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8 DÉCEMBRE 2009
I. INTRODUCTION
Le projet de loi de loi à l'examen, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, trouve son origine dans une proposition de loi déposée au Sénat le 25 septembre 2008 par M. Mahoux (doc. Sénat, nº 4-924/1).
Le Sénat a adopté ce texte le 16 juillet 2009 et l'a transmis à la Chambre des représentants.
Le 29 octobre 2009, la Chambre des représentants a renvoyé le projet de loi au Sénat après l'avoir amendé (doc. Chambre, nº 52-2127/11).
La commission de la Justice a examiné le projet de loi faisant l'objet du présent rapport lors de ses réunions des 10 et 18 novembre, 2 et 8 décembre 2009, en présence du ministre de la Justice.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DE LA JUSTICE
1. Introduction
Les discussions parlementaires du projet de loi relatif à la réforme de la cour d'assises ont démontré l'existence d'un consensus en faveur du maintien de la cour d'assises, à condition de réformer et de moderniser la procédure devant celle-ci.
L'augmentation du nombre d'affaires d'assises, la complexité accrue des dossiers criminels ainsi que le coût élevé de la procédure devant la cour d'assises sont autant d'éléments qui imposent d'optimiser (c'est-à-dire de réduire) le nombre d'affaires traitées par la cour d'assises et d'améliorer l'efficacité de la procédure d'assises, la qualité des jugements à ce niveau et les droits de la défense.
Dans ce sens, la réforme proposée vise également à apporter une réponse énergique à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Taxquet (13 janvier 2009), en ce qui concerne la motivation de la décision du jury.
En vue de moderniser la procédure, l'on a pris comme base la proposition de loi relative à la réforme de la cour d'assises, déposée par M. Mahoux, qui s'inspire du rapport définitif établi par la Commission de réforme de la cour d'assises. En tenant compte de l'avis détaillé du Conseil supérieur de la Justice, une concertation étroite entre la cellule stratégique du ministre, le Service public fédéral Justice et les partis de la majorité a permis d'aboutir à un compromis et de déposer un seul amendement global au Sénat.
Le projet en question a été transmis à la Chambre, qui l'a approuvé moyennant quelques modifications au cours de la séance plénière du 29 octobre 2009.
2. Déroulement des discussions à la Chambre des représentants
2.1. Généralités
Au terme des discussions, la Chambre a conservé les options fondamentales qui avaient été prises par le Sénat, notamment en ce qui concerne le maintien de la délibération du jury sur la culpabilité sans la présence de juges professionnels et la motivation de la décision en matière de culpabilité ou d'innocence.
La Chambre a également confirmé le choix de prévoir non pas un appel circulaire, mais seulement un contrôle étendu par la Cour de cassation.
Au cours des discussions à la Chambre, le texte du projet de loi approuvé par le Sénat a fait l'objeet de plusieurs modifications, à la suite:
• des remarques formulées lors des auditions
Le 10 septembre 2009, une audition a été organisée en présence de
— M. Marc Dewart, premier président de la cour d'appel de Liège
— M. Michel Rozie, premier président de la cour d'appel d'Anvers
— Mme Karin Gerard, présidente de la cour d'assises de Bruxelles
— M. Pascal Chevalier, représentant de l'OBFG
— M. John Maes, représentant de l'OVB
— Claude Michaux, procureur général près la cour d'appel de Mons, au nom du Collège des procureurs généraux.
Au cours de l'audition, les intervenants ont soulevé une série de problèmes qui pourraient se poser dans la pratique en ce qui concerne les options prises dans le projet de loi, notamment à propos des éléments suivants:
— le président de la cour d'assises siégeant seul;
— la composition du jury, en particulier l'obligation de la parité sexuelle et l'âge minimum des membres du jury;
— l'audience préliminaire et la purge des nullités;
— la notion de « plaider coupable »;
— l'entrée en vigueur de la loi.
Ces remarques très pertinentes formulées par la magistrature et le barreau ont inspiré plusieurs modifications supplémentaires.
• de l'avis du Conseil d'État
Le Conseil d'État a rendu un avis le 25 août 2009 (avis 47.078/AV) sur le projet de loi à l'examen.
Les observations émises par le Conseil d'État, qui concernaient principalement la nouvelle définition des compétences de la cour d'assises et du tribunal correctionnel, ont donné lieu à l'élaboration d'une réglementation adaptée en la matière.
Une série d'amendements du gouvernement ont été déposés en vue de donner suite aux autres remarques de nature purement technique et juridique.
• des propositions formulées au sein de la commission de la Justice de la Chambre
Dans ce cadre, on peut notamment souligner:
— la modification de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la purge des nullités;
— la suppression de la possibilité pour la cour d'assises, en cas de verdict d'innocence, de renvoyer l'affaire à une prochaine audience si elle estime que le jury s'est trompé.
2.2. Aperçu des modifications apportées au projet de loi
2.2.1. Modification du règlement des compétences respectives de la cour d'assises et du tribunal correctionnel
Discussions au Sénat
Aussi bien la Commission de réforme de la cour d'assises, dont le rapport constitua la base de la proposition de loi du sénateur Mahoux, que le Conseil supérieur de la Justice ont opté pour deux choix fondamentaux qui ont été partagés par les sénateurs et le ministre de la Justice, à savoir:
— ne pas étendre la compétence actuelle de la cour d'assises;
— mettre fin à la technique insatisfaisante de la correctionnalisation systématique.
La compétence de la cour d'assises a été établie dans la proposition de loi de M. Mahoux en fonction d'une liste positive et limitative d'incriminations sur la base de critères objectifs. Compte tenu du fait que cette technique présenterait des inconvénients considérables, en particulier parce que les crimes présents sur cette liste devraient obligatoirement être portés devant la cour d'assises et que ceux qui n'apparaissent pas sur cette liste devraient nécessairement être portés devant le tribunal correctionnel (notamment les tentatives punissables de commettre des crimes), on a finalement opté pour un système plus souple en matière de renvoi d'une affaire vers la cour d'assises.
L'on a opté pour le compromis ci-après:
— maintien de la compétence théorique actuelle de la cour d'assises, sur la base d'une exclusion;
— pour les faits qui sont aujourd'hui déjà correctionnalisables et qui, en pratique, sont aussi toujours correctionnalisés, l'on a supprimé la possibilité théorique de correctionnalisation et ces faits ont été soumis directement au tribunal correctionnel;
— la compétence du tribunal correctionnel est redéfinie: il reste compétent pour connaître des délits et devient en outre compétent pour connaître des crimes dont la peine prévue par la loi n'excède pas vingt ans de réclusion, ainsi que pour les 6 catégories de crimes punissables de plus de 20 ans de réclusion, mais qui sont déjà correctionnalisables en vertu de la loi actuelle sur les circonstances atténuantes, complétées par 2 catégories de crimes; le tribunal correctionnel peut infliger des peines criminelles et un emprisonnement de vingt ans maximum;
— la possibilité de correctionnalisation est maintenue pour les crimes prévus à l'article 2, modifié, de la loi sur les circonstances atténuantes (ce qu'on appelle « la zone grise »); la chambre des mises en accusation se voit accorder la possibilité d'encore renvoyer ces faits devant le tribunal correctionnel, moyennant l'admission de circonstances atténuantes.
Avis du Conseil d'État
Dans son avis, le Conseil d'État a formulé des observations en ce qui concerne la conformité du nouveau régime de compétence au principe d'égalité et de légalité.
Le Conseil d'État a notamment indiqué qu'un problème se posait en ce qui concerne les catégories de crimes punissables d'une peine supérieure à vingt ans de réclusion et qui relèvent de la compétence du tribunal correctionnel. Pour ces crimes, qui, en vertu des dispositions du Code pénal, sont punissables d'une peine supérieure à vingt ans de réclusion, le tribunal correctionnel pourrait infliger vingt ans de réclusion au maximum.
Pour répondre aux observations du Conseil d'État, le gouvernement a élaboré deux propositions de réforme:
— Piste 1: adapter le degré de la peine pour les 6 ou 8 catégories de crimes relevant directement de la compétence du tribunal correctionnel;
— Piste 2: inclure ces 6 ou 8 catégories de crimes dans la « zone grise ».
Dans les deux options:
— le tribunal correctionnel est compétent pour les crimes passibles d'une peine de réclusion n'excédant pas vingt ans;
— le tribunal correctionnel peut infliger des peines criminelles et jusqu'à vingt ans de réclusion;
— la cour d'assises devient compétente pour les crimes passibles d'une réclusion de plus de vingt ans;
— mais la correctionnalisation est encore possible pour certains délits moyennant l'admission de circonstances atténuantes.
Discussions à la Chambre
Les partis de la majorité ont finalement adopté une vision plus traditionnelle et une troisième piste a été élaborée. L'on s'en tient en l'espèce à la classification traditionnelle des infractions en trois catégories et à la compétence de principe des juridictions de jugement qui en découle.
En ce sens, on n'a pas jugé indiqué de rendre le tribunal correctionnel compétent pour connaître des crimes, mais l'on maintient l'attribution par principe des crimes à la cour d'assises et des délits au tribunal correctionnel.
La répartition des compétences entre la cour d'assises et le tribunal correctionnel est dès lors maintenue et les crimes ne sont portés devant le tribunal correctionnel que moyennant l'admission de circonstances atténuantes.
La peine correctionnelle que le tribunal correctionnel peut infliger pour les crimes correctionnalisés est augmentée progressivement (article 25 du Code pénal). Ainsi, l'on peut infliger pour les crimes de la « zone grise », passibles de plus de vingt ans de réclusion, des peines correctionnelles d'emprisonnement de vingt ans maximum, pour les crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion, des peines d'emprisonnement de quinze ans maximum, pour les crimes passibles de dix à quinze ans de réclusion, des peines d'emprisonnement de dix ans maximum et pour les crimes passibles de cinq à dix ans de réclusion, des peines d'emprisonnement de cinq ans maximum. Autrement dit, la peine minimale prévue par la loi devient la peine maximale imposable.
Le délai de prescription pour les crimes passibles de plus de vingt ans de réclusion et qui sont correctionnalisés en application de l'article 2 de la loi sur les circonstances atténuantes est fixé à dix ans (article 21 du Titre préliminaire du Code de procédure pénale).
La durée de l'interdiction qui peut être prononcée lors du jugement de crimes correctionnalisés est adaptée (article 84, alinéa 2, du C. pén.).
La liste de la « zone grise » est maintenue moyennant la suppression de deux incriminations, à savoir le viol ayant entraîné la mort (prévu par l'article 376, alinéa 1er, du Code pénal) et la torture (prévue par l'article 417ter, alinéa 3, 1 et 2 du Code pénal).
Conclusion
Le régime de compétence ainsi tracé de la cour d'assises et du tribunal correctionnel répond en tous points aux observations du Conseil d'État: la conformité du projet de loi au principe d'égalité et de légalité ne pose plus de problème.
Dans l'option choisie, le partage de compétences actuel est maintenu intégralement et l'on continue de recourir au système actuel de correctionnalisation, qui est seulement étendu. Il n'est donc plus nécessaire de modifier la Constitution.
En élargissant les possibilités de correctionnalisation, l'on vise à réduire la charge de travail de la cour d'assises.
Lors de l'élaboration du régime précité, l'on a en même temps avancé l'idée d'une étude approfondie et d'un débat sur les degrés de peine et sur une reclassification des crimes dans le Code pénal.
3.2. Autres modifications
Composition de la cour d'assises
La composition actuelle de la cour d'assises, c'est-à-dire un président et deux assesseurs, est maintenue.
Cette option a été prise en tenant compte notamment des observations formulées à ce sujet lors des auditions.
L'on peut souligner la responsabilité trop lourde qui pèserait sur un président d'assises siégeant sans assesseurs, notamment pour statuer sur des questions de procédure, rédiger des arrêts avant dire droit, formuler avec le jury la motivation concernant la culpabilité ou la non-culpabilité et rédiger les arrêts en matière d'actions civiles; en cas de majorité simple, il aurait également la voie prépondérante et devrait décider seul de la remise à une audience ultérieure s'il estime que le jury s'est trompé. Le maintien des assesseurs apporte un soutien au président dans les affaires complexes sur le plan juridique et technique (dans la pratique, il est également souvent difficile de prévoir à l'avance le degré de complexité d'une affaire).
Pour pouvoir exercer la fonction de président de la cour d'assises, les magistrats doivent avoir préalablement suivi une formation spécialisée. Afin de pouvoir tenir compte en premier ressort de l'expérience des présidents d'assises en vue de leur désignation, le projet de loi prévoit à titre complémentaire qu'un arrêté royal fixera les conditions auxquelles le président doit répondre pour être dispensé de cette formation.
Les assesseurs sont désignés pour chaque affaire par le premier président de la cour d'appel, en concertation avec les présidents de tribunal de première instance concernés.
Composition du jury
L'âge minimum pour être désigné comme membre du jury est porté à 28 ans (comme c'est le cas pour les juges professionnels).
Le principe relatif à la parité sexuelle du jury est maintenu, mais il est précisé que cette exigence vaut au moment où le jury est constitué; pour pouvoir répondre à cette exigence, il est également prévu en complément que le président dispose d'un droit de récusation.
Il est prévu aussi que les référendaires près la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle, de même que les membres des secrétariats de parquet, ne pourront plus siéger non plus comme jurés.
Le projet prévoit aussi que le président d'assises informe les jurés au sujet des instances auxquelles ils peuvent s'adresser pour obtenir un soutien psychologique au terme de leur mission et les exhorte à se tenir à l'écart des médias.
Procédure devant la cour d'assises
La disposition relative à l'audience préliminaire a été adaptée sur un certain nombre de points:
— la notion de « plaider coupable » est abandonnée;
— la disposition prévoyant que la durée de la procédure est fixée à 3 ou 5 jours est également supprimée, mais il est précisé que le président veille à ce que l'audience soit clôturée dans les plus brefs délais (le délai était purement indicatif, l'objectif étant d'induire un changement de mentalité);
— en principe, les témoins de moralité sont entendus en dernier lieu, sauf si un témoin de moralité doit également être entendu relativement aux faits ou à la culpabilité; dans ce cas, le président peut décider que son témoignage relatif à la moralité sera reçu en même temps que son témoignage relatif aux faits ou à la culpabilité.
En ce qui concerne les questions posées et remises au jury, le texte actuel prévoit que l'acte d'accusation et le dossier sont remis aux jurés, à l'exception des déclarations écrites des témoins faites sous serment. Cette disposition est supprimée étant donné que le retrait des pièces est souvent mal compris par le jury qui a l'impression qu'on lui cache quelque chose.
La réglementation relative aux opérations de vote, qui figurait jusqu'à présent dans la loi du 15 mai 1838 sur le jury, est intégrée dans le Code d'instruction criminelle. La loi du 15 mai 1838 est abrogée.
La disposition prévoyant la possibilité pour la cour d'assises de reporter l'affaire à une audience suivante dans le cas où le jury s'est trompé est adaptée:
— cette mesure peut être appliquée uniquementdans le cas où l'accusé a été déclaré coupable, et pas lorsqu'il n'a pas été déclaré coupable;
— adaptation de la formulation (« concernant les principales raisons, en particulier en ce qui concerne la preuve, le contenu de termes juridiques ou l'application de règles de droit »).
Élection de domicile
La disposition relative à l'élection de domicile est adaptée en fonction des remarques formulées par le Conseil d'État.
Purge des nullités
L'article 235bis, § 5, du Code d'instruction criminelle, prévoit ce qui suit:
« Les irrégularités, omissions ou causes de nullités visées à l'article 131, § 1er, ou relatives à l'ordonnance de renvoi, et qui ont été examinées devant la chambre des mises en accusation ne peuvent plus l'être devant le juge du fond, sans préjudice des moyens touchant à l'appréciation de la preuve ou qui concernent l'ordre public. Il en va de même pour les causes d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique, sauf lorsqu'elles ne sont acquises que postérieurement aux débats devant la chambre des mises en accusation. Les dispositions du présent paragraphe ne sont pas applicables à l'égard des parties qui ne sont appelées dans l'instance qu'après le renvoi à la juridiction de jugement, sauf si les pièces sont retirées du dossier conformément à l'article 131, § 2, ou au § 6 du présent article.
Au cours des discussions (amendement nº 1, déposé par M. Libert), l'exception prévue à l'article 235bis, § 5, du Code d'instruction criminelle, relative aux moyens touchant à l'ordre public, a été supprimée à la suite de l'avis du Conseil d'État rendu le 12 octobre dernier (avis 47.277/2).
Dispositions transitoires
À la demande du Collège des procureurs généraux, un régime transitoire a été prévu pour les affaires déjà fixées qui seront examinées par la cour d'assises après l'entrée en vigueur de la loi à l'examen. Une disposition transitoire est également prévue en ce qui concerne la constitution des listes de jurés.
Adaptations terminologiques et regroupement d'articles
Dans le texte du projet de loi, un certain nombre de modifications terminologiques sont apportées. Ainsi, en néerlandais, le mot « hoofdman » est remplacé chaque fois par le mot « hoofd » (emploi d'un terme neutre du point de vue du genre) et les mots « sans délai » sont remplacés par les mots « dans les plus brefs délais ».
Plusieurs autres reformulations découlent de la note de légistique du service juridique de la Chambre des représentants.
Un certain nombre d'articles ont été déplacés afin de tenir compte de l'avis du Conseil d'État. Les dispositions concernant les fonctions et les missions du parquet général ont été regroupées sous un titre IIbis distinct.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
A. Premier échange de vues
Parmi les modifications apportées par la Chambre des représentants au texte du projet de loi, M. Mahoux pense qu'une série sont de nature subsidiaire. Il renvoie notamment à la modification de la durée de l'audience (suppression du délai de trois et cinq jours), à la suppression de la possibilité de plaider coupable, au changement quant à la composition de la cour d'assises (retour des deux assesseurs).
Les objectifs poursuivis par le Sénat sur ces différents points étaient surtout dictés par des raisons de praticabilité des assises et de contingence. Les modifications apportées par la Chambre ne dénaturent pas les grands équilibres de la réforme.
Sur une série de points, la Chambre a d'ailleurs confirmé les options du Sénat. M. Mahoux renvoie notamment à la question de la motivation des arrêts et au maintien de la séance préliminaire.
La question de la compétence de la cour d'assises est quant à elle plus fondamentale. Le Sénat avait opté pour un système de correctionnalisation légale de toute une série de crimes. D'autres crimes devaient être renvoyés devant la cour d'assises sans possibilité de correctionnalisation. Il existait enfin une série de crimes relevant normalement de la cour d'assises mais pour lesquels une correctionnalisation était possible.
La Chambre a décidé de revenir au système actuel de correctionnalisation par les juridictions d'instruction. Elle a sorti l'article 376 du Code pénal (viol ayant entraîné la mort) et l'article 417ter du Code pénal (torture ayant entraîné la mort) de la liste des crimes correctionnalisables
L'intervenant en déduit que, dans la pratique, le régime prévu par la Chambre des représentants n'aura pas pour effet de vider la cour d'assises de ses compétences spécifiques.
Sur la question de l'âge des jurés, M. Mahoux pense que le Sénat est plus progressiste que la Chambre, qui a porté la condition d'âge de 21 à 28 ans. Ce point n'est cependant pas fondamental.
Pour la formation des présidents de cours d'assises, M. Mahoux constate que le projet délègue au Roi le soin de fixer les conditions dans lesquelles le président peut être dispensé de la formation spécialisée. M. Mahoux suppose qu'il s'agit d'une mesure transitoire et, qu'à terme, tous les présidents seront obligés d'avoir suivi la formation spécialisée. Le ministre peut-il le confirmer ?
Il demande par ailleurs pour quelles raisons les déclarations écrites ne doivent plus être soumises aux jurés.
Enfin, M. Mahoux constate que la Chambre des représentants a inséré un article contenant une disposition transitoire. Cet article règle-t-il complètement la question ?
En conclusion, M. Mahoux se réjouit du fait que la Chambre des représentants ait confirmé le principe du maintien de la cour d'assises. Il rappelle que cette institution rapproche la justice du citoyen, ce qui est important dans le contexte actuel.
Par ailleurs, le texte maintient les principes généraux de la réforme de la cour d'assises. Même si certaines modifications apportées par la Chambre semblent davantage sujettes à débat, il faut à un moment donné que les travaux aboutissent. Il serait en effet vain de multiplier les navettes par rapport à une réforme qui permettrait d'apporter plus de sérénité sur le terrain. L'orateur pense notamment au recours en cassation introduit récemment par le parquet général de Mons contre deux arrêts de la cour d'assises du Hainaut au motif que les verdicts avaient été motivés avec l'assistance de la cour.
En réaction à la dernière remarque du préopinant, M. Monfils regrette que certains acteurs de la justice jouent un jeu dangereux en cherchant à mettre le Parlement sous pression alors que tout le monde sait qu'une réforme de la procédure d'assises est en discussion. Il aurait fallu saluer l'initiative du président de la cour d'assises du Hainaut d'avoir anticipé le système de motivation des arrêts. Le parquet général de Mons a au contraire décidé de se pourvoir en cassation, ce qui ne fait qu'accentuer le malaise sur le terrain.
M. Monfils pense par ailleurs que l'argument de l'urgence de la réforme ne vaut que pour la question de la motivation des arrêts. Certains parlementaires ont lancé l'idée de retirer le volet « motivation » de la réforme globale et de régler cette question rapidement. Cela permettrait de réfléchir de manière plus sereine aux autres éléments de la réforme. Il rappelle que le projet est soumis à la procédure bicamérale complète et que rien n'oblige le Sénat à se soumettre aux modifications apportées par la Chambre. L'orateur annonce qu'il déposera d'ailleurs une série d'amendements.
Il pense en premier lieu au changement de la limite d'âge pour être juré. La Chambre a porté cette limite à 28 ans, en se basant sur l'âge requis pour devenir magistrat. Il rappelle que l'on peut devenir parlementaire dès l'âge de 21 ans. On en arrive à la situation absurde qu'un parlementaire de 21 ans est jugé suffisamment âgé pour modifier la loi sur la cour d'assises alors qu'une personne de 21 ans n'aurait soit disant pas la maturité pour porter un jugement sur la culpabilité d'un accusé !
L'intervenant ne voit pas en quoi un jeune de 21 ans ne serait pas en mesure de suivre un procès d'assises. En relevant la limite d'âge à 28 ans, on réduit en outre le panel sociétal des jurés de cours d'assises.
Le retour à une cour d'assises composée de trois magistrats était prévisible et l'intervenant peut s'y rallier. Il peut également marquer son accord sur la suppression de l'idée de « plaider coupable » car cette notion n'avait pratiquement aucune conséquence juridique.
M. Monfils regrette que l'accélération de la procédure n'ait pas été davantage au centre des préoccupations au cours des débats, tant à la Chambre qu'au Sénat. On aurait pu trouver des formules, notamment pour réduire le nombre de témoins.
En ce qui concerne l'absence d'appel contre les arrêts des cours d'assises, le Conseil d'État a souligné dans son avis que le projet ne violait pas le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tel qu'il est applicable à la Belgique (doc. Chambre, nº 52-2127/02, p. 30). L'orateur regrette cependant que l'on n'ait pas profité du débat pour prévoir un recours de pleine juridiction contre les arrêts des cours d'assises. Il suffirait que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme évolue sur ce point pour que l'on soit contraint, dans l'urgence, de modifier notre législation pour organiser un appel.
Quant au régime de compétence de la cour d'assises adopté par la Chambre des représentants, celui-ci se démarque profondément de la solution retenue en première lecture par le Sénat. Dans le régime de la Chambre, c'est à nouveau la chambre des mises en accusation qui joue un rôle fondamental dans la décision de correctionnaliser certains crimes en recourant aux circonstances atténuantes.
M. Monfils rappelle que c'est justement ce système que le Sénat avait rejeté en première lecture. La commission ne voulait pas que ce soient les juridictions d'instruction qui décident souverainement de renvoyer ou non tel ou tel dossier en assises. Le Sénat avait défini des critères objectifs visant à simplifier la procédure: dans une série de cas, la correctionnalisation se faisait d'office, dans d'autres, le renvoi en cour d'assises était automatique et, entre les deux hypothèses, se trouvait une zone laissée à l'appréciation des juridictions d'instruction.
La solution proposée par la Chambre laisse une marge d'appréciation très large à la chambre des mises en accusation. À la limite, celle-ci pourrait décider de presque tout correctionnaliser et de vider ainsi dans les faits la cour d'assises de sa compétence.
M. Monfils fait remarquer que le Conseil d'État n'est pas opposé à la solution telle qu'elle avait été adoptée par le Sénat en première lecture. Le Conseil d'État demande cependant les raisons objectives qui justifient les différences de traitement. Le Conseil d'État précise: « Si le législateur dispose en matière de politique criminelle d'un très large pouvoir d'appréciation, il importe qu'il puisse la mener de manière cohérente et selon des modalités telles qu'il puisse appréhender en pleine connaissance de cause les incidences des réformes qu'il adopte sur l'arsenal pénal envisagé dans sa globalité, au regard notamment du respect du principe d'égalité » (doc. Chambre, nº 52-2127/02, p. 12). L'intervenant souligne que le Conseil d'État n'a pas estimé que le régime proposé était illégal.
Certes, le Conseil d'État fait certaines remarques. Cela ne signifie cependant pas que la solution proposée par le Sénat doit être complètement revue car elle serait contraire aux principes d'égalité et de légalité.
La Chambre des représentants a décidé de rejeter la solution proposée par le Sénat. L'orateur plaide pour une réflexion approfondie sur ce point.
M. Van Den Driessche déclare ne pas être satisfait des modifications apportées par la Chambre. En effet, le Sénat avait prévu une série de simplifications qui permettaient une procédure plus rapide, mais il n'en subsiste plus rien. L'intervenant comprend néanmoins la nécessité de parvenir à une décision rapide. Il fait référence à un article publié dans le quotidien « Het Laatste Nieuws » (18/11), qui suggère qu'un président de cour d'assises n'a — sciemment — pas respecté l'obligation de motivation parce qu'il n'était pas d'accord avec la décision du jury.
M. Delpérée éprouve des sentiments mitigés par rapport au projet de loi à l'examen. D'abord, une certaine satisfaction car la Chambre a amélioré le texte sur une série de points. Mais aussi une certaine amertume car, sur d'autres points, la Chambre semble avoir joué un jeu politique. Enfin, il a le sentiment que le dossier est complexe et qu'il mérite un examen approfondi.
Certes, l'orateur reconnaît qu'il y a urgence pour le législateur à intervenir face au désordre dans la justice répressive sur le terrain. Des arrêts de cours d'assises sont cassés car ils ne sont pas motivés. Des pourvois sont introduits contre des arrêts car ils sont motivés. Tout cela ne sert pas la cause du droit ni de la justice.
Sur le plan méthodologique, M. Delpérée regrette que l'on demande au Conseil d'État de rendre un avis sur une proposition de loi déjà adoptée par une des chambres et devenue projet de loi. Le Conseil d'État ne travaille en effet plus sur un texte vierge mais va « picorer » dans les documents parlementaires pour donner une interprétation d'un texte voté dans une assemblée à une large majorité.
M. Delpérée pense que lorsqu'un texte a été adopté par une assemblée, il n'appartient pas à l'autre assemblée de saisir le Conseil d'État. Il est normal que le Conseil d'État donne un avis sur un avant-projet de loi ou sur une proposition de loi d'un parlementaire. Il est par contre désagréable que le Conseil d'État donne son avis sur un projet déjà adopté par une assemblée représentative de la Nation car, à ce stade de la procédure, il y a déjà une décision.
Sur le fond du dossier, M. Delpérée formule trois remarques.
Il peut se rallier à la suppression par la Chambre de la possibilité de plaider coupable ou non coupable. C'est une philosophie anglo-saxonne qui est contraire à nos habitudes.
Sur la condition d'âge pour siéger dans un jury populaire, l'intervenant se rallie au point de vue de M. Monfils. Il est curieux que l'on puisse, dès 21 ans, être parlementaire et définir la loi alors que l'on ne serait pas capable de participer aux débats d'une cour d'assises.
La Chambre est par ailleurs revenue au principe de collégialité de la cour d'assises en réintroduisant les deux assesseurs. M. Delpérée pense que c'est un atout. Il faut cependant assumer toutes les conséquences de ce choix. Il ne faudrait en effet pas que les magistrats plaident pour une cour d'assises composée d'un président et de deux assesseurs mais qu'ils viennent ensuite se plaindre de la charge que les cours d'assises font peser sur le fonctionnement des tribunaux de première instance qui sont chargés de fournir les assesseurs.
Comme d'autres intervenants, M. Courtois regrette l'attitude du parquet général de Mons qui introduit un recours en cassation face au « bricolage de motivation » des arrêts rendus par la cour d'assises du Hainaut. Cela n'est pas de nature à rendre la sérénité à la justice.
L'intervenant demande ensuite des précisions sur les conditions de formation des présidents de cours d'assises. Avant d'assumer une telle présidence, un magistrat doit avoir été président d'une chambre correctionnelle en première instance ou en degré d'appel ou avoir été magistrat instructeur. Ce sont donc des magistrats expérimentés.
Quels seront les éléments que l'Institut de formation judiciaire va intégrer dans le programme de formation d'un magistrat appelé à devenir président de cour d'assises ? Comment va-t-on évaluer si l'intéressé a réussi son examen théorique et pratique d'aptitude à devenir président d'une cour d'assises ? M. Courtois précise qu'en plus des connaissances juridiques, la présidence d'une cour d'assises nécessite d'autres qualités pour être apte à tenir ce type d'audience.
M. Van Parys souligne que le texte transmis par le Sénat, et surtout ses dispositions relatives à la compétence, résultait d'un choix fondamental qui a été opéré, après une longue concertation, par la commission de la Justice. Celle-ci a clairement et intentionnellement opté pour la compétence automatique du tribunal correctionnel. La piste de la saisine du tribunal correctionnel par le biais de la chambre des mises en accusation ou des juridictions de jugement a été délibérément écartée. Il ne s'agit pas d'un choix politique, mais d'un choix fondamental qui est à présent remis en question par des personnes des mêmes groupes politiques.
C'est inacceptable. En outre, l'option retenue par le Sénat n'a pas été rejetée par le Conseil d'État. La question se pose aussi de savoir dans quelle mesure le Conseil d'État doit se prononcer sur un projet qui a déjà été approuvé par l'une des deux chambres. Aux yeux de l'intervenant, une nouvelle concertation semble s'imposer inévitablement: elle devra être organisée de préférence par le ministre et permettre de parvenir à une solution dans un délai raisonnable, voire rapide.
S'il sollicite la médiation du ministre, l'intervenant reste convaincu que l'option retenue par le Sénat était un bon choix.
Mme Crombé-Berton rappelle que le texte adopté au Sénat poursuivait trois objectifs: la rapidité de la procédure, le désengorgement au niveau de la magistrature, et une large représentativité de la population. L'oratrice estime que, par rapport à ces trois objectifs, le texte voté à la Chambre opère un recul. En ce qui concerne la représentativité, les jeunes sont représentatifs de la population, aussi bien que les personnes plus âgées. À 28 ans, on est entré dans la vie active, et le regard que l'on porte sur la société n'est plus le même. La cour d'assises aura à juger des jeunes, et il ne serait donc pas normal qu'ils ne soient jugés que par des jurés qui ne pourraient plus l'être.
Ensuite, le Sénat a estimé devoir dresser une liste des crimes relevant de la cour d'assises. La Chambre a opté pour un système où ce n'est pas le législateur qui définit ce qui relève de la compétence de cette juridiction, mais le pouvoir judiciaire, et plus précisément la chambre des mises en accusation. Dans ce système, les diverses chambres des mises en accusation du pays pourraient avoir des appréciations totalement différentes en la matière, alors que le Sénat avait voulu garantir une uniformité en traitant de cette matière dans la loi.
Le Sénat avait également opté pour un juge siégeant seul, ce qui permettait de libérer en vue d'autres tâches des assesseurs dont on sait qu'à l'heure actuelle, ils font souvent de la figuration.
Le système permettant de plaider coupable, même s'il présentait certaines analogies avec le système anglo-saxon, poursuivait aussi l'objectif de rapidité, mais il a également été supprimé par la Chambre.
L'oratrice a le sentiment que l'on s'est quelque peu servi de l'avis du Conseil d'État pour « détricoter » ce qui avait été réalisé par le Sénat, alors que le texte de ce dernier rencontrait mieux que celui de la Chambre les trois objectifs rappelés ci-avant.
M. Mahoux déclare qu'il faut se garder de mettre à mal la séparation des pouvoirs. Des réflexions viennent d'être exprimées sur les intentions cachées de certains magistrats. La motivation de la décision aurait été légère ou lapidaire de manière intentionnelle. L'orateur se dit assez perplexe à ce sujet. En effet, une telle accusation est grave et mérite d'être étayée.
Il est vrai que l'on peut s'interroger sur le fait qu'il y a eu cassation pour défaut de motivation, ce qui n'était jamais arrivé, et alors que la décision de Strasbourg n'est pas définitive.
D'un autre côté, le parquet va en cassation parce que la motivation constitue un « bricolage », ce qui est tout aussi grave.
L'orateur ne voudrait pas non plus que ce qui se passe au sein de la justice, et qui renvoie une image très négative, se prolonge au sein du Parlement.
La suggestion de M. Van Parys est donc intéressante. Il faut, en tenant compte des objectifs poursuivis par les deux assemblées, et sans en faire une question de susceptibilité, analyser le texte de la Chambre et voir si une conciliation est possible, surtout en ce qui concerne la répartition des compétences entre la cour d'assises et le tribunal correctionnel, car cela constitue le problème principal. Les autres points-un juge plutôt que trois, l'âge de 28 ans au lieu de 21 — revêtent un caractère plus subsidiaire.
M. Delpérée fait observer qu'il n'a pas parlé de « bricolage » juridictionnel, mais qu'il s'est seulement basé sur les déclarations du président de la cour d'assises de Mons, excellent magistrat par ailleurs, selon lesquelles il anticipait sur la loi, ce qui ne lui semble pas acceptable.
Le ministre déclare que l'on vit dans un système bicaméral, qui suppose la possibilité d'une navette entre les deux assemblées, et qui a démontré une réelle valeur ajoutée dans une série de cas. Cependant, en l'espèce, le jeu a été quelque peu faussé par le fait qu'entre la discussion au Sénat et celle à la Chambre s'est intercalé un avis du Conseil d'État. La même procédure a d'ailleurs été suivie sur le projet de loi « Méthodes de recueil de données ». Il faut avoir égard au fait qu'il s'agit là de deux thèmes sur lesquels des projets de loi, déposés au cours de la législature antérieure, ont été redéposés en tant que propositions de loi dans le cadre de la présente législature. Il s'agit donc d'un cas de figure qui ne devrait pas se présenter trop fréquemment. Quoi qu'il en soit, le ministre plaide pour une approche pragmatique, afin de parvenir à finaliser le texte.
Le ministre rappelle que d'autres projets sont également pendants, comme la loi sur les méthodes particulières de recueil de données.
Quant à l'urgence, le ministre ne l'a pas invoquée comme telle, mais chacun sait qu'elle existe. Il se fait qu'elle a été confirmée trois fois au cours de la semaine écoulée, par une décision qui n'aurait pas été correctement motivée de façon délibérée, par le pourvoi interjeté par le procureur général de Mons, et par la nouvelle cassation intervenue. Tout cela crée une incertitude, et démontre la nécessité de légiférer. Le ministre a pris l'option de ne pas se limiter à la question de la motivation, mais de tenter de vider le problème de la cour d'assises de façon plus générale. Il espère qu'une loi définitive pourra être adoptée avant la fin de l'année.
Le Sénat avait choisi d'innover sur plusieurs points, mais après les auditions, la Chambre a clairement opéré un recul et a choisi, en en revenant au système actuel sur certains points, de ne pas prendre de risque.
Les arguments sont clairs en ce qui concerne la question de la culpabilité et de la non-culpabilité.
De même, la suppression du délai de 3 et 5 jours ne semble pas constituer un obstacle majeur.
En outre, il y a le rétablissement du collège juridictionnel à trois membres au lieu d'un. Indépendamment de l'argument de l'éventuelle complexité des affaires d'assises et du problème potentiel en cas de maladie d'un juge, il faut compter avec l'argument décisif suivant: le texte prévoit qu'en cas de problèmes de procédure, la cour se retire pour délibérer sur les incidents.
Pour conclure, il y a le point important de la modification des compétences, qui a donné lieu à une très longue discussion; parmi les amendements déposés, certains optent plutôt pour le maintien de la piste choisie par le Sénat. À un moment donné, il a en effet fallu trouver un consensus. Celui-ci consiste à revenir à la méthode traditionnelle selon laquelle l'on travaille avec une liste de crimes correctionnalisables. Mais il incombe cependant au législateur de fixer cette liste. L'idée est de maintenir la méthode de la liste, étant entendu qu'elle pourra encore être complétée.
Le but ultime du Sénat était de parvenir à une réduction du nombre d'affaires jugées en assises grâce à la compétence automatique du tribunal correctionnel et à la liste de la zone grise. Ce but est également atteint avec la liste à l'examen, mais l'intervention de la Chambre du conseil de la chambre des mises en accusation reste nécessaire. Il s'ensuit que, pour les affaires énumérées dans la liste, la compétence du tribunal correctionnel est facultative.
Le ministre ajoute qu'en ce qui concerne l'âge minimum requis pour être juré, il avait apprécié le choix fait au Sénat de fixer cet âge à 21 ans, mais la discussion a porté à la Chambre, non pas sur la capacité intellectuelle des jeunes de cet âge d'assumer une telle fonction, mais sur l'aspect émotionnel et sur la maturité nécessaire pour ce faire.
Mme Crombé-Berton fait observer que certaines personnes n'auront jamais cette maturité, quel que soit leur âge.
Le ministre précise que la Chambre a finalement retenu, non sans une certaine logique, l'âge auquel on peut devenir magistrat. Il fait remarquer que ceci ne constitue évidemment pas le point essentiel de la réforme.
Il existe plusieurs professions juridiques qui requièrent chacune un profil juridique différent. Le président de la cour d'assises est soumis à des exigences juridiques mais aussi à d'autres exigences. Le but est de lui fournir la formation adéquate pour qu'il puisse mieux faire son travail, en particulier une formation aux techniques modernes d'interaction interpersonnelle, plus éloignées du domaine juridique, comme la gestion des conflits, les techniques d'audition, la communication, etc.
M. Courtois trouve cela superflu.
M. Van Den Driessche souhaite réagir à l'intervention de M. Mahoux. Son but n'est pas de critiquer les magistrats; il veut plutôt attirer l'attention sur les articles évocateurs parus dans la presse qui l'interpellent en tant que parlementaire. On y suggère en effet que les magistrats concernés utilisent une astuce pour recommencer le procès. L'intervenant est choqué par cette analyse et estime qu'il est indispensable d'agir rapidement.
Pour ce qui est de l'âge, l'intervenant souligne qu'il faut seulement avoir 21 ans pour être parlementaire et, donc, pour pouvoir participer à la réforme de la loi relative à la cour d'assises.
M. Swennen est bien conscient de l'urgence. Des incidents se produisent tous les jours à propos de l'obligation de motivation. L'intervenant déposera donc un amendement visant à conserver uniquement les dispositions relatives à la motivation.
M. Monfils fait observer que les choses sont aujourd'hui trop imbriquées pour que l'on puisse changer de méthode de travail.
L'orateur renvoie au rapport de la présente commission, où figurent des déclarations critiquant vivement le système où la chambre des mises en accusation est totalement libre de décider, y compris de la part de ceux qui, aujourd'hui, semblent accepter le texte de la Chambre.
Le ministre ne pourrait-il prendre les choses en mains et voir, avec une délégation de sénateurs et de députés juristes, s'il est possible d'aboutir rapidement à un accord sur des amendements préparés par le Sénat et acceptés par la Chambre ? Sinon, le texte pourrait être amendé en commission et en séance plénière du Sénat, sans concertation avec la Chambre, car l'argument consistant à dire qu'il y a eu consensus à la Chambre et que le Sénat doit s'incliner n'est pas acceptable.
Le ministre répète qu'il y a un seul point fondamental en discussion, qui est celui de la compétence.
La question a fait l'objet d'un large débat, tant au Sénat qu'à la Chambre. Celle-ci s'est finalement accordée sur la troisième des pistes dégagées lors des discussions.
La question essentielle est de savoir comment réduire le nombre d'affaires d'assises. La piste novatrice proposée par le Sénat, qui prévoyait de porter directement des crimes devant le tribunal correctionnel, n'a pas été suivie. L'innovation est nécessaire, dans d'autres domaines également. Le ministre sait par exemple qu'il faut aussi procéder à une révision du Code pénal, en adaptant le taux de la peine. Il s'y engage. Il faudra procéder à une recodification en réajustant le taux de la peine (lourde, plus lourde, la plus lourde). Provisoirement, il convient de recourir à la répartition classique et de se montrer pragmatique afin d'aboutir à une solution. En utilisant la méthode classique d'une liste des crimes correctionnalisables, on vise tout de même à porter davantage d'affaires devant le tribunal correctionnel. L'intervenant ne demande pas l'innovation à tout prix; c'est l'intérêt général supérieur qui prime.
Mme Crombé-Berton demande s'il n'y aurait pas moyen de trouver avec la Chambre un terrain d'entente, en indiquant que la présente commission est d'accord avec la liste établie à la Chambre, mais qu'elle émet des réserves sur la compétence donnée à la chambre des mises en accusation.
M. Delpérée déclare que la question préliminaire est de savoir si le Sénat propose une concertation avec la Chambre, et si le ministre peut l'organiser. Si l'on répond par la négative, et que l'on attend du Sénat qu'il s'incline purement et simplement devant le texte de la Chambre, cela risque d'entraîner des conséquences dans d'autres dossiers.
M. Mahoux rappelle que la question essentielle est celle de la compétence de la cour d'assises. Il y a en réalité deux problèmes. Tout d'abord, M. Monfils a souligné dès le départ que l'on ne pouvait priver la cour d'assises de ses compétences. De ce point de vue, si l'on compare ce qui était correctionnalisé dans le texte du Sénat avec ce qui est correctionnalisable dans le texte de la Chambre, on ne peut pas dire que la cour d'assises soit vidée de sa substance. Au contraire, on a ajouté des matières non correctionnalisables, à savoir le viol et la torture.
Le second problème concerne le fait que le Sénat avait opté, dans un souci de clarté, pour une correctionnalisation automatique, en enlevant d'office à la cour d'assises une série de compétences dont la correctionnalisation ne relevait donc plus de l'appréciation de la chambre des mises en accusation.
La Chambre entend au contraire laisser à celle-ci ce pouvoir d'appréciation. C'est de cela qu'il faut discuter. Mais l'orateur ne voit pas comment un compromis serait possible entre ces deux solutions, qui s'excluent l'une l'autre.
Quant au risque d'avoir des correctionnalisations variables d'un ressort à l'autre, l'intervenant fait observer que c'est déjà le cas aujourd'hui.
Mme Crombé-Berton répond que c'est précisément ce que le Sénat voulait éviter.
M. Monfils renvoie au rapport de la présente commission, où l'on peut lire à la page 68 (doc. Sénat, nº 4-924/4): « Le ministre souligne que la correctionnalisation par le recours à des circonstances atténuantes est une procédure archaïque qui entraîne souvent beaucoup de retard ».
Mme Crombé-Berton déclare qu'elle comprend l'urgence invoquée. Elle propose de tenter, d'ici la prochaine réunion, de trouver une formule qui agrée tout le monde, à défaut de quoi on pourra passer au vote dès la semaine prochaine.
Le ministre souligne que, si l'on veut un arbitrage, il faut être très précis dans ce que l'on demande.
Mme Crombé-Berton répond que l'on peut jouer sur deux éléments: la liste des compétences, et le rôle de la chambre des mises en accusation.
Le ministre fait observer qu'il y a une logique à la solution adoptée à la Chambre: c'est le système existant avec une liste élargie, un système facultatif, avec pour but un plus grand nombre de correctionnalisations, mais c'est effectivement le magistrat qui décide.
Le système retenu au Sénat poursuit le même but, mais selon une autre méthode, plus moderne, qui admet qu'un crime puisse être traité par un juge correctionnel. Mais cela suscite des objections chez certains et ouvre un très large débat, plus général, sur la hauteur des peines, et sur la compétence du juge correctionnel.
Le ministre a essayé de trouver un compromis, en conservant la liste et le résultat, mais en appliquant l'ancienne méthode.
Il insiste à nouveau sur le fait qu'il est nécessaire d'avancer dans ce dossier.
B. Deuxième échange de vues
Le ministre se réfère à son intervention précédente lors de laquelle il a déjà passé en revue les points modifiés. Citons par exemple le fait de comparaître de nouveau devant trois juges et la modification relative à l'âge.
L'essentiel est toutefois le débat relatif à la compétence. Le Sénat a longuement débattu de cette question, après quoi la Chambre a sollicité l'avis du Conseil d'État. Compte tenu de cet avis, la Chambre a décidé de revenir à l'ancienne formule, qui permet qu'une correctionnalisation soit décidée par la chambre des mises en accusation, mais dans le cadre de laquelle la nouvelle formule du Sénat prévoyant un renvoi direct devant le tribunal correctionnel a été écartée. En effet, le texte du Sénat ayant suscité des réserves de la part du Conseil d'État, reprendre identiquement la même formule n'aurait pas été une solution.
Le ministre insiste sur le caractère urgent du dossier, particulièrement en ce qui concerne l'obligation de motivation. Il est conscient de la nécessité de mieux organiser la concertation entre la Chambre et le Sénat. Une concertation est nécessaire et cela se fera également pour d'autres projets pendants. Il estime cependant que l'adoption rapide du texte à l'examen est dans l'intérêt de tout le monde et est une question de responsabilité politique. En effet, il est absolument indispensable de mettre le texte rapidement en pratique, en veillant à la sécurité juridique.
M. Mahoux renvoie à ses déclarations antérieures. L'objectif politique majeur de la réforme était de défendre la cour d'assises car certains voulaient la supprimer. Le texte à l'examen rencontre cet objectif essentiel.
La principale modification apportée par la Chambre des représentants au texte tel qu'il avait été transmis par le Sénat porte sur la manière dont on détermine les compétences de la cour d'assises.
La méthode préconisée par la Chambre donne un rôle plus important aux chambres des mises en accusation. Il est possible que les jurisprudences varieront selon les ressorts et que certaines affaires seront renvoyées en assises par une chambre des mises en accusation et correctionnalisées par une autre.
L'intervenant n'a pas de difficultés à se rallier au projet renvoyé par la Chambre des représentants. Il ne faudrait pas, pour une question d'amour propre, vouloir en revenir au texte tel qu'il avait été adopté par le Sénat à l'issue du premier examen au risque de prolonger des travaux qui ont été entamés il y a déjà 7 ans. Il est important que la réforme aboutisse rapidement.
M. Monfils ne partage pas cette analyse. Si le texte adopté par la Chambre des représentants est quasiment identique à celui que lui avait transmis le Sénat, pourquoi la Chambre devait-elle dans ce cas le modifier ?
L'intervenant rappelle que le projet à l'examen est soumis à la procédure bicamérale complète. Si le Sénat ne peut plus amender, lors du deuxième examen, des projets de loi soumis à la procédure bicamérale, la distinction entre les articles 77 et 78 de la Constitution devient superflue. Il est alors préférable de se cantonner à une seule procédure législative en soumettant tous les textes à la procédure d'évocation. Cela serait plus clair quant au rôle du Sénat, qui se verrait réduit à un pouvoir d'avis et d'amendement, et où la Chambre des représentants aurait toujours la primauté.
Rien ne justifie cependant que la position de la Chambre des représentants soit privilégiée dans la présente procédure. M. Monfils a dès lors préparé des amendements visant à revenir au régime de compétence de la cour d'assises tel qu'il avait été adopté par le Sénat au mois de juillet. Il rappelle que le Conseil d'État n'a pas estimé que la position du Sénat sur la compétence de la cour d'assises était illégale. Il est simplement demandé dans l'avis que cette solution soit justifiée.
L'intervenant déposera également un amendement afin de revenir à la limite d'âge de 21 ans pour les jurés. Ce n'est pas puéril. Il ne voit pas pourquoi la Chambre des représentants a voulu modifier le projet sur ce point.
M. Monfils peut par contre se rallier aux autres modifications décidées par la Chambre des représentants.
M. Delpérée renvoie également à ses déclarations antérieures. Il pense que le jeu entre les différentes institutions (Sénat, Chambre, Conseil d'État) n'est pas bon et il déposera des propositions visant à modifier les lois coordonnées sur le Conseil d'État. Il n'est pas sain que le Conseil d'État donne un avis sur un texte déjà voté dans une Chambre par les représentants de la Nation.
M. Monfils renvoie aux déclarations du ministre. Celui-ci envisage des concertations entre les deux assemblées sur le projet de loi relative aux méthodes de recueil de données (doc. Sénat, nº 4-1053). Pourquoi n'a-t-on pas tenté une telle concertation sur le projet de réforme de la cour d'assises ?
Le ministre reconnaît que la procédure législative suivie par le projet de loi à l'examen n'est pas classique. Pour les matières relevant de l'article 78 de la Constitution, qui sont les plus nombreuses, les projets de loi sont déposés à la Chambre des représentants, qui les examine en premier lieu. Le Sénat intervient en deuxième lecture.
Le présent projet de loi trouve son origine dans une initiative parlementaire qui était elle-même basée sur un avant-projet de loi préparé par le gouvernement sous la précédente législature. La Chambre, qui était saisie en deuxième lecture, a demandé l'avis du Conseil d'État et a renvoyé le texte au Sénat après l'avoir amendé. Ce n'est pas une méthode courante. Faut-il pour autant rejeter le texte ? Le ministre ne le pense pas. Au contraire, il pense qu'il faut conclure pour que la réforme puisse enfin aboutir.
Lors des débats à la Chambre des représentants, les discussions sur la compétence de la cour d'assises ont été très longues. Il n'a pas été facile de trouver un compromis politique sur ce point.
Le ministre admet qu'au niveau de la méthode de travail, il serait préférable, lorsqu'un texte a été adopté dans une assemblée et que les grandes options se dégagent lors de la seconde lecture dans l'autre assemblée, d'organiser une concertation entre les deux chambres avant de figer les choix définitifs. Une telle procédure de concertation n'est cependant pas prévue dans les règlements des assemblées. Le ministre essaiera de le faire à l'avenir dans ce genre de débats. Cela ne s'est pas produit pour la réforme de la cour d'assises.
M. Mahoux pense qu'il ne faut pas faire preuve de susceptibilité entre les deux assemblées. Dans le passé, de nombreuses réformes fondamentales ont été discutées en première lecture au Sénat et la Chambre s'est ralliée au texte transmis par le Sénat. Il n'est pas exact de soutenir que la Chambre des représentants impose systématiquement son point de vue de manière unilatérale.
Sur les demandes d'avis au Conseil d'État, l'intervenant se demande s'il ne faudrait pas y recourir de manière automatique lors du dépôt de toutes les propositions de loi d'une certaine ampleur. Cette solution permettrait au Parlement de travailler de façon plus sereine et éviterait une irruption du Conseil d'État au cours d'un processus législatif déjà largement engagé.
Le ministre pense qu'on ne peut pas lui reprocher un manque de concertation avec le Parlement. Il veut cependant que la réforme des assises aboutisse rapidement étant donné les incertitudes qui pèsent actuellement sur les procédures d'assises.
M. Monfils pense qu'il est démagogique de considérer que les remarques exprimées au cours du deuxième examen par le Sénat sont dictées par la susceptibilité de certains sénateurs. Il a exprimé des critiques car il n'est pas d'accord, sur le fond, avec la solution décidée par la Chambre des représentants en matière de compétence de la cour d'assises. Il renvoie à nouveau au rapport des discussions en première lecture (doc. Sénat, n 4-924/4), où de nombreux membres ont critiqué le pouvoir souverain des chambres des mises en accusation en matière de renvoi en cour d'assises.
M. Vankrunkelsven souligne que sous la législature précédente, lorsqu'une proposition de loi importante était votée dans l'une des deux chambres, le ministre défendait fermement le projet dans l'autre assemblée. Cela n'a pas toujours été le cas ces dernières années. De nombreux projets restent bloqués à la Chambre ou sont renvoyés après avoir subi des modifications substantielles. L'intervenant s'interroge sur la plus-value démocratique d'une telle façon de procéder.
En ce qui concerne l'avis du Conseil d'État, l'intervenant souhaite rappeler que le Sénat savait déjà, lorsqu'il a approuvé le texte avant les vacances d'été, que cet avis serait très probablement demandé par la Chambre.
Mme Thibaut soutient l'idée du ministre d'avancer dans l'examen du projet de loi. Son groupe a exprimé des réticences lors des débats à la Chambre des représentants. Le projet apporte cependant de réelles avancées à la procédure devant la cour d'assises, notamment pour ce qui concerne la motivation des arrêts et le rééchelonnement des peines.
Il est possible que l'avis du Conseil d'État soit arrivé tardivement dans le processus législatif. Les remarques formulées étaient cependant pertinentes, notamment quant au respect du principe d'égalité. La Chambre des représentants a modifié le texte pour tenir compte de ces remarques et réduire les risques de recours. Il faut faire preuve d'humilité et ne pas accentuer les divergences entre les deux assemblées.
IV. DISCUSSION DES ARTICLES
Intitulé
Amendement nº 78
M. Swennen dépose l'amendement nº 78 (doc. Sénat, nº 4-924/7), visant à remplacer l'intitulé du projet de loi comme suit: « Projet de loi portant règlement immédiat de la question de la motivation dans les dossiers d'assises ».
Les amendements nos 72 à 77 (voir infra) ayant été rejetés, le présent amendement devient caduc.
Art. 1er
Cet article n'appelle pas d'observation.
Art. 2
Amendement nº 72
M. Swennen dépose l'amendement nº 72 (doc. Sénat, nº 4- 924/7), qui tend à supprimer les articles 2 à 148.
Le projet adopté dans la précipitation par la Chambre des représentants et transmis au Sénat est très différent du projet qui a été adopté précédemment au Sénat et transmis à la Chambre. Il n'est pas illogique et il est même souhaitable qu'un débat approfondi sur ces articles amendés soit mené au Sénat. Un examen sérieux à la Chambre et au Sénat peut prouver l'utilité de notre système bicaméral. Le présent amendement doit permettre de voter immédiatement les articles qui ont été adoptés précédemment par le Sénat et dont le contenu n'a pas été amendé par la Chambre. Il s'agit en particulier des articles réglant le fondement constitutionnel, la motivation dans les affaires d'assises et l'entrée en vigueur. Ce sont les seuls articles à être conservés. Les autres articles sont supprimés et peuvent être inclus dans une nouvelle proposition de loi. L'intitulé du projet de loi est modifié en conséquence.
Pour le reste, l'article 2 ne donne lieu à aucune discussion.
Art. 3 à 9
Ces articles ne donnent lieu à aucune discussion.
Art. 9/1
Amendement nº 79
M. Monfils dépose l'amendement nº 79 (doc. Sénat, nº 4-924/7), tendant à insérer un article 9/1, rédigé comme suit:
« Art. 9/1. — L'article 179 du même Code, remplacé par la loi du 10 juillet 1967 et modifié par la loi du 26 juin 2000 est remplacé par ce qui suit:
« Art. 179. Sans préjudice de la compétence attribuée à d'autres juridictions, les tribunaux correctionnels connaissent, de tous les délits dont la peine excède sept jours d'emprisonnement et vingt-cinq euros d'amende.
Les tribunaux correctionnels sont également compétents pour connaître des crimes dont la peine prévue par la loi n'excède pas vingt ans de réclusion ainsi que les crimes visés à:
1º l'article 347bis du Code pénal, lorsque la prise d'otages n'a causé aux otages qu'une incapacité permanente physique ou psychique, quel que soit l'âge de la personne prise comme otage;
2º l'article 472 du Code pénal, qui, par application de l'article 473 du même Code, sont punis de la réclusion de vingt ans à trente ans, si les violences ou les menaces n'ont eu pour la victime d'autres suites qu'une capacité permanente physique ou psychique;
3º l'article 510 du Code pénal, qui, par application de l'article 513, alinéa 2, du même Code, sont punis de la réclusion de vingt ans à trente ans du fait que le feu a été mis pendant la nuit et dont la peine peut, le cas échéant, être augmentée en application de l'article 514bis;
4º l'article 518, alinéa 1er, du Code pénal, qui, par application de l'alinéa 2 du même article, sont punis de vingt-deux ans de réclusion;
5º l'article 530, dernier alinéa, du Code pénal, qui, par application de l'article 531 du même Code, sont punis de vingt ans à trente ans de réclusion si les violences ou les menaces n'ont pour la victime d'autres suites qu'une incapacité permanente de travail personnel prévue à l'article 400 du même Code;
6º l'article 375, dernier alinéa, du Code pénal et dont la peine peut, le cas échéant, être augmentée en application de l'article 377bis;
7º l'article 408 du Code pénal;
8º l'article 216, alinéa 2, du Code pénal.
Pour les crimes visés à l'alinéa 2, le tribunal correctionnel peut prononcer une peine jusqu'à vingt ans de réclusion. ».
M. Monfils précise qu'il n'aperçoit pas les raisons pour lesquelles la Chambre a modifié le système choisi par le Sénat concernant les compétences attribuées à la cour d'assises et au tribunal correctionnel.
L'option qui a été arrêtée par les sénateurs découlait d'un consensus existant autour de l'idée que tout ce qui était correctionnalisable automatiquement dans la pratique relèverait, désormais, directement de la compétence du tribunal correctionnel. Pour les autres crimes, certains relèveraient, quelles que soient les circonstances, de la compétence de la cour d'assises. Enfin, subsisterait une zone grise composée d'une liste limitative de crimes pour lesquels la possibilité d'une correctionnalisation par la chambre des mises en accusation aura été maintenue.
Le Conseil d'État n'a pas émis d'avis négatif à propos de ce système. Il a seulement indiqué qu'il convenait de justifier les choix politiques objectifs sur lesquels ce système se fondait. Il suffit pour cela de se référer au rapport des discussions menées en commission du Sénat où ces choix ont été longuement justifiés par les sénateurs.
Ainsi, le ministre de la Justice fit remarquer que « Le but est de consacrer la pratique existante dans la modification légale proposée et de ne porter devant la cour d'assises que les affaires très particulières ».
Selon le ministre, les grandes options retenues par le Sénat pour la réforme trouvent un point d'équilibre et répondent à une logique. Le ministre a demandé explicitement de ne pas remettre en cause ces grands équilibres. Le ministre est allé jusqu'à souligner que « la correctionnalisation par le recours à des circonstances atténuantes est une procédure archaïque qui entraîne souvent beaucoup de retard. La procédure peut ainsi être retardée d'un an s'il convient de procéder au règlement des juges ».
De même, un sénateur fit observer qu' « Il ne faudrait pas en arriver, à travers le régime de compétence, à vider la cour d'assises de sa substance. (...) La marge d'interprétation laissée à la chambre des mises en accusation peut avoir pour effet de correctionnaliser l'ensemble des crimes. Il faut une liste fermée pour limiter la zone d'ombre soumise à l'appréciation de la chambre des mises en accusation ».
La Chambre n'a pas tenu compte de ses remarques et a jugé utile de modifier le système du Sénat pour un système de renvoi « à la carte ». Elle a, en effet, augmenté le champ de compétence de la chambre des mises en accusation en matière de correctionnalisation.
Il en découle une incertitude pour le justiciable et le risque que le renvoi en correctionnel ou en cour d'assises soit décidé sur base de considérations extérieures à celles de la cause. Par exemple, pour éviter des dépenses trop onéreuses liées à la mise en place d'un procès d'assises.
Art. 10 à 13
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Art. 14
Amendement nº 80
M. Monfils dépose l'amendement nº 80 (doc. Sénat, nº 4-924/7), tendant à remplacer l'article 216novies, proposé, par ce qui suit;
« Art. 216novies. — Sans préjudice de la compétence accordée à d'autres juridictions, la cour d'assises connaît des crimes pour lesquels la peine prévue par la loi excède vingt ans de réclusion, à l'exception des crimes visés à l'article 179, alinéa 2, 1º à 8º et lorsque la chambre des mises en accusation applique l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes. ».
Cet amendement s'inscrit dans la lignée de l'amendement nº 79. Il est renvoyé à la justification écrite de celui-ci.
Art. 15 à 150
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Art. 151
Amendement nº 73
M. Swennen dépose l'amendement nº 73 (doc. Sénat, nº 4-924/7) qui vise à supprimer cet article.
Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 72 (voir supra).
Art. 152
Amendement nº 74
M. Swennen dépose l'amendement nº 74 (doc. Sénat, nº 4-924/7) qui vise à supprimer cet article.
Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 72 (voir supra).
Art. 153
Amendement nº 75
M. Swennen dépose l'amendement nº 75 (doc. Sénat, nº 4-924/7) qui vise à supprimer cet article.
Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 72 (voir supra).
Art. 154
Cet article ne donne lieu à aucune discussion.
Art. 155
Amendement nº 76
M. Swennen dépose l'amendement nº 76 (doc. Sénat, nº 4- 924/7), qui tend à supprimer les articles 155 à 236.
Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 72 (voir supra).
Art. 156 à 212
Ces articles ne donnent lieu à aucune observation.
Art. 213
Amendement nº 82
M. Monfils dépose l'amendement nº 82 (doc. Sénat, nº 4-924/7), tendant à remplacer, dans le 3º, les mots « vingt-huit ans » par les mots « vingt et un ans ».
Il faut tenir compte de l'évolution sociétale. Une personne de vingt et un an est parfaitement capable d'analyser une situation et de porter un jugement objectif. Pourquoi ne pourrait-on pas être assez mature à 21 ans pour participer à un jury de cour d'assises, dès l'instant où la loi permet qu'on puisse être élu comme parlementaire à l'âge de 21 ans et donc qu'on puisse voter le projet de loi réformant la cour d'assises. En outre, le Roi est considéré, selon l'article 91 de la Constitution, comme majeur à l'âge de 18 ans et peut donc assumer dès cet âge le plein exercice de ses prérogatives.
Art. 214 à 229
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Art. 230
Amendement nº 81
M. Monfils dépose l'amendement nº 81 (doc. Sénat, nº 4-924/7), tendant à remplacer cet article par ce qui suit:
« L'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, remplacé par la loi du 1er février 1977 et modifié par les lois des 11 juillet 1994 et 23 janvier 2003, est remplacé par ce qui suit:
« Art. 2. — Sauf dans les cas prévus à l'article 179, alinéa 2, 1º à 8º, du Code d'instruction criminelle, pour les crimes dont la peine prévue par la loi excède vingt ans de réclusion, la chambre des mises en accusation peut, par arrêt motivé, renvoyer l'inculpé au tribunal correctionnel en admettant des circonstances atténuantes ou une cause d'excuse, dans les cas suivants:
1º s'il s'agit d'une tentative de crime relevant de la compétence de la cour d'assises;
2º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 376, alinéa 1er, du Code pénal;
3º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 347bis, § 4, 1º et 2º, du Code pénal, lorsque la prise d'otage a d'autres conséquences qu'une incapacité permanente physique ou psychique, quel que soit l'âge de la personne prise comme otage;
4º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 417ter, alinéa 3, 1º et 2º, du Code pénal;
5º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 428, § 5, et à l'article 429, du Code pénal;
6º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 472 du Code pénal, en application de l'article 473 du même Code, lorsque le vol avec violence a d'autres conséquences qu'une incapacité permanente physique ou psychique;
7º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 474, du Code pénal;
8º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 476 du Code pénal.
9º s'il s'agit d'un crime prévu à l'article 477sexies du Code pénal.
Le tribunal correctionnel, devant lequel l'inculpé est renvoyé, ne peut décliner sa compétence en ce qui concerne les circonstances atténuantes ou causes d'excuse.
Il peut se déclarer compétent en admettant les circonstances atténuantes ou la cause d'excuse que la chambre des mises en accusation a omis de mentionner dans la saisine des faits visés à l'alinéa 1er, 1º à 3º. »
Cet amendement est la suite logique de l'amendement nº 79 du même auteur.
Art. 231 à 236
Ces articles n'appellent pas d'observation.
Art. 237
Amendement nº 77
M. Swennen dépose l'amendement nº 77 (doc. Sénat, nº 4-924/7), qui tend à remplacer cet article par ce qui suit:
« Art. 237. La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge. ».
Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 72 (voir supra).
V. VOTES
L'amendement nº 78 de M. Swennen devient sans objet.
L'article 1er est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 72 de M. Swennen est rejeté à l'unanimité des 9 membres présents.
Les articles 2 à 9 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 79 de M. Monfils est rejeté par 5 voix contre 2 et 2 abstentions.
Les articles 10 à 13 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 80 de M. Monfils est rejeté par 4 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'article 14 est adopté par 7 voix contre 2
Les articles 15 à 31 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'article 32 est adopté par 8 voix contre 1.
Les articles 33 à 150 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 73 de M. Swennen est rejeté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'article 151 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 74 de M. Swennen est rejeté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'article 152 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 75 de M. Swennen est rejeté par 8 voix contre 1.
L'article 153 est adopté par 8 voix et 1 abstention.
L'article 154 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 76 est rejeté à l'unanimité des 9 membres présents.
Les articles 155 à 212 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 82 de M. Monfils est rejeté par 4 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'article 213 est adopté par 7 voix contre 2.
Les articles 214 à 229 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 81 de M. Monfils est rejeté par 4 voix contre 2 et 3 abstentions.
L'article 230 est adopté par 7 voix contre 2.
Les articles 231 à 236 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.
L'amendement nº 77 de M. Swennen est rejeté à l'unanimité des 9 membres présents.
L'article 237 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
VI. DÉCLARATIONS DE VOTE AVANT LE VOTE FINAL
M. Van Den Driessche indique que les membres de son groupe approuveront le projet de loi, mais sans grand enthousiasme. Il est conscient de l'urgence du texte à l'examen, mais souhaite également rappeler les accords conclus par rapport à l'adoption simultanée du texte à l'examen et du projet de loi relatif aux MPR. L'intervenant espère que la même loyauté sera de mise au moment du vote de ce dernier projet de loi et qu'il ne donnera pas lieu à de manoeuvres politiciennes.
M. Mahoux pense que certaines modifications apportées par la Chambre des représentants sont intéressantes, d'autres le sont peut-être moins. Il n'est cependant pas souhaitable de prolonger le débat à l'infini. Il faut que la présente réforme de la cour d'assises aboutisse en l'état.
M. Delpérée rappelle qu'en plus de la réforme de la cour d'assises et des méthodes particulières de recueil de données, le Sénat a également transmis à la Chambre des représentants trois textes sur le notariat. Un des projets a été adopté; les deux autres y sont toujours en suspens. Il insiste pour que l'on respecte les accords politiques et les règles internes à la majorité.
M. Vankrunkelsven indique que c'est la mort dans l'âme qu'il a voté contre les amendements de M. Monfils. Ce vote trouve sa seule justification dans la nécessité de réunir une majorité.
L'intervenant souligne que sur l'ensemble des propositions de loi approuvées au Sénat, 8 à 9 ne sont pas examinées par la Chambre. Il estime qu'en adoptant une telle attitude, la Chambre fait montre de peu de loyauté.
Mme Thibaut souligne que le soutien de son groupe au projet de loi à l'examen ne préfigure en rien la position de son groupe sur le projet de loi relatif aux méthodes de recueil des données. Ces deux textes doivent être abordés en libre examen.
VII. VOTE FINAL
L'ensemble du projet de loi est adopté par 7 voix et 2 abstentions.
Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
Les rapporteurs, | Le président |
Francis DELPÉRÉE.Tony VAN PARYS. | Patrik VANKRUNKELSVEN. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 52-2127/11), moyennant quelques corrections de texte (voir VIII).
VIII. CORRECTIONS DE TEXTE
La commission a décidé d'apporter les corrections de texte suivantes:
Art. 2
Dans la phrase introductive, les mots « même Code » sont remplacés par les mots « Code pénal ».
Art. 9
Dans le texte français, la phrase introductive est complétée in fine par le mot « suit ».
Art. 15
Dans le texte néerlandais de la phrase introductive, les mots « Boek II, Titel II, van » sont insérés entre le mot « In » et le mot « hetzelfde ».
Art. 27
Dans le texte français du dernier alinéa de l'article 231 proposé, le mot « est » est remplacé par le mot « a ».
Art. 28
Dans le texte français de la première phrase de l'article 232 proposé, les mots « ou résidence » sont insérés après les mots « leur domicile ».
Art. 32
Dans le texte français, les mots « tel qu'« sont supprimés.
Art. 47
Les mots « Dans le chapitre V » sont remplacés par les mots « Dans le livre II, titre II, du chapitre V, du même Code ».
Art. 67
Dans le texte néerlandais, les mots « van het hoofdstuk » sont insérés après le mot « opschrift » et le mot « dat » est remplacé par le mot « die ».
Art. 72
Dans le texte néerlandais du § 3, alinéa 1er, de l'article 278 proposé, le mot « krachtens » est remplacé par le mot « door ».
Art. 77
Dans le texte français, les mots « du même Code, » sont insérés après les mots « chapitre VI ».
Art. 79
Dans le texte français du dernier alinéa de l'article 282 proposé, le mot « ou » est remplacé par le mot « et ».
Art. 85
Les mots « titre II, livre II, » sont supprimés.
Art. 131
Dans le texte français, le mot « du » est inséré entre les mots « section 2 » et les mots « chapitre VI ».
Art. 149
Dans le texte néerlandais du dernier alinéa de l'article 333 proposé, les mots », een en ander in aanwezigheid van de gezworenen » sont insérés après le mot « gesloten ».
Art. 183
Le chiffre « 357 » est remplacé par le chiffre « 358 ».
Art. 208
Les mots « les mots "province" » sont remplacés par les mots « le mot "province" ».