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Mme Christiane Vienne (PS). - Master Finance, qui a cessé ses activités en 2009, fait l'objet de nombreuses plaintes. Le cabinet Deminor traite une cinquantaine de dossiers relatifs à des contrats d'assurance distribués par cette société d'assurances. Des clients qui avaient investi dans des contrats à capital garanti auraient été poussés à investir dans des produits beaucoup plus risqués, sans être correctement informés des risques réels. En fait, Master Finance persuadait des courtiers, grâce à des commissions et bonus très alléchants, d'écouler des produits « garantis » alors qu'ils ne l'étaient pas du tout. Motivés par ces revenus additionnels, les courtiers vendaient régulièrement les produits de Master Finance.
Les clients dont il est difficile d'évaluer le nombre, n'auraient jamais bénéficié des gains promis, d'autant que Master Finance a été déclarée en faillite il y a quelques mois.
Monsieur le ministre, disposez-vous d'informations éclairant ce dossier ? Des citoyens belges ont-ils été sciemment escroqués par Master Finance ? La CBFA envisage-t-elle de mener une enquête sur cette affaire ?
M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Master Finance Belgium SA était une filiale de la société luxembourgeoise Master Finance Europe. Elle disposait d'une inscription au registre des intermédiaires d'assurances, catégorie courtiers d'assurances, depuis le 15 mars 2004. Cette inscription au registre a été radiée par la CBFA le 9 juillet 2008, après la mise en liquidation de la société. Le 7 décembre 2009, cette dernière a été déclarée en faillite.
Dans le cadre de ses activités d'intermédiation, Master Finance Belgium a vendu plusieurs polices d'assurance vie du type « branche 23 », émanant principalement des entreprises d'assurances irlandaises Prudential International Assurance plc et Hansard Europe Limited Ces deux entreprises sont soumises au contrôle de l'autorité de surveillance irlandaise. Elles sont autorisées à exercer leurs activités d'assurances en Belgique en vertu des directives européennes.
Hansard Europe Limited gère un certain nombre de fonds « branche 23 » qui lui sont propres, mais intervient également comme « wrapper » de fonds « externes ». Cela signifie que des fonds externes sont repris au titre d'actifs dans un fonds d'assurance de la « branche 23 ». Tel est notamment le cas du fonds PX Dominion. Ce fonds « branche 23 » a été commercialisé en Belgique par Master Finance, qui collaborait à cet effet avec plusieurs autres courtiers d'assurances belges.
PX Dominion est un fonds géré par Dominion Fund Management Limited, une entreprise établie à Guernesey. Selon les informations dont dispose la CBFA, il s'agit d'un fonds à effet de levier qui n'a jamais pu être vendu directement au public en Belgique étant donné qu'il n'a pas fait l'objet, en application des règles européennes, d'un prospectus approuvé et qu'il est destiné, d'après la description qui en est donnée, aux investisseurs institutionnels et professionnels. Ce fonds est un fonds parapluie qui investit dans des actifs de Prudential.
Sa commercialisation a été suspendue en raison d'importantes divergences de vue entre Dominion Fund Management Limited et Prudential quant à la valorisation de certains actifs. La nature du différend est exposée sur le site internet de l'entreprise en question. Il est toutefois difficile de savoir dans quelle mesure les clients belges en ont été informés par une communication distincte.
La directive européenne en matière d'assurances permet malheureusement que de tels produits soient vendus indirectement par le biais d'un contrat d'assurance vie du type branche 23. Les règles européennes n'autorisent en effet pas le législateur belge ou l'autorité de contrôle belge, en l'occurrence la CBFA, à imposer des limites en ce qui concerne le choix des actifs du fonds d'assurances.
En revanche, les entreprises d'assurances concernées doivent respecter un devoir d'information à l'égard de leurs clients belges. Elles doivent en outre mentionner dans leur publicité les objectifs du fonds et la classe de risques concernée.
Les intermédiaires d'assurances belges qui entrent en contact avec des clients sont, en vertu de la législation belge, tenus d'informer ces clients de manière suffisante sur les contrats en question. Ils doivent, préalablement à la conclusion du contrat d'assurance, au moins identifier les attentes et les besoins du client en tenant compte des renseignements fournis par ce dernier. Ils doivent également préciser les éléments sur lesquels leur avis concernant un produit d'assurance déterminé est fondé.
Eu égard aux récentes plaintes dont la presse s'est fait l'écho, la CBFA a diffusé, le vendredi 29 janvier, un communiqué de presse invitant les clients ayant souscrit ce type d'assurance vie à adresser leurs plaintes à l'Ombudsman des assurances. L'ombudsman est en effet la personne indiquée pour centraliser ces plaintes.
La CBFA étant tenue au secret professionnel, elle ne peut communiquer que peu d'informations aux clients concernés. En revanche, elle collaborera avec l'ombudsman, ce qui lui permettra de mieux évaluer l'ampleur et la nature des problèmes, pour ensuite devoir réagir tant à l'égard des entreprises d'assurances irlandaises et de leur autorité de contrôle qu'à l'égard des courtiers d'assurances belges concernés. Si elle constate des faits répréhensibles, la CBFA transmettra ces informations au parquet.
La CBFA a par ailleurs décidé de suspendre l'inscription de Dominion DMG Belgium au registre des intermédiaires d'assurances. Cette société fait partie du groupe qui gère les fonds PX Dominion en question et qui avait repris Master Finance en 2009. J'attire toutefois votre attention sur le fait que, indépendamment de la décision de suspension prise à son égard, cette société n'a jamais entamé d'activités en Belgique.
La CBFA m'a également confirmé que dans le cadre de son enquête, elle a planifié des contacts avec l'autorité de contrôle irlandaise afin de débattre les aspects de contrôle concernant les entreprises d'assurances actives en Belgique.
Il est important à cet égard que tant à l'échelon européen que sur le plan national, des initiatives puissent être prises pour instaurer des règles uniformes applicables aux produits similaires.
À l'échelon européen, la Commission européenne s'est attelée à la mise en place de règles pour les Packaged Retail Investment Products, l'objectif étant d'établir non seulement des règles d'agrément, mais également des règles de conduite uniformes pour de tels instruments. Il semblerait que les règles MiFID (Markets in Financial Instruments Directive) soient utilisées à cet égard comme référence.
Sur le plan national, le législateur s'emploie lui aussi à mettre en place un régime uniforme, dans les limites de la directive européenne en matière d'assurances.
Le projet de loi relatif à l'évolution du contrôle financier, adopté par le conseil des ministres et transmis au parlement, habilite en effet le Roi à étendre l'application des règles MiFID à la commercialisation de produits d'assurance de la branche 23.
Revêtent à cet égard une importance cruciale les règles relatives aux rémunérations attribuées aux intermédiaires, ces règles devant gagner en transparence.
Dans le dossier concerné, on peut s'interroger sur l'importance et la proportionnalité de ces rémunérations par rapport aux usages dans le secteur.
J'estime par ailleurs qu'un courtier qui fournit des conseils à son client dans le cadre de la présentation d'un produit de la branche 23 ou d'un instrument financier devrait être soumis à un statut incluant l'activité de conseil en investissement.
Je prépare actuellement, à cet effet, un arrêté d'exécution établissant les conditions auxquelles les courtiers en services bancaires et en services d'investissement devraient répondre pour pouvoir fournir des services de conseil en investissement.
J'arrive ainsi à la fin de cette réponse, quelque peu technique, je le reconnais. Je vous confirme en tout cas que les clients qui vous auraient contactée doivent, en premier ressort, entamer une démarche auprès de l'Ombudsman des assurances.
Mme Christiane Vienne (PS). - Je remercie le ministre de sa réponse technique très complète.