4-1185/3 | 4-1185/3 |
12 JANVIER 2010
I. INTRODUCTION
La proposition de résolution visant à étendre le régime du tiers payant social (doc. Sénat, nº 4-1185/1) a été déposée le 17 février 2009. La commission des Affaires sociales l'a examinée au cours de ses réunions des 30 juin et 24 novembre 2009 et des 5 et 12 janvier 2010, en présence de Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale, et de M. Jean-Marc Delizée, qui était alors secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté.
Au cours de la réunion du 24 novembre 2009, la commission a organisé une audition des personnes suivantes:
— M. Emmanuel Quintin, administrateur général adjoint de la Banque-carrefour de la sécurité sociale;
— M. H. De Ridder, directeur général de l'INAMI;
— M. Herman Moeremans, président du Syndicaat Vlaamse Huisartsen;
— M. Michel Vermeylen, président de l'Association des médecins de Famille;
— Mme Ingrid Fleurquin, Alliance nationale des mutualités chrétiennes;
— Mme Renée Van der Veken, Union nationale des mutualités socialistes;
— le professeur Jan De Maeseneer, UGent.
Le compte rendu de cette audition est annexé au présent rapport.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEURE PRINCIPALE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Mme Lanjri déclare que la proposition de résolution a pour but de mettre sur pied un projet-pilote visant à étendre aux médecins généralistes le système du tiers payant social qui est déjà appliqué actuellement dans les hôpitaux par exemple. Pour de nombreuses personnes, la facture des soins de santé commence à peser extrêmement lourd. Parmi les facteurs à risque, on peut citer un très bas salaire ou une allocation fort réduite. En Belgique, le revenu d'intégration et de nombreuses autres allocations se situent sous le seuil de risque de pauvreté.
Il existe en outre entre les allocations de longue durée et les frais de soins de santé correspondants une influence réciproque négative. Une enquête récente le prouve en montrant très clairement que la plupart des malades chroniques souffrent de problèmes financiers. Parmi les plus de 220 000 personnes qui doivent vivre d'une allocation d'invalidité dans notre pays, plus de la moitié reçoivent l'allocation minimale, qui est inférieure au seuil de pauvreté. Ce revenu faible conjugué à des frais de soins de santé élevés a pour effet de plonger dans la précarité beaucoup de malades chroniques et leur famille.
Une étude réalisée en l'an 2000 par l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes révélait que 90 000 malades chroniques recevaient une allocation se situant sous le seuil de pauvreté. Près de 20 000 malades chroniques doivent vivre du revenu minimum d'intégration et 50 % des malades chroniques bénéficient d'une allocation légèrement supérieure à ce revenu. Seuls 6 % des malades chroniques reçoivent l'indemnité d'invalidité maximale.
Des chiffres plus récents montrent que la situation ne s'est pas améliorée. Au deuxième trimestre de l'année 2005, 33 % des invalides avec charge de famille, 49 % des invalides isolés et 75 % des invalides cohabitants recevaient une allocation minimale.
Vivre d'une indemnité d'invalidité n'est pas non plus une sinécure: 72 % des isolés et 81 % des chefs de famille bénéficiant d'une indemnité de ce type déclarent s'en sortir difficilement voire très difficilement. Dès lors, plus de 70 % des isolés et 80 % des chefs de famille font des économies sur les vêtements, l'aménagement du domicile et les loisirs. Il est inquiétant de constater que 32 % des isolés économisent sur les consultations médicales, alors que 50 % puisent dans leurs économies pour s'en sortir. 50 % sont aidés financièrement par des tiers et 50 % ont des factures impayées à longue échéance. Ils ne sont que 10 % à pouvoir encore faire des économies.
D'autre part, un grand nombre de personnes sont endettées ou en médiation de dettes et peuvent également se retrouver sous le seuil de pauvreté. Pour toutes ces catégories de personnes, une consultation chez le médecin grève lourdement un budget déjà réduit. Le fait de devoir avancer les frais des soins de première ligne s'avère représenter un frein important qui incite ces personnes à les reporter ou même à y renoncer dans certains cas. L'on sait que cela entraîne souvent des frais plus élevés à un stade ultérieur, non seulement pour le patient mais aussi pour la société dans son ensemble.
Grâce au mécanisme du tiers payant, le patient n'est pas obligé d'avancer de l'argent: l'intervention de l'assurance obligatoire pour la prestation fournie est directement versée au prestataire de soins par l'assurance du patient, tandis que ce dernier paie uniquement le ticket modérateur. La réglementation actuelle est le fruit de la recherche d'un équilibre entre deux préoccupations: la première est de nature sociale et vise à garantir à chacun l'accès aux soins de santé, la seconde est de nature financière et vise à maîtriser les dépenses de soins de santé.
Le régime actuel est inscrit dans l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. Cet arrêté royal prévoit trois types de régimes de tiers payant suivant la nature des prestations:
1. Dans certains cas, le régime du tiers payant est obligatoire, par exemple pour une hospitalisation ou pour les prestations y assimilées;
2. Dans d'autres cas, l'application du régime du tiers payant est interdite, par exemple pour les visites, les consultations et les avis des médecins généralistes et spécialistes;
3. Enfin, dans certains cas, le régime du tiers payant est facultatif ou autorisé. Le dispensateur de soins peut demander lui-même l'application du régime (par exemple, les médecins et les praticiens de l'art dentaire). C'est le cas pour les prestations pour lesquelles le régime du tiers payant n'est ni interdit ni obligatoire.
À côté de ce régime général du tiers payant, il existe également un régime du tiers payant social. L'interdiction générale de l'application du tiers payant peut en effet faire l'objet d'exceptions qui ont pour but de ne pas entraver l'accès aux soins des personnes pour lesquelles l'avance des frais constitue un obstacle.
Le système existant n'est pas à l'abri de toute critique. Les études et rapports publiés sur le régime du tiers payant montrent que dans sa conception actuelle, il n'atteint pas tout à fait son but en ce qui concerne l'accessibilité aux soins de santé. À l'heure actuelle, 4 à 10 % des prestations sont soumises à ce régime. Des réactions critiques fusent, tant de la part des dispensateurs de soins que de la part des mutualités et des patients.
Les dispensateurs de soins sont tous des petits indépendants qui ont naturellement intérêt à être payés rapidement. Actuellement, le système est encore trop complexe. La charge administrative décourage les dispensateurs de soins désireux d'appliquer ce régime. Il convient donc de simplifier les procédures et de rémunérer plus rapidement les dispensateurs de soins. Les mutualités craignent les pratiques abusives. La transparence est donc de mise. Pour les patients, ce régime conserve un effet stigmatisant. Ils doivent en demander eux-mêmes la mise en œuvre au médecin traitant. La gêne empêche dès lors de nombreux patients de formuler cette demande. À cet égard, la solution pourrait être d'accorder un droit automatique à certains patients.
L'accord national médico-mutualiste 2009-2010 énonce des dispositions spécifiques à propos du régime du tiers payant en son chapitre « Accessibilité pour le patient ». Ainsi, l'accès au système du tiers payant facultatif est ouvert à leur demande aux médecins qui n'ont pas adhéré à l'accord dans la mesure où ils notifient au Collège intermutualiste national qu'ils respecteront les tarifs de l'accord pour les prestations couvertes par le système du tiers payant dans les mêmes conditions que les médecins engagés. En outre, en vue d'assurer une accessibilité optimale aux soins à certains groupes d'assurés, le régime du tiers payant sera appliqué à partir de la mi-2009 pour les honoraires concernant le dossier médical global, avec et sans module de prévention, demandé par le patient, ainsi que pour les honoraires dans le cadre des trajets de soins. Les organismes assureurs s'engagent à développer une procédure commune et simple afin d'assurer un paiement rapide des honoraires dus.
Le nouvel accord national dento-mutualiste 2009-2010 contient également des dispositions spécifiques. Il prévoit notamment que le dentiste conventionné s'engage à attester au maximum 75 % de ses prestations via le régime du tiers payant, et à invoquer la situation financière de détresse pour maximum 5 % de ses prestations. Si le dentiste dépasse ces plafonds, il pourra être exclu du régime du tiers payant à l'issue d'une procédure spécifique.
L'extension du régime du tiers payant social est l'un des points d'action mis en exergue par l'ASBL Welzijnszorg lors de sa campagne d'automne 2008 « Armoede schaadt de gezondheid » (la pauvreté nuit à la santé). Conjointement avec les coauteurs de la proposition de résolution, l'intervenante a appuyé cette action, qui a également bénéficié du soutien explicite du secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté. Tout récemment, la ministre de l'Intérieur a également fait savoir à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique qu'elle plaide pour l'extension du régime, surtout sous l'angle de la sécurité: moins le médecin généraliste a d'argent à manipuler, moins il risque de se faire attaquer.
Le Syndicaat van Vlaamse huisartsen (SVH) s'est, lui aussi, déjà prononcé en faveur de ce système. C'est une procédure normale dans le secteur des soins de santé, sauf pour les prestations les plus courantes chez le médecin généraliste. Il s'agit donc d'éviter à tout prix de donner l'impression qu'il existe une inégalité de traitement. En effet, le patient pourrait croire que les prestations du médecin généraliste sont plus chères que celles de la médecine hospitalière par exemple. L'extension du régime du tiers payant aux prestations du médecin généraliste contribuera non seulement à renforcer la sécurité mais aussi à améliorer la qualité des soins. En rendant ceux-ci plus accessibles, on amènera les personnes précarisées à faire appel plus rapidement au médecin généraliste alors qu'elles ont souvent tendance à l'heure actuelle à retarder ce moment.
La résolution prévoit:
1. de lancer un projet-pilote en vue d'étendre le système et de faire en sorte que toutes les parties concernées y soient impliquées (les médecins généralistes, les dentistes, les patients (et associations de patients), les mutualités et peut-être aussi un certain nombre de médecins spécialistes).
2. de faire évoluer le système d'un libre choix pour le prestataire de soins vers un droit automatique pour le patient bénéficiaire.
3. d'établir, pour certains groupes cibles, un droit automatique. Nous pensons principalement aux bénéficiaires du statut OMNIO, de l'intervention majorée et du forfait de soins et aux personnes bénéficiant d'une aide financière en raison d'un handicap.
À cette fin, il conviendra d'uniformiser les régimes sur le plan administratif, par exemple par le biais de la carte SIS ou de la vignette de mutuelle.
4. de faire en sorte que certains autres groupes puissent solliciter le bénéfice de ce régime.
5. d'étendre ce régime à terme à d'autres prestataires de soins.
Enfin, Mme Lanjri souligne qu'elle a déposé non pas une proposition de loi mais une proposition de résolution et qu'elle y plaide pour le lancement d'un projet-pilote et non pas tant en faveur d'une extension immédiate du système du tiers payant social.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
A. Discussion
M. Fournaux souligne que c'est la première fois que l'on établit dans un texte relatif à la sécurité sociale — une matière qui relève de la compétence de l'autorité fédérale et qui concerne tous les citoyens — une distinction selon la commune ou la ville de résidence. Cela lui paraît très curieux.
Mme Lanjri répond que l'objectif est de lancer un projet-pilote et qu'il faut le faire dans une ou plusieurs communes et non dans l'ensemble du pays. La ministre des Affaires sociales doit sélectionner ces communes, conjointement avec le secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté. Une fois que la mesure sera opérationnelle, elle devra évidemment être traduite sous la forme d'une disposition légale valable pour tous.
Mme Van Ermen comprend que la résolution a été dictée par des objectifs très nobles et par le souci de venir en aide aux plus démunis. Toutefois, on constate souvent que les mesures bien intentionnées font l'objet d'abus. Il faut éviter que cela se produise dans le cadre d'une disposition légale. Il arrive en effet que certains numéros soient ajoutés afin de gonfler le montant de la facture ou qu'une même carte SIS soit utilisée par des personnes différentes. Et ce ne sont pas là les seules formes de fraude sociale. En cas de lancement d'un projet-pilote, il faut donc prévoir un mécanisme de contrôle strict en vue d'éviter les abus. Une politique de la gratuité totale ne ferait qu'encourager ceux-ci.
Mme Lanjri estime, elle aussi, qu'il faut lutter contre les abus et mettre en place des mécanismes de contrôle. C'est pourquoi il est prévu dans un premier temps de lancer des projets pilotes. Elle précise toutefois que la lutte contre les abus dans le cadre de l'assurance soins de santé, comme l'utilisation par des personnes différentes d'une même carte SIS, est une donnée générale qui ne présente pas de lien direct avec la proposition à l'examen. L'intervenante renvoie aux projets de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique qui prévoient de créer aussi à l'avenir des cartes dotées à la fois de puces et de photos, mais précise n'avoir aucune objection à ce que l'on ajoute un point dans la résolution afin d'attirer l'attention sur les abus possibles tant du côté de l'utilisateur que de celui des prestataires de soins de santé.
Mme Lijnen estime que le paiement du ticket modérateur vise également à freiner quelque peu la consommation médicale et à sensibiliser aussi les patients au coût global des prestations médicales. En outre, de nombreuses exceptions permettent d'ores et déjà aux médecins généralistes d'appliquer le système du tiers payant social, notamment pour les patients bénéficiant d'interventions sociales majorées, pour les patients comateux, pour ceux dont les revenus du ménage sont inférieurs au revenu d'intégration, etc. D'autre part, il ne faut pas oublier que le système n'est pas très favorable aux médecins concernés car ils doivent souvent attendre trois mois avant de percevoir leurs honoraires. Il faudra bien que l'on tienne compte de ces éléments si l'on souhaite étendre le système du tiers payant social.
Enfin, l'intervenante partage également le point de vue de ceux qui soulignent l'importance des mécanismes de contrôle. Ils représenteront certainement un élément de poids lors de l'évaluation d'un projet-pilote éventuel.
Mme Lanjri répond que le coût global apparaît aussi clairement sur les factures d'hôpitaux à payer, bien que les patients n'aient que le ticket modérateur à leur charge. Elle répète que plusieurs études ont déjà démontré que certaines personnes tardent souvent à consulter leur médecin traitant pour des raisons financières, ce qui aggrave souvent leur état et ne fait qu'accroître le coût global de l'assurance maladie, car une hospitalisation s'avère alors souvent inévitable. Le constat « la pauvreté rend malade et la maladie rend pauvre » prend assurément ici toute sa dimension. Il s'agit de briser cette spirale négative.
L'intervenante admet que les médecins doivent souvent attendre trop longtemps avant de percevoir leurs honoraires, mais elle pense qu'on pourrait en anticiper le paiement. Sa proposition présente précisément l'avantage de réduire les tracasseries administratives qui pèsent sur les médecins généralistes, étant donné que dans l'état actuel de la procédure d'exception, ils ont toutes sortes de formalités à remplir. Toute personne qui peut bénéficier du régime du tiers payant social y aura droit automatiquement, par exemple par le biais d'un code indiqué sur sa carte SIS ou sur sa vignette de mutuelle. Ce système permettra également de résoudre le problème des personnes qui n'osent pas demander à leur médecin traitant l'application du tiers payant social et introduira en même temps une simplification administrative.
Mme Lanjri insiste sur le fait que la résolution prévoit seulement la mise en place d'un projet-pilote. Il n'en demeure pas moins que plusieurs mutualités sont déjà en train d'anticiper l'extension éventuelle du régime du tiers payant social.
Mme Tilmans comprend l'engagement social à la base de la résolution mais constate en même temps que le système du tiers payant social ne fonctionne pas encore de manière optimale. Il convient de s'interroger sur les causes de ces dysfonctionnements. Elle estime dès lors qu'il serait souhaitable d'entendre à cet égard les responsables de l'INAMI, des mutualités et des représentants des médecins généralistes. L'on ressasse sans cesse les simplifications administratives mais, sur le terrain, l'on constate qu'elles sont loin d'être réalisées. La proposition de résolution risque donc de rendre la profession de médecin généraliste encore moins attrayante et d'accentuer la pénurie de médecins.
En outre, l'on peut se demander comment le médecin généraliste pourra contrôler l'exactitude des données du patient concerné. Ce dernier devra-t-il faire une déclaration sur l'honneur ou remplir certaines formalités pour pouvoir bénéficier du système du tiers payant social ? À l'heure actuelle, l'on recense déjà 11 tarifs différents de tickets modérateurs. La présente résolution entend-elle en ajouter un douzième ?
Mme Lanjri ne voit aucun inconvénient à organiser une audition durant laquelle les différents acteurs pourront communiquer leur position. Elle répète que l'objectif est justement de réduire la complexité administrative et d'accorder aux catégories de patients concernées — celles qui relèvent du statut OMNIO, de l'intervention majorée, du forfait de soins majoré, etc. — un droit automatique à l'application du régime du tiers payant. Elle précise par ailleurs que la résolution ne demande pas d'introduire de nouvelles choses mais seulement d'étendre ce qui existe déjà. Il n'est donc nullement question d'instaurer un nouveau tarif de ticket modérateur.
Mme Van Ermen ne comprend pas l'argument selon lequel des considérations financières empêcheraient les patients les plus défavorisés de consulter un médecin généraliste. En effet, l'on constate souvent qu'ils trouvent malgré tout de l'argent pour acheter du tabac ou de l'alcool. En ce qui concerne le contrôle, l'intervenante estime qu'il faut être attentif au fait qu'une fois le patient inclus — à tort ou à raison — dans le système du tiers payant social, il sera toujours classé dans cette catégorie, alors qu'il peut arriver qu'après quelque temps, il ne fasse plus partie de ce groupe cible.
Mme Lanjri répond qu'actuellement, les mutualités suivent déjà leurs patients et adaptent au besoin leur profil. Bien entendu, les pensionnés feront toujours partie de ce groupe cible, tandis que les chômeurs pourraient réintégrer le marché du travail et voir leur profil adapté. D'autre part, l'intervenante plaide pour une approche préventive de la consommation de tabac et d'alcool.
M. Fournaux constate que la classe moyenne se réduit de plus en plus dans notre société. Beaucoup de personnes bénéficiant d'un revenu de remplacement reçoivent toutes sortes d'avantages et d'interventions dont ne peuvent pas bénéficier les personnes qui travaillent pour un salaire modeste. Cela retient les gens d'essayer de sortir de l'aide sociale et à devenir actifs sur le marché de l'emploi. Il est possible que l'extension du régime du tiers payant social accentue encore ce phénomène et favorise de surcroît la surconsommation médicale.
Mme Lanjri est d'accord avec l'intervenant précédent dans le sens où la législation sociale doit avoir pour objectif d'encourager les gens à chercher un emploi et à ne plus dépendre de toutes sortes de régimes d'aide. Il doit toujours y avoir des personnes qui tirent le wagon, d'autres doivent le pousser et seul un petit nombre de personnes peuvent monter dans le wagon et se laisser porter. En revanche, il faut éviter que la majorité soit assise dans le wagon pendant qu'une minorité le tire ou le pousse. C'est la raison pour laquelle il faut empêcher les pièges à l'emploi.
Elle indique toutefois que la proposition de résolution à l'examen n'a rien à voir avec cette problématique. Dans le système actuel, les patients paient tous les honoraires complets du médecin généraliste, et la mutualité leur rembourse une grande partie de ces honoraires. À l'heure actuelle, ils ne paient donc déjà que le ticket modérateur, la différence étant qu'ils doivent attendre l'intervention de la mutualité. Si le système du tiers payant social était étendu, les patients concernés ne paieraient que le ticket modérateur directement lors de la visite chez le médecin généraliste. La somme finalement payée par le patient et le coût pour l'assurance-maladie demeurent donc identiques. Le seul changement serait la suppression d'une charge administrative grâce au fait que le remboursement par la mutualité ne serait plus nécessaire.
Par ailleurs, Mme Lanjri ne serait pas opposée au fait que le système du tiers payant social, qui existe déjà aujourd'hui pour tout le monde, soit supprimé pour les revenus supérieurs. Le but n'est donc absolument pas de créer un frein supplémentaire à l'accès au marché de l'emploi. En outre, la surconsommation médicale ne sera pas encouragée. En effet, on constate déjà aujourd'hui que les patients appartenant au groupe cible visé ne se rendent pas chez le médecin généraliste mais vont directement aux urgences d'un hôpital, précisément parce qu'ils peuvent y bénéficier du régime du tiers payant social, ce qui n'est pas le cas lors d'une visite chez le médecin traitant. Il serait pourtant moins onéreux pour l'assurance-maladie que ces patients se rendent d'abord chez le médecin généraliste, mais ils ne le font pas souvent, et ce pour des raisons financières. La proposition de résolution à l'examen entend supprimer cet obstacle financier.
Mme Van Ermen estime que les patients se rendent souvent aux urgences d'un hôpital par facilité plutôt que pour des raisons financières.
B. Point de vue de M. Delizée, secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté
M. Delizée, secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté, déclare soutenir la proposition de résolution à l'examen, bien que sa mise en œuvre technique relève plutôt de la compétence de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique.
Selon lui, l'extension du régime du tiers payant social comporte deux risques importants: le risque de fraude et le risque d'un coût supplémentaire pour l'assurance-maladie. En ce qui concerne ce dernier point, l'intervenant souscrit aux arguments présentés par l'auteure de la proposition de résolution. Un traitement dans un hôpital est beaucoup plus coûteux qu'une visite chez le médecin généraliste; il faut donc tout mettre en œuvre pour faciliter l'accès au médecin généraliste.
La fraude existe dans tous les secteurs de la vie sociale. Il y a donc aussi des abus dans la sphère du droit fiscal et social, mais ceux-ci ne peuvent pas remettre en cause certains droits sociaux, comme l'assurance-chômage. Pour ce qui est du régime du tiers payant social, l'INAMI dispose de nombreux mécanismes de contrôle visant à empêcher la fraude. Si l'on constatait malgré tout des abus — comme ce fut le cas par exemple lors de l'extension aux dentistes du régime du tiers payant social — il faudrait les éliminer. Selon l'intervenant, il y aurait un problème à partir du moment où les risques de fraude seraient à ce point élevés que le véritable objectif de la mesure passerait au second plan. Concrètement, des groupes de travail sont déjà en train d'analyser des mécanismes de contrôle qui pourraient réduire au maximum le risque de fraude sociale.
En résumé, M. Delizée, secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté, juge qu'il faut étendre l'accès aux soins de première ligne. Cela signifie que le régime du tiers payant social doit être rendu automatique voire obligatoire pour certains groupes. Les patients appartenant au groupe cible visé peuvent déjà aujourd'hui demander au médecin généraliste d'appliquer ledit régime, mais certains ne le font pas et les médecins généralistes peuvent également le refuser.
Il n'empêche qu'il faut veiller à limiter la surcharge administrative pour les médecins généralistes. Ceux-ci doivent déjà assumer un volume de travail élevé, et il ne faut certainement pas y ajouter une charge administrative supplémentaire. Sur ce point aussi, un groupe de travail examine la manière d'éviter pareille surcharge administrative au cas où le régime du tiers payant social serait rendu automatique voire obligatoire. Pour ce faire, on pourrait par exemple modifier les données sur la carte SIS. L'intervenant pense que cela ne pourra peut-être pas être réalisé avant 2011.
C. Suite de la discussion
M. Fournaux ne veut pas donner l'impression d'avoir accusé certains groupes de fraude. Il veut simplement défendre un certain modèle de soins de santé et il est important que les citoyens en connaissent également le coût.
Il souligne que le fait d'être contacté pour des affections relativement futiles à toute heure du jour et de la nuit, y compris le week-end, est une des principales raisons pour laquelle les médecins n'embrassent pas la carrière de médecin généraliste. Le système du tiers payant social est-il appliqué dans ce cas également ?
Mme Tilmans croit savoir qu'aujourd'hui, le médecin généraliste peut aussi refuser d'appliquer le système du tiers payant social. D'après la résolution, son application deviendrait automatique et obligatoire. Force est toutefois de constater que les personnes qui relèvent du statut OMNIO en abusent souvent, en faisant par exemple venir le médecin généraliste à domicile parce que c'est plus commode pour elles que de se rendre à une consultation. En outre, cela ne leur coûte pratiquement rien. L'intervenante estime que le système du tiers payant social fonctionne correctement pour les médecins généralistes qui connaissent bien leurs patients. Les patients font cependant souvent du shopping médical entre plusieurs médecins généralistes. Dans ce cas, il lui semble logique que le médecin généraliste ait la possibilité de refuser l'application du système.
Mme Lanjri répète que l'objet de la proposition de résolution, qui ne vise pas à opérer une modification législative, consiste à lancer un projet-pilote de manière à déceler d'éventuelles anomalies et non à encourager davantage les abus. Elle suggère la possibilité d'une mise en œuvre du système distincte dans les différentes régions, comme l'ont fait les autorités flamandes pour l'accueil des enfants au moyen de titres-services en créant des garderies-pilotes très différentes les unes des autres. C'est précisément la variété qui fournit des données intéressantes qui, à l'issue du projet-pilote, pourront servir à prendre une décision définitive au sujet de l'extension du système du tiers payant. L'on pourrait, par exemple, lancer un projet-pilote consistant à doubler le ticket modérateur pour la visite d'un médecin à domicile par rapport à la consultation dans son cabinet, précisément dans le but d'empêcher les abus du système.
Mme Lijnen met en garde contre une discrimination éventuelle des personnes handicapées ou à mobilité réduite en général.
Mme Lanjri propose de charger un groupe de travail technique d'élaborer les modalités pratiques du lancement des projets-pilotes.
IV. DISCUSSION DU DISPOSITIF
Amendements nos 1 et 4
Mmes Lijnen et Lanjri déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-1185/2), visant à compléter le dispositif de la proposition de résolution par les points 7 à 10 rédigés comme suit:
« 7. dans le cadre du projet, d'apporter des simplifications administratives considérables dans le système du régime du tiers payant au bénéfice du prestataire de soins par le biais d'une maximalisation des communications par voie électronique avec l'organisme assureur. L'organisme assureur paiera au prestataire de soins ses honoraires dans les 14 jours ouvrables, en indiquant clairement quels sont les honoraires qui sont payés et pour quels patients. À terme, l'échange des données devra s'effectuer en ligne, de même que le paiement des honoraires;
8. de réduire, pendant la durée du projet, le nombre de régimes tarifaires préférentiels pour ce qui est du ticket modérateur;
9. dans le cadre du projet, d'autoriser le prestataire de soins non conventionné à appliquer le régime du tiers payant pour autant qu'il applique les tarifs prévus dans l'accord le plus récent, qui servent de base de calcul pour l'intervention de l'assurance.
10. de soumettre le projet à une évaluation portant sur l'amélioration de l'accès aux soins de santé, les surcoûts, les abus éventuels et la sensibilisation du patient aux coûts. L'évaluation du régime du tiers payant effectuée par le Service de contrôle médical sera prise en compte. »
Mme Lijnen déclare que cet amendement vise à prendre en compte les diverses conclusions qui se sont dégagées des auditions.
À l'heure actuelle, le succès limité de l'application du régime du tiers payant auprès des médecins généralistes est principalement dû à la charge administrative qui en découle. En outre, nous constatons que les médecins généralistes doivent patienter longtemps avant d'obtenir le paiement de leurs honoraires et que les organismes assureurs ne leur précisent pas quels honoraires ils paient pour quels patients. En conséquence, il est demandé dans l'amendement que pendant la durée du projet, les tracasseries administratives soient limitées à un strict minimum, que les communications avec les organismes assureurs s'effectuent le plus possible par voie électronique et que le paiement des honoraires intervienne dans les cinq jours ouvrables.
Pendant la durée du projet, le nombre de régimes tarifaires préférentiels sera également limité. La multiplicité des tarifs a été dénoncée à plusieurs reprises lors des auditions.
Étant donné le degré de déconventionnement et son augmentation en Flandre pour certains prestataires de soins, il est demandé dans l'amendement que les médecins non conventionnés soient autorisés à appliquer le régime du tiers payant à la condition qu'ils appliquent les tarifs prévus par la convention.
Enfin, il est demandé dans l'amendement nº 1 que le présent projet fasse l'objet d'une évaluation portant sur l'amélioration de l'accès aux soins de santé, les surcoûts engendrés, les abus éventuels et la mesure dans laquelle l'extension a altéré la sensibilisation du patient aux coûts.
Le Service de contrôle médical procède actuellement à une évaluation du régime du tiers payant, dont Mme Lijnen souhaite qu'il soit tenu compte dans le cadre de l'évaluation du projet.
Mme Lanjri est d'accord de limiter à un minimum la simplification administrative ainsi que de préconiser un délai à respecter pour le paiement des honoraires des médecins généralistes. Vu qu'il s'agit en l'occurrence d'une proposition de résolution et non de l'élaboration d'une législation, elle souligne toutefois que l'on ne peut que tendre vers un tel délai et non l'imposer.
L'intervenante ne s'oppose pas non plus à ce que des médecins déconventionnés puissent également participer au projet-pilote comme le préconise l'amendement nº 1.
Mme Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, souligne qu'il faut éviter de formuler trop strictement les modalités de remboursement des honoraires des médecins généralistes. Le délai maximum de 14 jours qui est avancé à l'amendement nº 1 lui semble trop strict et risque de charger tous les acteurs concernés, notamment les organismes assureurs, d'une mission impossible. De même, le paiement électronique s'avère être moins évident que ce qui est proposé ici.
Mme Lanjri rappelle qu'il ne s'agit que d'un projet-pilote et hésite dès lors à avancer un délai ferme dans la proposition de résolution. Il se peut également que l'on s'aperçoive, à l'issue du projet-pilote, qu'un délai de 14 jours est beaucoup trop long et que le remboursement peut aussi se faire dans un délai plus court.
Mme Lijnen trouve important de maintenir le délai de 14 jours, y compris dans une proposition de résolution, ce qui permet de déterminer des objectifs concrets. Cet élément a en effet été clairement mis en avant lors des auditions. C'est la raison pour laquelle elle propose de prévoir un délai maximum de 14 jours.
M. Ide se rallie à cette idée.
M. Claes propose de stipuler dans la proposition de résolution que les communications se feront le plus possible par voie électronique et que l'organisme assureur paiera les honoraires du prestataire de soins dans les 14 jours ouvrables.
Mmes Lijnen et Lanjri déposent ensuite l' amendement nº 4, qui sous-amende l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-1185/2), et qui vise à remplacer le point 7 proposé par le texte suivant:
« 7. de tendre, dans le cadre du projet, vers une simplification administrative drastique, pour le prestataire de soins, du système d'application du régime du tiers payant en privilégiant la communication par voie électronique dans les rapports avec l'organisme assureur. Ce dernier s'efforcera quant à lui de payer les honoraires au prestataire de soins dans un délai ne dépassant pas 14 jours ouvrables, en indiquant clairement quels sont les honoraires qui sont payés et les patients auxquels ils correspondent. À terme, les échanges de données devront s'effectuer en ligne, de même que le paiement des honoraires. »
Mme Van Ermen pense que l'on pourrait inférer à tort de la formulation du point 9 proposé que les prestataires de soins non conventionnés ne pourraient actuellement pas recourir au système du tiers payant social. C'est totalement inexact.
Mme Lijnen répond que ce n'est nullement l'objectif poursuivi. L'amendement nº 1 répond seulement à une observation formulée lors des auditions, à savoir que les prestataires de soins non conventionnés ne voient pas tous aussi clairement de quels patients il s'agit et quels tarifs doivent être appliqués.
Les amendements nos1 et 4 sont adoptés par 10 voix et 2 abstentions.
Mme Temmerman souhaite justifier son abstention. Elle est d'accord, sur le fond, avec la portée des amendements mais estime que ces éléments ont leur place dans une loi plutôt que dans une résolution. Elle se réfère à ce propos à la proposition de loi qu'elle a déposée, généralisant le régime du tiers payant (doc. Sénat, nº 4-1425).
Amendement nº 2
Mme Tilmans dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-1185/2), visant à compléter la proposition par un point 2/1 rédigé comme suit:
« 2/1. de prévoir une simplification administrative du système et d'accélérer le remboursement du prestataire de soins dans le cadre de l'application du régime ».
Mme Tilmans trouve néanmoins que cet élément apparaît déjà dans les amendements nos1 et 4 et se réfère à leur discussion.
L'amendement nº 2 est retiré.
Amendement nº 3
Mme Tilmans dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-1185/2) visant à compléter le point 3 de la proposition de résolution par l'insertion, après les mots « en raison d'un handicap » des mots « ou encore aux personnes atteintes de maladies chroniques ».
Mme Tilmans estime que cet élément a également été souligné lors des auditions.
Mme Lanjri se rallie à cette observation.
L'amendement nº 3 est adopté par 11 voix et 1 abstention.
V. VOTES
L'ensemble de la proposition de résolution amendée visant à étendre le régime du tiers payant social est adopté par 11 voix et 1 abstention.
Mme Khattabi souhaite expliquer son abstention. Elle peut souscrire, sur le fond, à la proposition de résolution mais estime que ces éléments seraient plus à leur place dans une proposition de loi.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
Les rapporteurs, | La présidente, |
Nele LIJNEN. Richard FOURNAUX. | Nahima LANJRI. |
AUDITION
A. Exposé de M. Emmanuel Quintin, administrateur-général adjoint de la Banque carrefour de la sécurité sociale
M. Quintin présente un aperçu des possibilités techniques offertes à un assuré social pour se voir accorder automatiquement le droit à l'application du régime du tiers payant.
La Banque carrefour n'a pas à préjuger de l'opportunité ou de la nécessité d'élargir ou non le tiers payant. Sa mission légale consiste à jouer le rôle de moteur et de coordinateur de l'e-government dans le secteur social belge. Elle est là pour rendre des services efficaces aux assurés sociaux et aux professionnels du secteur social, mais elle doit veiller à promouvoir ces initiatives dans le cadre d'une sécurité des informations et d'une protection maximale de la vie privée.
Ces missions que la Banque carrefour exerce depuis sa création en 1990 sont maintenant complétées par les travaux de la Plate-forme eHealth, dans la mesure où les données et services à échanger ont un caractère médical. Notons toutefois que pour l'application du régime du tiers payant, les données à échanger n'ont pas un caractère médical mais administratif.
L'application principale de la Banque carrefour concerne la carte SIS. Actuellement, 10 983 000 cartes SIS sont actives et quotidiennement utilisées par tous les pharmaciens et tous les hôpitaux, ainsi que par quelques autres catégories de dispensateurs de soins.
La carte SIS est un moyen d'identification électronique des assurés sociaux au sein de l'ensemble de la sécurité sociale. Elle est également un moyen de stockage des données administratives relatives aux droits de l'assuré social au remboursement des soins de santé.
L'utilisation de la carte SIS garantit aux pharmaciens le remboursement de la partie qui n'est pas prise en charge par l'assuré social, pour les prestations de soins payées selon le régime du tiers payant.
La carte SIS qui existe depuis dix ans arrive bientôt en fin de vie. Son utilisation comporte en effet deux limites: d'une part, la carte SIS n'offre pas de certitude que son porteur est bien l'assuré social mentionné sur cette carte; d'autre part, il n'y a pas de certitude que les données relatives aux droits de l'assuré social concernant le remboursement des soins de santé sont à jour.
D'autres services électroniques existent pour la communication des droits en matière d'assurance soins de santé. Des banques de données sont consultables auprès des organismes assureurs. Elles sont consultées par l'INAMI et les CPAS pour les droits en matière d'assurabilité et soins de santé, ainsi que par certaines instances d'octroi de droits supplémentaires pour l'intervention majorée dans les soins de santé et le statut Omnio. Beaucoup d'instances externes à la sécurité sociale utilisent en effet le statut d'assurabilité en soins de santé pour accorder des avantages sociaux: diminution de taxes ou redevances fédérales, régionales, provinciales ou communales, mais aussi tarifs avantageux dans les transports publics, tarif social téléphonique, tarif social pour le gaz et l'électricité.
Des contraintes existent cependant. Les situations consultées dans les banques de données des organismes assureurs et de l'INAMI sont figées à une date « X », généralement au 1er janvier d'une année civile. Ces applications ne sont pas disponibles 24h sur 24 et sept jours sur sept. Enfin, de manière générale, les instances qui octroient des droits supplémentaires préfèrent parfois accéder aux sources authentiques qui sont à l'origine de l'intervention majorée dans les soins de santé, c'est-à-dire le secteur handicapés, le secteur des pensions garanties pour les personnes âgées ou le secteur des CPAS pour l'intégration sociale.
La carte SIS doit être remplacée progressivement par la carte d'identité électronique. Ce remplacement ne peut s'effectuer que dans la mesure où il y a un accès disponible, sécurisé et en ligne aux données d'assurabilité et aux données d'assurance soins de santé pour tous les dispensateurs de soins. Le projet est en cours et l'objectif doit être atteint à l'horizon 2012. Pendant une période transitoire dont la durée n'a pas encore été fixée, l'ancien système basé sur la carte SIS coexistera avec le nouveau système fondé sur la carte d'identité électronique.
Le nouveau système basé sur la carte d'identité électronique offrira plusieurs avantages. Ainsi, la carte d'identité électronique offre la certitude que le porteur de la carte est bien l'assuré social identifié sur celle-ci. On peut l'utiliser au moyen d'un mot de passe et le dispensateur de soins peut contrôler que la photo sur la carte représente bien la personne qui est en face de lui.
Pour faciliter la capture électronique des données d'identification par tous les dispensateurs de soins, le code barre sera généralisé sur la carte d'identité électronique.
Il y a cependant un problème technique à surmonter: le champ d'application personnel de la carte SIS est différent de celui de la carte d'identité électronique. Pour les enfants de moins de douze ans qui n'ont pas de carte d'identité électronique (« KidsID »), il faudra un autre système d'identification. Les ressortissants étrangers de l'Union européenne ou hors Union européenne disposeront d'un titre de séjour électronique mais il n'est pas encore acquis que cela sera généralisé en 2012. Enfin, certaines personnes relèvent du système de sécurité sociale belge et peuvent profiter du tiers payant alors qu'elles n'habitent pas en Belgique et n'auront jamais de carte d'identité électronique, à savoir notamment les travailleurs transfrontaliers. Pour ces catégories de personnes, un système complémentaire d'identification certaine doit être mis au point.
Le système doit également offrir une solution pour le cas où l'assuré social ne se présente pas en personne auprès du dispensateur de soins. C'est le cas par exemple lorsqu'une personne va chercher des médicaments à la pharmacie pour le compte d'autrui. C'est aussi le cas dans les laboratoires, ceux-ci effectuant leurs prestations sur base de données d'identification certaines mais ne disposant pas de la carte d'identité électronique de l'assuré social en même temps que de la pochette de sang.
Compte tenu de ces deux difficultés, il faut choisir, en plus de la carte d'identité électronique, un système d'identification certaine qui sera, soit une carte eID light, soit une carte SIS light, soit encore un système de vignettes à code-barre plus sécurisé que l'actuel.
Pour mener à bien ce projet, il faut que tous les dispensateurs de soins puissent accéder en ligne aux données d'assurabilité soins de santé: les données d'assurabilité de droit commun, mais aussi les données en matière d'intervention majorée (Vipo, Grapa, personnes handicapées, personnes bénéficiant du revenu d'intégration et certaines catégories de chômeurs de longue durée), les données relatives au statut OMNIO, les données relatives aux malades chroniques et les données relatives au maximum à facturer (MAF). Toutes ces données devront être accessibles 24h sur 24, sept jours sur sept, en ligne, auprès des sept organismes assureurs coordonnés par le CIN, par l'OSSOM pour les travailleurs d'Outre-mer, par l'INIG pour les invalides de guerre et enfin pour le régime des marins.
Des applications business, de type MyCarenet, devront être mises à disposition dans le cadre du réseau sécurisé de la plate-forme eHealth. Divers moyens de sécurité seront fournis pour que le dispensateur de soins puisse avoir accès à l'entièreté de ces informations: portail électronique, gestion intégrée des utilisateurs et des accès, gestion des loggings de sécurité, boîte aux lettres électronique.
Parallèlement à ce projet, la Banque carrefour collabore à un autre projet coordonné par le SPP Intégration sociale auquel participent la l'INAMI et les organismes assureurs, ainsi que les CPAS. Ce projet concerne les personnes non couvertes par l'assurance soins de santé ou qui ne disposent pas de moyens suffisants pour engager de nouvelles dépenses médicales. Il s'agira d'une carte médicale distribuée par les CPAS, qui devrait permettre d'offrir aux dispensateurs de soins la garantie formelle que le CPAS remboursera les prestations effectuées.
En conclusion, ces deux projets devraient permettre une couverture maximale des ambitions de la proposition de résolution à l'examen. Il existe donc des possibilités techniques pour couvrir l'entièreté des souhaits au niveau de l'accès de tous les dispensateurs de soins aux données d'assurabilité et soins de santé à l'horizon 2012. Cette ambition est soutenue par le gouvernement.
Les assurés sociaux ne doivent pas présenter eux-mêmes les preuves qu'ils peuvent bénéficier du tiers payant. Ces preuves doivent être disponibles en ligne auprès des sources authentiques.
Ce nouveau système doit être mis en perspective avec le projet, à long terme, d'une généralisation des prescriptions électroniques qui entraînera un déport de la capture des données d'identification des assurés sociaux vers les dispensateurs de soins prescripteurs.
B. Exposé de M. Herman Moeremans, président du Syndicaat Vlaamse Huisartsen
S'agissant du projet d'extension du régime du tiers payant, M. Moeremans est conscient du fait que la résistance des médecins est la principale crainte de certaines personnes. Cela le surprend quelque peu, étant donné que le Syndicaat Vlaamse Huisartsen (SVH) défend depuis longtemps le régime du tiers payant. L'orateur souhaite présenter ici les arguments des médecins généralistes qui plaident en faveur de ce régime.
Cela fait des années que l'on promet une revalorisation de la médecine générale. En réalité, celle-ci souffre de l'ombre que lui fait la médecine de pointe et son aura. Malgré tous les efforts consentis ces dernières années, la médecine générale reste le parent pauvre. Nos jeunes confrères ne choisissent plus la médecine générale, peut-être en partie par crainte de devoir s'occuper eux-mêmes de tous les problèmes du patient.
Sur le terrain, l'on essaie de plus en plus souvent, ouvertement ou subrepticement, de dérober des patients à la médecine générale pour les envoyer directement aux échelons supérieurs, plus onéreux, des milieux hospitaliers.
Et pourtant, la qualité des soins de santé est en baisse en Belgique: entre 2005 et aujourd'hui, la Belgique est passée de la 4e à la 11e place dans l'Euro Health Consumer Index. L'OMS — Organisation mondiale de la santé (« Primary care now more than ever ») et l'OCDE — Organisation de coopération et de développement économiques insistent, elles aussi, depuis des années sur l'importance de la première ligne pour garantir des soins de qualité.
Quel peut être l'apport du régime du tiers payant pour la médecine générale ? En fait, ce régime représente la normalité dans l'ensemble des soins de santé. Que ce soit chez le pharmacien ou à l'hôpital, le patient ne paie que le ticket modérateur. C'est seulement quand il se rend chez le médecin généraliste que le patient est encore obligé d'avancer les honoraires complets. Et bien que tout le monde sache que la médecine générale propose les soins les moins chers, le patient se souvient uniquement de ce qu'il a dû sortir de son portefeuille. L'image du « médecin cher » reste collée à tort au médecin (généraliste), pourtant le moins onéreux.
Bien que les médecins généralistes n'aient pas l'habitude de réfléchir en « modèles commerciaux », force est de constater qu'il existe une concurrence déloyale et faussée causée par une image déformée de la réalité.
Étendre le régime du tiers payant aux soins de première ligne donnerait au moins la possibilité aux médecins généralistes d'affronter les échelons supérieurs de soins sur un pied d'égalité et permettrait déjà une « concurrence » équitable.
À l'heure actuelle, des patients se rendent à tort au service des urgences de l'hôpital, où le régime du tiers payant permet un paiement différé. Ils reçoivent la facture de l'hôpital par la suite et ne doivent payer que le ticket modérateur. Il en résulte une mauvaise orientation du patient et une surcharge des services d'urgences des hôpitaux.
Le SVH est un syndicat de médecins généralistes. M. Moeremans n'a pas honte de dire que le SVH demande l'extension du régime du tiers payant au profit des médecins généralistes, en vue de sauver cette profession.
Mais s'ils laissent parler leur nature profonde, les médecins généralistes ajouteront immédiatement qu'ils souhaitent cette extension pour les patients ! Les soins de première ligne sont des soins de base, auxquels tout le monde à droit selon le SVH. Les soins de base doivent être les plus accessibles. Ce sont eux qui permettent d'éviter des soins spécialisés onéreux dans une phase ultérieure.
Or, M. Moeremans constate que pour certaines personnes, même une somme de 23 euros est déjà trop élevée. Une telle discrimination, c'est le monde à l'envers puisque ce sont justement les soins de première ligne qui devraient être les plus accessibles.
La non-application du régime du tiers payant en médecine générale est un facteur déterminant pour l'apparition d'une médecine à deux vitesses. Seules les personnes financièrement précarisées retarderont les soins élémentaires dont elles ont besoin parce qu'elles sont dans l'impossibilité « d'avancer » une somme de 23 euros.
Elles auront aussi plus souvent tendance à se rendre directement au service des urgences d'un hôpital puisque les prestations ne doivent pas être payées immédiatement. C'est là un autre facteur déterminant qui explique, en plus de tous les problèmes précités dus à l'absence de tiers payant, que les personnes issues de classes sociales défavorisées bénéficient de prestations de soins de moindre qualité. En effet, en faisant l'impasse sur les soins de première ligne, ces personnes font un mauvais calcul car elles sont souvent amenées à devoir consulter quand il est trop tard. En effet, dans l'intervalle, leur problème médical se sera aggravé au point que de simples conseils ou des traitements préventifs ne seront plus d'aucun secours.
En outre, il y a l'argument qui a amené Mme Onkelinx, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, à se déclarer favorable, en janvier 2008, à l'extension du tiers payant, à savoir l'argument de la sécurité. Ces dernières années en effet, les médecins généralistes sont de plus de plus confrontés à des actes d'agression. Un médecin généraliste devient une proie facile dès lors que chacun sait que ses consultations sont payables au comptant.
Hier encore, une attention toute particulière a été accordée à l'initiative de Mme Turtelboom, ministre de l'Intérieur. Son prédécesseur s'était déjà exprimé clairement en faveur de l'extension du régime du tiers payant en raison de la problématique de la sécurité. La brochure éditée par la ministre renvoie, elle aussi, au régime du tiers payant, mais elle en subordonne l'application au respect d'un certain nombre de conditions stigmatisantes liées à la situation financière du patient.
Enfin, un dernier argument impérieux en faveur de l'extension du régime du tiers payant est, selon M. Moeremans, la tâche supplémentaire qui a été confiée aux médecins généralistes dans le cadre de la pandémie de grippe. Au début du mois de novembre, la Commission informatique de l'INAMI avait tout naturellement décidé que dans le cadre spécifique de la campagne de vaccination contre la grippe AH1N1, les prestations liées à la vaccination pourraient être réglées par le biais du régime du tiers payant. Et l'intervenant de citer un extrait d'un document de cette commission de l'INAMI, dans lequel il est précisé que comme il s'agit de consultations et de visites, les prestations de soins liées à cette vaccination seront réglées essentiellement par des paiements au comptant ou par l'application manuelle du régime du tiers payant.
Cette campagne de vaccination ne pouvait pas attendre. Des milliers de médecins généralistes se sont concentrés sur cette tâche supplémentaire qui devait être réalisée au plus vite et qui était plus complexe que la simple injection d'un vaccin. En effet, les médecins devaient aussi opérer une sélection correcte des risques et enregistrer des numéros de lots de vaccins et d'adjuvants dans le cadre de la pharmacovigilance. Et, comme c'est le cas lors de chaque vaccination, les médecins ont également assuré un minimum de surveillance durant la période suivant l'administration du vaccin.
L'administration de centaines de milliers de vaccins en un délai aussi court requiert une action rapide et fluide. C'est ainsi que de nombreux médecins ont décidé d'emblée de gérer ces prestations par le biais du tiers payant. En effet, les principales mutualités avaient soutenu leur initiative et quelques-unes d'entre elles avaient conclu des conventions au niveau local. En outre, le ministre compétent avait évoqué d'emblée, à juste titre, l'idée de procéder gratuitement à des vaccinations. En effet, la vaccination devait être gratuite pour la population, ce qui signifiait que les patients n'ayant pas d'argent pouvaient se présenter chez leur médecin généraliste.
Alors que tous les médecins généralistes démontraient depuis deux semaines déjà leur bonne volonté en allant jusqu'à sacrifier leurs week-ends et soirées libres pour accomplir leur tâche, M. De Ridder de l'INAMI émit une circulaire qui introduisait une discrimination puisqu'elle prévoyait que les vaccinations effectuées en dehors du cabinet de consultation d'un médecin généraliste ne seraient autorisées que si elles étaient réglées par le biais du tiers payant.
C'est inacceptable pour le SVH. Des centaines de médecins ont mis leurs attestations de côté ces dernières semaines pour les faire régler par le régime du tiers payant. En outre — beaucoup de confrères concernés sont dans le cas — le cercle de médecins généralistes et les autorités locales de leur région ont décidé d'un commun accord que la campagne de vaccination aurait lieu dans les cabinets des médecins généralistes. L'enthousiasme de ces confrères est à présent sanctionné en leur imposant un régime de recouvrement différent de celui qui est en vigueur pour le confrère d'une région voisine dans laquelle la commune mis le hall omnisports à disposition dans le cadre de la campagne de vaccination.
Bien que M. Moeremans soit conscient que son appel s'écarte quelque peu du sujet de la présente audition, il tient à demander formellement de tout mettre en œuvre afin d'amener la ministre Onkelinxaujourd'hui encore à faire immédiatement usage de ses « pouvoirs spéciaux grippe » afin de supprimer cette discrimination sans plus attendre.
Le régime du tiers payant a bien sûr un certain nombre d'implications à propos desquelles les médecins généralistes voudraient que l'on se mette d'accord d'entrée de jeu pour que les choses soient claires.
Il rappelle tout d'abord que les médecins généralistes sont déjà astreint à des formalités administratives des plus excessives. Il plaide pour qu'un régime du tiers payant soit organisé de la façon la plus claire et la plus limpide possible du point de vue administratif.
En fait, c'est parfaitement possible. Un régime du tiers payant ne nécessitant qu'un document papier unique est tout à fait réalisable pour peu que l'on y mette un peu de bonne volonté et que l'on utilise correctement l'informatique. L'attestation de soins pourrait même être carrément remplacée par un signal électronique activé depuis l'ordinateur du médecin. L'utilisation combinée de la carte d'identité électronique ou de la carte SIS du patient et de la carte d'identité électronique (ou carte SAM ?) du médecin met à disposition deux clefs permettant de confirmer le code électronique de la prestation fournie.
Un régime du tiers payant ne doit pas nécessairement être une « médecine gratuite ». L'intervenant plaide pour une perception correcte du ticket modérateur.
Un problème qui s'est fait jour à cet égard au cours des dernières années est la multiplication croissante des catégories de ticket modérateur. Outre la différence de ticket modérateur entre le patient OMNIO et l'assuré ordinaire, le statut en termes de dossier médical global (DMG) joue aussi un rôle déterminant pour le montant du ticket modérateur. Depuis peu, le ticket modérateur a été abaissé pour les visites à domicile pour les jeunes enfants et des réductions du ticket modérateur sont accordées en fonction des trajets de soins. Si l'on veut mettre en place un système efficace de règlement du tiers payant, il faut essayer de limiter le nombre de catégories de ticket modérateur. Il y a lieu de prévoir un système simple permettant d'identifier rapidement le type de ticket modérateur qui est d'application.
Un régime du tiers payant doit débuter sur base volontaire tant de la part du médecin que de la part du patient. C'est la seule manière pour qu'un tel système gagne la confiance des médecins. C'est ainsi que la demande pourra aussi être faite par le patient sans le moindre problème. Il faut éviter de compliquer le régime du tiers payant en instaurant des préalables tels que des formulaires à déposer ou une autorisation à recevoir de la mutuelle.
Enfin, M. Moeremans signale qu'au au niveau de la mise en œuvre du régime du tiers payant dans la pratique, le rôle des différents partenaires dans notre système de santé est aussi lentement en train de changer. La fonction de paiement des mutuelles pourrait être fortement simplifiée. Leur rôle de défenseurs des patients, leurs affiliés, peut être défini de façon plus judicieuse. Hormis les mutuelles, le SVH considère que les services de tarification par exemple, qui représentent à ses yeux une espèce de tiers de confiance, seront eux aussi appelés à jouer un rôle plus important.
C. Exposé de M. Michel Vermeylen, président de l'association des médecins de famille
M. Vermeylen estime que l'extension du régime du tiers payant social dans la situation actuelle est une bonne idée. Les différents rapports concernant l'évolution sociale de notre société montrent en effet une paupérisation grandissante de la population et des difficultés accrues pour certains patients d'arriver à régler leur facture de soins de santé. Néanmoins, l'orateur souhaite apporter quelques nuances quant à la perception qu'ont les médecins, en particulier les généralistes, de cette initiative.
L'extension du système du tiers payant pourra améliorer la situation mais c'est loin d'être la seule solution.
Le système actuel tente d'instaurer une sorte d'équilibre entre un but social — permettre aux gens de payer moins — et les contraintes financière — la société ne peut pas tout prendre en charge. Toutefois, il faut savoir que le ticket modérateur de première ligne en Belgique est parmi les plus élevés d'Europe. Dans nombre de pays, la première ligne est gratuite et d'accès direct. Cette option présente cependant des inconvénients tels que surconsommation et usage parfois inadéquat de la première ligne.
En Belgique, environ 20 % de la population a déjà droit au tiers payant. Le système du tiers payant peut se révéler notamment utile pour donner une impulsion au dossier médical global, lequel existe déjà depuis plusieurs années mais est beaucoup plus répandu au nord du pays.
Cependant, l'abondance de tâches administratives décourage les médecins d'utiliser le tiers payant. Il faut donc absolument trouver des solutions pour alléger la charge administrative.
M. Vermeylen est d'avis qu'on peut étendre le système du tiers payant social mais pas le tiers payant en général car il doit subsister un frein à la surconsommation et à l'utilisation abusive.
En outre, le système doit être simple. En pratique, aujourd'hui, quand le médecin envoie une attestation de soins à la mutuelle, il précise toutes les spécifications du patient. Or, pour la plupart des mutuelles, le paiement, qui n'est effectué que deux ou trois mois plus tard, ne comporte aucune précision. Il est impossible pour le médecin de vérifier s'il a été correctement rémunéré ou non. Il n'est donc pas question d'étendre le tiers payant social dans le cadre actuel.
La modification du système ne nécessite pas des années. En France, pour améliorer la perception des attestations pour les prestataires, la carte Vital a été instaurée, chaque médecin a reçu un lecteur de cartes et le système a démarré immédiatement.
Dans un système où l'attestation peut être directement envoyée à la mutuelle au moyen de la carte du patient, le médecin peut obtenir le paiement de sa prestation le jour même ou le lendemain. En réalité, il est clair qu'un tel système va rendre inutiles un nombre considérable d'employés qui sont chargés de rembourser les prestations. dans les sections locales des mutuelles. C'est peut-être là le véritable frein à la mise en œuvre du système que l'on réclame.
L'orateur conclut par deux remarques. D'une part, il faut éviter de stigmatiser les personnes qui auront droit au tiers payant social. D'autre part, il ne faut pas non plus leur donner l'impression que le droit aux soins de santé leur est acquis sans condition et conformément à leurs exigences.
D. Exposé de Mme Fleurquin, de l'Alliance nationale des Mutualités chrétiennes
Mme Fleurquin a constaté que les mutualités sont également confrontées à la problématique du tiers payant. Les Mutualités chrétiennes ont mis sur pied plusieurs projets pilotes dans le cadre du du système du tiers payant social dans plusieurs communes pour les groupes cibles visés par le système, à savoir les personnes pour lesquelles le seuil de 23 euros est trop élevé.
Des médecins font également l'expérience de certains seuils mais selon les MC, il s'agit surtout ici des formalités administratives à remplir pour l'application du régime du tiers payant. Le patient rencontre lui aussi des difficultés lorsqu'il se trouve dans un système qui est totalement facultatif et qui a un effet stigmatisant. En effet, il doit demander au médecin de traiter directement avec la mutuelle mais ce dernier n'a aucune obligation de répondre à sa demande.
Les MC défendent plusieurs revendications. Tout d'abord, elles ne prônent pas une généralisation du système du tiers payant, mais des mesures sélectives s'inscrivant dans le cadre du tiers payant. Elles souhaitent également une extension du groupe cible afin que le régime du tiers payant soit accessible non seulement aux personnes à bas revenus mais aussi aux personnes qui nécessitent de nombreux soins de santé (p. ex. les malades chroniques, les patients en soins palliatifs, les patients comateux, etc.). Elles plaident en outre pour la suppression des seuils actuellement imposés aux médecins, par le biais d'une simplification administrative des documents et des tickets modérateurs. Pour les tickets modérateurs, l'intervenante est favorable à un système unique, dans le cadre duquel on pourrait éventuellement conserver un incitant pour les personnes disposant d'un dossier médical global.
Mme Fleurquin prône une application automatique du système du tiers payant pour les groupes cibles visés, ainsi que le demandent les auteurs de la proposition de résolution. Le patient doit effectivement s'identifier, et il faudra vérifier comment résoudre ce problème de manière créative tant qu'une identification entièrement électronique ne sera pas possible. Les mutualités pourront certainement jouer un rôle dans ce domaine. Une attribution automatique du régime du tiers payant doit à tout le moins impliquer une obligation d'attribution du régime si le patient le demande.
E. Exposé de Mme Renée Vanderveken, de l'Union nationale des Mutualités socialistes
Mme Vanderveken affirme tout d'abord que les Mutualités socialistes soutiennent l'extension du régime du tiers payant social parce que l'une des priorités de toute mutualité est de rendre les soins accessibles et financièrement abordables.
Pour que l'on comprenne bien, elle souhaite rappeler quelques informations de base, en commençant par le régime du tiers payant. Cette procédure est en partie réglée par l'article 53 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. Cet article prévoit que le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres et après avis du Comité de l'assurance — la plus haute instance de l'INAMI — les conditions et règles conformément auxquelles le régime du tiers payant peut être accordé, interdit ou rendu obligatoire. On distingue donc trois catégories: interdit, autorisé, obligatoire. L'article 53 dispose également que toute convention qui déroge à la réglementation édictée par le Roi est nulle.
En exécution de cet article, le Roi a promulgué en 1986 un arrêté royal fixant les différentes catégories. Cette réglementation prévoit très clairement qu'il existe plusieurs dispositions à respecter pour la facturation, c'est-à-dire pour la manière dont le prestataire de soins transmet les attestations aux mutualités. Ces modalités ont été définies par le Comité de l'assurance. L'une des conditions à remplir est de disposer d'un état récapitulatif et d'une inscription dans un facturier. Il est nécessaire d'imposer certaines règles. Si les attestations sont transmises à la mutualité, tout le monde est traité sur un pied d'égalité, ce qui signifie qu'aucun médecin en particulier n'est privilégié. Les mêmes règles s'appliquent au tiers payant en milieu hospitalier.
Normalement, le paiement d'un tiers payant ordinaire est effectué au plus tard dans les deux mois. Pour le tiers payant social, le délai de paiement est plus court: il est d'un mois.
Outres les dispositions légales et réglementaires, plusieurs initiatives ont été prises pour faciliter l'application du tiers payant social. Le point 12.4 de l'accord Medicomut 2009-2010 prévoit explicitement la poursuite des travaux concernant la facturation électronique des prestations ambulatoires en application du régime du tiers payant. En outre, il est également prévu d'envisager la possibilité de permettre l'application du régime du tiers payant, par le biais de la facturation électronique, aux prestations qui en sont actuellement exclues.
En bref, on peut dire que les défis à relever en la matière sont multiples. Un régime de tiers payant est nettement plus simple pour le patient. En effet, celui-ci ne doit payer que le ticket modérateur, ce qui, pour lui, est intéressant financièrement, et il ne doit plus aller à la mutualité ni avancer l'argent. Le régime du tiers payant présente également quelques avantages pour les pouvoirs publics, en particulier dans le cadre de la simplification administrative, pour le prestataire de soins et pour le patient. Ce régime abaisse en tout cas le seuil d'accès aux soins. Néanmoins, il comporte aussi un risque d'attestation de prestations non effectuées. En outre, un régime de tiers payant risque d'avoir un impact négatif sur la conscientisation aux coûts du patient. Par ailleurs, comme tout système, ce régime doit respecter certaines règles, notamment celle du « first in, first out ».
Le régime du tiers payant peut également avoir des effets bénéfiques pour le prestataire de soins, dont la relation administrative avec le patient se trouvera simplifiée. En outre, sa relation avec l'organisme assureur changera tandis que le risque d'honoraires non payés diminuera, tout comme le risque d'être victime d'une agression. Cependant, le régime en question implique aussi que le praticien ait accès, avec certitude, à la situation exacte du patient en matière d'assurance, sans quoi il ne pourra pas facturer le montant correct du ticket modérateur. Naturellement, un paiement rapide de la part de l'organisme assureur est également important.
Une extension du régime du tiers payant social dans un certain nombre de projets pilotes permettrait d'identifier les effets connexes susceptibles de se manifester. Selon l'intervenante, les projets pilotes ne doivent pas se limiter aux bénéficiaires du tarif préférentiel, mais doivent inclure également les autres catégories de personnes qui sont déjà admises dans le cadre du tiers payant social.
Il faut aussi s'assurer que l'identification des patients se fera correctement. Ce sujet a déjà été évoqué par M. Quintin. Il existe différents moyens pour identifier les patients, parmi lesquels la carte SIS. La carte d'identité électronique offre davantage de sécurité. En attendant sa généralisation, il est possible de procéder en lisant la carte SIS ou, éventuellement, l'autocollant de l'hôpital ou l'attestation que peut fournir l'organisme assureur à la demande du patient. L'INAMI doit bien entendu également remplir la tâche qui est la sienne, en ce sens qu'il doit donner des instructions sur la manière dont il convient de facturer le tiers payant à la mutualité. Soulignons que ces instructions doivent être aussi simples que possible.
F. Exposé de M. H. De Ridder, directeur général de l'INAMI
M. H. De Ridder, directeur général de l'INAMI, souligne que le régime du tiers payant social est déjà d'application dans trois secteurs, à savoir chez les médecins, les dentistes et les kinésithérapeutes, même si l'application de ce régime est facultative et même interdite dans certains cas, à quelques exceptions près. Les interdictions résultent, d'une part, de la réglementation en vigueur et, d'autre part, des accords conclus entre les prestataires de soins et les mutualités.
Les données relatives aux profils de l'année 2007 donnent un aperçu global de l'application actuelle du régime du tiers payant. Dans le cas des médecins (généralistes et spécialistes), ce régime a été appliqué pour 12 % des soins ambulatoires. En ce qui concerne les patients hospitalisés, le pourcentage est toutefois beaucoup plus élevé, pas moins de 84 %. L'application du régime se chiffre à respectivement 17,64 % et 96,86 % pour les dentistes, et 12,88 % et 100 % pour les kinésithérapeutes. Le paiement comptant est donc la norme pour les soins ambulatoires tandis que le régime du tiers payant est la règle pour les soins hospitaliers.
Les chiffres relatifs aux praticiens de l'art dentaire montrent qu'il existe toutefois des différences régionales: le recours au régime du tiers payant est sensiblement plus répandu à Bruxelles (40,18 %) et en Wallonie (23,59 %) qu'en Flandre. L'utilisation de ce régime y connaît également un accroissement plus marqué, tandis qu'en Flandre, elle reste stable depuis plusieurs années, aux environs de 10 %.
Il faut également examiner quel est le lien entre le conventionnement des dispensateurs de soins et l'application du régime du tiers payant. En effet, dans certains secteurs, il faut être conventionné pour pouvoir avoir recours au régime du tiers payant. Une tendance au déconventionnement s'est ainsi dessinée ces dernières années chez les dentistes, mais selon une répartition géographique très irrégulière. Alors que le déconventionnement augmente en Flandre, il diminue en Wallonie. Lorsque l'on analyse la situation à Anvers par exemple, on constate que le nombre de dentistes déconventionnés est passé de 14,83 % en 1988 à 44,82 % en 2008. À Liège par contre, ce nombre est passé de 46,66 % à 20,32 % au cours de la même période. Ces chiffres sont intéressants, car l'utilisation du régime du tiers payant doit aussi être considérée en fonction du risque social et de la sécurité tarifaire pour le patient qui découle des conventions conclues au sein de l'INAMI.
M. De Ridder évoque ensuite l'imbroglio juridique autour du régime du tiers payant. Avec tout son arsenal d'obligations, de possibilités, d'interdictions et d'exceptions à ces interdictions, la réglementation actuelle est tout sauf un modèle de transparence. On peut se poser des questions sur son application sur le terrain. Ainsi, on ignore totalement dans quelle mesure le nombre de bénéficiaires du régime du tiers payant correspond à l'utilisation réelle de ce régime. Il existe de nombreux obstacles non seulement pour les dispensateurs de soins (la charge administrative, le délai de paiement, voire le refus de paiement aux dispensateurs de soins) en matière de tarification, mais aussi évidemment pour les organismes assureurs. La masse financière en jeu est en effet énorme.
C'est la raison pour laquelle l'INAMI estime qu'il faut miser surtout sur l'automatisation des processus liés au régime du tiers payant, en tant qu'instrument social et dans le cadre de la sécurité. M. De Ridder prône un parallélisme entre le développement du système « My CareNet » et les adaptations du régime du tiers payant. Les priorités à cet égard sont la consultation des médecins, les modifications opérées dans le secteur des soins dentaires où un grand nombre d'abus sont commis dans l'application du régime du tiers payant, etc.
Du point de vue du citoyen également, des mesures visant à une plus large application du régime du tiers payant peuvent fortement contribuer à améliorer la transparence, en particulier dans le secteur ambulatoire où le paiement comptant est la norme actuelle, en dépit du fait que les montants réclamés sont souvent élevés, avec tous les problèmes qui en résultent en matière d'accessibilité. En effet, rares sont les personnes qui peuvent disposer immédiatement d'une telle somme d'argent liquide. Si l'on ne facturait au patient que sa quote-part personnelle, il verrait aussi beaucoup plus clairement quels suppléments lui sont éventuellement facturés. Les différences entre les montants seraient en effet beaucoup plus marquées. L'intervenant indique que l'extension du régime du tiers payant social aurait aussi d'importantes répercussions pour l'INAMI et les organismes assureurs, comme, par exemple, la réduction drastique du travail au guichet. L'important est que l'INAMI puisse disposer de bons paramètres en vue du suivi, notamment en matière d'accessibilité, de manière à être en mesure de rédiger les rapports nécessaires et d'assurer le suivi qui s'impose. À ce propos, M. De Ridder renvoie au récent rapport de l'INAMI présentant les statistiques standardisées sur les variations géographique des dépenses, dans lequel on se posait la question de savoir si la diminution du coût moyen à Bruxelles par rapport à la Wallonie et à la Flandre était liée à la baisse de l'accessibilité des soins de santé. L'intervenant n'a toujours pas reçu de réponse définitive à cette question.
Si le régime du tiers payant était étendu, il faudrait se poser certaines questions d'ordre politique. Quelle est la meilleure voie à suivre pour enregistrer des progrès ? Faut-il agir de manière générale et créer des droits universels, ou plutôt se concentrer sur des groupes cibles spécifiques ? L'application du régime du tiers payant est-elle un droit ou relève-t-elle d'une démarche volontaire ? Faut-il harmoniser l'adaptation du régime du tiers payant avec la création du système « My CareNet » ? Comment la transparence est-elle garantie pour le citoyen, par exemple sur le montant facturé aux organismes assureurs pour les soins qui lui sont administrés ? Toutes ces questions doivent être examinées au cours des débats sur l'introduction d'une facture du patient. Il convient aussi de bien évaluer les risques d'abus et de fraude afin de les réduire au maximum. En outre, il serait peut-être nécessaire de mener une réflexion sur la complexité actuelle des tickets modérateurs, par exemple sur le fait que, lors d'une consultation chez le médecin généraliste, le ticket modérateur diffère si l'on dispose ou non d'un dossier médical global, ainsi qu'en fonction de l'âge, du trajet de soins, etc.
Spécifiquement en ce qui concerne la résolution visant à étendre le régime du tiers payant social (doc. Sénat, nº 4-1185/1), M. De Ridder souhaite faire remarquer qu'il convient de mettre soigneusement au point le cadre juridique lors de la mise en place d'expériences au niveau local. Cela requiert encore une certaine analyse et une certaine réflexion. Par ailleurs, il faut veiller à définir clairement les groupes cibles, sous peine de compromettre l'applicabilité. À cet égard, la cohérence avec la réglementation existante est un élément important par exemple, en ce qui concerne les informations figurant sur la carte SIS et sur la vignette.
M. De Ridder renvoie ensuite à la proposition de loi généralisant le régime du tiers payant (doc. Sénat, nº 4-1425), dans le cadre de laquelle il faudrait veiller à ne pas faire disparaître la base légale du paiement des organismes assureurs aux prestataires de soins. Il met également en garde contre le risque de disparition de la souplesse qui existe aujourd'hui dans certaines situations d'urgence financières si les groupes cibles sont délimités de façon trop rigide. Les patients qui peuvent prétendre au statut OMNIO peuvent d'ores et déjà bénéficier de l'application du régime du tiers payant. Enfin, il faut également éviter que les patients soient privés de l'application du système du maximum à facturer dans les soins de santé en raison de la lenteur administrative inhérente à ce système.
G. Exposé de M. Jan De Maeseneer, Université de Gand
En sa qualité de professeur de médecine générale, M. De Maeseneer a parcouru la littérature afin d'examiner les arguments en faveur du système actuellement en vigueur en Belgique.
Son premier constat, auquel il est déjà arrivé en tant que président du « European Forum for Primary Care », est que notre système est incompréhensible pour un étranger. Un tel système est déjà problématique en soi. Il s'agit d'une des questions les plus difficiles que l'on puisse poser à un étudiant à l'examen de droit social. La complexité constitue déjà en soi une raison d'examiner le système à la loupe.
M. De Maeseneer estime que le moment est venu d'examiner la situation d'un oeil critique. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous a en effet demandé d'accorder une grande attention à l'accessibilité des soins de santé. Des exemples internationaux montrent qu'il existe un lien évident entre la suppression de l'obligation de débourser de l'argent à l'endroit où l'on reçoit les soins et l'amélioration de l'accès aux soins. La somme à payer au moment de recevoir les soins est effectivement un élément important.
Le 22 mai dernier, la Belgique s'est d'ailleurs ralliée à la résolution de l'Assemblée mondiale de la Santé demandant d'examiner l'accessibilité de nos systèmes, en mettant l'accent sur les soins de première ligne.
Une deuxième constatation est que le système belge du tiers payant fait de notre pays une exception absolue. De nombreux pays européens, comme l'Allemagne et les pays scandinaves, par exemple, appliquent un régime de tiers payant standard.
L'étude de la littérature en quête de preuves scientifiques amène l'intervenant à conclure qu'il n'est pas établi que le fait de devoir débourser de l'argent, tel que nous le connaissons aujourd'hui donne lieu à une consommation de soins meilleure ou moins abusive. Rien ne prouve non plus dans la littérature que le régime du tiers payant entraîne un recours impropre ou abusif aux soins par le patient. En conséquence, aucun élément scientifique ne justifie le maintien du système actuel ni son non-remplacement par un régime du tiers payant généralisé.
La recherche scientifique révèle en revanche que tout seuil financier, qu'il s'agisse du ticket modérateur ou du fait de devoir débourser de l'argent, freinant effectivement le recours aux soins a également un effet sélectif au niveau social. En d'autres termes, une mesure de cette nature implique que les groupes les plus vulnérables socialement ne recourront plus à des soins essentiels. Ce point de vue est particulièrement important, car il est permis de se demander s'il faut absolument freiner l'accès au niveau de soins le plus efficient en termes de coûts, à savoir les soins de première ligne.
Bien que M. De Maeseneer n'ait pas trouvé dans la littérature de méta-analyse donnant une analyse globale, il a quand même trouvé bon nombre de cas illustratifs. En Nouvelle-Zélande, une expérience a démontré que la généralisation du régime du tiers payant a effectivement permis d'améliorer l'accès aux soins pour les groupes les plus fragilisés de la population. Par contre, l'instauration du paiement « out of pocket » (« de sa poche ») a eu pour effet en Géorgie de priver les groupes socialement défavorisés des soins indispensables.
De nombreuses études documentées dans la littérature spécialisée montrent clairement que le fait de devoir débourser de l'argent constitue un frein considérable à l'accès aux soins, tandis que la généralisation du régime du tiers payant les rend plus accessibles.
Dans ce débat, la véritable question est de savoir s'il faut opter pour une approche sélective ou universelle. La Belgique fait aujourd'hui le choix d'une approche sélective tellement embrouillée qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits.
M. De Maeseneer dispose d'une série d'éléments l'incitant à dire qu'une approche universelle serait peut-être préférable. Premièrement, l'approche sélective génère des procédures administratives complexes, comme l'ont d'ailleurs largement attesté les précédents intervenants. Deuxièmement, l'approche sélective est stigmatisante, ce qui a des lourdes conséquences sociales. Le patient doit faire étalage de son état de nécessité à l'appui de divers documents pour bénéficier d'un droit social fondamental, en l'occurrence l'accès aux soins. Cette démarche suscite pas mal de questions d'ordre éthique. Troisièmement, l'approche sélective entraîne une dualisation qui remet en cause la solidarité. Si vous avez dans une salle d'attente deux patients dont l'un doit payer sa consultation et l'autre n'a rien à payer, celui qui doit payer se demandera toujours pourquoi il est moins bien loti que l'autre. En effet, il contribue bien plus au système de soins de santé que les patients qui ne paient rien. Pour maintenir l'assise de la sécurité sociale, un système de solidarité est essentiel. Il faut bien réfléchir avant de mettre en place des droits à géométrie variable pour les patients. En effet, toute différence dans ces droits sera toujours perçue comme une inégalité: « Pourquoi lui et pas moi ? ». Enfin, l'approche sélective nécessite généralement l'accord des prestataires de soins.
L'approche universelle est de loin préférable. Elle universalise le régime du tiers payant et simplifie en même temps le système de manière considérable.
La littérature internationale montre qu'une application intégrale systématique du régime du tiers payant est de loin préférable pour les soins de santé de première ligne. C'est le cas pour les consultations, les visites à domicile et les avis fournis lors de prestations techniques. Il n'y a en effet aucune raison de ne pas opter pour le meilleur rapport coût/efficacité des soins. Si l'on souhaite maintenir une quote-part personnelle, M. De Maeseneer plaide pour qu'il n'y ait qu'une seule variante (« on » ou « off ») permettant de dispenser de quote-part personnelle les personnes qui ont un dossier médical global. Le surcoût sera récupéré par le biais d'une utilisation plus adéquate des soins de seconde ligne, comme la démonstration en a été faite aujourd'hui.
Le rapport 85A du Centre fédéral d'expertise a établi que lorsque les patients n'ont rien à payer pour les soins de première ligne, le rapport coût-efficacité des soins de seconde ligne qu'ils consomment est nettement meilleur. Cela signifie que davantage de soins sont administrés en première ligne, ce qui génère des économies sur les soins de seconde ligne. Les sommes investies pour augmenter l'accessibilité des soins de première ligne sont donc compensées par la réduction des dépenses relatives aux soins de seconde ligne. Pour le patient, c'est également tout profit car la quote-part personnelle sur les soins de seconde ligne peut parfois atteindre des sommes importantes. L'intervenant souligne d'ailleurs que les quotes-parts personnelles payées en Belgique sont parmi les plus élevées d'Europe occidentale.
Une des réactions auxquelles on est souvent confronté consiste à se demander si les gens ne risquent pas d'aller chez le médecin pour le plaisir. M. De Maeseneer a travaillé dans les deux systèmes, sans remarquer de différences. Les gens ne vont pas chez le médecin pour un rien et ils n'abusent pas systématiquement du système. Une différence a toutefois pu être relevée: quand le patient ne doit pas payer, il ne reporte pas les soins nécessaires.
Dans le secteur des soins de santé, les soins bucco-dentaires sont l'un des domaines où les différences sociales sont les plus marquées en raison de freins financiers et autres. Les Mutualités chrétiennes ont clairement mis en avant le lien entre la situation sociale et la consommation de soins bucco-dentaires, une sous-consommation étant constatée dans les couches sociales inférieures. Il ressort d'une expérience que l'intervenant a menée personnellement que le régime, tel qu'il est prévu actuellement, n'est possible que moyennant une déclaration écrite de la main du patient, par laquelle il certifie se trouver dans une situation pour laquelle la réglementation prévoit la possibilité d'appliquer le régime du tiers payant. Il va de soi qu'une telle condition n'est pas praticable. L'expérience a montré que parmi les personnes qui ont pu bénéficier de soins bucco-dentaires grâce à un abaissement du seuil d'accès, beaucoup n'avaient jamais consulté de dentiste auparavant.
M. Maeseneer est convaincu qu'une généralisation du système du tiers payant mène à une plus grande accessibilité des soins de santé pour tous, à une sécurité accrue pour les généralistes et à une consommation de soins plus efficiente en termes de coûts. Une meilleure accessibilité des soins de santé de première ligne entraînera aussi une diminution de l'affluence aux urgences et un recours plus restreint aux soins de deuxième ligne. L'intervenant se réfère à nouveau au rapport 85A du Centre d'expertise, qui a clairement démontré que le comportement des patients, et particulièrement des groupes sociaux les plus vulnérables, est une donnée sur laquelle on peut effectivement influer en offrant aux intéressés la gratuité des soins de santé de première ligne.
Un aspect important de l'approche universelle est qu'elle donne le sentiment que tout le monde est traité sur le même pied. C'est un élément essentiel pour la cohésion sociale. À titre d'exemple, M. De Maeseneer fait référence à une étude réalisée auprès de sans-abri par son département, le département de médecine générale de l'Université de Gand. L'objet de cette étude était leur perception de l'accessibilité des soins de santé. Il ressort d'études menées aux quatre coins du globe que les sans-abri perçoivent les soins de santé comme quelque chose d'inaccessible. Or, à la surprise du département, l'étude a révélé que ce n'était pas le cas à Gand où les sans-abri trouvent les soins de santé accessibles, y compris en première ligne, car il existe un nombre suffisant de dispositifs qui ne sont soumis à aucun frein grâce au régime du tiers payant ou à un système de paiement forfaitaire.
D'un point de vue technique, M. De Maeseneer estime qu'il faut opter pour un système qui joue la carte de la transparence totale, grâce à la carte SIS et — dans une phase ultérieure — à la carte d'identité électronique, et où l'argent passe d'un compte à l'autre en « temps réel ». Les fraudes pourront ainsi être détectées immédiatement, même si l'intervenant souligne que le système actuel n'est pas non plus exempt d'abus. Par ailleurs, il faut partir du principe que les prestataires de soins sont des personnes honnêtes qui, pour la plupart, exercent leur profession avec probité et par engagement social.
Sur la base des recherches qu'il a effectuées dans la littérature scientifique, M. De Maeseneer conclut qu'un régime de tiers payant universel est l'unique perspective qui se présente. Ce régime permet une meilleure accessibilité des soins de santé et une meilleure efficience en termes de coûts; il réduit les formalités administratives, permettant ainsi à de nombreux acteurs de fournir un travail plus en adéquation avec les besoins; il crée davantage de sécurité et assure une plus grande cohésion sociale. Il n'existe aucun argument scientifique justifiant de ne pas passer, à court terme, à un régime généralisé de tiers payant en Belgique. Combiné aux possibilités offertes par l'électronique, ce régime pourra être mis en œuvre de manière efficace. La Belgique a ainsi l'occasion de se positionner comme un pays cumule les atouts que sont l'engagement et la motivation remarquables de ses prestataires de soins, la qualité des soins et leur bonne accessibilité.
H. Échange de vues
Mme Tilmans relève que la proposition de résolution vise essentiellement les ayants-droit à une intervention majorée et au statut OMNIO. D'autres groupes devraient-ils être ciblés ?
L'intervenante cite le cas d'un couple de personnes atteintes depuis 23 ans d'hépatite C. Aucune remboursement particulier de la mutuelle n'est prévu, si ce n'est pour l'insuline. Ces gens disposant de revenus normaux se retrouvent après toutes ces années dans une situation financière catastrophique. Que peut-on faire pour ces personnes atteintes de maladies graves de très longue durée, dont les revenus dépassent de très peu le plafond d'intervention ?
Les consultations de généralistes coûtent plus cher pendant le week-end et les jours fériés. Si l'on étend le régime du tiers payant également pendant le week-end et les jours fériés, ne risque-t-on pas une surconsommation ces jours-là alors qu'on vise parallèlement à alléger les gardes des médecins généralistes ?
Les médecins généralistes non conventionnés pourront-ils aussi appliquer le tiers payant ?
Enfin, la sénatrice retient de l'ensemble des exposés qu'il faudra veiller à ne pas augmenter encore la charge administrative qui pèse sur les médecins.
Mme Temmerman se réjouit d'apprendre que la plupart des experts plaident en faveur d'une généralisation du régime du tiers payant en vue d'améliorer l'accessibilité des soins et de procéder à la simplification administrative nécessaire.
Elle souhaiterait avoir l'avis des experts sur l'idée d'étaler dans le temps une telle généralisation. On pourrait proposer, dès l'année prochaine, de donner à chacun le droit de demander l'application du régime du tiers payant sans que cela ne puisse être refusé. Au cours d'une deuxième phase, ce système serait mis en œuvre au plus vite pour les groupes cibles. Selon Mme Temmerman, il existe un consensus à cet égard, étant donné que la réglementation complexe nuit à l'accessibilité des soins. Enfin, lorsque tous les systèmes seront au point, on pourra généraliser le régime du tiers payant. L'intervenante est ravie d'apprendre que la Banque-carrefour prépare ce processus.
Il est heureux que l'on se demande si la généralisation du régime du tiers payant pourrait favoriser les abus et la fraude. Elle-même est convaincue que ce ne sera pas le cas; en effet, rares sont ceux qui consultent un médecin uniquement pour leur plaisir. Tout système, y compris le système existant, mène à des abus. Le recours impropre aux services d'urgence en est un exemple actuel. Il est toujours nécessaire de mener une réflexion approfondie sur la manière de prévenir les abus.
Après avoir entendu les experts, Mme Vanlerberghe constate que personne ne déconseille la généralisation du système du tiers payant. Au contraire, elle a noté beaucoup de signaux qui laissent penser que cette généralisation aurait un effet positif sur les soins de santé. Elle estime qu'il est essentiel de savoir quel sera l'effet sur les patients, et elle n'a entendu aucun expert dire que la généralisation du système aurait un effet négatif pour les consommateurs de soins de santé. Il faut évidemment éviter les abus autant que possible, mais l'intervenante est persuadée que les gens ne vont pas chez le dentiste pour leur plaisir. Indépendamment de l'aspect technique, Mme Vanlerberghe pense qu'il faut surtout se poser la question suivante: qu'attendons-nous ? Les experts peuvent-ils fournir plus d'informations sur les problèmes qu'ils rencontrent ou qu'ils pourraient rencontrer, chacun dans son domaine, et qui les empêchent de procéder rapidement à la généralisation du système du tiers payant ?
Mme Vienne demande si le système est gérable si tous les médecins n'y participent pas, compte tenu du fait que certains sont non conventionnés.
La membre ne craint guère le risque de surconsommation qui a été mentionné comme effet pervers du système. Elle souhaite au contraire attirer l'attention sur l'existence d'une sous-consommation. Les personnes qui ont de faibles revenus ont tendance à reporter le plus possible la visite chez le médecin. Ce n'est pas seulement le cas des personnes qui vivent d'allocations sociales de type minimex, mais cela concerne aussi beaucoup de personnes âgées qui bénéficient d'une pension peu élevée. Le système permettrait donc plutôt une consommation plus équitable.
Dans la région de Mouscron, il existe un partenariat avec la sécurité sociale française qui permet à un Français de se faire soigner en Belgique avec sa carte Vital et l'inverse pour un Belge avec sa carte SIS. C'est une expérience pilote qui fonctionne très bien et qui semble la preuve que le système que l'on veut instaurer en Belgique avec la carte d'identité électronique devrait pouvoir être mis en place rapidement.
M. Vankrunkelsven constate que le patient est confronté à deux seuils: d'une part, le ticket modérateur, qui a été instauré en partie pour cette raison et, d'autre part, l'absence de système de tiers payant qui impose au patient d'avancer l'argent. Existe-t-il des études indiquant lequel des deux seuils est le plus important ? Il serait intéressant de savoir sur quoi il est préférable de se focaliser en premier lieu. L'intervenant estime personnellement que c'est surtout l'absence de système de tiers payant qui constitue un seuil, et pas tant le ticket modérateur, qui est plutôt limité.
À la lumière de la pratique, M. Vankrunkelsven constate que, lorsque le fait de devoir avancer l'argent pose un problème au patient, de nombreux médecins élaborent un système avec le CPAS, le service de tarification ou la mutualité. Dans le cadre de la conjoncture actuelle, il semble acceptable d'instaurer le système du tiers payant pour les plus vulnérables, sur une base volontaire et en recourant à une administration limitée. Il craint cependant qu'une kyrielle de conditions rendent le système très complexe pour le médecin qui doit être en mesure de savoir si le patient remplit toutes les conditions pour pouvoir bénéficier du système. Serait-il possible de réaliser une expérience consistant à autoriser un système de tiers payant sur simple demande du patient, avec une possibilité d'évaluation après un certain temps ? Y a-t-il des groupes au niveau de la prise de décision, des médecins ou des mutualités qui préféreraient qu'une telle expérience ne soit pas mise en place ?
Mme Franssen se pose une question spécifique au sujet de la suite de l'étude. M. De Ridder a communiqué une série de chiffres relatifs aux différences régionales quant à l'application du système du tiers payant. A-t-on comparé ces statistiques aux chiffres de la pauvreté ou du risque de pauvreté par région ? M. De Ridder a également évoqué le lien avec le conventionnement ou le déconventionnement par région. Si tel devait être le principal facteur explicatif, cela aurait tout de même un effet pervers parce que les chiffres ne refléteraient plus complètement la situation.
Une autre question concerne la vaccination contre la grippe A/H1N1, au sujet de laquelle une circulaire a été envoyée récemment. Serait-il possible d'arrêter d'appliquer une politique de « deux poids, deux mesures », eu égard, en particulier, à l'extrême importance des soins de première ligne pour les personnes en situation de pauvreté ? Plus le seuil d'accès aux soins de première ligne est bas, mieux c'est pour les soins de santé en général.
M. De Maeseneer répond tout d'abord à la question de M. Vankrunkelsven qui souhaitait savoir quel seuil est le plus élevé. Selon lui, le seuil le plus élevé est celui qui oblige le patient à avancer l'argent. Le ticket modérateur n'en représente qu'une petite partie. Selon l'intervenant, il convient de réfléchir à ce que l'on souhaite exactement modérer au moyen du ticket modérateur. Il existe déjà un frein actuellement, car l'offre n'est plus pléthorique et il faut donc déjà fournir un effort pour voir son médecin généraliste le jour même. La situation a évolué dans ce domaine, ce qui peut motiver une réflexion sur la signification du ticket modérateur.
Il ressort de toutes les études internationales que c'est surtout le fait de devoir payer immédiatement qui constitue un frein. Une visite de nuit facturée à 74 euros est un frein, même si l'on sait que la mutualité remboursera 64 euros. Psychologiquement, le patient aura ainsi l'impression qu'il vaut mieux pour lui se rendre aux urgences, qui ne lui feront parvenir la facture que quelques semaines plus tard.
L'expérience demandée par M. Vankrunkelsven, qui consisterait à autoriser un système de tiers payant sur simple demande du patient, a déjà eu lieu en réalité. Elle fait l'objet du rapport 85A du Centre fédéral d'expertise des soins de santé. Le comportement de personnes non redevables d'une cotisation personnelle a été étudié. Elles n'ont pas dû payer au moment où les soins leur ont été prodigués. L'étude a établi que ces personnes recouraient davantage aux soins de première ligne qu'un groupe de personnes qui devaient payer les soins sur place. Il est également apparu que davantage de personnes socialement vulnérables étaient prises en charge, pour la simple raison qu'il était impossible de trouver un groupe aussi vulnérable dans la médecine rémunérée à l'acte. On a également constaté qu'un ensemble de soins plus conséquent était dispensé en première ligne et que, dès lors, les coûts générés en deuxième ligne étaient inférieurs. Une économie a ainsi été réalisée pour la collectivité et pour le patient.
Selon M. De Maeseneer, cette expérience montre clairement qu'il serait bon d'instaurer un système qui permettrait au patient de se rendre chez son médecin traitant sans portefeuille.
M. Moeremans souhaite réagir à l'argumentation des deux mutualités. Il considère qu'il est contradictoire de leur part d'avancer une proposition soulignant la nécessité d'une simplification administrative tout en voulant, dans le même temps, introduire toutes sortes de règles parce qu'elles ne souhaitent qu'une extension sélective. Les médecins ne désirent pas réaliser un examen social de leurs patients.
Lorsqu'il examine les possibilités d'extension du système du tiers payant telles qu'énumérées dans la brochure rédigée par la ministre de l'Intérieur, il ne peut que conclure à l'impossibilité, pour le médecin, de les mettre en pratique. Faut-il que le médecin généraliste demande à son patient s'il y a, dans son ménage, une personne exonérée de l'obligation de cotisation parce que son revenu annuel brut ne dépasse par le montant du revenu d'intégration ? C'est insensé. En fait, l'instauration de telles règles voue le système à l'échec. Ce qui importe, c'est de rendre le système accessible à tous. Actuellement, le ticket modérateur à payer chez le pharmacien est le même pour tous, que l'on soit un ouvrier au chômage ou un notaire très occupé. Pourquoi cela n'est-il pas possible chez le médecin traitant ? La simplicité administrative est, elle aussi, essentielle. En ce qui concerne le ticket modérateur, M. Moeremans est partisan d'un ticket modérateur simple et peu élevé, et d'une catégorisation claire, qui permette au médecin de savoir qui relève d'une catégorie donnée et qui en est exclu.
En réponse à la question de Mme Vienne, M. De Ridder estime qu'il est important de savoir comment le système est conçu. S'agira-t-il d'un droit de l'assuré ? Dans ce cas, la question de la différenciation ne se pose plus.
Il souligne que l'interdiction du système du tiers payant existe déjà depuis longtemps et qu'elle peut être replacée dans un contexte historique. Pendant longtemps, elle a été considérée comme un moyen de lutter contre l'« aléa moral » inhérent au système, tel qu'il était conçu à l'époque. Il ressort d'études et de données personnelles de l'intervenant que l'utilisation différenciée de soins types est déterminée par des facteurs socio-économiques. On constate par exemple que les groupes socio-économiques les plus vulnérables sont plus enclins à consulter un médecin généraliste que les groupes mieux nantis, qui ont plutôt tendance à consulter directement un spécialiste. D'autres éléments que le seul aspect « paiement » entrent donc en jeu.
Sur le plan international, il est également étabi que dans les systèmes où le paiement se fait à la prestation, les ménages sont amenés, en période de crise économique, à faire des économies sur certaines dépenses de soins de santé, selon un système de « cascade »: ils opèrent d'abord une sélection parmi les médicaments, puis ils économisent sur les soins dentaires et la kinésithérapie. Les ménages n'ont pas spécialement tendance à réaliser des économies sur les consultations généralistes. Néanmoins, un autre phénomène peut être observé: il y a toujours environ 10 % de la population qui reportent la consultation et qui sont alors confrontés à des paiements ponctuels lorsque les soins sont devenus nécessaires. Il ressort globalement de la littérature que le recours aux tickets modérateurs ou au paiement comptant freine la consommation des soins de santé. Reste à savoir si cet effet de frein est souhaitable ou non.
Même si l'on passe à un système où les transactions financières entre le prestataire de soins et le patient cèdent la place à des transactions entre l'organisme assureur et le prestataire de soins, il faudra définir des solutions pour lutter contre l'« aléa moral » qui peut toujours subsister dans le système. Nul doute qu'on ne sera pas tenté d'emblée d'abuser des consultations. Toutefois, on est conscient que, dans le cadre des soins dentaires par exemple, où de nombreux actes sont basés sur la confiance dans les prestataires de soins, certaines situations de facturation directe sans transparence pour le patient comportent un risque d'abus.
Étant donné que les abus ne peuvent pas non plus être totalement exclus selon M. De Ridder, il faudrait veiller à disposer de systèmes plus intelligents que le système actuel, des systèmes qui contribueraient à orienter le comportement du prestataire de soins en misant sur le fait que le patient doit sortir son portefeuille. On pourrait envisager par exemple un système de factures adressées aux patients.
En ce qui concerne les questions concrètes de la sénatrice Franssen, M. De Ridder fait savoir qu'aucune étude systématique n'a été réalisée. Il existe effectivement une inégalité au niveau de la pauvreté, mais l'application du système du tiers payant est une initiative du prestataire de soins. Aussi faudrait-il d'emblée poser l'hypothèse que dans les régions qui affichent un taux de pauvreté plus élevé, les prestataires de soins seront davantage enclins à utiliser les systèmes accessibles. M. De Ridder estime toutefois que les chiffres dont il dispose ont d'autres explications. Ainsi, les chiffres relatifs à Anvers ne sont pas en phase avec le problème de pauvreté qui s'y pose.
Il en va de même pour le conventionnement, qui constitue une condition de l'application de certaines formes du système du tiers payant. À mesure que le déconventionnement gagnera du terrain, il y aura moins de médecins qui pourront appliquer le système du tiers payant pour une série de prestations. Il existe donc bel et bien un lien, mais la question de savoir dans quelle mesure il joue n'a pas été approfondie.
En ce qui concerne la vaccination contre la grippe A/H1N1, l'INAMI a fourni des précisions sur la réglementation existante, qui n'a pas été modifiée dans le cadre des mesures de vaccination. Bien que le Conseil fédéral des cercles ait indiqué que la campagne de vaccination contre la grippe devait être élaborée dans le cadre de la pratique individuelle — recommandation qui a été suivie par le pouvoir politique — on a pu constater dans la pratique que de nombreuses initiatives locales de campagnes de vaccination collectives ont été mises sur pied. Dans ce contexte, l'INAMI s'est concerté avec les organismes assureurs, notamment en raison de la conclusion d'accords divergents au niveau local. Il a été convenu avec les organismes assureurs qu'une vaccination collective organisée en collaboration avec ou par un service de garde de médecins généralistes répond aux critères de l'arrêté royal relatif au tiers payant. Cet arrêté prévoit que toutes les prestations effectuées dans le cadre d'un service de garde peuvent entrer en ligne de compte pour le système du tiers payant. Il a été précisé qu'il s'agissait d'action collective et donc pas de vaccinations effectuées dans le cabinet du médecin traitant, car sinon il n'y aurait plus aucune possibilité de différenciation. Ceci est conforme à la réglementation, qui n'a elle-même fait l'objet d'aucune adaptation pendant la campagne en question.
Mme Onkelinx, vice première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique souligne que la circulaire de l'INAMI n'introduit pas de discrimination puisqu'elle s'appuie sur la réglementation qui existe actuellement en matière de tiers payant. Elle ne fait qu'apporter une précision par rapport à ce texte.
En ce qui concerne la vaccination, M. Vankrunkelsven explique que sur le terrain, toutes les vaccinations ont été collectives étant donné que la nature même du vaccin obligeait les médecins généralistes à regrouper les vaccinations. Que les patients se soient rendus à la maison communale ou au cabinet de leur médecin traitant pour se faire vacciner, ne fait pas une grande différence en l'espèce. Les parlementaires n'accordent pas volontiers les pouvoirs spéciaux au gouvernement, mais en l'occurrence ils l'ont fait très facilement et rapidement. Les pouvoirs spéciaux permettaient aussi de régler parfaitement le système du tiers payant, mais cela n'a pas été fait.
M. Moeremans estime que la manière dont la campagne vient d'être menée a très fortement discriminé les médecins généralistes qui, à titre individuel, ont fait des efforts supplémentaires et ont tenté d'opérer une sélection de leurs patients à risques beaucoup plus stricte que ne le permettaient les campagnes de vaccination organisées dans un hall de sport, par exemple.
Mme Lanjri souligne que lors du vote sur les pouvoirs spéciaux, elle a également demandé explicitement si le vaccin était gratuit et si le système du tiers payant serait appliqué. La ministre n'a alors pas fait de distinction entre une vaccination collective et une vaccination individuelle, si bien qu'en définitive, des informations erronées ont été communiquées. La ministre peut-elle préciser quelles mesures seront prises pour les médecins qui ont mal compris le message et qui ont vacciné dans leur cabinet en appliquant le système du tiers payant avant l'envoi de la circulaire ? Bien que l'intervenante déplore le contenu de la circulaire, elle peut comprendre la position selon laquelle les médecins étaient au courant de la directive et pouvaient s'y conformer dès ce moment.
La ministre rappelle qu'au départ, la vaccination devait se faire dans les centres de vaccination et être gratuite pour le patient tandis que le prestataire recevrait une juste rémunération. Cette idée a été abandonnée au profit de la solution de la vaccination chez les médecins généralistes. La gratuité du vaccin a été maintenue mais certaines personnes ont cru que la gratuité signifiait application du tiers payant alors qu'il n'en a jamais été question. Il n'a en effet jamais été question d'appliquer le tiers payant autrement que conformément à l'arrêté royal du 10 octobre 1986. Des concertations ont eu lieu avec les médecins et aucune promesse n'a été faite pour l'application d'un système de tiers payant particulier pour la vaccination contre la grippe A.
M. Vermeylen souhaite préciser qu'il a été, comme les autres orateurs, consulté sur l'extension du système du tiers payant social. M. De Maeseneer parle d'autre chose, à savoir l'extension complète du régime de tiers payant pour arriver à une médecine gratuite pour la population. M. Vermeylen soutient, quant à lui, l'extension du tiers payant, même à l'ensemble de la population, mais à condition de conserver un ticket modérateur, sans quoi on court à la ruine du pays.
Selon Mme Lanjri, la résolution à l'examen vise à améliorer le système actuel du tiers payant et à étendre les groupes cibles, notamment, le cas échéant, aux malades chroniques. La liste d'exemples cités dans la résolution n'est pas exhaustive. C'est d'ailleurs en grande partie pour cette raison que l'intervenante a choisi l'option d'une proposition de résolution, car il est facile d'y apporter des modifications et des ajustements. Il est ressorti des exposés que tout le monde est d'accord sur le fait que le système doit être simple au niveau administratif et qu'il ne doit pas être stigmatisant. Il est facile d'atteindre ce dernier objectif en faisant du système un droit de l'intéressé, ce qui éviterait ainsi à ce dernier de devoir en faire la demande.
M. Vankrunkelsven déduit des exposés que la réticence des médecins a disparu, alors que ceux-ci sont des opposants historiques à l'extension du régime du tiers payant. Serait-il possible de réaliser à certains endroits du pays, sur une base volontaire, une expérience qui consisterait à appliquer le système du tiers payant à toute personne qui le souhaite ? On pourrait alors évaluer les abus éventuels. En supprimant la charge administrative, on répondrait ainsi aux attentes des médecins. Est-on disposé à autoriser une expérience de ce type ?
Mme Vanlerberghe a appris de la bouche d'un orateur que le projet-pilote était en réalité déjà terminé et qu'il avait permis de tirer des conclusions claires. Elle juge dès lors qu'il n'est pas nécessaire de mettre sur pied de nouveaux projets-pilotes.
Mme Tilmans aimerait savoir à quel public-cible on réserve le bénéfice du tiers payant social et à quelles conditions les médecins non conventionnés pourront appliquer le tiers payant.
M. Moeremans estime que la modification du système du tiers payant serait une bonne occasion pour évaluer le système du conventionnement, dans lequel foisonnent également des complications auxquelles il conviendrait de remédier. L'intervenant estime qu'il ne serait pas très utile d'élaborer un système de tiers payant qui ne pourrait pas être appliqué par tous les médecins. Les médecins déconventionnés ont, eux aussi, la fibre sociale et ils fournissent des efforts supplémentaires pour certains patients.
Mme Vanderveken précise que le système actuel de tiers payant social n'interdit pas aux médecins non conventionnés de l'appliquer.
M. Moeremans ajoute que le médecin non conventionné doit cependant commencer par réaliser une enquête sociale afin de déterminer si le patient peut bénéficier dudit système.
Mme Vanderveken conteste cette affirmation. Il n'est pas nécessaire d'effectuer une enquête sociale lorsque le patient demande à la mutualité une attestation prouvant qu'il appartient à la catégorie des bénéficiaires.
Selon M. Moeremans, c'est là une charge administrative supplémentaire pour le médecin.
Mme Vanderveken affirme que les mutualités sont, elles aussi, favorables à une simplification administrative. N'oublions pas toutefois que certaines règles doivent être respectées, par exemple en ce qui concerne le mode et le délai de paiement des médecins. Elle estime par ailleurs que la situation pourrait être améliorée si le système actuel était mieux connu. Les mutualités font des efforts dans ce sens, et l'intervenante espère que les cercles de médecins voudront bien en faire autant.
Mme Fleurquin et M. De Ridder se rallient à l'intervenante précédente.