vraiment s'occuper de problèmes tels que les cambriolages d'habitations et les dépôts clandestins d'immondices. La collaboration transfrontalière et la coordination européenne sont évidemment nécessaires dans le cas de la criminalité transfrontalière comme le grand banditisme, mais l'intervenant ne perçoit pas directement cette nécessité pour la petite criminalité. Comment la ministre voit-elle les choses ? Dans quelle mesure ce projet passera-t-il avec succès le contrôle de subsidiarité ?
La lutte contre le terrorisme est une priorité depuis le 11 septembre 2001, et nous recevons régulièrement de nouvelles initiatives législatives en la matière, qui découlent souvent d'une réglementation européenne. La Chambre comme le Sénat sont souvent assez critiques à l'égard de ces initiatives, notamment dans un souci de protection de la vie privée. Par exemple, nous avons pu émettre un avis de subsidiarité à propos d'une modification d'une directive-cadre relative au terrorisme. L'avis rendu par le Sénat était très critique, et même un peu plus que celui de la Chambre. Qu'advient-il de ces avis ? Généralement, ils ne sont pas pris en compte, pas même par nos ministres. Cela va-t-il changer lorsque la Belgique assumera la présidence européenne ? Si ce n'est pas le cas, l'intervenant pense qu'il ne faudra pas attendre monts et merveilles en matière de prévention et d'approche globale.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V, Sénat) se demande avant tout si, dans le cadre de la politique européenne de sécurité, on va désormais abandonner le système de répartition des services de sécurité entre le groupe de Berne et les autres États membres. Dans la pratique, les services de sécurité européens ne se transmettent pas de la même manière les informations pertinentes en matière de terrorisme. Il existe bien des accords entre les grands services de sécurité, mais la Belgique n'y est pas associée. L'intervenant veut bien écouter quantité de discours, mais le véritable test n'aura lieu qu'au moment de la prise de décision. À cet égard, la question est de savoir si l'on privilégiera réellement une option européenne dans le traitement de l'ensemble des informations en matière de sécurité, ou si l'on s'en tiendra à la classification existante des services ou des pays fiables et moins fiables. Dans ce dernier cas, l'Europe ne pourrait pas se doter d'une politique de sécurité unifiée, compte tenu du fait que les services de sécurité jouent un rôle crucial dans ce défi.
Si l'Europe devient responsable de la politique de sécurité, qu'adviendra-t-il du principe de subsidiarité dans les pays fédéraux ? La politique de sécurité en Bavière est totalement différente de celle qui est appliquée dans le Baden-Wurtemberg ou dans certains Länder du Nord de l'Allemagne. En Allemagne, la compétence en matière de police et de justice a été totalement transférée aux entités fédérées. Comment ces différences sont-elles prises en compte au niveau européen ? Par exemple, des contrôles volants sont encore effectués aux frontières de la Bavière et du Baden-Wurtemberg, alors que la législation douanière est structurée différemment au niveau européen. Ces Länder allemands mènent une politique qui est fondée sur d'autres dispositions et qui est d'ailleurs bien plus efficace pour régler le problème de l'immigration illégale.
Une troisième remarque concerne la contribution du parlement. Lorsque l'on s'interroge sur la répartition des compétences liées à la police et à la justice en Belgique, on entend dire depuis des années que ces compétences ressortissent indubitablement au pouvoir fédéral, car le principe de légalité trouve à s'appliquer en la matière en vertu de la Constitution: d'un point de vue démocratique, le parlement est investi d'une mission essentielle en ce qui concerne la sécurité et l'ordre public, tant sur le plan de la prévention que sur celui de la répression. Il est normal qu'un parlement national soit particulièrement inquiet à cet égard, notamment parce que la Commission européenne a fait preuve d'une attitude peu démocratique, par exemple lors de sa gestion de l'affaire SWIFT. Dans cette affaire, plusieurs centaines de millions de données personnelles ont été transmises aux États-Unis avec l'accord de la Banque nationale et de la Banque centrale européenne, et ce sans aucun fondement juridique et en contradiction avec la Constitution, la CEDH et la Convention de Strasbourg relative à la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel.
Les données SWIFT ont été transmises pendant des années, en dépit de ces garanties inscrites dans la Constitution et dans le droit international. Le commissaire compétent a certes agi il y a quelques années, mais l'intervenant est bien forcé de constater avec le Parlement européen qu'une heure avant l'expiration du délai prévu pour l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Commission européenne s'est encore empressée de conclure une convention avec les États-Unis pour honorer l'accord relatif aux données SWIFT, bien que, selon l'intervenant, les garanties constitutionnelles en matière de protection de la vie privée n'aient pas été respectées. Le Parlement européen va maintenant exiger des garanties supplémentaires dans ce domaine.
L'intervenant cite cet exemple, car l'opinion publique joue un rôle important en politique, en particulier lorsqu'il est question de problèmes de sécurité. Lorsqu'un problème arrive à un échelon supérieur, le risque est toujours qu'un aspect comme la protection de la vie privée soit traité en parent pauvre, a fortiori dans une société caractérisée par un certain exhibitionnisme. Rares sont les responsables politiques qui s'en préoccupent.
Heureusement, le principe de subsidiarité a été appliqué jusqu'à présent. Certaines garanties sont également proposées dans les nouveaux traités. L'intervenant souhaite toutefois demander au gouvernement s'il a l'intention de se concerter avec le parlement dans le cadre de l'examen des points en question au niveau européen. Il se souvient encore de toute la discussion sur les décisions-cadres, par exemple à propos du mandat d'arrêt. À l'époque déjà, la Cour constitutionnelle avait demandé que des accords soient conclus en la matière et que le parlement reçoive des textes à ce sujet, même s'il n'a pas le pouvoir de les amender. Entre-temps, la privation de liberté continue de poser des problèmes.
L'intervenant ne doute pas que la politique de sécurité commune soit vraiment nécessaire, compte tenu des défis auxquels nous devons malheureusement faire face, mais il est tout aussi important que le processus décisionnel se déroule de manière démocratique. Dans la structure institutionnelle actuelle, le contrôle démocratique du processus décisionnel en matière de loi pénale et de politique de sécurité incombe uniquement aux parlements nationaux.
Mme Karine Lalieux (PS, Chambre) se joint aux propos de Mme Nyssens sur la problématique de la traite des êtres humains. On sait qu'elle se développe depuis de longues années; c'est un grave phénomène de criminalité organisée qui conduit à traiter l'être humain comme une marchandise. Ce domaine relève des départements de la Justice et de l'Intérieur, et plus particulièrement de l'immigration. Cette question mériterait d'être mise en exergue, durant la présidence belge de l'Union Européenne.
En outre, comme M. Mahoux, l'oratrice souligne le choix inadéquat du terme « radicalisme » qui peut même être dangereux s'il est mal utilisé.
Elle voudrait aussi évoquer la protection civile. Il serait peut-être judicieux de prévoir, sur le plan européen, des instruments cohérents pour la prévention des catastrophes, particulièrement dans le domaine nucléaire. De nombreux pays placent leurs centrales nucléaires aux frontières. En cas d'accident, plusieurs pays seraient donc impliqués. La prévention des catastrophes et l'élaboration d'un réseau cohérent de protection civile européen devraient être mises en évidence, notamment pour l'information réciproque des risques, particulièrement nucléaires.
Les États-Unis demandent la mise en place d'un registre des noms de passagers; en Europe, la tendance générale est de préconiser un renforcement des lois relatives aux bases de données, au terrorisme, etc.
L'oratrice tient, pour sa part, à souligner l'importance d'accroître aussi la protection des données à caractère personnel. Au niveau européen, il faut sans cesse rechercher un équilibre qui a parfois fait défaut ces dernières années. L'oratrice aimerait que la Belgique profite de sa présidence pour faire entendre sa voix.
En matière de délinquance et de criminalité, le groupe de l'intervenante est plutôt favorable à une approche préventive et au renforcement d'un réseau européen de prévention. Il faut soutenir cette logique, tout en ne perdant pas de vue que le combat contre la criminalité de proximité et la délinquance urbaine se mène surtout à l'échelle nationale, notamment grâce à la police de proximité.
M. Olivier Hamal (MR, Chambre) constate que le programme élaboré dans le cadre des présidences espagnole, belge et hongroise touche à un certain nombre de points communs aux départements de la Justice et de l'Intérieur et qui concernent toute la politique d'asile et d'immigration. Le sujet est évidemment d'importance. La Belgique compte un certain nombre de dossiers en cours — l'orateur ne reviendra pas sur tous les rétroactes des deux à trois dernières années. On sait que certains pays européens, notamment l'Espagne et l'Italie, connaissent des problèmes d'immigration importants.
Dans ce programme, il est question d'asile et d'immigration, d'immigration légale, d'intégration des ressortissants de pays tiers, d'intégration clandestine: l'ensemble des problèmes est abordé.
Trois membres du gouvernement sont directement concernés: le secrétaire d'État à la Politique de migration et d'asile, le ministre de la Justice et la ministre de l'Intérieur. L'orateur aimerait savoir, de manière un peu plus précise, ce que notre pays envisage lors de sa présidence, en accord avec nos partenaires qui ont ou qui vont occuper la présidence. Il pense bien entendu aux initiatives qui seront prises pour mettre en œuvre le pacte européen sur l'immigration et l'asile. Il aimerait également connaître la position de la Belgique sur les directives en matière d'immigration, qu'il s'agisse des conditions d'accueil et de résidence des travailleurs saisonniers, du transfert au sein d'une entreprise dans des pays membres différents ou du Livret vert sur le regroupement familial dans l'Union européenne. Il aimerait également connaître la position de notre pays sur la mise en œuvre de la carte bleue destinée aux migrants hautement qualifiés, opérationnels ou non, et sur tout ce qui touche à la problématique de l'immigration clandestine. Il souligne également la nécessaire recherche d'un équilibre et le respect dû aux personnes qui connaissent cette situation.
La ministre de l'Intérieur reconnaît que l'Europe ne s'intéresse pas suffisamment à la prévention, alors que la sécurité suppose toute une chaîne de coordination. Lorsque M. Sekkaki s'est évadé, c'est un agent de quartier qui a pu identifier la personne qui avait loué l'hélicoptère parce qu'il avait remarqué quelque chose d'anormal dans son quartier. Il a transmis cette information qui est ainsi remontée jusqu'au sommet de la hiérarchie.
La chaîne de coordination revêt une grande importance. C'est justement pour cette raison que la ministre insiste autant sur la prévention. Lors d'un récent comité interministériel, le Conseil des ministres lui a demandé de coordonner un groupe composé de représentants des Régions et des communes et chargé de préparer un plan de prévention en matière de terrorisme et de radicalisme, ce dernier terme ne constituant pas, à son estime, une appellation judicieuse. L'intervenante souhaite examiner au sein de ce groupe de travail comment mettre à profit la community policing, les agents de proximité, pour détecter plus rapidement les réseaux et pouvoir les éliminer avant qu'il ne soit trop tard.
En ce qui concerne les banques de données et la protection de la vie privée, chaque État membre de l'Union européenne tente de trouver un équilibre. Lors du dernier Conseil des ministres européens, le conseil informel de Tolède, la ministre a tenu un exposé en présence de la secrétaire d'État américaine, Mme Napolitano. Il portait entre autres sur l'incident survenu à bord du vol Schiphol-Detroit. La ministre a déclaré qu'il n'était pas question que chacun dispose en permanence de toutes les informations. Une intervention efficace n'est possible que lorsque les bonnes informations sont disponibles au bon endroit et au bon moment. Certes, nous pouvons aussi nous bombarder mutuellement de toutes sortes d'informations, mais si la bonne information n'est pas analysée par les bonnes personnes au bon endroit, la personne qui doit effectuer un contrôle risque par exemple de se retrouver avec une montagne de papiers. Agir de la sorte ne mène bien entendu à rien.
Les pays européens doivent être en permanence en quête de cet équilibre: la protection de la vie privée est-elle suffisante, qu'advient-il des informations, sont-elles analysées de façon pertinente ? Transmettre des informations brutes est une chose, les interpréter en est une autre, et c'est justement ce travail qui permet de déterminer la pertinence d'une information.
Le problème de la lutte contre la drogue soulevé par Mme Nyssens est une compétence du ministère de la Justice.
Il est vrai que nous devrons également examiner cette problématique sous l'angle européen.
Pour répondre à la question de savoir ce qu'elle entend exactement par « petite criminalité », l'intervenante souhaite citer l'exemple des bandes criminelles itinérantes. Grâce à un plan d'action élaboré il y a quelques années conjointement avec le SPF Justice et qui est à présent en phase d'évaluation, nous avons pu enregistrer des avancées, y compris dans le domaine de la coopération entre la police et la justice. Pour améliorer encore ces résultats, nous devrons poursuivre ces bandes à une échelle européenne, alors qu'aux yeux du citoyen, celles-ci commettent avant tout des actes de petite criminalité. Elles commettent, par exemple, des vols de sacs à main durant une semaine en Belgique, une semaine aux Pays-Bas et une semaine en France, après quoi elles retournent dans leur pays d'origine où elles se tiennent tranquilles durant quelque temps. La seule manière de lutter efficacement contre une telle criminalité est de travailler au niveau européen.
En ce qui concerne les scanners corporels et autres technologies, l'intervenante est tout à fait d'accord sur la nécessité d'une approche européenne. Il en va d'ailleurs de même pour les banques de données. Cela n'aurait aucun sens, dans une Europe où règne la libre circulation des personnes, d'appliquer des technologies spécialisées dans certains aéroports mais pas dans d'autres, ce qui permettrait à chacun de les contourner facilement.
En ce qui concerne la collaboration entre les services de sécurité, la nouvelle commissaire européenne fait actuellement un tour d'horizon des différents services de sécurité et examine quelles informations sont transmises par quels intervenants. Nous avons en Belgique un système tout à fait unique, l'OCAM, qui impose la transmission d'informations entre les différentes instances et qui a quant à lui l'obligation de fournir un feed-back. Dès que la ministre sera en possession de l'évaluation européenne, elle compte venir en discuter au Parlement.
La ministre aborde enfin la question de la protection civile et de la sécurité des sites nucléaires. Dans ce domaine, il existe déjà une très forte collaboration entre les États membres concernés. Ainsi, tout État membre qui souhaite aménager un nouveau site est tenu de demander l'avis des États membres limitrophes dans le cadre d'une évaluation des incidences sur l'environnement. Actuellement, on a en effet souvent l'impression qu'un État membre essaie de répartir les risques d'un site nucléaire entre ses voisins. Certes, il existe déjà des accords pour s'y opposer, mais il ne fait pas de doute qu'il faut en faire plus dans ce domaine.
II. Exposé de M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de Migration et d'Asile, à la Politique des Familles et aux Institutions culturelles fédérales
Un échange de vues tel que celui-ci est la meilleure manière de commenter les priorités de la présidence belge. Bien entendu, nous devons également tenir compte des possibilités de modification de notre agenda par des dossiers mis en avant par l'actualité ou par la présidence espagnole actuelle.
L'intervenant souhaite aborder aujourd'hui les trois thèmes suivants: l'immigration légale, la politique d'asile et l'ordre du jour prévoyant les différents moments-clés en matière d'asile et d'immigration.
Avant le Traité de Lisbonne, la migration légale était une matière qui se réglait à l'unanimité. À part la directive sur les migrants hautement qualifiés, les propositions qui avaient été introduites, notamment en matière de permis unique, n'avaient pu aboutir, en raison de l'absence d'unanimité. Aujourd'hui, ces directives peuvent être adoptées à la majorité qualifiée; des propositions vont donc réapparaître. Un des premiers objectifs de la présidence belge sera donc l'aboutissement de ce dossier relatif au permis unique.
D'autres thèmes devront également progresser, notamment les propositions qui devraient venir de la Commission en ce qui concerne les travailleurs saisonniers et les transferts de travailleurs au sein de l'entreprise. Dans le cadre de la migration légale, ces deux thèmes devraient être mis sur la table. Le but est évidemment de les faire avancer et si possible aboutir.
Outre ce travail de type plus législatif se pose la question démographique en tant que telle, liée au vieillissement de la population. Une réflexion sur le plan européen est nécessaire afin de changer notre approche. Il convient de se donner les outils pour modifier et adapter les règles en fonction du vieillissement de la population et du besoin de main-d'œuvre que nous connaîtrons à l'avenir. On ne parle évidemment pas ici d'une période comme celle que nous connaissons actuellement, marquée par la crise et qui fait quelque peu mettre de côté les objectifs à dix ou quinze ans mais il faut dès aujourd'hui réfléchir à ces questions. Le débat sera donc lancé dans le cadre de la présidence belge.
Dans la problématique de la migration légale, il ne faut évidemment pas oublier la question de l'intégration des ressortissants d'États tiers. En collaboration avec le Centre pour l'égalité des chances — compétence de la ministre Joëlle Milquet — et les Régions, une conférence sera mise en place afin d'échanger sur les bonnes pratiques entre pays européens. Ce sujet est lié à la question fondamentale de l'intégration qui sera également mise en évidence.
Abordons à présent la politique d'asile. L'Europe a déjà édicté plusieurs directives en la matière et considère l'asile comme un domaine politique important. La politique d'asile est toujours basée sur trois éléments: elle doit être humaine, solidaire et efficace. Toutefois, tout le monde sait aussi qu'il s'agit d'un thème difficile.
L'espace Schengen est un espace commun sans frontières au sein duquel il est fondamental d'étoffer et d'harmoniser les législations et les procédures en matière d'asile, afin de créer cette véritable confiance mutuelle entre États. C'est un aspect essentiel.
Dans ce contexte, trois textes sont déjà bien avancés: le premier concerne les amendements à la directive sur les résidents de longue durée, le deuxième porte sur les amendements relatifs à la directive sur l'accueil des demandeurs d'asile et le troisième est relatif aux amendements du règlement de Dublin. Nous devons engranger des avancées en la matière durant la présidence belge.
Il ne faut pas oublier non plus l'aspect « asile » en tant que tel, plus particulièrement les deux éléments liés à la procédure d'asile mais également à la reconnaissance du statut de réfugié et de protection subsidiaire.
Il est fondamental que l'on progresse sur ces thèmes. Il en va de la solidarité et de la confiance mutuelle entre les pays de l'espace Schengen.
Il faut rappeller également qu'une conférence interministérielle est prévue pour les 13 et 14 septembre prochains, en collaboration avec la société civile, sur les thèmes spécifiques de la politique d'asile et toute sa dimension externe au niveau européen, avec une volonté d'associer particulièrement le CGRA. Il convient de susciter la réflexion.
Le secrétaire d'État souligne également qu'un certain nombre de rendez-vous s'imposent. Il tient à les communiquer afin que les parlementaires aient une vision d'ensemble de l'agenda durant la présidence belge. Il s'agit de toutes les relations extérieures en matière JAI et du sommet avec les Balkans occidentaux. Dans ce contexte, tous les accords de coopération et un large dialogue en matière de reconnaissance et de visas avec les pays concernés seront à l'ordre du jour. Signalons également la Troïka avec les États-Unis, le Permanent Partnership Council avec la Russie. Tous ces thèmes jalonneront la présidence belge en matière d'asile, sans oublier que la question de la situation en Méditerranée est récurrente dans le cadre des conseils JAI. Le secrétaire d'État cite également la situation des pays de transit, particulièrement la Libye et la Turquie. La question de la Libye est quasiment chaque fois remise à l'ordre du jour des différents conseils JAI. Il faut aussi les accords de réadmission pour lesquels il est judicieux d'user de la capacité de négociation européenne.
Enfin, il faut souligner un retard de transposition de la directive 2005/85/CE relative à la procédure d'asile. Les deux derniers projets d'arrêtés royaux sont en voie de finalisation. On sera alors totalement à jour. Toutefois, un certain nombre de directives doivent être transposées dans le courant de l'année 2010, notamment la directive « Retour » qui devra être transposée durant la présidence. C'est l'occasion de rappeler l'importance de la transposition des directives dans les délais, et plus encore durant la présidence belge.
III. Exposé de M. Stefaan de Clerck, ministre de la Justice
Le ministre signale qu'il déposera une note relative à la transposition des directives en matière de justice, en combinaison parfois avec d'autres matières, et qu'il ne s'étendra donc pas sur ce sujet.
Selon le ministre, la présidence belge sera une période particulièrement passionnante, fascinante et très active pour la justice également. Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter le calendrier de toutes les activités qu'il faudra suivre, en tant que ministre, au Parlement européen, lors des différents conseils et rencontres au sommet, ainsi que dans les divers séminaires organisés.
Pour l'heure, l'intervenant dénombre déjà une quinzaine d'initiatives belges en matière de justice. Il remettra la liste aux commissaires, de manière à ce qu'ils puissent se libérer pour suivre toutes ces organisations passionnantes dans tout le pays. Il lui semble dès lors essentiel d'adapter quelque peu les travaux du Parlement belge à cet agenda chargé.
À l'instar de ses collègues, le ministre devra également tenir compte, durant la présidence belge, des affaires déjà en cours dans le cadre du trio de présidences et du Traité de Lisbonne, et veiller à leur continuité. En ce qui concerne la justice, le programme pluriannuel de Stockholm constitue la base pour les cinq années à venir. Nous nous y attèlerons évidemment, en suivant intégralement la nouvelle méthodologie du Traité de Lisbonne. L'intervenant ne juge pas nécessaire d'entrer dès à présent dans les détails; il se contentera de présenter brièvement quelques éléments de continuité pour lesquels la Belgique consentira des efforts, et abordera ensuite quelques points personnels ou plus spécifiquement belges.
Nous accorderons une attention particulière à la décision d'instruction européenne et nous examinerons comment elle peut nous aider à aboutir à une collaboration accrue dans les enquêtes pénales en cours au niveau européen.
Nous nous intéresserons aussi à la problématique économique et nous examinerons comment nous pouvons procéder à des échanges d'expériences en la matière au niveau européen.
On œuvrera à la mise en place d'une collaboration judiciaire régionale transfrontalière. Le ministre est fort impliqué à titre personnel dans cette matière, mais il constate également que la collaboration transfrontalière dans toute l'Europe mérite une attention particulière.
Il prêtera également attention à la problématique des bases de données, par exemple dans le cadre d'affaires relatives aux tueurs en série.Comment pouvons-nous améliorer la concordance entre les diverses bases de données, avec la collaboration d'Eurojust, entre autres ?
Dans ce contexte, nous examinons également comment il est possible de progresser dans la lutte contre la cybercriminalité.
Le ministre reviendra plus tard sur ces accents spécifiquement belges. Il fait tout d'abord un rapide tour d'horizon des dossiers en cours qui sont importants pour la présidence belge.
Comment l'Union européenne se ralliera-t-elle à la Convention européenne des droits de l'homme ? Il s'agit d'une matière importante qui achève le cycle sur la protection des droits et libertés fondamentaux et qui donne aux citoyens de l'Union européenne l'occasion de se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme en cas de présomption de violation des droits de l'homme par le droit européen. Nous mènerons des discussions technico-juridiques à ce sujet et une importante conférence y sera consacrée dès la semaine prochaine à Interlaken, avec la participation de la plupart des ministres de la Justice européens.
Il y a ensuite la protection des données et la sauvegarde des droits fondamentaux spécifiques. Dans ce cadre, nous devons suivre de très près la directive européenne en matière d'échange de données relatives aux passagers au sein de l'Union européenne.
Cela vaut également pour l'accord avec les États-Unis concernant le Terrorist finance tracking program, mieux connu sous le nom d'accord Swift, dont le Parlement européen débat d'ores et déjà. Il ne s'agit pas du seul accord concernant la transmission de données et il convient de l'intégrer dans un cadre plus large, dans un accord contraignant sur l'échange d'informations entre les États-Unis et l'Union européenne. Ce dossier doit être clôturé au cours du second semestre de cette année, ce qui en fait dès lors une matière importante pour la Belgique.
Au cours de la présidence, la Belgique s'occupera également des droits de l'inculpé dans les procédures pénales. Plus concrètement, des services d'interprétation et de traduction seront garantis pour tout inculpé et ce dernier sera activement informé de ses droits fondamentaux. Il sera de la responsabilité de la Belgique de prendre ce problème à bras-le-corps. Ces deux directives s'inscrivent d'ailleurs dans une série de six initiatives que la Commission européenne lancera dans les prochains moins en vue de simplifier la recherche et l'arrestation d'inculpés et de leur fournir des garanties procédurales.
Le fil rouge du programme du trio de présidence est la lutte contre la grande criminalité et la protection des victimes, dans le cadre desquelles s'inscrit par exemple l'initiative visant à élaborer une directive concernant l'exploitation sexuelle. En la matière, l'Union a l'ambition d'aller plus loin que la Convention du Conseil de l'Europe de 2007. Les piliers de cette nouvelle initiative sont la mise à disposition d'une assistance et d'une protection, une prévention accrue afin d'empêcher l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, et le renforcement des poursuites au moyen de nouvelles incriminations. Ces mêmes principes doivent également donner lieu à une nouvelle directive en matière de traite des êtres humains.
L'intervenant entend aussi accorder une attention particulière à l'évolution de la cybercriminalité. Dans un monde où les échanges électroniques entre les personnes et les institutions ne cessent de s'intensifier, la criminalité organisée n'échappe pas à cette tendance, qui menace non seulement les particuliers mais aussi les institutions publiques. Il importe donc de mettre au point des mécanismes de défense pour se prémunir de ces dangers.
Le ministre passe encore brièvement en revue quelques initiatives dans le domaine du droit civil.
Il aborde en premier lieu les procédures de succession. Aujourd'hui, cette matière n'est réglée qu'au niveau national, si bien qu'on est souvent confronté, dans un contexte transfrontalier, à des partages de succession qui s'éternisent. Un règlement européen doit donner aux citoyens la possibilité de préparer leur succession et de déterminer quel droit s'applique à l'ouverture de leur succession. Un système européen d'enregistrement de testaments va également voir le jour. La Commission prépare activement ces dossiers, dont nous suivrons attentivement l'évolution durant la présidence belge.
Il y a également le livre vert, où l'on tente d'examiner comment l'Europe peut harmoniser le droit des régimes matrimoniaux. Le but n'est pas d'uniformiser les dispositions de droit matériel, mais bien de fixer les règles de conflits de lois, les règles en matière de reconnaissance et d'exécution, et la situation des autorités extrajudiciaires.
Citons également l'ambition d'évaluer le règlement Bruxelles I en ce qui concerne les conditions d'exequatur, et la proposition de la Commission visant à renforcer le droit applicable aux divorces. Une première réunion aura lieu prochainement avec la nouvelle commissaire chargée de la Justice, Mme Viviane Reding, qui a l'intention de prendre une initiative spécifique sur la question du divorce.
Le ministre se montre plus prudent en ce qui concerne le projet « e-justice européen » car il n'a pas le sentiment que la Belgique doit diriger les opérations dans ce domaine. Toutefois, nous devrons évidemment suivre attentivement ce projet afin de voir comment faire correspondre au mieux les initiatives belges aux divers autres projets européens en la matière.
L'intervenant revient encore brièvement sur les accents spécifiquement belges qui seront abordés durant la présidence.
Premièrement, nous voulons intervenir au cœur de la coopération judiciaire. Le but de toute instruction pénale est de poser les actes d'instruction nécessaires pour pouvoir conclure à la culpabilité ou à l'innocence de l'intéressé à la fin de la procédure pénale, sur la base d'informations suffisantes. La réglementation européenne permettant l'obtention de preuves au-delà des frontières est caractérisée par un haut degré de morcellement et de complexité. La Belgique propose dès lors de créer une décision d'instruction européenne, un instrument unifié visant précisément à atteindre l'efficacité et la flexibilité voulues. Une procédure uniformisée assortie de délais stricts et de motifs de refus limités doit remplacer les procédures complexes des commissions rogatoires et faire en sorte que toutes les preuves nécessaires puissent être réunies au sein de l'UE.
Deuxièmement, le moment est idéal, selon le ministre, pour examiner comment nous pouvons, en tant qu'États membres, chercher à sortir de la crise économique après une crise financière. La présidence belge entend examiner ce que nous pouvons entreprendre au niveau judiciaire européen pour soutenir et protéger l'activité économique, et pour empêcher ainsi de nouvelles crises économiques d'une telle ampleur. Nous savons évidemment que la Justice ne peut jouer qu'un rôle limité à cet égard, mais il n'empêche que des initiatives sont possibles. Durant la présidence, nous organiserons conjointement avec l'Ordre des barreaux flamands (OVB) et l'Ordre des barreaux francophones et germanophone un séminaire au cours duquel nous réunirons une large expertise européenne et nous élaborerons des propositions sur la propriété intellectuelle, les procédures de crédit et de solvabilité, les nouvelles technologies et d'éventuelles mesures pénales.
Troisièmement, nous voulons suivre de près et renforcer la collaboration juridique dans les zones frontalières en mettant au point des modèles de coopération communs. Les exemples sont évidemment nombreux, comme l'Eurométropole entre la Belgique et la France et l'Eurégion Meuse-Rhin entre la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas. Nous organiserons un séminaire du réseau judiciaire européen qui réunira les différents acteurs familiarisés avec la coopération dans les zones frontalières, de manière à pouvoir rassembler les bonnes pratiques et examiner comment nous pouvons obtenir les meilleurs résultats dans le cadre du suivi transfrontalier des auteurs et des victimes.
L'intervenant en conclut que certains thèmes nous imposent de suivre les initiatives déjà prises par la Commission et la présidence espagnole.
Toutefois, nous devons mettre l'accent sur certains dossiers et tenter de progresser. Une discussion aura lieu sur l'accord Swift et les éléments annexes, sur certaines matières de droit civil. Il pense surtout que nous devons influer sur des domaines tels que l'investigation, la coopération transfrontalière, la continuité des entreprises.
Les parlementaires auront la possibilité d'assister à de nombreuses activités. Quinze séminaires sont prévus. Le ministre communiquera également les dates des réunions des commissions du Parlement européen car il faudra organiser les travaux, en même temps, dans les commissions belges et européennes.
Échange de vues
A. Questions des membres
M. Philippe Mahoux (PS, Sénat) souligne que depuis le Traité de Lisbonne, la matière JAI est résolument communautaire. Elle nécessite des avancées législatives sur le plan européen. Jusqu'à présent, des initiatives ont été prises en matière de justice et de police, sans prévoir de garanties européennes quant aux droits des citoyens.
L'orateur souhaite que la Belgique donne une impulsion à cet égard. On sait que la Commission est responsable des avancées mais pas exclusivement. On peut penser que la sensibilité manifestée lors des présidences successives aura une influence.
Après avoir entendu les ministres exprimer leurs nombreuses priorités, on peut se demander quelles sont les priorités des priorités. En effet, la présidence ne durant que six mois, il conviendrait peut-être de se recentrer.
En outre, le Traité de Lisbonne impose aux différents ministres qui participent à des conseils des ministres européens de signaler non seulement la date des conseils, mais également l'ordre du jour, ce qui est bien plus important. Ainsi, les parlements nationaux peuvent être proactifs, sans verser dans l'intergouvernemental et sans mettre en cause la méthode communautaire que nous défendons et qui fut quelque peu laissée de côté ces dernières années.
L'orateur demande donc aux trois ministres de communiquer dès que possible les ordres du jour des conseils européens. Les ministres acquiescent.
M. Bert Schoofs (Vlaams Belang, Chambre) observe qu'il y a une profusion de thèmes que l'on voudrait aborder, y compris dans le cadre du processus de continuité, en les répartissant sur une quinzaine de séminaires. Toutefois, il s'intéresse avant tout aux objectifs concrets. L'intervenant comprend bien qu'il n'est pas possible de tous les parcourir ce jour mais demande si le ministre pourrait en fournir la liste afin que les membres sachent où il veut en venir et quelles sont les attentes réelles de l'Union européenne. L'on évitera ainsi de faire de la présidence un simple salon où l'on cause. L'intervenant demande par ailleurs pourquoi l'on a choisi autant de thèmes. Qui en est à l'origine ? Ces choix politiques ont-ils été effectués au niveau belge ou s'est-on inspiré de la présidence actuelle ?
L'intervenant se réfère à l'apport de la Belgique, plus spécialement en ce qui concerne la problématique économique et la continuité des entreprises. Lorsque le ministre pour l'Entreprise et la Simplification a été interrogé à ce sujet la semaine passée, il est resté muet et a surtout évoqué les démarcheurs publicitaires. Y a-t-il eu une concertation avec le ministre Van Quickenborne ? Pourtant, il s'agit manifestement d'une problématique d'une grande acuité. Il y a dans l'ensemble de l'Union européenne des entreprises qui lancent de véritables offensives sur le territoire d'autres États membres en recourant à des pratiques publicitaires extrêmement agressives. On a encore cité récemment l'exemple d'une société du nord de l'Allemagne qui attaque de front le marché belge et exerce de fortes pressions sur nos entreprises. Va-t-on faire quelque chose pour lutter contre de telles pratiques ?
L'intervenant note que le ministre fait preuve à juste titre de réserve en ce qui concerne le projet e-Justice. Sur ce plan, nous avons beaucoup à faire et nous ne devrons pas ménager nos efforts pour prendre le train de l'Europe en marche. Dans certains domaines, nous sommes véritablement la risée des autres États membres — et l'intervenant pèse ses mots — par exemple dans la lutte contre la criminalité transfrontalière avec les Pays-Bas. Certes, la note-cadre Sécurité intégrale tente d'apporter une réponse mais il n'en demeure pas moins que nos voisins d'outre-Moerdijk recourent à une approche bien plus efficace. Bien entendu, force est de constater que les Néerlandais rapprochent très habilement leurs coffeeshops de notre frontière. En tout cas, nous devrons profiter de la présidence belge pour mettre nos voisins devant leurs responsabilités.
L'intervenant en vient enfin à la protection des victimes d'exploitation sexuelle, et plus spécialement des victimes de pédophiles. Il a entendu évoquer ce sujet à deux reprises: une première fois dans le cadre de la continuité au sein de l'Union européenne et une seconde fois dans le contexte des banques de données visant à réaliser une cartographie des tueurs en série. L'intervenant est d'avis qu'il faudrait également inclure les pédophiles condamnés dans ces banques de données car ils sont au moins aussi dangereux. Les tueurs en série condamnés retrouvent rarement la liberté, au contraire des pédophiles, qui constituent un problème bien plus délicat pour notre société. L'intervenant demande que l'on accorde à cette problématique l'attention qu'elle mérite. Le ministre sait que la discussion de certaines propositions en la matière a malheureusement abouti à une impasse en commission de la Justice de la Chambre, et nous remarquons que les organisations qui travaillent à la protection des victimes ne sont guère enthousiastes à l'idée de déposer d'autres propositions. L'intervenant se demande donc quels sont les objectifs concrets en ce qui concerne l'approche des pédophiles condamnés et des récidivistes.
M. Alain Courtois (MR, Sénat) revient sur les propos très positifs du ministre de la Justice sur les procédures pénales rendues plus faciles entre les États européens. Il pense notamment aux commissions rogatoires.
Où en est la procédure de création d'un parquet européen dont on parle depuis très longtemps ? La Belgique ne pourrait-elle être un des pions majeurs dans ce dossier ? Nos procédures s'arrêtent aux frontières mais les délinquants les ignorent. L'intervenant s'interroge en effet face au blocage aux frontières de certaines procédures pénales, de certains interrogatoires ou d'enquêtes.
M. Fouad Lahssaini (Écolo-Groen !, Chambre) renvoie à la problématique de la traite des êtres humains, évoqué par le ministre de la Justice. L'orateur se réjouit qu'elle constitue une priorité pour la présidence belge. Chaque pays s'est armé de moyens de lutte contre cette forme de criminalité mais un aspect de ce problème nécessiterait une harmonisation à l'échelon européen. On pourrait imaginer une initiative courageuse, voire impertinente aux yeux d'autres États, pour élargir la lutte contre ce fléau.
L'intervenant évoque ensuite plus spécifiquement la traite des êtres humains dans les ambassades. Nous devons saisir l'opportunité de la réunion de tous les pays européens pour mettre en place une politique commune à cet égard. Cette question est un trou noir dans la législation belge, comme dans les autres législations nationales. La Belgique pourrait jouer un rôle de pionnier dans ce dossier important et sensible. Il aimerait connaître les intentions du ministre de la Justice, tout en soulignant que les départements des Affaires étrangères, de l'Emploi et de l'Intérieur sont également concernés.
S'agissant des politiques d'asile et de migration, la Belgique et les pays européens s'emploient à la mise en œuvre d'une politique commune sur les migrations clandestines, les migrations liées au travail et autres. On envisage de plus en plus l'accueil de migrants victimes de catastrophes industrielles qui surviendraient aux frontières. L'intervenant préconise d'élargir la réflexion à deux autres types de catastrophes. Premièrement, les catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, qui ne connaissent pas les frontières et devraient faire l'objet d'une législation européenne. Deuxièmement, les catastrophes qui engendrent ce que l'on appelle des réfugiés climatiques. La présidence belge veut insister sur la dimension environnementale et prône une harmonisation des moyens de lutte contre un ensemble de dangers qui menacent la biodiversité en général.
Les catastrophes liées au climat méprisent, elles aussi, les frontières. Elles ont des répercussions importantes sur le développement, particulièrement des pays du sud. Il est temps d'ouvrir ce chapitre et d'envisager que la législation européenne soit pionnière, en vertu de sa tradition humaniste. Nous pourrions déjà réfléchir à un cadre législatif qui permettrait d'accueillir les réfugiés climatiques.
Le dernier point que souhaite évoquer l'intervenant est d'actualité puisqu'il concerne le trafic des armes. La Belgique n'est pas la seule à souffrir de ce fléau dont nous subissons les conséquences quotidiennement. Dans ce domaine aussi, une harmonisation européenne s'impose. La Belgique pourrait jouer un rôle moteur afin que cette lutte, devenue commune, soit plus efficace. La lutte contre le terrorisme et la délinquance est légitime mais combattre les moyens qu'ils utilisent est encore mieux.
Quelles sont les intentions des ministres à l'égard de ces dossiers ?
Mme Nahima Lanjri (CD&V, Sénat) voit d'un bon oeil qu'une harmonisation soit prévue en ce qui concerne l'asile et la migration. Le ministre n'indique cependant pas de manière explicite s'il souhaite également une harmonisation de la réglementation en matière de regroupement familial. À cet égard, l'intervenante pense plus particulièrement aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui en Belgique en raison de l'utilisation de la « route belge ». Nous retrouvons d'ailleurs aussi de telles routes dans d'autres pays. Les Pays-Bas ont une « route allemande » et il existe également une « route française ». Les ressortissants de l'Union européenne peuvent en effet déménager dans un autre pays de l'UE et y demander un regroupement familial dont les critères sont beaucoup plus souples que pour les ressortissants de pays tiers.
Ce problème ne peut être résolu que par une approche européenne renforçant les critères pour les ressortissants de l'UE qui déménagent vers un autre État membre de l'UE. Concrètement, nous pouvons envisager une révision des critères, un système en vertu duquel les critères du pays d'origine seraient encore d'application au cours de la première année suivant le déménagement, ou une plus longue période de résidence obligatoire dans un pays avant de pouvoir prétendre aux critères beaucoup plus souples de l'UE en matière de regroupement familial.
Si l'on ne s'attaque pas à ce problème, on continuera à mettre des emplâtres sur une jambe de bois. Des Belges continueront à se rendre aux Pays-Bas pour s'y marier et inversement. L'intervenante ne parle pas des règles s'appliquant aux ressortissants de pays tiers mais de celles qui s'appliquent spécifiquement aux personnes ayant la nationalité d'un État membre de l'UE et qui désirent se marier.
Il est également question de la politique d'intégration dans la note. Il s'agit évidemment d'une compétence des communautés et des régions. Comment sont-elles associées à cette matière ?
Mme Mia De Schamphelaere (CD&V, Chambre) souhaite tout d'abord plein succès à nos ministres dans la préparation et l'exercice de la présidence belge en cette période cruciale pour l'Europe. Il s'agit d'une mission très importante mais aussi très complexe. L'intervenante a retenu des propos du ministre de la Justice que la présidence peut avoir des conséquences sur nos travaux parlementaires. Or, en tant que parlementaires, nous souhaiterions évidemment pouvoir suivre de près l'action européenne des ministres.
Il est vrai que les ministres doivent travailler dans une certaine continuité et il est très positif qu'ils collaborent dès à présent avec la présidence précédente et la présidence suivante. Il est en effet impossible de finaliser des réalisations importantes en six mois. De nombreuses préparations et concertations politiques sont nécessaires pour pouvoir arriver à de véritables décisions.
Nous poursuivons la construction d'un espace judiciaire européen, ainsi que le prévoit le programme de Stockholm. Les droits fondamentaux et leur interprétation sont très importants à cet égard. Ils devront aussi être appliqués dans les différents États membres. La jurisprudence européenne doit être suivie et mise en œuvre correctement.
La formation au droit européen est un point que le ministre n'a pas abordé, bien qu'il figure parmi les priorités. Il faut collaborer avec les divers organes de formation nationaux afin que le droit européen puisse être réellement assimilé. Il s'agit d'une problématique qui ne se limite pas aux nouveaux État membres; nous devons encore pouvoir améliorer également la formation au droit européen de nos magistrats afin d'en arriver à une véritable jurisprudence européenne et à une interprétation du droit européen similaire dans tous les États membres, ce qui est quand même le but recherché.
Le ministre a évoqué le projet e-Justice. Nous sommes parfaitement conscients que notre pays n'est pas un modèle dans ce domaine, mais il importe que chaque avancée que nous réalisons en Belgique soit en rapport avec l'Europe et soit tournée vers l'avenir européen. Si l'on prévoit la création de bases de données européennes, pour les testaments ou la filiation par exemple, il faudra que nos initiatives puissent s'appuyer immédiatement sur le logiciel approprié, afin que la migration vers ces bases de données soit plus aisée.
La décision d'instruction européenne est un autre point important. La criminalité ignore les frontières nationales. Les différences de procédures et de garanties dans les législations ne peuvent faire obstacle à l'information et au recueil des preuves. Une décision d'instruction européenne peut apporter une solution à cet égard. Collabore-t-on, pour sa mise en œuvre, avec Eurojust, qui est quand même un organisme très important et très efficace en matière de luttre contre la criminalité transfrontalière ? Eurojust peut-il aider à définir les garanties auxquelles la décision d'instruction européenne doit satisfaire ?
Par ailleurs, l'intervenante a lu quelque chose d'étonnant. L'on travaillerait à une décision de protection européenne pour les « victimes du terrorisme et de violences domestiques ». Ce parallélisme entre le terrorisme et la violence domestique, ainsi placés au même niveau, a quelque chose de curieux. L'intervenante ne saisit pas bien quelle peut être la teneur d'une décision de protection des victimes. Par contre, elle peut se représenter ce qu'est une décision de protection contre la violence domestique. Au niveau national, nous disposons d'une mesure de protection de ce genre en ce qui concerne l'habitation privée. Mais elle ne comprend pas bien l'association qui est faite entre les victimes du terrorisme et les victimes de violences domestiques.
Il y a ensuite le droit de la famille. L'Europe se développe évidemment à partir de la base. Ce développement a commencé par la mobilité économique et la libre circulation des biens et des services, mais les personnes sont, elles aussi, de plus en plus mobiles, surtout parmi les jeunes générations. Par conséquent, de plus en plus de familles comptent en leur sein des personnes de nationalités différentes, ce qui pose énormément de problèmes pratiques sur le plan du droit civil. L'Europe devrait en fait faciliter la vie des gens, mais ce n'est assurément pas le cas pour une famille comptant plusieurs nationalités en son sein.
L'intervenante renvoie, par exemple, à la filiation et à l'attribution du nom. Si l'Europe décide qu'un enfant, où qu'il soit né au sein de l'Union, portera le nom de la mère conformément à la législation espagnole, il faudra tout de même encore demander le changement de nom en Belgique. Nous avons procédé au test de subsidiarité en ce qui concerne les successions afin de voir quelles sont les difficultés qui se présentent lorsque des personnes vont passer leur retraite dans un pays du sud et décèdent dans ce pays.
À l'heure actuelle, c'est le droit international privé qui est utilisé pour trouver des solutions. Il faudrait en fait créer une sorte d'espace européen du droit civil et du droit de la famille, afin d'éviter que des personnes s'enlisent dans toutes ces situations complexes où coexistent différents régimes de droit de la famille et doivent suivre une multitude de procédures administratives ou judiciaires pour régulariser leur situation. L'intervenante pense qu'il faudrait progressivement remplacer le droit international privé par un genre d'espace européen du droit civil.
Mme Clotilde Nyssens (cdH, Chambre) remarque que les documents relatifs à la Justice sont abondants et volumineux. Il n'est pas facile de réagir en quelques minutes sur tous les sujets, notamment en ce qui concerne le programme de Stockholm et les priorités, du ministre de la Justice.
Les États semblent manifester une réelle volonté de progresser, dans une démarche commune, sur les matières qui touchent aux compétences de l'Intérieur et à la politique de migration. Ces États ne seraient-ils pas plus réticents à l'égard d'une approche commune des matières liées aux départements de la Justice, en raison leurs traditions respectives, de leur souveraineté, etc. ? L'intervenante croit en effet percevoir un moins grand enthousiasme dans ce domaine.
L'intervenante espère que les démarches annoncées par le ministre de la Justice seront couronnées de succès et que son enthousiasme se propagera aux autres ministres de la Justice. Il faut bien admettre que ce secteur manifeste énormément de réticences. La matière est très technique et demande beaucoup d'efforts, et la coopération n'est pas naturelle.
Votre responsabilité est importante, même s'il ne faut pas perdre de vue qu'il est difficile de marquer véritablement de son empreinte une présidence de six mois. Le suivi des dossiers nécessite bien plus de temps.
Par ailleurs, l'intervenante suppose que les ministres collaborent avec la Commission. Elle demande si celle-ci a déjà rédigé son plan d'action.
Au chapitre de la coopération judiciaire, on insiste beaucoup sur la formation des juges, des procureurs et du personnel judiciaire. Avec un brin de provocation, on pourrait dire que la présidence belge permettra peut-être d'améliorer certaines déficiences dans notre propre pays. Dans le domaine de la formation, et particulièrement celle organisée par notre Institut de formation judiciaire, l'intervenante a l'impression que le volet européen est un peu négligé actuellement. La présidence belge sera-t-elle l'occasion d'insister sur cette matière en Belgique ?
Pour promouvoir des priorités au niveau européen, il faut que notre pays ait quelque chose à transmettre. Les deux démarches peuvent être évidemment liées.
L'intervenante aimerait ensuite savoir si la lutte contre la drogue fait partie des priorités. Quels sont les projets des trois présidences en la matière ?
Le ministre a fait allusion aux garanties procédurales, à l'interprétation et aux traductions. Au-delà de la traduction, quel est le programme d'action, au départ des instruments existants ? Il est question d'une agence des droits fondamentaux qui veille non seulement à la vie privée mais à tout ce qui concerne les garanties procédurales. Certains pas pourraient-ils être franchis pour préserver ces garanties ?
En outre, si toute la matière repose sur la reconnaissance mutuelle et la confiance faite aux différents pays, comment peut-on évaluer l'état des garanties procédurales dans les 27 pays ? Quelle organisation a-t-on prévue, avec la Commission, pour évaluer la possibilité d'appliquer ce principe de reconnaissance mutuelle dans des pays où la situation serait moins favorable ?
Le principe de base est la reconnaissance mutuelle. Pour y parvenir, il faut que les différents pays soient sur un pied d'égalité. Dispose t-on d'un outil permettant d'évaluer ce qui se fait dans les autres pays ?
Le ministre a évoqué la question de l'exequatur. Le programme prévoit-il sa suppression dans toutes les matières ? C'est une question fondamentale sur laquelle les praticiens sont souvent interrogés. Dans les matières où l'exequatur reste actuellement une nécessité, peut-on faire en sorte que cet instrument un peu désuet disparaisse ?
Mme Nyssens constate par ailleurs que le secrétaire d'État à la politique de migration et d'asile n'a pas évoqué les mineurs étrangers non accompagnés — MENA. Le programme y consacre-t-il une attention particulière ?
Mme Karine Lalieux (PS, Chambre) s'accorde avec le ministre, pour prôner, en matière de politique et asile, une harmonisation des procédures, afin de favoriser la confiance entre pays. Mais on se méfie parfois beaucoup des harmonisations européennes car elles s'opèrent souvent « vers le bas » et non « vers le haut ». L'intervenante espère que durant sa présidence, la Belgique plaidera pour une harmonisation de qualité et une défense maximale des personnes qui seront peut-être demain des réfugiés politiques. La situation qui prévaut en Italie génère à cet égard bien des interrogations.
Le groupe de l'intervenante a déposé, voici plusieurs mois, une proposition de loi sur la question des réfugiés climatiques. Les États et l'Europe feraient bien de discuter de cette question avant d'y être confrontés. Allez-vous mettre cette problématique en discussion ?
Mme Lalieux exprime également le vœu qu'une harmonisation des politiques d'asile ne conduise pas à leur traitement en dehors du territoire européen. Certains suggèrent en effet un traitement avant l'arrivée en Europe. Cela remettrait en cause la convention de Genève et les politiques antérieures de l'Europe, davantage axées sur l'accueil que sur l'exclusion.
La directive « Retour », que le groupe de l'intervenante n'a pas votée au Parlement européen, doit peut-être être transposée, mais aussi évaluée. Elle espère que l'État belge ne verra pas, dans cette directive, la solution à tous les problèmes et qu'il ne sera pas décidé de consentir d'énormes efforts pour assurer sa transposition maximale.
En effet, cette directive est inacceptable, aux yeux de l'oratrice, notamment en ce qui concerne la détention des étrangers. Cette question avait fait l'objet d'un long débat au Parlement européen.
Mme Lalieux évoque ensuite la problématique des enlèvements d'enfants. Si elle a bien compris le ministre à la Politique des familles, la majorité de ces enlèvements a lieu au sein des pays européens. Nous devons vraiment progresser sur cette matière. Dans ces familles, tant les adultes que les enfants vivent une souffrance terrible. Ce point doit être abordé lors de la présidence européenne. D'après les familles, ce dossier ne connaît aucun progrès; il serait même en train de régresser.
Enfin l'oratrice aborde la question fondamentale du trafic d'armes. Les armes présentes dans nos rues viennent bien de quelque part, souvent de l'est, apparemment. Des guerres ont eu lieu en Europe, malheureusement, et les armes de guerre font l'objet d'un recyclage. Là aussi, il faudrait que l'Europe se saisisse de la question, notamment en ce qui concerne l'ouverture à certains pays.
M. Hugo Vandenberghe (CD&V, Sénat) pense qu'il est inévitable qu'en matière de justice, les thèmes qui font traditionnellement l'objet de discussions depuis des années figurent à nouveau à l'ordre du jour aujourd'hui.
La subsidiarité continue à jouer un rôle majeur dans le droit privé. Au sein de l'Union européenne, le droit privé diffère sensiblement d'un pays à l'autre. Cela est lié aux diverses influences qu'il a subies au cours de son histoire, comme l'influence latine et celle de la « common law ». Dans les pays scandinaves, ces deux sources sont inexistantes, ce qui explique que le droit privé y présente un caractère beaucoup plus administratif. Il s'agit de choix qui sont propres à chaque pays et qui sont liés aux préférences politiques de la population. Il n'existe pas une conception générale quant à la manière dont les rapports privés doivent être régis. On observe dans les différents pays une pluralité de visions dont il convient de tenir compte.
Il n'en reste pas moins que l'harmonisation européenne de certaines règles de droit privé a également un effet sur la législation de chaque État membre.L'intervenant renvoie, par exemple, au droit successoral, qui a déjà fait l'objet d'un avis.Il va de soi que, du point de vue politique, il n'est pas neutre de considérer que le choix du testateur est le principe de base sous-jacent aux règles du droit successoral. Cela signifie que tout devient contractuel. Dans le droit réel, le droit familial, le droit successoral, tout est réduit à un contrat. C'est un choix politique auquel l'intervenant ne peut pas adhérer, car il signifie que c'est un choix individuel qui détermine la position juridique d'autrui.
Nous dirigeons-nous vers une harmonisation similaire en ce qui concerne les accidents de la circulation dans lesquels des ressortissants de différentes nationalités sont impliqués ? Considérons-nous en l'espèce que c'est le système juridique en vigueur à l'endroit de l'accident qui s'applique, ou donnons-nous à l'auteur ou à la victime de l'accident la liberté d'opter pour un autre système juridique ? Ces choix ne sont pas neutres. L'intervenant estime qu'il faut effectivement harmoniser le droit privé, mais qu'il faut le faire en fixant les principes de base appropriés, en concertation avec les parlements nationaux.
L'intervenant cite un autre exemple d'approche erronée. Nous connaissons tous le problème de la vente de biens immobiliers en Europe. Pensons à la crise immobilière en Espagne et aux problèmes liés à l'achat de biens immobiliers à l'étranger. La Commission souhaitait réglementer le système du timesharing au moyen d'une directive fixant non pas le statut des biens mais bien le contrat. Nous avons constaté que cette directive n'a pas résolu le problème des escroqueries et des abus de confiance en matière de timesharing. Pour que la sécurité juridique soit véritablement au centre des préoccupations, on pourrait veiller d'abord à ce que le statut du bien immobilier concerné soit rendu public dans l'ensemble de l'Union européenne. En Belgique, nous avons un excellent système hypothécaire dans lequel les biens font l'objet d'une publication par le notariat et qui est assorti de garanties en matière de sécurité juridique, ce qui empêche que des problèmes ne surviennent, comme c'est le cas aux États-Unis. L'intervenant plaide non pas en faveur de l'instauration d'un système identique dans tous les pays, mais pour une forme de publication obligatoire de manière que le statut du bien immobilier puisse être vérifié, par exemple par le biais d'une banque de données, et que l'achat d'un bien à l'étranger soit entouré d'un minimum de sécurité juridique.
L'intervenant souhaite ensuite dénoncer une certaine forme d'hypocrisie. Lorsque des pays sont condamnés par la Cour européenne de Strasbourg pour cause de violation des droits de l'homme, il n'y a pas de réactions. Ainsi, il y a quatorze arrêts qui condamnent un pays pour avoir procédé à l'arrestation d'une personne sans lui avoir fourni l'assistance d'un avocat.
La politique européenne ne gagnerait-elle pas en crédibilité si l'Agence des droits de l'homme à Vienne, qui a été créée par l'Union européenne et qui voit son budget augmenter chaque année de 20 % — alors qu'avec ses 112 000 affaires, la Cour de Strasbourg ne parvient pas à obtenir les moyens financiers dont elle a besoin — prenait pour une fois de véritables initiatives sur le terrain ? Ne serait-il pas utile que l'Agence apporte elle aussi une contribution au livre vert sur une procédure pénale commune et la protection de la liberté au sein de l'Union européenne ? Il est quand même inadmissible qu'une norme minimum européenne ait été fixée en matière de justice et que l'Union européenne reste en défaut.
Quand d'ailleurs se décidera-t-elle à adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme, à signer la convention et à accepter la juridiction de la Cour européenne de Strasbourg ?
Le Conseil de l'Europe dispose d'un énorme savoir-faire en matière de justice. L'Union européenne se profile dans une certaine mesure comme une concurrente vis-à-vis de lui et dispose d'ailleurs de beaucoup plus de moyens. L'intervenant est d'avis que la tradition présente au sein du Conseil de l'Europe devrait se concrétiser davantage dans le processus décisionnel de l'Union européenne.
Dans les États fédéraux, la subsidiarité joue un rôle en matière de justice. L'intervenant aimerait savoir comment se déroule le processus décisionnel au niveau européen pour des pays comme l'Allemagne, où la justice est régionalisée au même titre que la police. Et comment cela se passera-t-il en Belgique ? Dans notre pays, les compétences à caractère judiciaire liées au sol ont été partiellement transférées aux entités fédérées. Comment la répartition des compétences en Belgique est-elle prise en compte lorsqu'il s'agit de directives ou de règlements européens liés à ces compétences ?
M. Servais Verherstraeten (CD&V, Chambre) renvoie à la note et à l'exposé dans lesquels le ministre présente un aperçu de problèmes actuels qui perdurent depuis des années et dont certains n'ont encore connu aucune avancée majeure à ce jour. Or, faire de la politique, c'est aussi, selon l'intervenant, faire des choix, et c'est précisément ce qui manque le plus dans la note. Dans le dernier alinéa, qui définit entre autres des priorités géographiques et qui mentionne des pays et des groupes de pays, seuls le Pôle Nord et le Pôle Sud ne sont pas indiqués. Tout le reste est prioritaire. Ce que l'intervenant veut dire, c'est non pas que tout ne soit pas intéressant ni significatif sur le terrain, c'est que, si tout est prioritaire, les séminaires risquent de se multiplier à un rythme effréné sans engranger de résultats notables.
En matière de justice, de sécurité, d'asile et d'immigration, les maîtres-mots sont la collaboration ainsi que la diffusion et l'échange d'informations, dans le respect évidemment des droits fondamentaux. Nous apprenons que le projet e-Justice ne bénéficie pas de la priorité absolue. Nous devons tirer les leçons des erreurs qui ont été commises sur le terrain, non seulement chez nous mais aussi dans d'autres pays. Nous pourrons alors développer davantage l'informatisation — qui n'en est encore chez nous qu'à ses balbutiements — en accord avec ce qui se fait dans ce domaine en Europe, de manière que les deux systèmes soient compatibles au maximum.
B. Réponses du gouvernement
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice admet qu'il aborde la présidence belge avec quelques ambitions. Outre le suivi des dossiers en cours, il faut manifester les ambitions de la Belgique, ambitions qui ne sont pas neuves et qui supposent aussi une continuité. Certes, la tâche est considérable.
Il a signalé que quinze colloques ou séminaires auraient lieu. Ils ne résultent pas seulement de la volonté du département de la Justice mais de nombreux partenaires qui saisissent l'occasion de la présidence belge pour prendre des initiatives. Nous avons voulu intégrer toutes ces démarches dans un programme commun.
Par exemple, l'Institut de formation judiciaire organisera un événement sur le thème du terrorisme.
L'intervenant propose de fournir la liste de travail provisoire permettant de savoir qui organise quoi. Sur cette liste figurent également des initiatives du secrétaire d'État Wathelet et du secrétaire d'État Devlies, qui organiseront un événement sur une matière relevant de leur compétence, en collaboration avec certains groupes cibles tels que le barreau, la magistrature, etc. Eurojust et la Commission de la protection de la vie privée, entre autres, profitent de la présidence belge pour inviter leurs collègues européens, ce qui est devenu une tradition, depuis un certain temps déjà, dans tous les pays qui assurent la présidence européenne.
Le ministre précise qu'il peut déjà communiquer les dates de tous les Conseils JAI et des commissions Libe et Juri du Parlement européen. Les ministres devront être présents mais l'organisation pratique n'est pas encore définie. L'agenda sera très chargé. Dès qu'il dispose des informations définitives sur les séminaires, il les transmettra avec plaisir.
Les quinze séminaires sont dédiés à des thèmes assez spécifiques. Tous les ministres n'y assisteront pas. Ce sera également le cas pour les initiatives d'Eurojust et de la Commission de la protection de la vie privée, mais il est bon que les parlementaires en soient informés.
Bien que l'économie ne relève pas de sa compétence, le ministre est curieux de savoir comment l'on pourrait renforcer les entreprises qui sont engagées dans des procédures de redressement judiciaire. Avec la législation sur la continuité des entreprises, nous disposons actuellement d'un bon texte qui peut servir de référence pour l'Europe en la matière.
Eurojust organisera l'un des séminaires. Michèle Coninsx, actuellement vice-présidente d'Eurojust, est également candidate à la présidence. Les magistrats des différents pays qui éliront le nouveau président à la mi-février seraient particulièrement bien avisés de choisir Mme Coninsx, car elle serait alors en mesure de mettre en place une dynamique et une collaboration plus larges. Eurojust est un instrument fantastique à cet effet. Il permet en effet de discuter de sujets tels que le parquet européen, la grande criminalité et la coordination dans de grands dossiers comme le trafic d'armes. Ce dernier point est une question cruciale et un exemple typique de dossier nécessitant une approche européenne coordonnée. Eurojust fournit également un travail important dans les affaires de tueurs en série, comme celles auxquelles la Belgique a encore été confrontée récemment.
M. Lahssaini a évoqué la directive sur la traite des êtres humains. La Commission a déposé, en avril 2009, une nouvelle proposition de décision-cadre visant à rencontrer tous les objectifs. C'est une initiative importante que nous suivrons avec beaucoup d'intérêt. Elle s'inscrit dans la logique de plusieurs démarches. La Belgique tient absolument à prendre les devants. Dans ce domaine, notre pays a toujours eu une position très forte. Le moment venu, le ministre communiquera toutes les informations.
En réponse à la question sur le trafic d'armes, le ministre précise que ce phénomène concerne la grande criminalité. Nous devons mettre l'accent sur cette question, avec Eurojust, Europol et toutes les institutions concernées.
L'Institut de formation judiciaire est une nouvelle institution dont nous devons encore préciser les priorités. Il organise actuellement un séminaire sur le terrorisme, mais le droit européen est aussi un domaine qui intéresse fortement ses membres. C'est un point qui doit encore être approfondi.
La décision de protection européenne concerne principalement la violence domestique, mais aussi le terrorisme; l'Espagne en a fait une priorité. Ce sera l'un des points à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. Nous examinerons en détail la proposition espagnole au cours de la préparation de cette réunion.
Plusieurs questions ont été posées sur le thème du droit familial. Celles-ci seront abordées ultérieurement.
Mme Nyssens a évoqué, à juste titre, la réticence des pays à s'inscrire dans une démarche commune en matière de Justice. Lors du premier sommet informel de Tolède, le ministre a senti que l'application du Traité de Lisbonne, avec les changements que cela impliquait, suscitait bien des réticences, particulièrement en matière de droit familial. Cependant, il faut veiller à ne pas trop bousculer ce qui a déjà été mis en œuvre, notamment par Bruxelles 1. Nous voulons progresser et faire valoir notre expérience mais il ne nous appartient pas de faire le forcing. Nous verrons comment les propositions seront formulées.
Il est très important de connaître la position exacte de la commissaire européenne Mme Viviane Reding. Une rencontre est prévue ce 11 février prochain afin de définir les priorités et de préciser quels documents elle a l'intention de soumettre aux différentes présidences. Jusqu'à présent, nous ignorons le programme de la Commission. Nous serons sans doute fixés prochainement et nous pourrons alors informer les parlementaires sur ses ambitions.
M. Vandenberghe aborde le cœur du débat sur les choix que nous devons faire et sur la manière dont nous pouvons évoluer vers une plus grande collaboration européenne sur la base d'une reconnaissance mutuelle. Si des expériences intéressantes ont démontré que la coopération européenne pouvait être très utile, il n'y a jamais eu de véritable progrès en matière de justice.
Nous devrons examiner de quelle manière nous pouvons développer une nouvelle vision à cet égard, en concertation avec le Parlement européen. Ce sera pour nous un grand défi de mener le débat au sein du Parlement européen et de ses nombreuses commissions, ainsi que d'obtenir un consensus. Nous devrons nous y préparer comme il se doit.
Une réunion importante prévue prochainement en Suisse abordera notamment la question de savoir comment faire en sorte que l'UE soit davantage en phase avec la convention des droits de l'homme. C'est un domaine dans lequel il faut pratiquement partir d'une page blanche. Nous ne manquerons pas d'y revenir dans les jours et les semaines à venir.
L'intervenant relève qu'il n'a pas encore vu de représentants des entités fédérées aux réunions des conseils des ministres Justice/Intérieur. Ceux-ci viendront peut-être plus tard.
En ce qui concerne la décision d'instruction européenne, l'intervenant souhaiterait examiner le sujet en détail, ce qui est impossible aujourd'hui. D'ailleurs, il y a encore d'autres thèmes qui doivent être approfondis. C'est la raison pour laquelle le ministre préconise fortement d'attendre la présidence européenne pour discuter de ces matières au parlement. Cela contribuerait aussi au bon déroulement des débats au niveau européen, ne fût-ce que parce que nous serions ainsi assurés du soutien de notre propre parlement. Le ministre espère dès lors que l'agenda du Parlement belge pourra coïncider autant que possible avec notre présidence européenne.
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales se rallie au ministre de la Justice en ce qui concerne l'agenda particulièrement chargé.
En matière familiale, un colloque sera organisé avec la COFACE — Confédération des organisations familiales de l'Union européenne. Une fois de plus, le gouvernement se joint à une organisation financée par l'Union européenne. C'est une façon de maximaliser la présidence belge et d'alimenter le débat. Certes, le programme est chargé mais il faut plutôt s'en réjouir, d'autant que toutes ces manifestations ont lieu en coordination avec les acteurs de terrain.
Nous sommes bien conscients de l'importance de la question des réfugiés climatiques soulevée par M. Lahssaini. Toute initiative dans ce sens sera évidemment soutenue dans le cadre de la présidence belge. Il faut toutefois souligner que les priorités en matière d'asile sont évidemment liées aux textes qui ont été déposés par la précédente Commission et qui portent sur le statut de réfugié, la protection subsidiaire et les procédures. C'est une base de travail qui suscite déjà de nombreux débats, notamment dans les Conseils JAI. Il serait déjà très positif que nous puissions avancer vers une harmonisation de ces questions, harmonisation qui vise à amplifier les protections bien nécessaires pour lesquelles nous nous sommes engagés sur le plan international. L'intervenant rappelle que tous les pays de l'Union européenne ont signé la Convention de Genève et d'autres engagements internationaux sur le statut de réfugié et la protection subsidiaire. Toute concurrence à l'intérieur de l'Union européenne doit être évitée, particulièrement dans l'espace Schengen. Les réfugiés ne doivent plus être amenés à se diriger vers un pays plutôt qu'un autre, en fonction du type de procédure d'asile ou des critères pris en considération dans le cadre de la reconnaissance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire.
Cette harmonisation est un élément nécessaire et fondamental en vue de cette confiance mutuelle.
L'intervenant se réjouit sur le point des prises de position assez fortes du nouveau gouvernement grec. Il a manifesté une véritable volonté d'assurer une meilleure protection, notamment sur son sol. Il serait très positif que nous puissions alimenter et amplifier ce mouvement.
La résolution du problème de la « route belge » ne dépend pas uniquement de la Belgique. Fin 2010, la Commission européenne publiera un livre vert qui abordera également la problématique du regroupement familial. Nous comptons bien suivre cette initiative et il va de soi que nous y collaborerons. Jusqu'à présent, la Commission n'a pris aucune initiative. Cette problématique découle du fait que certaines personnes profitent de la libre circulation des personnes pour régler certaines choses sous le couvert d'une autre législation.
Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a pris une initiative en matière d'intégration mais celle-ci sera menée en collaboration avec les Communautés parce que bon nombre de ces compétences ont été régionalisées.
Mme De Schamphelaere a soulevé des interrogations en matière de droit familial et de droit successoral, deux matières où la subsidiarité joue également un rôle.
M. Vandenberghe a évoqué la subsidiarité. Quel est le niveau de pouvoir qui apportera la plus-value à la gestion de la politique en tant que telle ? Viennent alors les choix politiques.
Il est exact que de plus en plus de gens mettent à profit la libre circulation des personnes pour se rendre dans un autre pays, et que cela a une incidence. Toutefois, cela ne signifie pas qu'en cas de règlement au niveau européen, l'on fera les bons choix politiques. Il s'agit de deux discussions différentes.
On constate une vraie méfiance. En matière familiale, l'unanimité est toujours de rigueur parce que le sujet est sensible. On sent que peu de pays ont l'intention d'avancer car la confiance fait défaut sur les choix politiques.
Certains pays — c'est une première — ont la volonté de progresser dans des coopérations renforcées en matière de droit familial. Cela concerne le divorce et la reconnaissance des jugements. Ce sera peut-être la voie qui s'imposera, bien qu'elle ne soit pas idéale. En effet, une coopération renforcée ne concerne que certains pays de l'Union européenne qui choisissent de collaborer et de contourner la contrainte de l'unanimité. Nous devrons peut-être choisir cette coopération afin que soient mieux reconnues nos décisions de justice, notamment en matière de droit familial. L'initiative proposée concerne donc le divorce.
En ce qui concerne les rapts parentaux évoqués par Mme Lalieux, nous devons faire en sorte que l'arsenal législatif, le règlement Bruxelles 2bis et les conventions internationales, notamment la Convention de La Haye — des textes positifs — soient effectifs.
Il faut créer cette confiance et ce respect mutuels afin de mener une véritable lutte contre les rapts parentaux. Cela passe notamment par la médiation internationale au niveau familial. Pour cette raison, nous avons lancé un certain nombre de groupes de travail sur la médiation familiale, en vue de former les médiateurs et de mettre autour de la table tous les acteurs et représentants des secteurs de la médiation. Nous voulons préparer une conférence entre ministres, les 14 et 15 octobre 2010 afin de progresser à ce sujet. Nous voulons créer un respect des décisions de justice et lutter efficacement contre les enlèvements internationaux d'enfants. L'intervenant répète que, la majorité de ces enlèvements ont lieu au sein de l'Union européenne. Il faut commencer par démontrer que nous sommes en mesure d'atteindre cet objectif au niveau européen, par le biais de la médiation internationale.
En ce qui concerne les MENA — mineurs étrangers non accompagnés —, nous attendons le plan d'action de la Commission et les positions de la présidence espagnole. Une fois de plus, il convient de s'inscrire dans la continuité. La présidence espagnole a rappelé à plusieurs reprises qu'elle faisait de cette question une priorité et qu'elle ferait des propositions. L'intervenant avoue être un peu en attente de ces mesures afin de définir notre démarche. Nous attendons également le plan d'action de la Commission.
En ce qui concerne la directive « Retour », le délai pour la transposition est l'année 2010. Nous devons transposer cette directive, puisqu'elle implique des objectifs à atteindre. Certaines latitudes sont cependant réservées aux États. Nous les utiliserons et nous ferons les choix politiques qui s'imposent. Pendant la présidence belge, il est encore plus important que nous respections les délais qui nous sont imposés.
pour la transposition des textes européeensBeaucoup de défis très importants nous attendent mais nous avons la chance d'intervenir à un moment charnière en matière d'asile et d'immigration et en matière familiale, avec des textes qui sont déjà bien aboutis. On sait où se situent les problèmes et les difficultés politiques. Nous avons de véritables chances d'engranger un certain nombre de textes et d'avancées concrètes sur le terrain, pour lesquels la dimension européenne apportera une plus-value.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de l'Intérieur, estime que les problèmes issus du trafic d'armes sont liés à la question des bandes criminelles itinérantes. En effet, il ne s'agit pas uniquement d'appréhender les auteurs, mais de saisir en même temps le matériel et les armes qu'ils ont emmenés avec eux. Le trafic d'armes constitue donc une priorité absolue. Nous remarquons en effet que les criminels viennent de plus en plus souvent de l'étranger, et que c'est également le cas de leurs armes, surtout en ce qui concerne les armes lourdes de guerre que l'on trouve aujourd'hui à Bruxelles et qui ne sont pratiquement pas fabriquées dans notre pays. C'est la raison pour laquelle, comme l'a déjà souligné la ministre lors de son introduction, nous inclurons également les phénomènes de criminalité qui se déplacent à l'intérieur de l'Europe, en considérant non seulement les personnes mais aussi leurs armes.
Les présidents-rapporteurs, |
Martine TAELMAN (S). Philippe MOUREAUX (S). Vanessa MATZ (S). Sonja BECQ (CH). André FRÉDÉRIC (CH). Herman DE CROO (CH). |