4-924/4 | 4-924/4 |
14 JULI 2009
I. INTRODUCTION
La proposition de loi de loi nº 4-924 à l'examen, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, a été déposée le 25 septembre 2008.
La commission de la Justice était également saisie d'une proposition de loi (nº 4-147), déposée le 10 août 2007 par M. Monfils, organisant un recours contre les arrêts des cours d'assises, et relevant de la procédure bicamérale facultative.
Après l'exposé introductif relatif à chacune de ces propositions (voir ci-après), la commission de la Justice a décidé de prendre pour base de la discussion la proposition de loi nº 4-924.
Elle en a discuté lors de ses réunions des 26 novembre et 3 décembre 2008, 14 et 21 janvier 2009, 4, 11 et 18 février 2009, 4, 11 et 18 mars 2009, 24 et 30 juin, 7, 8 et 14 juillet 2009, en présence du ministre de la Justice.
II. EXPOSÉS INTRODUCTIFS
A. Exposé introductif de M. Monfils relatif à la proposition de loi organisant un recours contre les arrêts de cours d'assises (nº 4-147/1)
M. Monfils précise que sa proposition de loi vise un aspect particulier de la procédure devant la cour d'assises, à savoir l'absence d'appel.
On reproche à la Belgique l'absence d'un double degré de juridiction pour les procédures devant la cour d'assises. La proposition de loi à l'examen vise à rencontrer cette objection en organisant un recours. La procédure de recours varie selon que l'appel est introduit par le ministère public ou par le condamné.
L'intervenant constate que la proposition de loi déposée par M. Mahoux (doc. Sénat, nº 4-924) a une portée plus large. Elle propose une réforme globale de la cour d'assises basée sur les conclusions de la Commission de réforme de la cour d'assises qui avait remis son rapport définitif en décembre 2005.
Si l'on devait adopter cette deuxième proposition de loi, cela aurait des conséquences sur la justification de la nécessité d'un appel contre les arrêts de la cour d'assises.
Trop d'affaires sont actuellement renvoyées en cour d'assises. Un certain nombre de crimes devraient être jugés par un tribunal correctionnel qui devrait pouvoir prononcer des peines criminelles. Si l'on aboutit à une telle solution, il y aura automatiquement moins de renvois en cour d'assises. Dès lors, la nécessité d'instaurer un appel des arrêts de la cour d'assises serait moins impérative.
L'intervenant pense qu'il serait plus logique de commencer par l'examen de la proposition de loi de M. Mahoux (doc. Sénat, nº 4-924) qui a une portée plus générale et vise une réforme globale de la cour d'assises. Au cours des travaux, M. Monfils prendra position sur la question du recours en déposant des amendements ou en maintenant sa proposition de loi.
B. Exposé introductif de M. Mahoux relatif à la proposition de loi relative à la réforme de la cour d'assises (nº 4-924/1)
M. Mahoux souligne que le problème de la cour d'assises a déjà été posé en fonction de différents éléments.
La première question fondamentale est celle du maintien ou non de l'institution. D'aucuns plaident pour la suppression pure et simple de la cour d'assises. M. Mahoux ne partage pas ce point de vue. L'option retenue dans la proposition de loi est celle de l'attachement à la cour d'assises dans sa partie la plus symbolique, à savoir le recours au jury populaire.
Il faut par ailleurs prendre en compte les reproches faits à la législation belge relative à la cour d'assises, principalement ceux de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Cela vise d'une part l'absence d'appel et, d'autre part, l'absence de motivation de l'arrêt sur la culpabilité ou l'acquittement. La réforme de la cour d'assises doit tenter de trouver une réponse à ces deux éléments.
L'intervenant évoque ensuite la problématique de l'encombrement des cours d'assises. Ce problème n'est pas nouveau. Il y a une multiplication des affaires d'assises, ce qui pose des problèmes d'affectation des magistrats et occasionne de l'arriéré judiciaire pour les autres dossiers pénaux.
Les chefs de corps n'ont pas manqué de souligner ce problème lors des différentes rencontres qu'ils ont eues avec la commission de la Justice. Soit on ne change rien à l'input d'affaires renvoyées devant les assises et on décide d'augmenter le nombre de magistrats pour faire face à la demande. Soit on opte pour une solution qui réduit le nombre de renvois en cour d'assises. C'est la deuxième option qui est retenue dans la proposition de loi. L'idée est de désencombrer les cours d'assises en établissant une liste exhaustive des crimes relevant des assises. Le corollaire est de revoir le système de correctionnalisation des crimes qui n'est plus nécessaire dès lors que l'on établit une liste claire de ce qui relève de la cour d'assises.
Le texte à l'examen propose également des modifications à la composition du jury, aux règles en matière de récusation, aux fourchettes d'âge, au nombre de jurés qui passerait de 12 à 8. Il est par ailleurs proposé de supprimer les 2 assesseurs qui entourent le président. En effet, les chefs de corps ont fait remarquer que la nomination de 3 magistrats (1 président et 2 assesseurs) était très pénalisante en termes de moyens humains à libérer pour constituer une cour d'assises.
En ce qui concerne la motivation de la décision, M. Mahoux pense que le but est d'arriver à ce que l'arrêt sur la culpabilité soit motivé. Le jury n'étant pas composé de magistrats, il est dans l'impossibilité de motiver l'arrêt sur la culpabilité. L'auteur propose que le président de la cour siège avec le jury au moment de la délibération sur la culpabilité. Le président formulera la motivation sous la dictée du jury.
M. Mahoux est conscient que cette piste devra faire l'objet d'une discussion approfondie puisque beaucoup de personnes sont très attachées à l'indépendance du jury au moment de la délibération sur la culpabilité.
Sur la question du recours, M. Mahoux rappelle que le double degré de juridiction est un principe général. Si l'on tient compte du problème de l'encombrement des cours et tribunaux en raison de la multiplication des affaires en assises, l'introduction d'un recours pur et simple contre les arrêts de cours d'assises ne semble pas être une solution opportune. La proposition prévoit dès lors un recours devant la Cour de cassation, plus étendu que le pourvoi en cassation « classique ».
M. Mahoux renvoie enfin à la proposition de révision de l'article 150 de la Constitution qu'il a déposée le 26 juillet 2007 (doc. Sénat, nº 4-106/1) et qui va de pair avec la proposition de loi à l'examen.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Delpérée souhaite formuler trois remarques.
La première concerne le cadre constitutionnel. Il faut d'abord réfléchir à la situation constitutionnelle que l'on veut créer et, en fonction de cela, établir la loi. En effet, selon que l'on modifie ou non l'article 150 de la Constitution, le législateur aura plus ou moins de marge de manoeuvre et de souplesse pour réformer la cour d'assises.
L'intervenant demande ensuite que la commission dispose d'une note l'éclairant sur les obligations internationales de la Belgique en matière de cour d'assises. On renvoie à la Convention européenne des droits de l'homme, aux protocoles additionnels, à la jurisprudence de la Cour des droits de l'homme, etc. Le droit international nous oblige-t-il à changer notre procédure devant la cour d'assises ?
Enfin, sur la question de fond du maintien de la cour d'assises, l'intervenant y est favorable. Il pense qu'elle doit au moins être maintenue pour les délits politiques et les délits de presse. Les politiques ou les journalistes, qui sont des personnes qui s'adressent au public, doivent, lorsqu'ils commettent certaines infractions, en répondre devant le tribunal du peuple. La cour d'assises est l'expression de la justice qui est organisée pour les délits politiques et les délits de presse.
M. Van Parys pense qu'il est prématuré d'examiner dès à présent les points de vue quant au fond. Il serait en tout cas intéressant que les membres de la commission puissent disposer d'une documentation complète, incluant toutes les discussions menées en la matière sous la législature précédente. Le rapport final de la commission concernant la réforme de la procédure pénale est également indispensable à cet égard. Il appartient à la commission de la Justice d'opérer des choix fondamentaux. Quoi qu'il en soit, une meilleure organisation des cours et des tribunaux est nécessaire en ce qui concerne la répartition de la charge de travail et les investissements de la justice dans le jugement des délits. La Commission de réforme de la cour d'assises a formulé quelques propositions utiles, allant de la suppression du jury à sa réforme. L'intervenant n'est personnellement pas favorable à la suppression du jury, mais il est clair que celui-ci doit être fondamentalement réformé. Il faut aussi faire des choix en ce qui concerne la compétence de la cour d'assises et les affaires qui doivent y être traitées. La question de la révision éventuelle de l'article 150 de la Constitution est pertinente.
Peut-être serait-il également utile d'auditionner les représentants de la Commission de réforme de la cour d'assises ?
M. Vankrunkelsven indique que son groupe peut lui aussi se rallier aux lignes de force déjà formulées.
Il faut, avant tout, faire des choix en ce qui concerne la possibilité de recours. D'autre part, il faut également examiner la question de la réduction de la charge de travail grâce à un élargissement des possibilités de correctionnalisation et à une meilleure organisation de la cour d'assises elle-même. Les autres questions importantes sont celle de l'obligation de motivation et, enfin, celle du nécessaire encadrement du jury ou de sa suppression.
Pour ce qui est du timing, l'intervenant précise que, selon certaines sources au cabinet de la Justice, des résultats concrets sont attendus pour la fin de la session de 2009. De nombreux préparatifs ont déjà été effectués et il s'agit maintenant pour la commission de finaliser les travaux.
Le ministre renvoie à sa note politique dont il ressort que la réforme de la cour d'assises est un des points auxquels il souhaite s'atteler le plus rapidement possible. Dans la pratique, la procédure devant la cour d'assises pose un certain nombre de problèmes pour la magistrature, principalement en ce qui concerne l'investissement en temps et en moyens. Le nombre des affaires d'assises ne cesse d'augmenter, au même titre d'ailleurs que leur importance et leur complexité. L'intervenant cite l'exemple de l'affaire Dutroux et de l'affaire Van Noppen. Tout cela a entraîné une sérieuse surcharge, tant au niveau du parquet qu'au niveau du siège, ce qui a indirectement aggravé l'arriéré judiciaire. Des magistrats sont en effet soustraits à leurs activités régulières au sein des cours et des tribunaux de première instance. Ainsi que cela a été précisé, on a créé en 2004 une Commission de réforme de la cour d'assises, qui a déposé un rapport intermédiaire en 2005. Dans ce rapport, deux options fondamentales sont proposées: d'une part, la suppression de la cour d'assises; d'autre part, sa modernisation en profondeur. La ministre de la Justice de l'époque avait choisi de développer la seconde piste. Le rapport définitif de la commission, dans lequel figurent plusieurs propositions de réforme de la procédure d'assises, date de décembre 2005. Le ministre avait l'intention de se baser sur ce rapport pour rédiger un projet de loi dans le courant de 2009. La proposition de loi de M. Mahoux va également dans ce sens. Le ministre pense que le rapport formule diverses propositions qui sont effectivement de nature à améliorer le déroulement de la procédure d'assises. Toutefois, certaines des propositions formulées nécessitent une étude plus approfondie, par exemple en ce qui concerne l'organisation, en dehors de la présence du jury, d'une audience préliminaire qui serait consacrée aux questions de procédure, aux demandes de devoirs d'enquête complémentaires et à l'établissement d'une liste de témoins, ainsi qu'à la question de savoir si, dans la pratique, ces éléments ne contribueront pas, précisément, à allonger ou à alourdir la procédure. L'intervenant estime qu'eu égard aux droits de la défense, il serait illusoire de croire que le nombre de témoins puisse être limité. Il faut en outre veiller à sauvegarder les caractéristiques spécifiques d'une procédure d'assises, sans quoi il serait préférable d'opter pour une procédure entièrement nouvelle.
L'intervenant souligne qu'il est important que les acteurs de terrain aient la possibilité de prendre position. Il propose donc d'entendre non seulement les membres de la Commission de réforme de la cour d'assises, mais aussi des représentants du Conseil supérieur de la Justice (CSJ). Il y avait en effet au sein du CSJ un groupe de travail chargé de se pencher sur la problématique de la procédure d'assises. En effet, un groupe de travail Assises a existé au sein du Conseil supérieur parallèlement aux travaux de la Commission.
Le ministre souhaite vivement qu'on puisse dégager une solution dans les plus brefs délais et il espère que les travaux de la commission de la Justice en la matière se dérouleront pour le mieux.
M. Monfils rappelle que son groupe est favorable au maintien de la cour d'assises. Même si cette procédure a un coût élevé, ce ne sont pas les moyens financiers qui déterminent la manière dont on organise les juridictions mais c'est plutôt l'inverse. Et il appartient aux pouvoirs publics de dégager les moyens nécessaires pour garantir une bonne justice.
Sur la question de l'encombrement, l'intervenant est favorable à une simplification de la procédure. Il devrait être possible de renvoyer plus d'affaires devant le tribunal correctionnel qui devrait pouvoir prononcer des peines criminelles.
M. Monfils pense que la proposition à l'examen est insuffisante pour ce qui concerne les possibilités d'appel.
Au niveau de l'organisation des travaux, l'intervenant plaide pour une approche pragmatique. Des propositions de loi ont été déposées, des rapports sont disponibles. Ces documents permettent d'entamer la discussion. Là où la commission le juge nécessaire, elle pourrait demander à des experts de l'éclairer sur des points précis. L'intervenant n'est par contre pas favorable à l'organisation d'une série d'auditions à caractère général. Quelle serait en effet l'utilité pratique d'entendre des experts sur la question du maintien ou de la suppression de la cour d'assises dès lors que la commission est en faveur du maintien du jury populaire ?
Au niveau de la méthode de travail, M. Mahoux pense que certaines auditions à portée plus générale devraient être organisées au début des travaux, sans remettre sur la table la question du maintien ou non de la cour d'assises. Il serait en effet normal que le Conseil supérieur de la Justice puisse s'exprimer sur un sujet de cette nature. De même, un représentant de la Commission de réforme de la cour d'assises instituée en 2004 par la ministre Onkelinx pourrait être entendu pour dresser un tableau des différents points de vue qui se sont exprimés au sein de cette commission.
Par la suite, et de manière plus empirique, d'autres auditions plus ciblées pourraient être décidées au cours de la discussion des articles, lorsque la commission se trouverait confrontée à l'une ou l'autre pierre d'achoppement.
Sur la question de savoir s'il faut d'abord modifier la Constitution et ensuite la loi ou l'inverse, M. Mahoux pense que les deux approches sont équivalentes. En effet, si la réforme de la loi ne devait pas aboutir, rien ne nécessiterait de modifier la Constitution.
Sur les obligations internationales de la Belgique, M. Mahoux se déclare sensible aux principes du double degré de juridiction et de la motivation des décisions.
Il admet enfin que les délits de presse et les délits politiques sont incontestablement des éléments qui plaident pour le maintien du jury populaire.
M. Delpérée se rallie aux suggestions formulées pour les auditions. Une des auditions ciblées pourrait porter sur la question de savoir quels sont les engagements internationaux de la Belgique en la matière.
M. Van Parys partage l'avis de M. Mahoux en ce qui concerne l'ordre des travaux et la méthode à suivre en matière d'auditions. On devrait ainsi être en mesure de parvenir à un résultat dans le courant de l'année 2009, de préférence avant la fin de la session.
Mme Crombé-Berton pense qu'il ne faut pas se disperser. Elle demande que les services établissent de manière synthétique la liste des points particuliers qui doivent être discutés: la question du recours, de la motivation, l'engorgement, etc., et que la commission se cantonne à ces points.
M. Vankrunkelsven conclut que le nombre de points névralgiques à examiner est assez limité puisqu'il s'élève à cinq. Il constate que le rapport de la Commission de réforme de la cour d'assises doit être transmis aux commissaires. Une note a également été demandée concernant les obligations internationales et la jurisprudence de Strasbourg en la matière (voir la note du professeur Ergec jointe en annexe).
M. Courtois pense qu'il faudrait entendre un représentant du collège des procureurs généraux. Il pourrait notamment éclairer la commission sur l'état d'engorgement des cours d'assises par ressort de cour d'appel. Par ailleurs, lors de la discussion, on abordera inévitablement la question de la correctionnalisation d'un certain nombre de matières et il serait logique que les parquets puissent s'exprimer sur ce point.
M. Monfils précise que le but des travaux est d'aboutir à un accord sur un texte de réforme de la cour d'assises. Il peut se rallier à l'idée d'entendre un représentant du collège des procureurs généraux mais il rappelle qu'il faut limiter les auditions à caractère général qui risquent de ralentir les travaux sans véritable plus-value. C'est plutôt sur des questions ponctuelles telles que la motivation des décisions que l'apport de magistrats du terrain serait utile.
M. Vankrunkelsven ne voit aucune objection de principe à ce que l'on entende le Collège des procureurs généraux, mais souhaiterait limiter les auditions introductives compte tenu des travaux qui ont déjà été accomplis sous la précédente législature.
M. Delpérée pense qu'il y a moyen de concilier les différents points de vue.
Il a été question d'une discussion avec le Conseil supérieur de la Justice, et d'un listing des problèmes qui se posent. C'est lorsque l'on abordera le problème de l'arriéré qu'il faudra entendre le collège des procureurs généraux. Ceux-ci sont sans doute moins intéressés par le problème de la motivation, ou par celui des délits politiques.
M. Van Parys souligne que le collège des procureurs généraux était représenté à la Commission de réforme de la cour d'assises.
M. Vankrunkelsven conclut qu'une audition sera organisée avec des représentants de la Commission de réforme de la cour d'assises et du Conseil supérieur de la justice.
IV. AUDITION DE M. VERSTRAETEN, PROFESSEUR À LA KULEUVEN
A. Exposé du professeur Verstraeten
Le professeur Verstraeten rappelle que la Commission de réforme de la cour d'assises a été constituée en novembre 2004 et qu'elle a remis son rapport final en mars 2006. La commission était composée de manière pluridisciplinaire, comme le souhaitait la ministre de la Justice. Elle rassemblait notamment des représentants du ministère public et de la magistrature assise, des avocats, des universitaires et deux simples citoyens, dont l'un avait siégé comme juré à une cour d'assises.
Un débat approfondi a d'abord eu lieu, opposant les arguments en faveur du maintien de la cour d'assises et ceux en faveur de sa suppression. Bien entendu, l'expérience des différents membres de la commission a permis de mener une discussion sous différents angles et a donc enrichi ce débat.
La commission a remis un rapport intermédiaire en mars 2005 et a proposé à la ministre de la Justice deux orientations fondamentales. Dans l'orientation formulée à titre principal, il était proposé de supprimer la cour d'assises sous sa forme actuelle. Il était en même temps suggéré de remplacer la cour actuelle par un tribunal mixte auquel participeraient également des juges non professionnels. Ainsi, le citoyen aurait quand même la possibilité de participer à la procédure pénale. Dans la deuxième orientation, il était envisagé de maintenir la procédure d'assises actuelle, moyennant une réforme approfondie.
Après mûre réflexion, la ministre de la Justice a estimé que la première orientation n'était pas réalisable ou souhaitable. Un second mandat a donc été accordé à la commission pour qu'elle approfondisse la deuxième piste, c'est-à-dire la modernisation de la procédure d'assises actuelle.
L'objectif de la commission fut de rédiger une proposition aussi cohérente que possible, centrée sur quatre thèmes.
Le premier thème concerne l'amélioration de la composition et de la représentativité du jury. Cela supposait aussi de mener un débat sur le nombre de jurés et sur les conditions qu'ils auraient à remplir, notamment en matière d'âge. En ce qui concerne le nombre de jurés, la commission a tenu compte de la proposition visant à ce que le président de la cour d'assises seconde le jury. Ceci permet un délibéré mixte, durant lequel le jury est assisté par un magistrat professionnel. Compte tenu du fait que le président participerait dès lors au délibéré sur la culpabilité, il a été imaginé de réduire à huit le nombre de jurés. L'âge minimum actuellement requis pour pouvoir siéger en qualité de juré a alors été abaissé de 30 à 25 ans et l'âge maximum a été porté à 65 ans.
Un débat a également été mené sur l'introduction d'une parité sexuelle ou sociale. La commission a proposé de ne pas apporter cette modification et de s'en tenir au principe du tirage au sort. En outre, l'introduction d'une telle parité entraînerait des équilibres difficiles à mettre en place et particulièrement délicats.
La commission a également proposé de ne plus constituer le jury le jour de l'ouverture du procès d'assises. Il a semblé plus approprié que les personnes concernées soient informées au moins 8 jours à l'avance qu'elles vont devoir siéger dans un jury d'assises. Les jurés pourront ainsi prendre les dispositions qui s'imposent pour pallier l'incapacité dans laquelle ils se trouveront d'assurer leurs tâches quotidiennes pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. L'avantage de procéder au préalable à la composition du jury réside également dans le fait que les jurés pourront bénéficier d'une session d'information au cours de ces 8 jours. Il s'agit non pas d'une formation juridique mais d'une information minimale qui doit leur permettre de savoir ce que l'on attend exactement d'un juré, de connaître ses droits et obligations et d'être au courant des différences de sensibilités.
Une autre proposition concerne la suppression de la faculté de récusation discrétionnaire. Actuellement, les avocats et le ministère public essaient le plus possible de composer leur jury suivant le modèle et les opinions qui correspondent le mieux à leurs convictions respectives. Des personnes sont ainsi récusées sur la base de critères tels que le sexe, l'âge ou la profession. Ceci débouche sur une composition fort arbitraire du jury, ce qui est contraire au principe du tirage au sort. Bien entendu, il faut alors prévoir un mécanisme permettant d'écarter du jury des personnes totalement inappropriées, comme celles qui ont un casier judiciaire. Il faudra donc que l'on puisse procéder au préalable à un screening minimum indispensable.
Le deuxième thème concerne l'amélioration de l'efficacité et de l'utilité de la procédure d'assises. Il vise principalement deux aspects. Compte tenu du nombre d'affaires d'assises à traiter chaque année, il serait préférable que la cour d'assises devienne une juridiction permanente disposant d'un cadre spécifique de magistrats spécialisés. Cela permettrait d'éviter que les conseillers de la cour d'appel doivent sans cesse se partager entre leur activité auprès de la cour d'appel et leur fonction ad hoc en qualité de président d'assises. La Commission opte pour un système où l'intéressé est désigné président de la cour d'assises pour une durée déterminée. D'un point de vue organisationnel, pareil système donnerait incontestablement de meilleurs résultats. Par ailleurs, la Commission plaide en faveur de la suppression des assesseurs à la cour d'assises. L'intervenant ne prétend pas que les assesseurs n'apportent aucune plus-value ni, au contraire, qu'ils jouent toujours un rôle crucial. Le problème, aux yeux de la Commission, est surtout que des assesseurs sont soustraits de leur organisation et de leur activité de tous les jours. Il s'agit généralement d'assesseurs qui sont détachés de tribunaux de première instance et qui ne peuvent donc pas traiter une multitude de dossiers pénaux et civils pendant une ou plusieurs semaines, ce qui entraîne un retard considérable. Au demeurant, le président siégeant en permanence développera un grand savoir-faire en matière d'assises, ce qui réduira encore la faible valeur ajoutée des assesseurs.
Améliorer l'efficacité signifie aussi, si possible, alléger la procédure. Différentes pistes ont été envisagées à ce propos. Le premier point a trait à la clôture de l'instruction. À l'heure actuelle, saisir la cour d'assises n'est pas une mince affaire. Cela requiert en effet une double appréciation, d'une part, par la chambre du conseil et, d'autre part, par la chambre des mises en accusation, qui en réalité font systématiquement le même travail. On propose maintenant de simplifier la procédure en prévoyant une intervention directe de la chambre des mises en accusation. Une autre piste consiste à organiser une audience préliminaire, une sorte « d'audience de mise au point », visant à régler les questions de procédure et à arrêter la liste des témoins à entendre. Seuls les juges professionnels et les avocats participeraient à cette audience, le jury n'étant pas encore constitué. Cette audience serait l'occasion de traiter les nullités et les demandes d'actes d'instruction complémentaires et de fixer la liste des témoins.
À propos des témoins, l'intervenant fait référence au droit actuel de convoquer en assises un nombre quasi illimité de témoins. Il arrive dès lors que 300 à 400 témoins soient convoqués dans des affaires importantes. La Commission estime qu'il faut pouvoir limiter le nombre de témoins, d'une part, en accordant au juge professionnel un droit de contrôle marginal sur la question de savoir si le témoin a manifestement un rapport ou non avec les faits et, d'autre part, en réduisant le nombre de témoins de moralité grâce à l'établissement ou à l'optimisation d'un dossier de personnalité. En présentant un dossier de personnalité approfondi, dont les jurés peuvent prendre connaissance, on peut limiter le nombre de témoins de moralité. On pourrait ainsi fixer un nombre maximal, cinq par exemple, de témoins de moralité par partie. Le président de la cour d'assises conserverait cependant la possibilité d'augmenter ce maximum au besoin, compte tenu de la spécificité d'une affaire bien précise.
La troisième piste concerne la compétence de la cour d'assises. C'est une question difficile dans la mesure où elle touche au contenu légal de la compétence de la cour d'assises. À l'heure actuelle, un très grand nombre de crimes devrait, en théorie, être soumis à la cour d'assises. Ce principe est toutefois systématiquement vidé de sa substance dans la pratique par le mécanisme de la correctionnalisation. C'est ainsi que la cour d'assises n'est saisie que d'une partie infime des crimes commis, en l'occurrence uniquement des affaires qui ne sont pas correctionnalisables. C'est une situation relativement hypocrite, qui pourrait changer si l'on partait d'une liste positive. Au lieu de se fonder sur un principe d'élimination pour soustraire des affaires à la cour, l'on propose de définir positivement quelles sont les affaires dont l'on veut vraiment saisir la cour d'assises. La Commission a retenu les critères suivants pour déterminer ce qui relève de la cour d'assises:
— tout crime passible d'une peine privative de liberté à perpétuité;
— les crimes passibles d'une peine maximale de 30 ans, à condition qu'une victime soit morte et que l'intention de donner la mort soit présente;
— les crimes qui témoignent d'une cruauté particulière, sans qu'il y ait toutefois d'intention homicide. L'intervenant cite l'exemple d'un viol ayant entraîné la mort de la victime, bien que l'auteur n'ait pas eu l'intention de la tuer. Il cite comme deuxième exemple des actes de torture dont les suites ont entraîné la mort de la victime.
La commission est consciente qu'une telle discussion déclenchera un débat sur le principe d'égalité et sur la question de savoir si l'on peut objectivement justifier pourquoi les crimes énumérés dans la liste positive précitée sont jugés en assises, et pas les autres.
L'application de cette approche positive requiert également une modification de la Constitution.
S'agissant des délits de presse et des délits politiques, la commission a affiché des divisions. La tendance dominante était toutefois celle qui prône le maintien de la compétence de la cour d'assises pour ces délits.
Sur le plan de l'efficacité, il faut également tenir compte de l'angle de l'amélioration de la qualité des jugements. Dans le système actuel et contrairement à ce qui se fait dans les autres pays, le jury se prononce exclusivement, et sans aucune intervention du juge professionnel, sur la question de la culpabilité. La commission suggère de modifier ce principe et d'instaurer un délibéré mixte, y compris pour la question de la culpabilité. Elle estime en effet que le jury ne statue pas uniquement sur les questions de fait, mais aussi sur des règles de droit. L'intervenant cite le cas d'un jury qui doit se prononcer sur le concept de légitime défense, de force majeure ou de provocation. Un délibéré mixte constituerait donc une meilleure garantie de la qualité de la jurisprudence des cours d'assises. Encore faut-il savoir si le président qui participe au délibéré sur la question de la culpabilité doit également avoir le droit de participer au vote. La commission trouve que ce n'est pas nécessaire. Le but premier de la présence du président est en effet d'offrir l'appui juridique nécessaire. En ce qui concerne la règle de la majorité à appliquer et sachant que la commission propose un jury composé de huit membres, l'intervenant relève qu'un vote de 4 voix contre 4 conduira à l'acquittement de l'accusé. La parité joue donc en faveur de l'accusé. Lorsqu'une majorité claire se dégage, c'est-à-dire 6 voix contre 2, cela veut dire qu'il y a condamnation. Si le résultat du vote est de 5 voix contre 3, la commission propose d'appliquer mutatis mutandis le mécanisme actuel qui joue lorsque le résultat est de 7 voix contre 5. Actuellement, lorsque le vote donne 7 oui et 5 non, les juges professionnels se rallient ou non à la majorité des membres du jury et leur avis est déterminant. Le même principe a été maintenu dans le cas d'une proportion de 5 contre 3.
Le quatrième angle d'attaque concerne l'amélioration des droits de la défense, à savoir les questions relatives à la motivation et à une voie de recours contre une décision de la cour d'assises.
Un large consensus se dégage au sein de la commission pour affirmer que la motivation est une exigence fondamentale au XXIe siècle. Ce principe apparaît déjà dans les dialogues justice de MM. Erdman et de Leval qui remontent à 2004. En effet, les auteurs et les victimes accepteront plus facilement un jugement s'il est compréhensible. Pour être compréhensible, le jugement doit avoir un minimum de motivation. Il y a aussi l'exigence de qualité. Si l'on impose un devoir de motivation, la conviction intime des membres du jury devra être rationalisée et objectivée. Il est essentiel que la conviction intime soit objectivable. Il faut être en mesure d'expliquer pourquoi on est arrivé à une certaine conviction. Il s'agit donc d'un souhait de rationalisation des décisions des jurys d'assises. La proposition relative à la motivation va bien entendu de pair avec le délibéré mixte.
L'intervenant note que la question de la voie de recours donne lieu à des opinions aussi diverses que variées en droit comparé. Dans certains pays, la procédure d'assises est quelque chose d'unique et le principe de la souveraineté du peuple prime. Il n'y a donc aucune forme de recours. Dans d'autres pays, comme en France par exemple, le jugement de la cour d'assises peut être soumis à « la cour d'assises en degré d'appel ». Un jury composé de douze membres au lieu de neuf, ainsi que les juges professionnels, se prononcent en degré d'appel. L'intervenant considère que cette piste n'est pas pragmatique et ne voit pas l'intérêt de recommencer un jugement prononcé par un jury composé par tirage au sort. L'idée est d'empêcher les recours circulaires. Le contrôle par la Cour de cassation pourrait par contre être étendu. L'obligation de motivation implique en effet que la motivation peut également être contrôlée par la Cour de cassation. À travers la motivation, on peut examiner si certaines notions juridiques ont été violées ou non. La Cour de cassation peut aussi vérifier la cohérence de la motivation. Par ailleurs, on peut aussi discuter de l'enregistrement éventuel des débats devant la cour d'assises et plus exactement des dépositions de témoins. Comme aucun enregistrement n'est prévu actuellement, rien n'est consigné. La Commission estime que l'enregistrement des dépositions des témoins permettrait aussi de faire jouer les principes concernant la violation de la force probante d'un témoignage devant une cour d'assises.
B. Échange de vues
Mme Crombé-Berton se rallie à ce que dit le rapport en ce qui concerne la notion de correctionnalisation qui, pour un même fait, peut déboucher sur des compétences et sur des peines différentes. Une liste limitative permettrait effectivement de délimiter plus clairement la compétence de la cour d'assises.
L'oratrice a cependant une question au sujet de la notion d'intention. La juridiction d'instruction va-t-elle devoir déterminer s'il y a intention ou pas ? Est-elle déjà, à ce stade, à même de le faire ?
M. Verstraeten répond que, sur ce point, la situation ne serait pas différente de ce qu'elle est aujourd'hui. En effet, à l'heure actuelle, les juridictions d'instruction sont amenées à se prononcer, au niveau des charges, sur la qualification. Il est vrai que l'appréciation par la juridiction d'instruction déterminera si l'affaire sera renvoyée devant la cour d'assises, compte tenu de l'intention qui semble exister prima facie, ou si, à défaut de cette intention, l'affaire doit être soumise au tribunal correctionnel. Il n'y a donc pas de modification substantielle du rôle attribué aux juridictions d'instruction. Il est vrai que, si une affaire est renvoyée devant la cour d'assises parce que la chambre du conseil — ou, dans la proposition de la Commission, la chambre des mises en accusation — est d'avis qu'il y a bel et bien eu intention de tuer, on ne peut jamais exclure qu'une cour d'assises estime que cette intention n'existait pas. Dans ce dernier cas, les faits seront requalifiés, et la peine qui pourra être prononcée sera inférieure à celle qui eût été possible si l'intention avait existé.
Mme Crombé-Berton note que, selon le rapport, les circonstances atténuantes, aujourd'hui déjà, sont interprétées de façon parfois différente selon les juridictions d'instruction. La même chose ne risque-t-elle pas de se produire avec la notion d'intention ?
M. Verstraeten ne le croit pas, car on a opté pour une liste positive. À l'heure actuelle, on procède de façon assez hypocrite, puisque de très nombreux crimes sont correctionnalisés systématiquement et de manière routinière. Si la personne n'a pas d'antécédents, on dit qu'elle a un casier judiciaire vierge. Si elle a déjà subi des condamnations, on dit qu'elle n'a pas encore subi de condamnation criminelle. Si elle a déjà été condamnée dans le passé par une cour d'assises, on dira qu'elle n'a pas subi plusieurs condamnations criminelles.
Il y a aujourd'hui des peines qui ne sont plus d'actualité. Ainsi, un vol avec effraction ou au moyen de fausses clés est passible d'une peine de 5 à 10 ans d'emprisonnement. Pas une chambre du conseil ne songe à renvoyer une telle affaire devant la cour d'assises. De façon systématique, de tels crimes sont correctionnalisés. C'est pourquoi le pénaliste adresse au législateur la recommandation de revoir certaines des sanctions prévues par la loi actuelle, et qui datent du XIXe siècle. Mais aussi longtemps que ce travail n'est pas fait, il faut avoir recours au système de la correctionnalisation, qui n'est pas satisfaisant.
Mme Crombé-Berton conclut qu'il faut faire un double travail: d'une part, dresser une liste exhaustive des cas qui seraient soumis à la cour d'assises, et d'autre part, revoir, pour chaque infraction, la peine qui lui est attribuée.
M. Verstraten le confirme. Faire l'un sans l'autre risque de mener à des complications. Si l'on maintient la compétence de la cour d'assises uniquement pour les cas figurant sur cette liste limitative, et que tous les autres crimes vont au tribunal correctionnel, cela signifie que ce dernier serait en mesure de prononcer les peines actuellement prévues pour ces crimes dans le Code pénal. Or, certaines de ces peines sont à ce point excessives que l'idée qu'un tribunal correctionnel pourrait les prononcer (ex: 15 ans d'emprisonnement pour un faux en écritures) est absurde.
Un autre exemple est celui du viol d'un enfant de 10 ans. De tels crimes devraient aller devant la cour d'assises mais, dans la pratique, ils sont correctionnalisés. À l'heure actuelle, après correctionnalisation, la peine maximale est de 10 ans, ce que certains jugeront insuffisant. La proposition telle qu'elle est formulée apporte une solution à ce problème, puisque, s'agissant en l'occurrence d'un crime passible du tribunal correctionnel, la peine maximale serait de 20 ans.
M. Vankrunkelsven renvoie au rapport de la Commission qui précise que la réduction du nombre de jurés est une conséquence logique de la diminution du nombre de magistrats professionnels. Qu'entend-on au juste par là ? L'intervenant évoque en outre le problème de la représentativité du jury. Le rapport ne propose aucune solution en la matière.
M. Verstraeten confirme que le nombre de jurés n'est pas un élément immuable. Il a été proposé de ramener le nombre de jurés de douze à huit, la commission estimant en effet que la discussion qui doit aboutir à la formulation d'une motivation a plus de chances d'être efficace et objectivable si le nombre de jurés est de huit au lieu de douze car la dynamique de groupe sera meilleure et que le processus décisionnel aura tendance à être plus cohérent si le groupe est plus restreint. En droit comparé aussi, le chiffre 12 n'a rien de dogmatique; il y a des pays où le nombre de jurés est de huit et d'autres où il s'élève à douze. D'ailleurs, on pourrait aussi proposer de fixer le nombre de jurés à dix, mais il faudrait alors adapter aussi les règles de majorité.
En ce qui concerne la représentativité, il n'existe pas de méthode infaillible permettant de faire en sorte que les différentes couches de la société soient représentées au sein du jury. Le jury n'est pas représentatif du peuple. En effet, certains groupes professionnels sont surreprésentés dans les jurys alors que d'autres n'ont quasiment jamais la possibilité d'y siéger. La cause est à chercher dans les mécanismes de sélection et dans le fait que nombre de personnes sont dispensées de l'obligation de siéger. L'intervenant est donc d'avis qu'il n'est pas possible de garantir la représentativité. Il faut donc choisir: soit on opte pour un système de tirage au sort, soit on essaye d'orienter le hasard et, à cet égard, le critère le plus facile semble encore être celui de la parité sexuelle. Pour sa part, la Commission, qui est favorable au maintien d'un jury populaire, opte pour un statu quo, c'est-à-dire pour le hasard.
M. Delpérée constate que le rapport évoque les problèmes de compétence de la future cour d'assises. L'orateur estime personnellement que le maintien du jury se justifie en tout cas pour les délits politiques et de presse. Il s'agit de délits où l'on s'adresse à l'opinion publique, et celle-ci est donc le meilleur juge de ce genre de délits. L'intervenant voudrait cependant, à ce sujet, se faire l'avocat du diable. En matière de délits politiques, la jurisprudence de la Cour de cassation est extrêmement restrictive, puisqu'elle requiert un attentat majeur contre les institutions de l'État. En ce qui concerne les délits de presse, la réforme de 1999 exclut les infractions fondées sur le racisme et la xénophobie et, comme le relève le rapport, les délits de presse ne sont finalement plus déférés au jury. En maintenant ces deux catégories de délits dans la compétence de la cour d'assises, ne crée-t-on pas une coquille vide ?
M. Verstraeten répond qu'en effet, si l'on considère la pratique des dernières décennies, on peut craindre qu'il ne s'agisse d'une coquille presque vide. Comme déjà indiqué, les opinions étaient partagées. Il y avait, d'une part, une approche de principe et, d'autre part, une approche plus pragmatique, inspirée par un mécontentement face à la situation actuelle, essentiellement pour les délits de presse. À titre personnel, l'orateur accepte l'idée que les délits politiques doivent ressortir de la cour d'assises, et ne plaide pas pour une réforme sur ce point. Par contre, il existe aujourd'hui une totale impunité en matière de délits de presse, qui lui semble parfois choquante. Il ne s'agit pas ici d'un plaidoyer en faveur d'une pénalisation du monde de la presse, car il semble préférable de régler ce type de problème par la voie civile ou en recourant à des mécanismes alternatifs par rapport au droit pénal. Mais à supposer qu'un délit de presse sérieux se commette, qui mérite des poursuites concrètes, il n'existe aujourd'hui aucune réelle possibilité de poursuites. Lorsqu'une plainte avec constitution de partie civile est déposée, un juge d'instruction est désigné. Soit celui-ci ne fera rien, soit l'affaire traînera tellement longtemps qu'elle finira par être prescrite, soit encore l'affaire aboutira devant la chambre du conseil, qui considérera qu'il n'y a pas d'intention de nuire et prononcera un non-lieu.
M. Mahoux demande, au-delà des délits classiques qui relèvent d'agressions de la part d'un journaliste ou d'un organe de presse à l'égard d'une personne, ce que l'orateur envisage comme délits de presse graves qui restent impunis parce que la procédure actuelle d'assises ne permet pas de les poursuivre.
Sur le plan politique, deux éléments sont à mettre en balance: d'une part, l'entrave à la liberté de la presse que pourrait représenter une correctionnalisation, et d'autre part, le problème de l'impunité.
L'intervenant se réfère aux récents événements relatés par la presse française à propos de l'incursion de la police chez un ancien directeur de la rédaction du journal « Libération » et ce qui s'en est suivi (garde à vue, déshabillage de l'intéressé à deux reprises, ...), pour des faits relevant typiquement du délit de presse.
Mme Crombé-Berton se demande, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement de l'orateur, s'il faut encore déterminer la compétence ratione materiae des tribunaux correctionnels et de police par rapport à la peine.
M. Verstraeten répond que cette dernière question est essentielle, car elle touche aux fondements de notre droit pénal. Celui-ci est basé sur la tripartite des infractions, conçue en 1867 lors de la confection du Code pénal. Ensuite, au fil du temps, cette distinction est devenue moins importante. Ainsi, tout le contentieux en matière de roulage a été confié au tribunal de police, alors qu'il comporte des délits. Cela n'empêche pas que toutes les règles actuelles en matière de complicité, tentative, causes d'excuse, circonstances atténuantes, et leur impact sur la détermination de la peine, ont été construits autour de cette division en trois catégories. Changer cela supposerait un travail de révision en profondeur de l'ensemble du Code pénal.
En ce qui concerne les délits de presse que l'on rencontre aujourd'hui et qui ne sont pas correctionnalisables en raison de leur caractère de xénophobie ou de racisme sous-jacent, il s'agit de cas de calomnie et de diffamation où d'autres motifs que des motifs racistes jouent. Il peut s'agir par exemple de vengeance, ou de raisons commerciales. Les personnes qui utilisent des journalistes à cette fin génèrent des délits de presse, puisqu'un tel délit existe dès qu'un journaliste intervient, même si, contrairement à la personne qui l'a utilisé, le journaliste n'est pas animé d'une intention de nuire. Ce délit devient alors quasiment impossible à poursuivre.
M. Delpérée fait observer qu'un délit de presse n'est pas nécessairement commis par un journaliste. Il suffit, pour qu'il y ait délit de presse, que l'on utilise le moyen de la presse.
M. Vandenberghe se réfère au colloque qui a été organisé au Sénat sur le thème des médias et du droit et qui fut déjà l'occasion d'aborder la question des délits politiques et des délits de presse ainsi que celle de la compétence de la cour d'assises dans ce domaine. En ce qui concerne la définition des délits politiques et des délits de presse, on se situe aujourd'hui dans une logique tout à fait différente de celle de 1831. La Cour de cassation fait en effet une distinction entre les délits de presse et les délits d'imprimerie. De plus, depuis que la loi Moureaux a été adoptée, il y a toute une série de situations qui ne relèvent plus de la notion de délit de presse. L'intervenant se dit sceptique à cet égard, étant donné que certains aspects blessants ou offensants sont portés devant le tribunal correctionnel, alors que d'autres, tout aussi blessants ou offensants, aboutissent en théorie devant la cour d'assises. Or, aucun critère pertinent ne permet de dire qu'une agression fondée sur l'origine, etc. est plus blessante qu'une autre. De plus, il faut tenir compte aussi de l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg qui considère systématiquement que les infractions à la liberté d'expression ne relèvent en principe pas du droit pénal. L'intervenant se déclare donc opposé à la pénalisation des délits de presse en tant que tels et estime qu'il faudrait élaborer une loi sur la presse prévoyant une approche civile ad hoc fondée sur des moyens civils, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque des faits de racisme ou de négationnisme ont été commis.
L'intervenant émet des doutes quant à l'établissement d'une liste de crimes. En effet, si un crime déterminé n'est pas repris dans la liste, cela donnera l'impression que le parlement ne prend pas ce crime au sérieux, ce qui produira l'effet inverse. Une autre solution serait de préciser que les circonstances atténuantes peuvent être invoquées pour tous les crimes. L'avantage de cette formule est qu'elle permettrait de contourner le problème lié au fait que ce qui n'est pas d'actualité aujourd'hui pourrait bien l'être demain. Cela étant, l'intervenant est lui aussi d'avis que davantage de crimes devraient pouvoir être portés devant le tribunal correctionnel.
M. Verstraeten souligne qu'il n'est pas favorable, à titre personnel, à la pénalisation des délits de presse. Il faut toutefois prévoir une marge pour le droit pénal, ce que montrent d'ailleurs divers arrêts de la Cour de Strasbourg (par exemple l'arrêt Dupuis). L'intervenant est d'avis que le législateur doit donc mettre en place un système qui n'a rien d'hypocrite et qui vise à appliquer le droit pénal le moins possible, mais tout en laissant cette possibilité subsister. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
En ce qui concerne les circonstances atténuantes et en particulier la proposition d'élargir la loi relative à la correctionnalisation en prévoyant que même les crimes les plus graves sont toujours correctionnalisables, l'intervenant relève qu'après correctionnalisation, la peine maximale est de dix ans. Si un meurtre était quand même susceptible d'être correctionnalisé, par exemple, en raison de circonstances particulières, la peine maximale à infliger devrait être portée à 15 ou 20 ans.
Selon M. Vandenberghe, on peut difficilement parler d'une décision arbitraire du parquet étant donné qu'un contrôle est effectué par la chambre du conseil et par la chambre des mises en accusation.
En ce qui concerne le recours et l'élargissement de la compétence de la Cour de cassation en la matière, M. Van Parys fait remarquer qu'une modification de la Constitution est indispensable. En effet, l'article 147 prévoit que la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires. La question est de savoir si cet article est ouvert à révision.
Le professeur Verstraeten relève que, d'après la Commission, le rôle de la Cour de cassation ne devrait pas aller au-delà de celui qu'elle assume aujourd'hui en matière correctionnelle. Si ce rôle est plus large que celui prévu actuellement, cela sera dû non pas à une redéfinition des missions fondamentales de la Cour de cassation, mais seulement à l'obligation de motivation et à l'enregistrement des témoignages. S'agissant de la motivation, on examine uniquement si les concepts juridiques ont été correctement interprétés.
En outre, l'objectif de l'enregistrement des témoignages est de permettre un contrôle au niveau de la violation de la force probante et il n'est pas question d'appréciation de la preuve. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle appréciation des faits.
M. Mahoux constate que l'alternative qui se présente est soit la possibilité générale de correctionnalisation, soit une liste exhaustive des matières relevant de la cour d'assises. L'intervenant aimerait savoir quels sont les arguments qui plaident, selon le professeur Verstraeten, en faveur de l'une ou de l'autre option.
Si l'on détermine que certains faits doivent obligatoirement relever de la cour d'assises, on peut les définir de deux manières: en fonction de la nature de l'acte ou en fonction de la peine.
Si l'on définit les actes indépendamment de la peine, on risque d'être davantage tributaire de la sensibilité et de l'actualité du moment.
M. Verstraeten déclare qu'il répond ici en son nom personnel. Il souligne que certaines des propositions formulées par la Commission forment un ensemble. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la motivation et du délibéré mixte, qui ne peuvent guère être dissociés. Par contre, la question de la compétence peut être envisagée séparément des autres. On peut continuer à fonctionner comme aujourd'hui, et accepter le système actuel qui comporte une certaine hypocrisie. On peut aussi vouloir rompre avec ce système en considérant qu'il est dépassé. À titre personnel, l'orateur pense que si l'on passe à un système de liste positive sans revoir, dans le même temps, le Code pénal tel qu'il existe actuellement, on risque de créer des complications et des malentendus. Il a cité plus haut l'exemple du faux en écriture, qui deviendrait passible d'une peine d'emprisonnement de 15 ans, ce qui paraît inacceptable. Le rapport de la Commission recommande d'ailleurs de revoir le Code pénal.
Une troisième voie, évoquée par M. Vandenberghe, consiste à élargir le système de la correctionnalisation, ce qui permettrait de soustraire plus d'affaires qu'aujourd'hui à la compétence de la cour d'assises. Mais il n'est pas sûr que cela changera beaucoup de choses dans la pratique. À l'heure actuelle, les affaires renvoyées en cour d'assises sont essentiellement les meurtres, les assassinats, certaines prises d'otages entraînant des conséquences graves. Les tentatives de meurtre et d'assassinat, aujourd'hui renvoyées en cour d'assises, ne le seraient plus si une modification législative intervenait, mais cela n'entraînerait pas une diminution substantielle du nombre d'affaires renvoyées à cette cour.
L'orateur a des doutes sur l'utilité d'une telle réforme, compte tenu par ailleurs du danger lié à la nouvelle image répressive créée par les complications déjà évoquées en ce qui concerne les circonstances atténuantes. A ses yeux, le statu quo est donc certainement une option, tant que l'on ne revoit pas le Code pénal. Des objections du même ordre avaient d'ailleurs été soulevées par le cabinet du ministre de la Justice de l'époque.
M. Vandenberghe souligne que si le jury populaire a été instauré en cours d'assises, c'est à cause de la méfiance du constituant envers les pouvoirs judiciaire et exécutif. On laissait ainsi au peuple le soin de prononcer les lourdes peines. Sur ce point également, l'intervenant objecte à l'élaboration d'une liste fixe et l'alourdissement des peines pouvant être infligées par le tribunal correctionnel. On sape ainsi les fondements du jury d'assises en faisant prononcer les lourdes peines par divers tribunaux. L'avantage de la correctionnalisation, c'est que l'on opte sciemment pour une peine ne dépassant pas 10 ans.
En ce qui concerne la suppression des assesseurs, l'intervenant est d'avis qu'il faudra toujours désigner un deuxième juge. En effet, que se passe-t-il si le président tombe malade ? L'intervenant semble donc être plutôt favorable au maintien d'un assesseur.
Les principaux points que l'intervenant considère comme obsolètes dans le cadre de la procédure d'assises sont, d'une part, la preuve orale et, d'autre part, la durée du procès d'assises. De nos jours, un procès d'assises est en quelque sorte une vitrine ou un show juridique.
M. Vankrunkelsven aimerait savoir s'il existe des statistiques sur la durée des procès d'assises et, par exemple, sur les éventuelles différences régionales dans ce domaine.
L'intervenant trouve assez curieux les critères qui présideraient à l'élaboration de la liste positive, comme le fait que la victime soit décédée. On pourrait dire ainsi que la décision de juger ou non l'affaire en assises se résumerait parfois pour l'auteur à une question de chance ou de malchance. En outre, on peut se demander si les règlements de compte qui ont cours dans certains milieux criminels, où les véritables assassinats sont monnaie courante, doivent systématiquement être portés devant la cour d'assises.
Pour ce qui est du critère, M. Verstraeten comprend que chaque critère prête le flanc à la discussion. Pourtant, l'histoire montre que le critère en question est toujours appliqué. À un certain moment, on considérait que tous les délits passibles d'une peine de 20 ans maximum étaient correctionnalisables, mais le législateur a alors prévu que certains crimes passibles d'une peine de plus de 20 ans devaient être eux aussi correctionnalisables. On a alors établi une liste de ces crimes, qui étaient initialement au nombre de 3, puis de 5 et aujourd'hui de 7. La question qui se pose est celle de savoir jusqu'où il faut aller pour décharger la cour d'assises.
En ce qui concerne la discussion sur l'oralité des débats, l'intervenant souligne que l'on n'aura guère de marge tant que le jury n'aura pas la possibilité de lire préalablement le dossier. La seule marge dont on dispose consiste à trouver un moyen de réduire le nombre de témoins. D'où l'idée de la Commission d'instaurer un contrôle marginal concernant la pertinence des témoins. Le président doit pouvoir refuser des témoins qui n'ont manifestement rien à voir avec l'affaire. Il faut également limiter le nombre de témoins de moralité et le président devrait, là aussi, pouvoir fixer le nombre maximum. Une autre option serait d'instaurer un système tout à fait différent, consistant en un tribunal mixte composé de trois citoyens et deux juges professionnels. On pourrait alors renoncer à la procédure purement orale, car les juges non professionnels pourraient consulter préalablement le dossier.
M. Mahoux observe que la motivation de l'arrêt en ce qui concerne la culpabilité pose problème. En effet, la présence du président au cours de la délibération sur la motivation est déjà considérée par certains comme allant trop loin. D'une part, on est obligé de motiver et, d'autre part, les jurés sont incapables de le faire autrement qu'en exprimant leur conviction. On invoque le fait que l'aide du magistrat sera purement technique, mais cette technicité est telle qu'elle ne paraît pas pouvoir être totalement dépourvue d'influence sur le contenu. Ceux qui sont attachés à l'originalité de la procédure d'assises craignent donc qu'une telle formule « mixte » ne vide quelque peu le jury populaire de sa substance, car il semble évident que ce seront les magistrats qui « feront » le jugement.
L'intervenant trouve par ailleurs que le fait de limiter le nombre de témoins constitue une approche intéressante, mais que retenir comme critères ? On ne peut pas limiter le nombre de témoins sur les faits. Par contre, il semble inutile de multiplier les témoins de moralité cités par la défense, bien que la question se pose de savoir jusqu'où on peut aller dans cette voie sans entendre la défense invoquer le fait qu'on la prive de ses droits.
Quant au caractère oral de la procédure, qui est l'un des fondements de la procédure d'assises, il paraît difficile d'y renoncer, et d'imaginer que les jurés travailleraient préalablement sur des pièces parmi lesquelles, d'ailleurs, ils risquent de ne pas s'y retrouver. On sait que les jurés se forment une opinion sur la base, notamment, du rapport du juge d'instruction et des témoignages.
M. Verstraeten répond que, tant que l'on maintient les fondements de la cour d'assises tels qu'ils existent aujourd'hui, il ne lui paraît pas possible de supprimer le caractère oral de la procédure, car il n'est pas envisageable, dans l'organisation actuelle des choses, que le jury prenne connaissance des pièces. Il faudrait pour cela modifier fondamentalement le système et, à cet égard, le groupe de travail est bien conscient du fait que la première proposition qu'il avait esquissée est de nature à susciter une polémique interminable.
Dans le cadre du système actuel, la seule manière d'améliorer la rapidité et l'efficacité des procédures d'assises est de travailler sur la question des témoins.
En ce qui concerne l'influence potentielle du magistrat sur la formation de l'opinion des jurés, elle a donné lieu à une discussion assez vive au sein de la Commission. À titre personnel, l'orateur trouve cet argument assez contestable, surtout s'il s'agit de présidents ou d'anciens présidents de cour d'assises. Il pense qu'un magistrat bien formé et bien conscient de son rôle, agissant en professionnel, doit pouvoir se cantonner au rôle qu'on lui assigne, à savoir tenter de percevoir les éléments d'une motivation potentielle, de manière à rendre le verdict compréhensible, et éclairer éventuellement les jurés sur le contenu de notions telles que la provocation ou la légitime défense. À l'heure actuelle, des décisions sont rendues, à propos desquelles on peut se demander quels ont été les motifs pour considérer qu'il y a eu force majeure ou provocation, par exemple.
M. Vandenberghe souligne que l'on affirme souvent que l'accusé coupable a intérêt à comparaître devant la cour d'assises, alors que l'accusé innocent aurait plutôt intérêt à comparaître en correctionnelle. Il est en effet incontestable que la cause de justification est plaidée d'une manière tout à fait différente devant la cour d'assises.
M. Mahoux fait remarquer que non seulement certains présidents de cour d'assises, mais aussi certains avocats se méfient de l'influence des magistrats dans le cadre des délibérations.
On pourrait imaginer, comme solution alternative, que le verdict soit d'abord rendu, et qu'il soit ensuite communiqué et expliqué au président, qui serait ensuite chargé de rédiger la motivation.
M. Vankrunkelsven pense que le ministère public tente, lui aussi, de jouer sur les émotions du jury. Le président de la cour a peut-être aussi pour rôle d'attirer l'attention du jury sur un éventuel jeu d'influence émotionnelle indu.
M. Verstraeten répond qu'il faut mettre en avant la qualité de la procédure. Il faut se demander comment intégrer des garanties en vue d'atteindre la meilleure qualité possible pour la justice rendue en assises. Aujourd'hui, on a souvent l'impression que la qualité du représentant du ministère public ou des avocats de la partie civile ou de l'accusé pourrait être déterminante quant à l'issue du procès. Il n'en va pas de même en matière correctionnelle, où le juge doit être convaincu par des arguments rationnels. À ce niveau, il n'est pas question de tempérament ou de talent oratoire. Si le président de la cour d'assises peut aider à délimiter les contours d'une notion juridique déterminée, il y aura une plus-value.
L'orateur a par ailleurs entendu exprimer par plusieurs personnes la méfiance évoquée par M. Mahoux. Chacun fait état, en la matière, de son expérience personnelle, et il est difficile de trancher sur cette base.
On ne peut jamais exclure que le magistrat professionnel exerce une influence sur les jurés, en raison de l'autorité qui s'attache à sa connaissance du droit et à son expérience. Mais n'y a-t-il pas souvent, sur un groupe de douze jurés, une ou plusieurs personnes qui sont elles aussi dominantes et risquent d'influencer les autres ?
V. REPRISE DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE
Le ministre signale que les discussions menées actuellement en commission de la Justice du Sénat collent de très près à l'actualité. En ce qui concerne la proposition de loi de M. Mahoux relative à la cour d'assises, l'intervenant renvoie à la décision récente de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans l'affaire Taxquet (13 janvier 2009).
D'abondants travaux préparatoires ont déjà été consacrés à la cour d'assises. Le ministre évoque entre autres les travaux de la Commission de réforme de la cour d'assises. Il est clair depuis des années que la procédure d'assises doit être modernisée. La Commission a formulé des propositions et il est peut-être nécessaire, vu la décision de la CEDH, d'aborder en priorité les questions relatives à la motivation et au délibéré conjoint.
L'intervenant estime que la proposition de loi à l'examen constitue une bonne base pour entamer la discussion. Il s'est également engagé à finaliser la modernisation de la procédure d'assises pour 2009.
Il apprécie dès lors au plus haut point que le Sénat entame aujourd'hui les travaux sur la réforme de la cour d'assises et espère qu'on pourra arriver à un accord acceptable à très court terme. Le ministre s'engage en tout cas à réserver une attention prioritaire aux travaux de la commission.
En ce qui concerne la motivation, la Belgique dispose d'un délai de trois mois pour demander, s'agissant de l'arrêt Taxquet, un renvoi vers la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme.
M. Delpérée renvoie aux articles 149 et 150 de la Constitution. Le premier dit que tout jugement doit être motivé. L'arrêt qui vient d'être rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Taxquet ne dit rien d'autre.
Le second traite du jury populaire. La question est de savoir comment les douze citoyens qui le composent et qui, a priori, sont dépourvus de culture juridique et n'ont reçu aucune formation à la rédaction d'un jugement, peuvent être en mesure de motiver la décision de la Cour.
Il y a là un problème majeur, au point que l'on peut se demander si l'exigence d'une motivation, posée comme une sorte de préalable absolu, ne remet pas en cause l'existence même du jury, dans son principe.
Mme Van dermeersch souligne que ce n'est pas la première fois que la Belgique est condamnée pour la procédure d'assises. En 2005 déjà, la rédaction d'un questionnaire général avait valu une condamnation à notre pays. On peut difficilement parler d'une « législation d'urgence », comme le ministre l'a fait dans la presse.
M. Mahoux rappelle que ce n'est pas le prononcé de l'arrêt de la Cour de Strasbourg qui est à l'origine de la discussion actuelle de la commission sur la procédure d'assises.
Les deux propositions à l'examen ont été déposées respectivement le 10 août 2007 et le 25 septembre 2008, et leur examen a débuté à la fin novembre 2008.
D'autre part, au cours de la précédente législature, cette problématique a été discutée en différents lieux, et les positions exprimées en la matière n'étaient pas unanimes.
Pour rappel, les principes qui sous-tendent la proposition de l'orateur sont les suivants.
Le premier est le maintien de la cour d'assises.
Le second est de répondre, notamment, à la jurisprudence de Strasbourg, sur deux éléments. Le premier élément concerne la motivation de l'arrêt sur la question de la culpabilité. La formule proposée est de faire en quelque sorte du président le scribe de la discussion du jury. Cela supposera, de sa part, à la fois beaucoup de modestie — car il devra s'effacer devant une décision qui reste celle du jury — et la capacité à traduire adéquatement en droit la motivation de la décision.
Le deuxième élément de réponse concerne le problème de l'appel. L'orateur souligne que les motifs d'appel sont précisément liés à la motivation de l'arrêt.
Il faut aussi prendre en compte la multiplication, soulignée par les présidents de cours d'appel, du nombre d'affaires soumises aux cours d'assises et les difficultés de gestion qui en découlent.
L'intervenant se réjouit de la position exprimée par le ministre, à la fois quant aux problèmes soulevés et quant aux solutions avancées dans la proposition de loi déposée par l'orateur.
Mme Crombé-Berton se rallie à ce qui vient d'être dit sur le fait que ce n'est pas le tout récent arrêt de la Cour de Strasbourg qui est à l'origine des travaux de la commission, mais qu'il s'agit d'une réflexion déjà engagée depuis longtemps.
En ce qui concerne la motivation, la question est de savoir qui motive, et comment. La culpabilité est un problème qui relève du jury, alors que le juge est associé à celui de la peine.
Comment faire en sorte que ce ne soit pas le juge qui motive la décision sur la culpabilité, sachant que la motivation est un élément de procédure très important, qui conditionne d'éventuels recours ?
Quant au contenu de la motivation, il faut examiner s'il pourrait s'agir d'éléments circonstanciels, et non d'une réelle motivation telle qu'elle est envisagée dans la loi sur la motivation des actes administratifs.
Il faut en tout cas faire preuve de prudence, compte tenu de la spécificité du jury.
M. Van Parys se joint aux précédents intervenants qui ont souligné que la problématique à l'examen figure depuis longtemps à l'agenda de la commission de la Justice du Sénat et qu'elle n'a donc pas été subitement mise à l'ordre du jour à cause de l'arrêt Taxquet. Il convient toutefois de mener la discussion en toute sérénité. Force est de répondre aux observations formulées concernant la motivation, mais le problème est que l'obligation de motivation entre dans une certaine mesure en totale contradiction avec le système actuel du jugement par jury. Douze jurés se forgent une intime conviction à l'issue d'un débat oral et s'appuient sur celle-ci pour répondre aux questions qui leur sont posées. Il n'est donc pas si simple d'instaurer dorénavant une obligation de motivation. La question se pose de savoir dans quelle mesure la motivation coïncide avec la réalité même du jury populaire, que l'on ne peut pas ou ne veut pas remettre en question.
M. Vankrunkelsven partage ce point de vue. Au niveau de la méthode, ne vaudrait-il pas mieux examiner séparément la problématique de l'obligation de motivation ou ne faudrait-il quand même pas poursuivre la discussion de la réforme de la procédure d'assises dans son ensemble ? L'intervenant souhaite connaître le point de vue du gouvernement en la matière.
Compte tenu de l'arrêt Taxquet, le ministre demande d'examiner prioritairement les chapitres IV — Motivation et III — Le délibéré conjoint- du rapport définitif de la Commission de réforme. Il est important de mener d'abord le débat sur ces points. Lors de la discussion sur la motivation et le délibéré conjoint, il est probable que l'on sera de toute façon également confronté à la question des assesseurs (voyez le chapitre Ier — Cadre spécifique).
L'intervenant souligne qu'il n'a pas encore reçu l'avis du Conseil supérieur et que les précisons qui suivent sont données sous réserve.
Le ministre est favorable à l'introduction d'une obligation de motivation sur la question de la culpabilité, aussi bien en cas de condamnation qu'en cas d'acquittement. Dans son rapport, la Commission de réforme a observé à bon droit qu'une telle motivation est nécessaire et contribue à une meilleure acceptation de la décision, tant par le condamné que par la victime. Ceci pourrait également améliorer la qualité des sentences, étant donné que les jurés devront rationaliser et objectiver leur intime conviction. En outre, cette modification permettra un certain contrôle. L'intervenant se rallie au rapport de la Commission en ce qu'il indique qu'il n'y a aucune obligation de répondre à toutes les conclusions des parties sur la question de la culpabilité. La procédure devant la cour d'assises est essentiellement une procédure verbale et doit le rester. Comme le souligne la Commission, il convient également de ne pas formuler d'opinions divergentes. Il faut se demander comment cette motivation sera organisée, à quel moment et par qui.
Pour l'intervenant, il est évident que l'on ne peut pas s'en remettre à des profanes, c'est-à-dire au jury, pour rédiger une motivation. Celle-ci doit nécessairement être rédigée par un ou plusieurs juges professionnels.
Vient ensuite la question du délibéré conjoint. La Commission a proposé que le président délibère conjointement avec le jury, même à propos de la culpabilité. Dans ce cas, le président n'a en principe aucun droit de vote, sauf s'il y a certains rapports de voix. L'intervenant voit plusieurs avantages à ce système de délibération conjointe. Il est illusoire de penser qu'en pratique, il soit possible de séparer les faits des questions juridiques. Un jury qui se prononce doit inévitablement statuer également sur l'application des règles de droit, sans avoir été formé à cet effet. De plus, la complexité du droit pénal et des affaires pénales augmente sans cesse. Ainsi, la cour d'assises examine beaucoup plus d'affaires de criminalité organisée. Il y a aussi la problématique de l'opposition entre les règles de preuve et l'intime conviction. La participation des juges professionnels au délibéré apportera également plus d'équilibre sur ce plan. En outre, il est important d'élaborer la motivation durant le délibéré. En cas de motivation a posteriori, les juges sont tenus à l'écart. La présence des juges professionnels garantit également une décision équitable. Chaque juré pèsera de manière égale sur la décision. En conclusion, l'intervenant se dit favorable à un délibéré conjoint. Un contre-argument souvent invoqué est que l'on touche à l'essence même du jury. L'intervenant estime qu'il vaut mieux offrir immédiatement une alternative. On pourrait par exemple décider que le jury continue de délibérer seul de la question de la culpabilité, puis se réunit tout de suite après avec les magistrats professionnels, qui exposent la motivation, la finalisent et en donnent lecture. Il considère qu'il convient de peser le pour et le contre et qu'il faut un débat approfondi pour faire le bon choix.
À ce sujet, le ministre souhaite encore formuler une observation marginale par rapport au chapitre Ier du rapport, en ce qui concerne la suppression des assesseurs. Le ministre n'y est pas favorable. Dans notre pays, il est en effet d'usage que toute sentence importante soit prononcée par trois magistrats professionnels. La proposition de la Commission se fonde sur des motivations de type organisationnel, à savoir que les assesseurs sont soustraits à leurs activités ordinaires, ce qui paralyse les tribunaux et entraîne un arriéré judiciaire considérable. L'intervenant propose la solution intermédiaire suivante. L'on pourrait établir une liste des magistrats à la retraite ou des magistrats émérites, dans laquelle on pourrait puiser ensuite si la désignation d'assesseurs devait entraîner des problèmes d'ordre organisationnel. Certes, il conviendrait pour cela d'opérer quelques modifications législatives, par exemple sur le plan du privilège de juridiction pour la procédure d'assises. L'administration dispose déjà d'une étude sur la question.
M. Mahoux revient sur la solution alternative possible à la présence du président de la cour durant la totalité des délibérations.
Pour garantir la nature spécifique du jury populaire, on aurait pu imaginer de fonctionner en deux temps: le jury délibère en l'absence de juge professionnel, et rend sa décision sur la culpabilité (qui pourrait être rendue publique), la motivation de cette décision étant élaborée en un second temps.
L'orateur a en effet pu constater, à l'occasion des contacts qu'il a pu avoir avec des membres du barreau, que ceux-ci, en particulier ceux qui sont très attachés à l'institution de la cour d'assises, sont très sensibles au fait qu'un juge professionnel, même face à douze jurés, risquerait d'avoir une influence prépondérante.
La question est de savoir qui va traduire, à l'intention du juge professionnel, la manière dont le débat s'est déroulé.
Il faut trouver une solution qui puisse satisfaire à la fois la défense et prendre en compte le point de vue des juges professionnels, qui n'apprécieraient sans doute pas d'être instrumentalisés. Or, si la rédaction de la motivation suit la décision, le magistrat chargé de la rédiger ne sera que la « plume servile » du jury.
Une deuxième réflexion concerne les assesseurs, et la possibilité, en cas de problème, de recourir à des juges émérites pour siéger en qualité d'assesseurs. L'intervenant attire l'attention sur les conséquences d'un tel système par rapport à la composition du Conseil supérieur de la Justice, qui compte à la fois des magistrats et des non-magistrats. Dès lors que des juges émérites, qui restent juges, pourraient être rappelés pour siéger comme assesseurs, ils ne pourraient plus siéger au Conseil supérieur de la Justice autrement que dans le quota des magistrats.
Enfin, l'orateur demande quand le Conseil supérieur de la Justice devrait rendre son avis sur la problématique de la cour d'assises.
Le ministre répond, sur ce dernier point, que cet avis sera examiné en assemblée générale par le Conseil supérieur de la Justice le 28 janvier prochain.
M. Vankrunkelsven demande des précisions sur la demande visant à traiter en priorité la motivation et le délibéré conjoint. Cela signifie-t-il que le traitement distinct demandé va aboutir à une législation partielle ?
Mme Van dermeersch note que le gouvernement est favorable au maintien des assesseurs en dépit de l'avis de la Commission qui prône un président siégeant seul. Est-ce à dire que, pour trancher la question de la culpabilité, le jury sera assisté du seul président ou sera-t-il également assisté des assesseurs ?
L'intervenante émet aussi certaines réserves à propos de l'établissement d'une liste de magistrats émérites. La cour d'assises est un élément essentiel de la justice et doit avoir la place qui lui revient dans le système juridique. La population souhaite une motivation rationnelle et plus claire, ainsi qu'une procédure d'assises compréhensible qui lui permette d'avoir réellement voix au chapitre dans le jugement de crimes graves. Par conséquent, le ministre doit prévoir les moyens nécessaires pour parvenir à trouver sans problème des présidents et des assesseurs et pour leur fournir l'accompagnement adéquat. Selon elle, ce n'est pas une bonne idée de faire appel à des magistrats à la retraite. Personnellement, l'intervenante est favorable au maintien des assesseurs, compte tenu de l'importance de la tâche qui est celle du président dans une procédure d'assises. Il faudrait améliorer l'accompagnement des présidents et des assesseurs, mais aussi des jurés d'assises. Les avocats spécialistes des assises réagiront d'abord à la motivation et attendront une réponse à chaque argument qu'ils ont fait valoir dans leur conclusion. Il faut se garder d'en arriver à ce que les magistrats obligent les membres du jury à employer dans la motivation un langage juridique tellement complexe que le jury ne comprendra plus sa propre motivation. Comment le gouvernement conçoit-il précisément cette motivation ?
M. Delpérée souhaite formuler trois observations à propos du problème de la délibération conjointe.
Il revient tout d'abord à l'article 150 de la Constitution, en vertu duquel les affaires criminelles, les délits politiques et les délits de presse sont soumis au jury populaire.
La question de savoir, par exemple, s'il y a crime parce qu'un faux a été commis est une question technique extrêmement précise. Si le président est présent au moment du délibéré, il est clair qu'il va influencer les douze profanes que sont les jurés en la matière. Se trouve-t-on alors encore dans la logique de l'article 150 de la Constitution, qui prévoit que c'est le jury qui connaît des affaires criminelles ?
Ensuite, il faut reconnaître qu'il n'est pas aisé de traduire, en termes juridiques, une intime conviction, qui peut être fondée, par exemple, sur la qualité d'une plaidoirie, ou sur le comportement de l'accusé. Comment traduire cela en termes juridiques dans la motivation d'un arrêt ?
Enfin, l'orateur trouve intéressante la suggestion formulée par un précédent intervenant, et consistant à découpler dans le temps la délibération du jury sur la culpabilité et la motivation de la décision sur ce point.
Cette formule rejoint l'argumentation de philosophes du droit tels que Chaïm Perelman. Celui-ci, dans son traité sur l'argumentation juridique, explique que, lors de la rédaction d'une décision de justice, plutôt que d'examiner les motifs les uns après les autres pour aboutir à une décision, la réalité pratique est que l'on se forme une conviction, que l'on étaie ensuite par une série de motifs.
Mme Crombé rappelle que le jury se prononce sur des éléments de fait, et que le droit est de la compétence d'un juge.
On cherche aujourd'hui un système destiné à traduire en droit les éléments de fait qui amènent à la formation d'une intime conviction.
L'intervenante ne voit pas comment un juge pourra traduire en droit ce qui relève de l'intime conviction de douze personnes différentes. Chacun des douze jurés sera censé adhérer à cette motivation alors qu'il n'a aucune formation juridique. La faisabilité d'un tel système, qui risque de compliquer encore un débat déjà complexe, pose problème.
L'intervenante précise qu'elle ne s'est pas encore forgé d'opinion définitive en la matière, et qu'elle est ouverte à la discussion.
M. Van Parys relève que le débat montre qu'il existe une contradiction fondamentale entre, d'une part, le système fondé sur l'intime conviction des douze jurés et, d'autre part, la demande de motivation.
L'intervenant se rangera au verdict de la CEDH, mais il ne parvient toujours pas à se faire à l'idée que notre procédure d'assises et le système de l'intime conviction puissent être considérés comme étant d'une nature telle qu'ils ne permettent pas la tenue d'un procès équitable. On affirme en fait que la procédure belge dans laquelle les jurés se forgent une intime conviction conduit à la conclusion que ce type de procès n'est pas équitable. Selon l'intervenant, l'intime conviction à laquelle les jurés arrivent à l'issue d'un débat oral très approfondi garantit un procès plus qu'équitable.
Une motivation a posteriori ne reflète en réalité plus l'analyse que le jury a développée pendant plusieurs heures ou plusieurs jours et ne constitue en réalité qu'un faux-fuyant, tel un wagon que l'on accroche en queue de convoi. Les juges professionnels n'ont d'ailleurs pas assisté à l'ensemble de la délibération.
L'intervenant pense que les commissaires doivent disposer d'un peu de temps pour vérifier s'ils veulent omettre certains éléments de la discussion. Par exemple, la discussion sur la motivation est étroitement liée au débat sur les voies de recours. Doit-on également mener une réflexion sur l'économie de procédure ?
Par exemple, l'intervenant est personnellement favorable à la suppression des assesseurs pour des motifs d'économie de procédure.
M. Vankrunkelsven estime que l'approche présentée par M. Delpérée est très intéressante. Il arrive souvent que l'on se forge assez vite une certaine conviction et que l'on cherche par la suite des arguments permettant d'étoffer et d'objectiver cette conviction. Ce phénomène se manifeste aussi bien chez des jurés qu'au sein d'un collège de magistrats professionnels.
D'une part, le magistrat risque de peser trop lourdement sur la délibération si on le laisse y participer directement. Il risque aussi d'orienter par trop le jury dans une certaine direction. D'autre part, il est difficile de fournir une motivation sans avoir participé à la délibération.
Ne pourrait-on pas trouver une solution intermédiaire consistant pour le magistrat à assister à la délibération en qualité d'observateur et à rédiger ensuite la motivation avec les jurés dans les termes juridiques requis ? Il faut trouver un équilibre entre l'intime conviction du jury et l'obligation de motivation.
M. Mahoux estime qu'en tout état de cause, il faudra aboutir à une solution nuancée qui ne donnera entière satisfaction ni aux uns ni aux autres.
Pour son groupe, l'impératif politique est en tout cas de maintenir le jury populaire.
Il faut par ailleurs tenir compte de l'exigence de motivation formulée par la Cour de Strasbourg.
En outre, il serait préférable que l'intime conviction des jurés soit la plus éloignée possible de simples impressions ou opinions non autrement étayées, et qu'elle repose sur une réflexion plus élaborée.
La nécessité de motiver peut d'ailleurs avoir une certaine influence sur le fonctionnement du jury d'assises.
Enfin, il faudra se décider par rapport au problème des assesseurs. En tout état de cause, si le président devait être présent lors de la délibération sur la culpabilité, il n'est pas envisageable que cette présence soit étendue à l'ensemble de la cour. On pourrait prévoir que le président, s'il est présent à cette délibération, n'intervient pas. Cela sauvegarderait le système du jury populaire, tout en ne rendant pas impossible la tâche du président qui sera chargé de rédiger une motivation.
L'orateur souligne encore que les différents aspects de la problématique de la cour d'assises sont liés, et qu'il doit être possible de les traiter tous dans un délai raisonnable.
M. Van Den Driessche confirme qu'il est difficile de trouver un équilibre entre la beauté de l'existence d'un jury populaire et l'obligation de motivation. L'intervenant souligne surtout que l'arrivée soudaine d'un magistrat professionnel spécialisé paralysera la dynamique de groupe. La réunion des douze jurés se déroulera d'une manière totalement différente selon que le magistrat professionnel sera présent ou non.
M. Delpérée souligne que la commission devra également s'interroger sur le point de savoir quel contenu donner à la notion de « motivation ». Il ne s'agit pas de reconstituer un processus intellectuel dans le chef des jurés, mais de dire pourquoi l'accusé doit être considéré comme coupable et doit être condamné à telle peine.
M. Mahoux fait observer que, dans l'affaire Taxquet, le problème venait de ce qu'il y avait eu un témoin anonyme et qu'en l'absence de motivation, il était impossible de déterminer si le témoin anonyme avait eu une influence significative sur le verdict.
L'intervenant souligne aussi l'importance du nombre de questions posées aux jurés. Lorsque leur nombre est élevé et leur caractère suffisamment détaillé, comme c'est le cas par exemple en France, la Cour de Strasbourg aurait, semble-t-il, tendance à considérer que les réponses qui y sont apportées équivaudraient à une motivation.
Encore faut-il voir si un tel système est praticable, en l'absence de juge professionnel participant à la délibération, lorsque les questions sont assez techniques.
M. Delpérée pense que l'arrêt de Strasbourg eût été le même en l'absence de témoin anonyme. Le problème est que, vu le nombre très réduit de questions, la décision n'est pas suffisamment justifiée.
Mme Crombé souhaiterait disposer d'éléments de droit comparé en matière d'organisation de la cour d'assises.
Le ministre renvoie au rapport du groupe de travail sur la cour d'assises, qui contient des éléments en la matière.
En ce qui concerne la méthode, le ministre explique qu'il ne demande pas le dépôt d'une proposition de loi distincte sur les points prioritaires. Il demande seulement que l'on débatte d'abord de ces points afin que cela puisse servir dans le cadre des retombées ultérieures de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Il est préférable d'examiner la réforme de la procédure d'assises dans sa globalité, en tenant compte aussi de la compétence et des recours.
S'agissant de la solution intermédiaire proposée en ce qui concerne les assesseurs, l'intervenant renvoie à l'article 120 du Code judiciaire, qui précise déjà qu'un magistrat âgé de 67 à 70 ans peut être désigné comme président d'assises. La désignation de ces magistrats comme assesseurs n'est donc pas nouvelle mais constitue simplement une extension. Si l'on maintient les assesseurs, ceux-ci participeront aussi au délibéré conjoint.
En ce qui concerne la motivation, le ministre partage l'avis de M. Van Parys. La procédure d'assises actuelle garantit bel et bien la tenue d'un procès équitable. L'intervenant constate que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme va de plus en plus loin. La France aussi a récemment réformé sa procédure d'assises en profondeur, sans toutefois y inclure une obligation de motivation mais en prévoyant la possibilité de refaire entièrement le procès en appel devant un jury composé différemment. L'intervenant craint donc qu'il faille prévoir en tout état de cause l'une ou l'autre forme de motivation.
Après réflexion, le ministre se déclare plutôt favorable à un délibéré conjoint. On pourrait difficilement instaurer un système dans lequel le juge professionnel serait totalement mis à l'écart et verrait le jury commettre des erreurs sans pouvoir intervenir. Peut-on demander au juge professionnel de rédiger une motivation pour un raisonnement totalement erroné du jury ? L'intervenant estime que la conviction intime doit en tout cas être objectivée. Il est favorable à un délibéré conjoint, mais pourrait aussi à titre subsidiaire, se satisfaire de l'alternative. La motivation sera sans doute une sorte de motivation standard, accompagnée de la motivation juridique. En ce qui concerne le risque que le magistrat professionnel ait une influence prépondérante, l'intervenant souligne qu'aujourd'hui déjà, les juges professionnels sont présents lors du délibéré sur la peine. En l'espèce, on applique certaines règles de manière telle que les juges professionnels interviennent seulement à la fin de la procédure. On pourrait appliquer la même règle de sorte que le jury se prononce d'abord et/ou que le juge ne puisse pas voter. À cet égard, il serait aussi indiqué que les assesseurs soient présents afin de vérifier que le président se comporte correctement avec le jury. Il y a une forme de contrôle mutuel entre les juges professionnels.
M. Vankrunkelsven se demande ce que le ministre entend par raisonnement erroné. Est-ce un raisonnement juridiquement fautif ? Si le président commence à rectifier des erreurs, on pourra réellement parler d'interférence.
M. Mahoux constate qu'il existe effectivement une contradiction entre l'exigence de motivation exprimée par la Cour de Strasbourg et le système de l'intime conviction.
Cependant, à côté des éléments qui peuvent emporter la conviction des jurés, il existe aussi un certain nombre de principes généraux (égalité des armes, proportionnalité ...) qui doivent être respectés au cours du procès pour garantir son caractère équitable.
Tout dépend donc effectivement du contenu que l'on donnera à la notion de motivation.
Mme Van dermeersch est d'avis que le traitement prioritaire des chapitres relatifs au délibéré conjoint et à la motivation peut difficilement être dissocié du débat concernant la composition de la cour d'assises. En ce qui concerne le délibéré conjoint, l'intervenante est d'avis qu'il ne faut pas sous-estimer le jury populaire. Le fait de siéger dans un jury populaire constitue souvent une expérience très impressionnante et les membres du jury font de leur mieux pour agir avec un maximum d'équité. Ils se forgent une intime conviction sur la base des éléments produits et des expertises réalisées et sont bel et bien animés par une motivation lorsqu'ils répondent affirmativement ou négativement à la question de la culpabilité. Il ne s'agit donc pas de l'existence ou non d'une motivation mais de consigner celle-ci sur papier. Les membres du jury n'ont pas de qualifications juridiques et peuvent difficilement répondre à toutes les conclusions des parties. La solution serait peut-être de redéfinir ce qu'il faut entendre par « conviction intime », qui est une notion très ancienne. En outre, la motivation devant une cour d'assises doit être dissociée de la motivation devant d'autres tribunaux. Il faudrait définir avec précision ce que recouvre la notion de motivation dans le cadre d'un procès d'assises. Il serait souhaitable aussi que le jury dispose d'une copie du dossier pour rédiger sa motivation. La qualité s'améliorerait sensiblement si un dossier, de préférence numérique, était mis à la disposition des membres du jury depuis le premier jour de leur désignation. Ce dossier procurerait un meilleur soutien qu'une simple procédure orale. Il n'est pas souhaitable d'utiliser des formulaires standard dans le cadre de la motivation.
M. Delpérée souligne qu'à la lecture de l'arrêt de la Cour de Strasbourg, il apparaît que son exigence de motivation est avant tout une exigence formelle. Il faut que la décision révèle, y compris dans la forme, un certain nombre d'éléments de fait et/ou de droit qui justifient la décision. Or, actuellement, nos arrêts d'assises ne comportent pas ces éléments. Il faut aussi que les motifs avancés ne soient pas simplement des motifs pro forma ni des clauses de style, mais qu'il s'agisse de motifs pertinents.
Il faut donc, en ce qui concerne la motivation, avoir égard à la fois à la forme et à la qualité.
M. Mahoux fait remarquer que le principe du jury populaire est à la base de sa proposition de loi. D'aucuns plaident pour la suppression de la cour d'assises, ce qui entraîne la suppression du jury populaire. Ce n'est pas le point de vue de l'intervenant.
Quant à la composition du jury, M. Mahoux pense que le nombre de 12 jurés est élevé. Il propose de ramener ce nombre à 8. La Commission de réforme de la cour d'assises a estimé que la réduction du nombre de jurés permettrait une gestion plus efficace de la cour d'assises. La question du nombre de jurés est liée à celle du nombre de magistrats professionnels puisque ceux-ci seront peut-être amenés à intervenir dans le délibéré. Or, la réduction du nombre de jurés ou la suppression des assesseurs a une influence directe sur le rapport entre le nombre de jurés et le nombre de magistrats professionnels. Pour trancher cette question, il faudra au préalable mener une réflexion sur le rôle des assesseurs. Si l'on estime que leur plus-value est faible et qu'il faut supprimer la fonction d'assesseurs, rien ne s'oppose alors à réduire le nombre de jurés à 8.
En ce qui concerne la fourchette d'âge pour être juré, M. Mahoux soutient l'idée d'élargir la fourchette, qui est actuellement de 30 à 60 ans, pour la faire passer de 25 à 65 ans. La fixation de la limite supérieure à 65 ans semble être un minimum aux yeux de l'intervenant. Cela tient compte de l'évolution de l'espérance de vie. La limite actuelle à 60 ans constitue un frein quant à la possibilité d'intervenir dans la vie publique au travers de la participation à un jury d'assises.
M. Mahoux plaide ensuite pour l'organisation d'une session d'information pour les jurés. La proposition de loi renvoie au Roi pour déterminer les modalités générales, mais aussi particulières, pour chaque session d'assises de ces formations préalables. Il semble en effet souhaitable de formaliser dans la loi qui se passe à l'heure actuelle de façon informelle sur le terrain.
Enfin, sur la question de la récusation des jurés, le régime actuel permet la récusation sans obligation de motivation. M. Mahoux renvoie à l'article 828 du Code judiciaire qui fixe les motifs de récusation des juges. Il propose de supprimer la récusation sans motif. La défense et l'accusation devraient motiver leur demande de récusation.
M. Monfils confirme que le groupe MR est favorable au maintien du jury populaire.
Lorsque l'on entre dans le détail de la discussion sur la composition du jury, le nombre de jurés, etc., il faut avoir à l'esprit les autres éléments de la problématique. Ainsi, si l'on décide de modifier les règles de compétence de la cour d'assises afin de réduire fortement le nombre d'affaires qui sont renvoyées en assises, rien ne s'oppose à maintenir dans un tel scénario un jury composé de 12 personnes.
Le maintien d'un jury composé de 12 jurés est une garantie essentielle si l'on opte pour un délibéré conjoint où il faut éviter que le jury soit sous l'influence des magistrats professionnels. La participation de magistrats professionnels au délibéré ne manquera pas d'impressionner certains membres du jury. En réduisant le nombre de jurés à 8, on risque de réduire la prépondérance des jurys populaires — ce qui correspond à l'idée de base du système — par rapport aux magistrats professionnels.
L'intervenant ne partage pas l'avis du préopinant sur la motivation des récusations. Il ne trouve pas choquant que chaque partie s'efforce d'aboutir à la composition du jury qui lui semble être la plus favorable à sa cause et procède dès lors à des récusations sans motif.
Sur la question de la formation préalable, M. Monfils rappelle que dans le système actuel, les jurys fonctionnent sur la base de leur intime conviction. À la suite de l'arrêt rendu le 13 janvier 2009 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Taxquet, une certaine forme de motivation des arrêts d'assises est exigée. Dans un système où les jurés doivent motiver leur décision, un élément de formation s'avère indispensable.
Sur la question de l'âge, M. Monfils n'est pas opposé à l'idée d'étendre la fourchette d'âge pour être inscrit sur la liste des jurés potentiels.
Mme Van dermeersch estime que l'on peut maintenir à 12 le nombre des jurés. Elle n'a pas non plus d'objection par rapport à la composition actuelle du jury. Il ne lui semble pas nécessaire d'ajouter des équilibres supplémentaires à respecter, sur la base du sexe par exemple. Le but n'est d'ailleurs pas de conférer une sorte de représentativité démocratique à ces 12 personnes. La justice est le seul objectif vers lequel le jury doit tendre. En revanche, on pourrait peut-être permettre aux victimes de donner leur avis sur la composition du jury.
En ce qui concerne l'âge, l'intervenante considère qu'il ne faut pas l'abaisser. Il faut veiller à ce que les jurés disposent d'une force et d'une stabilité psychiques suffisantes pour être capables de rendre un bon jugement. Il serait bon de leur fournir une certaine forme d'accompagnement, comme celui proposé aux victimes.
Il semble également important de limiter la durée des procédures d'assises pour que les membres du jury puissent aller jusqu'au bout de leur mission. Un procès d'assises qui dure plus d'une semaine est psychiquement très éprouvant. On pourrait éventuellement limiter la durée du procès en permettant aux jurés de consulter le dossier, les pièces à charge et à décharge et ce, dès le début de la procédure. Les pièces pourraient également être mises à disposition sous forme numérique.
M. Delpérée rappelle que le CDH est favorable au maintien du jury populaire. Il ne partage pas du tout le point de vue exprimé encore récemment dans la presse par le professeur Bruno Dayez, qui est adversaire du jury populaire et plaide pour sa suppression.
Le maintien de la cour d'assises s'impose pour plusieurs raisons.
La première est à trouver dans notre Constitution. Une suppression du jury n'est pas possible tant que l'on maintient l'article 150 de la Constitution. La suppression du jury nécessiterait une modification constitutionnelle.
La seconde raison vise les délits politiques. L'intervenant pense qu'il est tout à fait normal que les délits politiques ne soient pas connus pas des magistrats professionnels mais par des personnes qui sont issues de l'opinion publique et qui en sont les représentants.
Enfin, le jury est également compétent pour les délits de presse. Or, comme la presse s'adresse à l'opinion publique, il est normal que ce soit cette même opinion publique qui, par l'intermédiaire des jurés, connaisse des délits de presse.
M. Delpérée reconnaît que les délits de presse et les délits politiques ne sont pas courants devant les cours d'assises. Si une majorité devait se dégager en faveur de la suppression du jury populaire — ce que l'orateur ne souhaite pas — il faudrait à tout le moins le maintenir pour les délits politiques et les délits de presse.
Sur la question de la formation des jurés, M. Delpérée est sceptique tant pour ce qui concerne le moment de la formation que son contenu.
Faut-il organiser une formation pour tous les Belges qui sont susceptibles de devenir jurés ou sera-t-elle donnée lorsqu'une personnes a été choisie comme juré ? Sur quoi portera la formation ? Il semble impossible d'apprendre à un citoyen moyen, en quelques heures, comment il faut motiver une décision judiciaire ou lui donner un cours de droit pénal ou de procédure pénale.
En ce qui concerne l'âge des jurés, M. Delpérée s'interroge sur la limite inférieure de la fourchette. Pourquoi proposer 25 ans pour être juré alors que pour être candidat aux élections fédérales, il faut avoir 21 ans ? Il rappelle qu'un député ou un sénateur prend des décisions qui engagent l'ensemble du pays sur les sujets les plus fondamentaux. Pourquoi disposerait-on à 21 ans de la maturité nécessaire pour être parlementaire alors qu'il faudrait attendre 25 ans pour pouvoir être juré dans un procés d'assises ?
Sur la question du nombre de jurés, M. Delpérée partage l'avis de MM. Mahoux et Monfils. Cette question est étroitement liée à celle du rôle du président et éventuellement des assesseurs lors des délibérations du jury. Comme il l'a déjà souligné antérieurement, la présence du seul président à côté de 12 jurés peut avoir une influence déterminante dans les décisions prises. A fortiori, si l'on devait réduire le nombre des jurés à 8 et les laisser délibérer en présence du président et de 2 assesseurs, ce serait inscrire le professionnalisme au cœur même du jury.
Enfin, l'intervenant formule une remarque sur le régime actuel de récusation. La procédure de récusation sans motif est souvent mal perçue par les personnes qui sont récusées.
M. Van Den Driessche plaide pour le maintien du jury. L'intervenant attend toutefois l'avis du Conseil supérieur de la Justice avant de traiter tous les points plus en détail.
Mme Crombé-Berton revient à la problématique de la motivation. Sur le plan juridique, pour avoir une motivation bien faite, il faudra qu'un magistrat professionnel assiste les jurés. À défaut, le risque d'erreur juridique, et donc de cassation des arrêts, serait trop important car les jurés ne sont pas formés pour motiver une décision qui vient de l'intime conviction. Elle pense que l'on pourrait s'inspirer du système français où un magistrat professionnel prépare une série de questions écrites. Dans un tel scénario, le magistrat professionnel n'assistant pas à la délibération du jury, on évite le risque d'influence des délibérations des jurés.
Mme Taelman souligne qu'un point fondamental de la proposition à l'examen, hormis un alignement sur la jurisprudence internationale, est de rendre la procédure plus efficace et la charge de travail plus supportable pour les cours et les tribunaux. Dans cette optique, une réduction du nombre de jurés ne présente aucun avantage.
L'intervenante a l'impression que la majorité opte clairement pour une justice populaire. Si l'on réduit le nombre de jurés de la sorte, l'on court le risque de réduire leur contribution et d'accroître l'influence des magistrats professionnels. En conséquence, l'intervenante est en faveur du maintien du nombre de jurés.
Quant à l'abaissement de la limite d'âge, il convient de peser le pour et le contre. Un argument est qu'il faut disposer d'une certaine expérience de la vie. Or rien ne garantit que l'on ait cette expérience à 30 ans; cela dépend d'une personne à l'autre. Vu que l'on est éligible à 21 ans, l'intervenante opterait plutôt pour cette même limite d'âge. Elle estime toutefois que la condition d'âge n'est pas un point fondamental.
M. Collignon ne pense pas que le système de récusation des jurés doive être calqué sur la récusation des juges professionnels. Pour les juges professionnels, la récusation est demandée par la partie qui a le sentiment que le juge n'offre pas toutes les garanties d'impartialité. Par contre, lorsque le parquet ou l'accusé demandent la récusation d'un juré, ils ne disposent que d'une information très réduite sur les jurés (âge, profession). On ne peut pas suivre le même raisonnement dans les deux hypothèses. Imposer une motivation des demandes de récusation va souvent obliger l'avocat à dévoiler une partie de sa défense. Or, l'avocat de l'accusé cherche souvent, lors de la composition du jury, à déterminer un profil qui soit plus favorable à sa cause. Dès lors, l'intervenant n'est pas favorable à l'idée de supprimer la récusation sans motivation.
Si l'on opte pour le maintien du jury populaire pour juger les crimes les plus graves, il faut réfléchir à la question de la formation des jurés. M. Collignon pense que la formation des jurés est importante pour la bonne compréhension du procès. Il faut que l'on inculque aux jurés des notions telles que l'intime conviction qui est contrebalancée par le doute, les causes de justification, etc. Il faut, comme cela se fait déjà de manière informelle, que l'on fasse démarrer le procès un jour plus tôt pour expliquer les règles.
M. Delpérée renvoie à la vidéo conçue par la cour d'assises de Liège et qui explique ce qu'est un procès d'assises. Le président fait venir les jurés un jour pour leur montrer la vidéo. Il faut cependant s'interroger sur la personne la plus indiquée pour assurer la formation. L'intervenant ne pense pas que cette tâche doive incomber au président de la cour d'assises.
M. Collignon confirme que la formation est un élément essentiel si l'on veut s'assurer que les jurés comprennent bien les débats.
Au niveau de la composition du jury, l'intervenant constate que ce sont le plus souvent les mêmes catégories socio-professionnelles qui acceptent la charge de juré. Il est fréquent que les indépendants soient excusés par le président car ils font valoir que la charge de juré perturbe trop leur activité économique. L'intervenant pense qu'il faut que le panel de personnes qui composent le jury soit représentatif de la société. Cela n'a pas d'intérêt de maintenir le principe du jury si ce sont toujours les mêmes catégories socio-professionnelles qui en assument la charge.
M. Courtois estime que le problème abordé ici est beaucoup plus fondamental qu'il n'y paraît, et touche également les compétences des tribunaux correctionnels. On tente en effet de correctionnaliser un maximum d'affaires pour éviter des procès d'assises, pour divers motifs, notamment financiers.
La question des compétences réservées à la cour d'assises, et parmi lesquelles figurent en tout cas les délits politiques et les délits de presse, mérite un débat de fond.
Pour le surplus, il semble exister un consensus sur le maintien du jury, ce dont l'orateur se réjouit.
Quant au nombre des jurés, l'intervenant est favorable au maintien du nombre actuel de douze qui, au-delà de son caractère symbolique, est de nature à contrebalancer la participation inévitablement plus active des magistrats professionnels. Il est par ailleurs d'avis que l'on a parfois tendance à sous-estimer le rôle des assesseurs dans un procès d'assises, qui dépasse largement le simple fait de remplacer le président dans certaines circonstances.
L'orateur se dit par contre plus préoccupé en ce qui concerne la formation des jurés. Peut-on imaginer qu'un président de cour d'assises donne une formation à des jurés avec lesquels il va devoir délibérer ?
Les vidéos, auxquelles il a déjà été fait allusion, ne sont pas mal faites, mais elles se limitent à redéfinir la position de chacun des acteurs au procès, sans fournir aucun élément de nature pédagogique sur les notions juridiques de base.
Qui va donner la formation, à quel moment, et comment le faire sans influencer les jurés d'une manière ou d'une autre ?
En ce qui concerne l'âge des jurés, l'intervenant pense, comme Mr Delpérée, que 21 ans est un âge adéquat.
Il souligne en outre qu'en matière d'assises, la procédure est très importante. Il s'agit certes d'une procédure basée sur le jury populaire, mais le rôle des experts peut avoir une influence considérable sur le déroulement du procès, comme de récents exemples l'ont démontré.
Le rapport du juge d'instruction revêt également une grande importance. La situation s'est déjà quelque peu améliorée mais il faut rappeler que, jusqu'il y a peu, le magistrat instructeur devait faire rapport uniquement de mémoire, ce qui risquait de faire perdre un certains nombre d'éléments déterminants pour l'instruction.
L'orateur souhaiterait aussi disposer du récent arrêt de la Cour de Strasbourg, afin de pouvoir analyser en quoi consiste exactement l'exigence de motivation formulée par la Cour.
M. Vandenberghe souligne que le débat ne date pas d'aujourd'hui. Il renvoie aux discussions qui ont eu lieu sous des législatures précédentes, lors desquelles il a souvent insisté sur le fait que, dans un procès d'assises, le degré de la peine devait être motivé. Toutefois, le Parlement belge, en particulier la commission de la Justice de la Chambre, a fait un choix clair. Plutôt que d'élaborer un nouveau Code de procédure pénale, basé sur le texte du « grand Franchimont » qui avait été adopté au Sénat, il a choisi de se faire condamner par la Cour européenne de Strasbourg et de voter, a posteriori, des lois de réparation et d'adaptation. Des adaptations risquent d'être également nécessaires pour la loi sur la détention préventive et pour la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale. Le temps de l' « imperatoria brevitas » est clairement révolu. Il est aujourd'hui indispensable d'assurer la transparence du processus décisionnel et le contrôle démocratique de celui-ci.
L'intervenant souligne que l'arrêt Taxquet pose un problème pour tous les procès d'assises en cours.
L'intervenant pense qu'il est bon de maintenir le jury; il retrace les raisons historiques de l'instauration du jury populaire. On a voulu rompre, à l'époque, avec l'idée inacceptable d'un pouvoir judiciaire dépendant du pouvoir exécutif. De 1815 à 1830, en effet, le pouvoir judiciaire était aux mains du ministre néerlandais de la Justice. Le jury fut ainsi considéré comme un moyen d'empêcher les pressions politiques dans le cadre d'affaires importantes. La formule du jury est une bonne chose, mais on doit incontestablement la moderniser si l'on veut qu'elle réponde aux exigences de la Cour européenne.
L'élément central, d'un point de vue théorique, est l'intime conviction. En cas de doute, le juge professionnel statuera lui aussi selon son intime conviction. Il ne croira pas certaines déclarations et en croira d'autres. Pour ce faire, il se laissera guider par son intime conviction. Le problème qui se pose ici est qu'on ne peut répondre à des questions de droit en se basant sur son intime conviction. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un droit de la preuve extrêmement complexe, qui prévoit que les preuves doivent répondre à certaines exigences de qualité et qui établit une hiérarchie des moyens de preuve. L'intervenant renvoie en l'espèce à la loi sur les méthodes particulières de recherche, qui occupe également une position centrale dans l'arrêt Taxquet. M. Taxquet avait en effet été condamné sur la base d'une déclaration anonyme qui n'a jamais été examinée légalement. L'arrêt Kostowski énonce également que le témoignage anonyme est insuffisant en soi pour condamner une personne. Le juge doit donc démontrer quelles autres circonstances, matérielles ou de fait, corroborent dans une large mesure la déclaration du témoin anonyme, ce qui implique qu'il faut motiver. La décision doit attester que les principes de proportionnalité et de subsidiarité ont été respectés. Une déclaration anonyme ne peut être admise en tant que moyen de preuve unique. D'où la question de savoir comment résoudre le problème. Il faudra d'abord voir si la Belgique interjettera appel devant la Grande Chambre, qui statuera au regard des pratiques en vigueur dans d'autres pays. Par ailleurs, il faudra que les questions posées aux jurés soient plus précises. On ne peut pas se contenter de poser des questions générales et laconiques comme ce fut le cas dans l'affaire Taxquet. Des questions types permettront-elles éventuellement de répondre à l'exigence de sélection et de hiérarchie des preuves ? Mieux vaut attendre, à cet égard, l'avis du Conseil supérieur de la Justice.
L'intervenant se dit favorable à une procédure avec jury. En ce qui concerne les délits de presse, il plaide néanmoins pour la suppression du délit de calomnie et de diffamation. Il est plutôt partisan de traiter ce type de plainte au civil. La cour a en effet estimé, dans d'autres matières, qu'en ce qui concerne la liberté d'expression, le droit pénal ne pouvait être appliqué que de manière exceptionnelle et restrictive. Il en est résulté une insécurité, qui risque à son tour d'entraîner des abus.
L'intervenant souhaite, enfin, aborder la question de la séparation des pouvoirs. Le législateur enfreint-il le principe de la séparation des pouvoirs lorsqu'il légifère dans le cadre d'incidents de procédure ? Il ne faut pas oublier que le parlement constitue l'expression souveraine du suffrage universel. Il est clair qu'il n'existe aucun droit acquis par rapport à des erreurs de procédure. Aucune loi ne peut être votée pour empêcher que l'arrêt ne soit rendu dans un sens donné, lorsque l'État belge est partie au procès. Ce n'est pas parce qu'un arrêt est rendu par exemple par la chambre des mises en accusation de Bruxelles, de Gand ou de Liège, que le législateur n'est pas compétent pour légiférer de manière générale en cette matière. Cela signifierait en effet que la souveraineté du législateur n'est que conditionnelle. Selon l'intervenant, cette conception de la séparation des pouvoirs, telle qu'elle est prônée par l'Orde van Vlaamse balies, est dénuée de fondement. Outre qu'elle ne s'appuie pas sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, elle lie l'exercice de la compétence législative à des conditions non prévues dans la Constitution.
Au sujet de la composition du jury, le ministre se limite à quelques considérations. Il se réserve le droit de modifier ce point de vue en fonction de l'avis du Conseil supérieur de la justice.
L'intervenant ne voit aucune objection en soi à la réduction proposée du nombre de jurés (de 12 à 8). Mais tout dépend de l'option qui sera retenue concernant la suppression ou non des assesseurs. Le gouvernement a, sur cette question, une proposition alternative consistant à faire appel à des magistrats émérites. Il faut évidemment respecter une certaine proportionnalité entre les juges professionnels et les jurés. Si l'on décide de maintenir les assesseurs et qu'on opte pour un délibéré conjoint avec les juges professionnels, il faudrait donc maintenir le nombre de 12 jurés.
L'élargissement de la fourchette d'âge à 25-65 ans ne constitue pas une pierre d'achoppement fondamentale pour le gouvernement. L'intervenant souhaite seulement faire remarquer que l'âge minimum requis pour être juge professionnel est de 28 ans. Peut-être faudrait-il aligner sur celui-ci l'âge minimum pour les jurés.
Le ministre émet des réserves sur la suppression de la récusation discrétionnaire. Celle-ci constitue en effet un élément régulateur important de la procédure. Il est important que le président indique clairement, lors de la récusation, que celle-ci n'implique aucun jugement de valeur. Si l'on supprime cette possibilité, il faudra introduire toute une série de règles, comme pour les peines de travail, les malades mentaux, qui n'offrent pas les mêmes garanties. La récusation discrétionnaire permet de dégager des solutions pragmatiques.
Le ministre est favorable à l'adaptation du système de listes, notamment à la suppression de la distinction entre les jurés effectifs et les jurés de complément.
Il est également partisan d'organiser des séances d'information destinées aux jurés, idéalement par le biais d'une présentation vidéo nationale. Dans la procédure actuelle, c'est le ministère public qui est chargé d'expliquer les règles au jury.
L'intervenant est d'accord sur le principe visant à composer le jury avant le début du procès. Un délai de trois jours avant le procès lui semble suffisant. La présentation vidéo pourrait alors se faire immédiatement après la constitution du jury, de manière à laisser aux jurés le temps de prendre les dispositions pratiques voulues (avec leur employeur, pour la garde des enfants, etc.).
Enfin, l'intervenant marque son accord sur le rejet de la clause de parité hommes/femmes.
M. Monfils souligne qu'il faut se garder à la fois de législations de fortune et d'actions législatives fondées sur une réaction émotionnelle. Il pense d'ailleurs que l'on a donné, via l'opinion publique et la presse, une ampleur exagérée à la question de la motivation des arrêts. L'arrêt n'impose nullement une révision complète du système, mais énonce seulement que « les réponses laconiques à des questions formulées de manière vague et générale ont pu donner au requérant l'impression d'une justice arbitraire et peu transparente ».
De plus en plus, la société se judiciarise, et dans tout procès quelque peu médiatique, les recours se multiplient, y compris jusqu'à Strasbourg.
Il faudrait aussi revoir certaines règles de procédure qui sont des « nids à procès » sans être de nature à favoriser l'apparition de la vérité.
Face à cette situation, il convient de légiférer à tête reposée, en examinant l'ensemble de la problématique, y compris la question de l'absence de double degré de juridiction, qui ne manquera pas de resurgir un jour ou l'autre, au lieu de se contenter d'apposer des « rustines » sur la législation existante, au gré des incidents qui se présentent.
VI. AUDITION DE REPRÉSENTANTS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA JUSTICE
A. Exposé de Mme Roland
Mme Roland se réfère à l'avis très circonstancié et nuancé que vient de rendre le CSJ sur la cour d'assises, et en présente les grandes lignes.
Pour rappel, le CSJ est composé pour moitié de magistrats et pour moitié de non-magistrats. Il réalise régulièrement des baromètres de la Justice. Le dernier de ceux-ci démontrait que 68 % de la population était favorable à la cour d'assises. Le CSJ a été rejoint, en cours de travaux, par la Cour européenne des droits de l'homme, qui met en avant l'absence de motivation dans les jurys d'assises belges.
Il est vrai qu'au XXIe siècle, il paraît très légitime que les personnes condamnées aient connaissance des motifs essentiels sur lesquels se fonde leur condamnation.
Le CSJ a pris en compte tous ces arguments pour défendre finalement une position très nuancée dans ce débat de société. Il réaffirme son attachement au jury populaire, qu'il veut défendre avant tout, en proposant notamment — et c'est là une grande part de l'avis — l'adaptation de la cour d'assises.
Le CSJ insiste également sur la nécessité de redéfinir les compétences de cette cour, à savoir que seuls les crimes les plus graves devraient lui être confiés.
On conserve un jury qui continue à décider en âme et conscience, mais il faut faire face à la complexification du droit et à la nécessité de motiver les décisions. L'une des pistes, qui est développée dans l'avis, pourrait être que le jury continue à délibérer seul, mais que le président du jury note les arguments pertinents ayant amené à la décision, que ceux-ci soient donnés aux juges professionnels, et que ces derniers rédigent la motivation, laquelle serait alors soumise au jury pour qu'il l'avalise.
Un point très difficile concerne la notion d'appel. L'avis évoque la possibilité d'un appel circulaire comme en France, mais cela risque d'engendrer des problèmes de principe et des difficultés pratiques en matière de coût. C'est au moment où l'avis évoque cette question qu'apparaît la possibilité de suppression de la cour d'assises.
Il existe d'autres modèles, comme le modèle hollandais, où ce sont des juges professionnels qui prennent la décision. Il s'agit d'une formule relativement simple sur le plan juridique, qui introduit d'office un appel et une motivation, mais s'agit-il de la piste la plus opportune ?
Une autre formule, de nature intermédiaire, est le système français de l'échevinage, où le juge professionnel est assisté par des juges non-professionnels.
Le législateur a aussi la possibilité de ne confier à la cour d'assises que les délits les plus graves, tous les délits faisant actuellement l'objet d'une correctionnalisation quasi-systématique étant désormais confiés au tribunal correctionnel.
B. Exposé de M.Cottyn
M. Cottyn souligne que le Conseil supérieur de la Justice n'a pas rendu un avis tranché, mais qu'il s'est montré nuancé. La manière dont la presse a rendu compte de cet avis porte à croire que le Conseil supérieur de la Justice est favorable à la suppression du jury populaire.
Le Conseil supérieur de la Justice est une institution sui generis, qui assume une fonction de passerelle vers le citoyen, la magistrature et le monde politique. Il fonctionne comme une sorte de baromètre de la justice.
À l'heure actuelle, il semblerait que 68 % de la population souhaite le maintien du jury et que le monde politique soit lui aussi favorable à une cour d'assises avec jury populaire. L'avis du Conseil supérieur de la Justice est donc assurément nuancé.
L'intervenant passe ensuite en revue les remarques formulées sur les différents points.
En ce qui concerne le jury, le Conseil supérieur de la Justice souligne que celui-ci n'est plus le reflet de la société. Comme les jurés reçoivent une indemnité d'environ 34 euros, les employés et les indépendants ont tendance à se désister. Il faut que cette situation change.
S'agissant de la motivation, l'intervenant renvoie à l'arrêt Taxquet, qui préconise l'obligation de motivation, et indique qu'il faut aussi une unanimité au niveau de la motivation. À l'heure actuelle, chaque cour d'appel motive ses décisions sur son propre terrain. En outre, l'article 342 du Code d'instruction criminelle (« Avez-vous une intime conviction ... ») devra être réformé, voire supprimé.
Eu égard notamment à la CEDH, le Conseil supérieur de la Justice est favorable à la motivation.
Mais seul le jury doit se prononcer sur la question de la culpabilité. Ce n'est qu'ensuite que le président et les assesseurs discuteront de la motivation avec les jurés.
En ce qui concerne l'appel, le Conseil supérieur de la Justice est d'avis que les parties à n'importe quel procès doivent pouvoir interjeter appel.
De plus, l'existence d'une voie de recours est une nécessité qui a aussi été mise en lumière par la CEDH (pas nécessairement dans l'arrêt Taxquet).
Il y a plusieurs possibilités, à savoir un appel « allégé », une autorisation d'appel (« leave to appeal ») ou un appel effectif, « l'appel circulaire ». Dans le cas de l'appel circulaire, le problème est que le jugement rendu dans le premier arrêt l'a été par la « vox populi ». Le jury qui s'est prononcé dans un certain sens en première instance statuera-t-il différemment en appel ? L'exercice devient périlleux.
En outre, un deuxième procès d'assises, dans un autre ressort, générera une importante charge de travail et des frais considérables, que la personne condamnée ne pourra pas payer.
L'objectif doit être de réduire le nombre d'affaires en assises, ce qui est possible par la correctionnalisation. Il faudrait à cet effet étendre la loi du 8 octobre 1967 et conférer davantage de compétences à la chambre des mises en accusation.
L'intervenant conclut en disant qu'il est conscient des avantages liés au maintien du jury populaire. Grâce à son rôle de catharsis, le jury non professionnel donne une image positive de la justice. Mais il ne faut pas oublier que les affaires d'assises ne représentent que 0,01 % de l'ensemble des affaires pénales.
Dans son avis, le Conseil supérieur de la Justice plaide donc pour le maintien du jury populaire, mais seulement à condition que les exigences relatives à la composition pluridisciplinaire du jury, à l'obligation de motivation et à l'appel soient remplies. S'il est impossible de répondre à ces exigences, le jury populaire doit alors être supprimé.
L'intervenant renvoie au système néerlandais dans lequel une affaire d'assises est une affaire correctionnelle améliorée et au système français de l'échevinage.
La magistrature belge et le monde politique pourraient trouver leur compte dans le système français. Le Conseil supérieur de la Justice n'a donc pas émis un avis tranché qui plaide catégoriquement en faveur de la suppression.
Le Conseil supérieur de la Justice a créé un groupe de travail chargé d'examiner la question. Présidé par M. Traest, il a entendu des magistrats, des avocats et des professeurs. Tous ont pu faire valoir leur point de vue.
C. Échange de vues
M. Monfils s'interroge sur le système proposé par le CSJ en ce qui concerne la motivation de l'arrêt.
Comment appliquer un tel système dans des affaires telles que, par exemple, l'affaire Lhermitte ? Comment motiver la décision de ne pas tenir compte de l'avis des experts, si ce n'est par la conviction des jurés que l'intéressé n'était pas en état de démence au moment des faits ? La motivation aurait-elle pu renvoyer à des éléments de fait tels que la préparation de l'acte par l'achat de couteaux ?
En ce qui concerne la composition du jury, l'orateur comprend que les personnes ayant une activité professionnelle aient tendance à décliner la mission de juré, mais quelle est la solution proposée par le CSJ pour arriver à composer un jury dont la représentativité soit plus grande ?
Quant à l'appel, dont l'intervenant est partisan (cf. sa proposition de loi), l'argument tiré de la difficulté à justifier une décision différente en appel qu'en première instance ne lui paraît pas convaincant. En France, ce système fonctionne. De plus, la question est la même, qu'il s'agisse de magistrats professionnels ou de jurés. Les seules objections sont plutôt la lenteur de la procédure et son coût. On peut les rencontrer partiellement, d'une part en diminuant le nombre d'affaires dévolues à la cour d'assises, et, d'autre part, en simplifiant la procédure d'assises- thème d'ailleurs peu abordé par le CSJ dans son avis- en supprimant certains éléments sacramentels qui ne contribuent pas de manière évidente à la découverte de la vérité.
L'intervenant ne pense en tout cas pas que la solution d'un « simili-appel » tel que celui envisagé avec l'extension possible du pourvoi en cassation soit suffisante pour éviter une éventuelle condamnation de la Belgique du chef de l'absence de procédure d'appel.
M. Mahoux constate qu'il semble y avoir consensus sur le maintien de la cour d'assises. Par contre, il constate des divergences d'interprétation de l'avis du CSJ sur ce point. En tout état de cause, ce dernier se range à l'avis de la population et du monde politique en la matière.
En ce qui concerne la motivation, l'orateur souligne que l'originalité de la procédure d'assises réside dans le jury populaire. Le maintien de la première suppose donc le maintien du second en évitant de l'influencer par des magistrats professionnels. Or, l'opinion majoritaire semble être que le jury populaire n'a pas la compétence requise pour pouvoir rédiger une motivation. La question est de savoir si les juges professionnels peuvent se mettre suffisamment au service du jury pour transcrire en droit l'opinion du jury. Si la délibération et la motivation se font en un seul temps, il faut en tout cas éviter que les magistrats aient la moindre influence sur le jury. Beaucoup rétorquent que, dès lors qu'un juge participe à la délibération sur la culpabilité, il est impossible qu'il n'exerce aucune influence sur ce qui relève de la compétence spécifique du jury populaire. Pendant toute la délibération et jusqu'au verdict sur la culpabilité, le juge professionnel devrait se cantonner à un rôle totalement passif, exclusivement au service du jury. Dans la formule envisagée, la part d'influence possible du juge professionnel sur le verdict n'est pas négligeable. Il serait donc intéressant de savoir, sur ce point, quel a été le débat au sein du CSJ.
M. Vandenberghe souligne que la discussion sur le maintien ou non du jury existait déjà il y a 44 ans. La VRG a organisé et présidé une journée d'étude sur le sujet. On y a entendu toutes sortes de vérités: il faut un juge professionnel pour traiter les petits délits et un jury populaire pour les délits plus graves; quand on est coupable, on préfère se présenter devant la cour d'assises. Tout cela n'a pourtant jamais fait naître un courant visant à supprimer la cour d'assises.
Le principal argument pour la suppression du jury populaire consiste à affirmer que le jury n'est pas un jury populaire et qu'une composition démocratique doit être garantie. Que propose le Conseil supérieur de la Justice pour rétablir le « caractère démocratique » du jury ?
En ce qui concerne la motivation, l'intervenant indique que la condamnation de la Belgique à cet égard était déjà prévue depuis des années. L'intervenant renvoie à l'arrêt Svetez de la CEDH.
L'article 6 prescrit qu'il faut répondre aux arguments pertinents. Si l'on plaide la prescription par exemple, il faut répondre aux questions concernant cet argument et fournir une motivation.
L'intervenant est d'accord qu'il ne faut cependant pas répondre à tous les arguments. Il arrive souvent en effet que d'innombrables arguments soient avancés lorsque des avocats reprennent des conclusions types. L'arrêt Taxquet précise qu'il faut néanmoins répondre aux arguments pertinents de la défense ou de la partie civile.
La motivation se heurte à un autre problème: le législateur a introduit une hiérarchie dans l'administration de la preuve. L'intervenant renvoie à cet égard à la loi relative aux méthodes particulières de recherche et à la loi sur les méthodes particulières de recueil de données. Il faut par exemple motiver la raison pour laquelle l'utilisation de la preuve apportée par des témoins anonymes est soumise à des conditions supplémentaires.
La cour d'assises est indiscutablement une vitrine, mais il ne faut pas oublier que les affaires d'assises ne représentent que 0,01 % des affaires pénales. La cour d'assises ne permet donc pas à l'opinion publique de se faire une idée des principes de l'État de droit.
Les conceptions relatives au droit pénal et à l'instruction criminelle ont fortement évolué depuis le XIXe siècle. Le principe de « juger en conscience » est dépassé. Le droit est considéré aujourd'hui comme une science. Il n'est pas possible de juger en conscience sur des questions juridiques. Le système pénal est très complexe, compte tenu de la hiérarchie des moyens de preuve. Une décision n'est transparente que si elle est motivée.
Selon l'intervenant, l'appel n'est pas un point fondamental de la discussion. En effet, la Belgique n'a pas ratifié le 7e protocole.
Le fait que les affaires d'assises constituent une charge énorme pour le fonctionnement des cours d'appel représente effectivement un problème. La proposition du Conseil supérieur de la Justice visant à adapter la correctionnalisation n'aura pas un grand impact dans la pratique. Peut-être faut-il aller plus loin dans ce domaine.
M. Traest répond d'abord aux questions relatives à la motivation. Le Conseil supérieur de la Justice est parti de l'option du maintien de la cour d'assises. Par conséquent, l'avis rendu vise à conserver le plus possible le système actuel et le jury. Si l'on veut maintenir le jury populaire, il est préférable qu'il délibère en l'absence de juges professionnels. C'est un point de vue unanimement partagé, même par les présidents des cours d'assises eux-mêmes. Le jury statue donc en toute autonomie. Après avoir prononcé la décision en audience publique, le jury se retire avec les juges professionnels pour rédiger une motivation. Cette procédure est également appliquée en cas d'acquittement. La motivation est ensuite intégrée dans l'arrêt définitif. Dans cette hypothèse, le jury se réunit trois fois au lieu de deux.
La CEDH n'exige pas que l'on réponde à tout, mais seulement aux points cruciaux. L'intervenant renvoie au passage concerné dans l'arrêt Taxquet. Il n'est pas nécessaire de répondre aux conclusions.
L'intervenant estime que l'intime conviction est compatible avec la motivation. L'on prend une décision sur la base d'une intime conviction, ce qui vaut aussi pour le juge professionnel, mais il faut motiver pourquoi l'on répond « oui » ou « non ».
L'intime conviction est remplacée par la conviction raisonnée. La motivation du jury peut être sommaire.
Un deuxième point concerne la représentativité du jury. Le Conseil supérieur de la Justice propose d'aligner la limite d'âge sur celle applicable aux juges professionnels. Le problème du manque de représentativité ne se situe pas au niveau de la convocation, étant donné que l'on procède à un tirage au sort. Il se situe plutôt au niveau des dispenses que le président accorde avant le début du procès. On pourrait résoudre le problème en augmentant le montant de la maigre indemnité accordée.
Pour ce qui est de l'appel, l'intervenant souligne que l'impossibilité d'interjeter appel ne pose aucun problème d'un point de vue formel. En effet, lors de la signature de la convention internationale et du 7e protocole du Conseil de l'Europe, la Belgique a clairement prévu une restriction concernant l'appel et le pourvoi en cassation dans les affaires d'assises.
Le 7e protocole en question prévoit un double degré de juridiction, ce qui implique la possibilité d'introduire un appel à part entière, un second examen des faits. Cette possibilité existe aussi en France; il s'agit de l'appel « circulaire ». En France, seule une affaire d'assises sur quatre fait l'objet d'un appel. L'intervenant craint que cette proportion ne soit beaucoup plus élevée en Belgique.
Un appel à part entière semble difficilement réalisable en Belgique. Néanmoins, l'intervenant n'est pas non plus favorable à un appel « light », c'est-à-dire une sorte de pourvoi en cassation élargi. L'intervenant craint en effet que le pourvoi en cassation élargi ne soit rien d'autre qu'un pourvoi en cassation.
Un autre point concerne la proposition de rendre tous les délits correctionnalisables. Il est difficile de prévoir ce que fera la chambre des mises en accusation. La liste présentée dans le rapport Verstraeten-Frydman n'a pas suscité l'enthousiasme. L'intervenant pense qu'il est particulièrement difficile d'introduire des critères dans la loi.
M. Van Parys émet quelques réserves liées à l'économie de procédure. Si l'on instaure un appel à part entière, celui-ci devra évidemment être jugé dans un autre ressort. Qu'adviendra-t-il si le verdict est totalement différent ?
Si l'on suit l'avis du Conseil supérieur de la Justice, il faudra apporter deux modifications à la Constitution: une pour l'appel et une autre pour la correctionnalisation.
Compte tenu de l'arrêt Taxquet, l'intervenant demande aussi ce qu'il adviendra des arrêts pendants, en attendant qu'une nouvelle loi réponde à l'exigence de motivation.
Mme Taelman relève que l'impact des affaires d'assises sur la charge de travail des cours d'appel est source de préoccupation pour le Conseil supérieur de la Justice. Le coût d'une affaire d'assises est élevé et il sera doublé en cas d'appel à part entière. L'intervenante demande s'il existe des études récentes sur le coût d'une affaire d'assises et sur le coût d'un appel.
M. Van Den Driessche se réfère aux raisons historiques qui ont conduit à l'instauration d'un jury populaire. Dans des affaires d'une telle importance, on voulait en effet que la décision soit avalisée par la société. Les décisions d'un jury sont mieux acceptées par la population (voir les affaires Nihoul, Cools, ...). C'est un argument de taille en faveur du maintien du jury populaire.
S'agissant du coût de la procédure d'appel, il faut chercher une solution en termes de gestion.
Combien coûte une affaire d'assises ? 200 000 euros est-il un montant correct ? Est-ce beaucoup en comparaison du coût d'autres affaires ? Existe-t-il une liste des frais de procédure dans toutes les affaires pénales ?
M. Collignon estime qu'il est difficile de dissocier les uns des autres les différents éléments de la discussion. La proposition déposée formule des choix, et forme un tout.
L'option a été prise de conserver le jury populaire. Il faut dès lors répondre à une série de questions subséquentes. Tout d'abord, les jurés doivent être à même de comprendre ce que l'on plaide devant eux, ce qui soulève la question de leur formation préalable.
Il faut aussi que le jury soit suffisamment représentatif de l'ensemble de la société pour atteindre l'objectif initial de la cour d'assises, à savoir assurer une représentation ultime de la démocratie pour les crimes les plus graves. L'une des solutions pourrait effectivement résider dans l'augmentation de l'indemnité allouée aux jurés.
Pour ce qui est de l'appel, l'intervenant admet que, sur le plan technique, le double degré de juridiction n'est pas une obligation. Néanmoins, à titre personnel, il trouve difficilement concevable qu'un appel existe pour les infractions les moins graves, et non pour les crimes les plus graves.
La difficulté de l'appel en matière d'assises est qu'un jury populaire n'est pas moins légitime qu'un autre.
La solution prévue par la proposition, à savoir l'instauration d'un filtre par le biais de la Cour de cassation, semble constituer une réponse adéquate.
Le problème du coût est lié également au fait de limiter le nombre d'affaires dévolues à la cour d'assises et de réduire la durée de la procédure.
La question de l'appel est aussi intimement liée à celle de la motivation car, sinon, sur quoi porterait l'appel ?
M. Monfils aimerait disposer de données chiffrées à propos du coût des cours d'assises par rapport à l'ensemble du service de la Justice, car c'est dans ce contexte plus global que ce coût doit être apprécié.
De plus, l'argument du coût est très relatif. Ainsi, dans un certain nombre de domaines, on expose des dépenses sans état d'âmes (cf. certains devoirs d'enquête très onéreux réalisés dans des affaires judiciaires déjà très anciennes).
Cet argument n'est donc pas, aux yeux de l'orateur, de nature à exclure une véritable procédure d'appel, dont il est lui-même partisan.
Quant à la représentativité du jury, elle peut certes être améliorée par une augmentation des indemnités allouées aux jurés, mais aussi par une accélération des procès d'assises. À cet égard, le CSJ s'est montré assez frileux. La proposition envisage par exemple de diminuer le nombre de témoins de moralité.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que tous les procès d'assises ne sont pas aussi longs que les procès très médiatisés auxquels on a coutume de se référer.
M. Vankrunkelsven estime que la possibilité d'une procédure d'appel est une question délicate. Pourquoi ne pas instaurer un filtre, avec une chambre spéciale qui écarterait les éventuels appels déraisonnables ? Pourquoi y aurait-il une possibilité d'appel en cas de correctionnalisation et pas en assises ?
M. Traest craint qu'en instaurant une autorisation d'appel, on ne mette en place une procédure dans la procédure. Sur la base de quels critères la chambre spéciale décidera-t-elle si un appel est accepté ou non ? Une telle décision exige d'examiner prima facie si le jury s'est trompé ou non. Dans ce cas, on ne peut pas procéder à l'audition de témoins; on dispose seulement de l'arrêt de la cour d'assises, à moins d'enregistrer tous les débats sur bande magnétique(voir le rapport Verstraeten-Frydman). Des conclusions seront rédigées, auxquelles il faudra répondre. Et quid si la chambre spéciale refuse l'appel ? Un pourvoi en cassation est-il possible dans ce cas ? On en arrive en quelque sorte à une procédure distincte, dans le cadre de laquelle les droits de la défense doivent être respectés.
On peut également se demander si, avec une telle limitation ad hoc de l'appel, on ne s'expose pas à une procédure devant la CEDH.
M. Vandenberghe pense que l'autorisation d'appel ne fonctionne que dans une certaine culture juridique où cette procédure est courante. D'ailleurs, de très nombreuses affaires sont portées devant la CEDH après un refus. Il faut alors réexaminer l'affaire au fond.
Il est impossible de comparer avec l'Angleterre, car dans une affaire d'assises, il n'y a pas de motivation comparable.
Le ministre s'enquerra de savoir s'il existe une étude sur le coût des affaires pénales et, en particulier, des procès d'assises, et il la transmettra, le cas échéant, à la commission. Il faut en tout cas établir une distinction entre les coûts de l'instruction proprement dits et les coûts liés à l'organisation d'un procès d'assises.
M. Cottyn se rallie à ce point de vue. Le niveau élevé des coûts s'explique souvent par les analyses d'ADN (1 000 euros par examen médico-légal, 50 à 100 examens par affaire d'assises) et par les enquêtes relatives aux communications GSM.
M. Mahoux attire l'attention du ministre sur le fait que c'est ce dernier qui détermine le coût d'un expert judiciaire. Mais qui détermine le coût des enquêtes électroniques, des enquêtes ADN, etc ? On a le sentiment que, dans ces derniers cas, ce n'est plus le « client » qui le fait, mais le fournisseur du service, ce qui ne paraît pas normal. Or, la question du coût doit, en matière de justice, revêtir un caractère subsidiaire, à défaut de quoi un problème éthique pourrait se poser.
M. Vankrunkelsven souligne qu'en Belgique, les analyses d'ADN coûtent très cher. En outre, ces analyses se caractérisent par une énorme automatisation.
Mme Russo fait observer que la discussion concerne ici les coûts d'une instruction, qui sont certes très élevés, mais qui ne concernent pas directement le coût du fonctionnement de la cour d'assises proprement dite. Pourrait-on disposer de chiffres portant spécifiquement sur ce fonctionnement ?
Le ministre rappelle que des questions écrites ont été posées à ce sujet et qu'une étude est en cours. Par ailleurs, il faut effectivement distinguer les coûts liés à l'instruction et ceux découlant du fonctionnement de la cour d'assises proprement dite.
M. Collignon se rallie à la nécessité d'opérer la distinction entre ces deux types de coûts. Quelle que soit la juridiction saisie, les coûts de l'instruction seront les mêmes.
M. Traest voudrait encore évoquer la question de la motivation dans les affaires pendantes, en attendant une modification législative. On peut appliquer la méthode utilisée à Gand et à Bruges, qui consiste à rédiger la motivation au moment où les juges professionnels et le jury se réunissent pour statuer sur le degré de la peine.
M. Cottyn rappelle qu'il faut également raisonner en termes d'économie de procédure. Chaque année, 600 affaires doivent céder le pas à une affaire d'assises.
Le président d'une cour d'assises affirme que lorsqu'il est chargé d'un procès d'assises, 199 arrêts doivent rester en suspens.
Il en va de même pour les assesseurs, ce qui entraîne une double victimisation.
M. Monfils fait observer que, quel que soit le sort réservé à la cour d'assises, il faudra bien que les affaires en question soient traitées. La comparaison opérée est donc inexacte.
M. Van Den Driessche évoque la motivation de l'arrêt. Qui va la prononcer: le président ou le chef du jury ?
Pourquoi ne peut-on pas faire figurer le résultat du vote dans la motivation (s'il est actuellement de 7/5, pourquoi n'est-il pas de 8/4 ?) ?
M. Cottyn renvoie à l'arrêt en question rendu par la cour d'appel de Gand. La motivation et la manière dont elle se fera doivent être réglées par le législateur.
La motivation ne pose aucun problème en cas d'aveux. L'article 342 doit être adapté, ou même supprimé.
Le jury lui-même est « pris en otage » durant une trop longue période. Cela n'est pas acceptable, d'autant que l'indemnité perçue par les jurés est de 35 euros par jour. Des changements s'imposent en l'espèce.
VII. DISCUSSION DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Cet article n'appelle pas d'observations.
Discussion thématique
Mme Crombé propose de procéder à une discussion thème par thème au lieu de le faire article par article, car les articles relatifs à un même thème sont parfois disséminés dans le texte.
La commission se rallie à cette suggestion.
Afin de faciliter le travail, il est demande au ministre de faire préparer un tableau indiquant, pour chaque thème à aborder, quels sont les articles de la proposition qui en traitent.
Le ministre communique le tableau reproduit en annexe au présent rapport.
La compétence de la cour d'assises
M. Mahoux précise que l'option retenue dans la proposition de loi est de définir la compétence de la cour d'assises en fonction d'une liste positive et limitative de crimes qui relèvent exclusivement des assises. Concrètement, la liste comprend tous les crimes passibles d'une peine à perpétuité. On y ajoute certains crimes passibles d'une peine privative de liberté de trente ans.
Abstraction faite des cas dans lesquels la réclusion à perpétuité est prévue, la proposition de loi propose de retenir un double critère de base comme principe: la mort de la victime ou l'intention de donner la mort dans le chef de l'auteur. Par extension, il est proposé d'inclure certains crimes ayant entraîné la mort de la victime sans que l'auteur ait eu l'intention de la donner mais qui s'accompagnent d'une cruauté particulière (torture, viol, enlèvement, violation grave du droit humanitaire international). Enfin, certaines infractions, de par leur nature politique, sont considérées comme relevant de la compétence de la cour d'assises.
Le ministre renvoie à l'avis du Conseil supérieur de la justice et au rapport de la Commission de réforme de la cour d'assises. Deux pistes différentes sont proposées. Les deux instances ont clairement affirmé qu'il ne peut être question d'élargir la compétence actuelle de la cour d'assises. Le gouvernement partage ce point de vue. La Commission de réforme propose de définir la compétence de la Cour sur la base d'une liste positive et limitative de crimes selon des critères objectifs. C'est la piste empruntée également par la proposition de loi de M. Mahoux. Par conséquent, tous les crimes figurant sur la liste en question devront obligatoirement être portés devant la cour d'assises. Les crimes ne figurant pas sur la liste seront portés devant le tribunal correctionnel. La correctionnalisation par les juridictions d'instruction en raison de circonstances atténuantes est abrogée dans son ensemble. Le Conseil supérieur de la justice a élaboré une solution intermédiaire et prône le maintien de la compétence théorique actuelle de la cour d'assises. Cependant, les faits qui sont correctionnalisables, et qui sont aussi correctionnalisés en pratique, seront portés directement devant le tribunal correctionnel, sans correctionnalisation préalable par les juridictions d'instruction. Le tribunal correctionnel peut prononcer les peines prescrites par la loi, même s'il s'agit de peines criminelles. Pour les faits qui, aujourd'hui, ne sont pas correctionnalisables, le Conseil supérieur de la Justice propose de laisser malgré tout à la chambre des mises en accusation la possibilité de renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel. Le Conseil supérieur propose ainsi de maintenir une correctionnalisation limitée. Dans la pratique, cela revient à dire que la cour d'assises est compétente pour les crimes punissables de plus de 20 ans de réclusion, à l'exception des six catégories correctionnalisables prévues par la loi. Le tribunal correctionnel peut prononcer des peines allant jusqu'à 20 ans de réclusion.
La cellule stratégique du ministre est plutôt favorable à la solution intermédiaire proposée par le Conseil supérieur de la Justice. Elle justifie ce choix par le fait qu'il ne saurait être question d'élargir la compétence actuelle, qu'il faut mettre un terme à la technique insatisfaisante de la correctionnalisation systématique et qu'un renvoi devant la cour d'assises doit pouvoir s'effectuer avec une certaine souplesse. Il y a en effet dans la pratique de nombreuses affaires qui se situent dans ce que l'on appelle la zone grise. L'intervenant cite l'exemple d'un homme qui, à l'occasion d'une sortie, boit de manière excessive, prend son fusil et menace d'abattre son ami parce qu'il le soupçonne d'être mêlé à la disparition de sa voiture. Sur le plan juridico-technique, il s'agit d'une tentative de meurtre, même s'il s'avère par la suite que la victime n'a pas subi de blessures. En fin de compte, personne ne souhaite, pas même la victime, que cette affaire soit portée en Cour d'assises. Comparons ce cas à un dossier dans le quel la victime est laissée pour morte et survit par miracle aux faits. Dans la proposition de la Commission de réforme, toutes les tentatives de meurtre échappent à la Cour d'assises. Mais dans la pratique, il y a dans les dossiers « tentatives » bien des nuances possibles. La proposition du Conseil supérieur de la Justice offre la souplesse nécessaire pour tenir compte des circonstances concrètes. En revanche, l'intervenante trouve la proposition de la Commission de réforme trop radicale. En outre, le professeur Verstraeten a lui-même reconnu que cette partie n'avait pas été développée suffisamment.
Si la commission opte pour la proposition du Conseil supérieur de la Justice, tous les articles du Code pénal doivent être vérifiés. Dans ce cas, il serait peut-être utile de constituer à cet effet un groupe de travail.
M. Vankrunkelsven souligne qu'il est en tout cas indiqué de ne porter réellement devant la cour d'assises que les affaires qui la concernent et qu'il convient dès lors d'introduire une mesure de limitation. Deux options fondamentales se présentent, le gouvernement étant davantage enclin à suivre la piste suggérée par le Conseil supérieur de la Justice, parce qu'elle permet une plus grande souplesse au niveau de la saisine ou non de la cour d'assises. L'intervenant indique que son groupe adhère à cette option et qu'il a l'intention de collaborer pleinement à sa mise en œuvre.
M. Mahoux pense que l'objectif doit être de clarifier ce qui relève de la compétence de la cour d'assises. On pourrait imaginer un système dans lequel la règle générale de compétence serait définie dans la loi, à savoir la compétence de la cour d'assises pour les crimes punis d'une peine de perpétuité étendue à certains crimes passibles d'une peine privative de liberté de trente ans ainsi qu'aux crimes s'accompagnant d'une cruauté particulière même sans avoir entraîné la mort de la victime. Il resterait alors une double question. Faut-il garder la possibilité de correctionnaliser des crimes qui répondent aux critères théoriques que l'orateur vient de rappeler ? Inversement, faut-il prévoir la possibilité de renvoyer devant les assises des crimes qui ne répondent pas aux conditions théoriques définies ci-avant ?
La proposition de loi opte pour le système d'une liste de crimes qui relèvent automatiquement des assises. Tout ce qui n'entre pas dans cette liste relève du tribunal correctionnel. Le corollaire de cette option est que l'on supprime toute possibilité de correctionnaliser. Cette solution a le mérite de la clarté mais elle est rigide. L'intervenant pourrait cependant accepter que l'on établisse un système plus nuancé pour définir ce qui relève des assises.
M. Monfils renvoie à l'avis du Conseil supérieur de la Justice qui estime « qu'il serait souhaitable, d'une part, de conserver légalement les compétences théoriques actuelles de la cour d'assises, mais de permettre d'autre part à la chambre des mises en accusation de renvoyer ces crimes au tribunal correctionnel par l'admission de circonstances atténuantes » (avis du CSJ, doc. Sénat nº 4-924/2, p. 24). Dans une telle hypothèse, il n'y a pas de liste des crimes renvoyés en assises. Une telle solution n'offre aucune garantie que le nombre d'affaires renvoyées devant la cour d'assises va diminuer. Tout dépendra de la volonté de la chambre des mises en accusation.
M. Delpérée pense que la commission doit trancher les deux questions suivantes:
— est-ce que certains crimes inscrits, par principe dans la liste, peuvent encore être correctionnalisés ?
— est-ce que certains délits peuvent-être criminalisés, c'est-à-dire renvoyés devant la cour d'assises, alors qu'ils ne relèvent en principe pas de sa compétence ?
Sur la deuxième question, M. Delpérée pense qu'il serait contraire aux règles du droit pénal de prévoir une telle possibilité. Cela serait incompatible avec le principe de prévisibilité qui veut que l'auteur connaisse le « tarif » au moment où il commet les faits.
M. Vankrunkelsven souligne que la possibilité de correctionnalisation existe déjà mais qu'elle n'est pas toujours connue d'avance. D'autre part, il existe une possibilité, exprimée par M. Mahoux, à savoir qu'en l'absence de liste stricte, l'on n'obtienne pas nécessairement une diminution du nombre d'affaires renvoyées devant la cour d'assises.
Le ministre explicite le système actuel dans lequel toutes les infractions sont portées devant le tribunal de police, tous les délits devant le tribunal correctionnel et tous les crimes devant la cour d'assises. Il n'y a donc pas de liste. La loi sur les circonstances atténuantes a constamment élargi la possibilité de correctionnalisation des crimes, si bien que seul un nombre strictement limité d'affaires sont portées devant la cour d'assises. Il est difficile d'encore diminuer ce nombre, sauf en ce qui concerne les tentatives. La Commission de réforme propose un autre système dans lequel l'on établit la liste exhaustive des affaires dont la cour d'assises peut être saisie. Ce qui n'apparaît pas sur la liste ne peut pas être porté devant la cour d'assises. Le Conseil supérieur propose de maintenir le système actuel, tout en redéfinissant ce qui relève de la saisine du tribunal correctionnel. Il se base pour ce faire sur la pratique actuelle. Pour des motifs tenant à l'économie de la procédure, les affaires qui se trouvent dans la zone grise peuvent être correctionnalisées par la chambre des mises en accusation. Dans ce cas, le degré de la peine est connu, puisque le tribunal correctionnel ne peut pas prononcer de peines de plus de 20 années de réclusion. Dans le cas d'une liste positive, ce sont les tentatives qui posent problème. Il est difficile de définir dans un texte de loi quelles tentatives doivent être portées devant la cour d'assises et quelles sont celles qui relèvent du tribunal correctionnel.
M. Mahoux pense que la souplesse équivaut à un status quo. L'avis du Conseil supérieur de la Justice est de laisser les choses en l'état et de ne rien changer aux compétences actuelles de la cour d'assises. L'option retenue dans la proposition de loi est celle de la liste basée sur des critères spécifiques. Cela a le mérite de la clarté. L'intervenant peut accepter que l'on tente d'assouplir le système trop rigide de la liste en prévoyant des marges d'appréciation dans une série de situations (par exemple pour les tentatives). Il ne faudrait cependant pas en revenir au système actuel.
L'orateur pense que la solution préconisée par le gouvernement n'aura pas pour effet d'améliorer le fonctionnement des cours d'assises. Le nombre de dossiers renvoyés en assises ne sera pas réduit. Il rappelle qu'une des remarques les plus couramment formulées à l'encontre de la procédure actuelle est l'encombrement des cours d'assises. Or, pour atteindre cet objectif de désencombrement, il faut définir de manière plus restrictive les affaires renvoyées devant la cour d'assises. Il plaide dès lors pour le maintien d'une liste des crimes renvoyés devant la cour d'assises avec une marge d'appréciation vers le bas, c'est-à-dire une possibilité de correctionnaliser.
M. Vankrunkelsven est d'avis que le malentendu est dû à un excès de références à la proposition du Conseil supérieur de la Justice. Ce que le gouvernement propose est très proche de ce que préconise M. Mahoux dans sa dernière intervention. Pour les affaires qui se situent dans la zone grise, la chambre des mises en accusation a la possibilité de prendre une décision de correctionnalisation.
M. Van Parys estime que, si la discussion est ardue, c'est parce qu'elle devrait porter, en réalité, sur la hiérarchie des peines dans sa globalité. On devrait en fait réécrire le Code pénal, mais il faudrait pour cela toute une législature. Si l'on opte pour une liste, encore faut-il savoir concrètement ce que l'on va y mettre. Quel sera au juste le fil conducteur en l'espèce ?
M. Mahoux pense que le fil conducteur des critères retenus dans la proposition de loi pour définir la compétence de la cour d'assises sont:
— tous les crimes passibles d'une peine à perpétuité;
— certains crimes passibles d'une peine privative de liberté de trente ans;
— les circonstances abjectes.
Pour tenir compte du souhait du gouvernement d'introduire une certaine souplesse dans le système, M. Mahoux suggère de maintenir une possibilité de correctionnalisation pour une catégorie de crimes qui tombe dans le champ de la liste mentionnée ci-dessus.
En d'autres termes, une série de crimes seraient obligatoirement renvoyés devant la cour d'assises sans possibilité de correctionnalisation. Pour certains crimes relevant normalement de la cour d'assises, une correctionnalisation serait par contre possible.
L'intervenant n'est par contre pas favorable à une possibilité générale de tout correctionnaliser car cela pourrait aboutir dans les faits, à vider la cour d'assises de sa substance. Comme il soutient le principe du jury populaire, il estime que certains crimes doivent nécessairement être renvoyés devant la cour d'assises sans qu'il soit possible de les correctionnaliser.
M. Monfils demande si l'objectif est de diminuer le nombre d'affaires d'assises. Si l'on devait suivre la liste proposée à l'article 14 de la proposition de loi, va-t-on effectivement aboutir à une réduction du nombre de dossiers renvoyés devant la cour d'assises par rapport à la pratique actuelle ? Il faut s'assurer que les modifications proposées auront pour effet de diminuer de manière sensible le nombre d'affaires. Est-il possible, en se basant sur la pratique des dernières années, d'évaluer l'effet sur le terrain du régime proposé à l'article 14 de la proposition de loi ?
Le ministre vérifiera s'il est possible de faire une simulation de l'effet du régime proposé à l'article 14 sur le nombre de dossiers d'assises. Il rappelle qu'à l'heure actuelle, ce sont déjà les dossiers concernant les faits les plus graves qui sont renvoyés devant la cour d'assises. Leur nombre est limité.
M. Mahoux pense qu'un régime qui offre la clarté pour les justiciables est préférable à une solution floue. Or, chaque fois que l'on voudra augmenter la marge de manœuvre et d'appréciation, cela se fera au détriment de la clarté. La proposition du Conseil supérieur de la Justice laisse une marge de manœuvre importante aux magistrats de la chambre des mises en accusation lorsqu'ils décident de correctionnaliser ou non le dossier. Souvent, on reproche au monde politique de voter des lois trop floues qui laissent des marges de manœuvre trop importantes aux magistrats qui les appliquent. Inversement, si le législateur veut des textes plus rigides, on lui reprochera que les textes manquent de souplesse et ne permettent pas de prendre en compte la particularité de chaque situation.
M. Vankrunkelsven en conclut qu'une question concrète se pose. Si l'on travaille avec une liste limitative, on devrait examiner quel impact elle aurait sur le nombre d'affaires portées ces deux dernières années devant la cour d'assises.
Par ailleurs, il faut se garder de tout manichéisme. L'intervenant est d'avis que la proposition de la Cellule stratégique Justice est très proche de celle de M. Mahoux. En effet, il s'agit, dans la mesure du possible, de dresser une liste et de procéder autant que faire se peut à une correctionnalisation dans un nombre de cas précis. Il subsiste toutefois un certain nombre de cas qui sont difficiles à définir, comme les « tentatives de », pour lesquels, il faudrait prévoir une marge qui laisse à la chambre des mises en accusation la possibilité de trancher. Cette proposition ne fait qu'affiner la proposition de M. Mahoux. Peut-être faudrait-il confier l'examen de son impact à un groupe de travail de manière que la commission puisse poursuivre les travaux.
M. Van Parys peut marquer son accord sur la méthode proposée. Il se demande s'il y aurait une grande différence entre les affaires qui sont portées devant la cour d'assises dans le système actuel et celles qui le seraient d'après la proposition de loi de M. Mahoux.
Le ministre rappelle que deux choix sont manifestement possibles en l'espèce. Soit on dresse une liste sur laquelle figureront des infractions qui de facto surviendront rarement, en veillant à ne rien omettre. Soit — et c'est ce que propose le Conseil supérieur de la Justice — on s'en tient à la pratique actuelle, en prévoyant que toutes les infractions graves punies des peines les plus lourdes sont portées en principe devant la cour d'assises, mais on ne dresse aucune liste limitative. Cette méthode aurait l'avantage d'être plus sûre et plus souple.
M. Van Parys estime que l'on pourrait essayer de dresser une liste en se basant sur la pratique actuelle afin d'avoir une idée précise de la situation.
Le ministre pense avoir lu dans le rapport de la Commission de réforme que la liste établie par le Conseil supérieur ne présente aucune différence notable par rapport à ce qui se fait dans la pratique actuelle. On peut certes demander aux procureurs généraux de dresser une liste des codes des infractions pour lesquelles il y a une procédure d'assises.
M. Van Parys se demande si la Commission de réforme n'a pas déjà effectué cet exercice.
Le ministre s'informera à ce sujet. Il indique que le Conseil supérieur dispose également de chiffres. Il en existe déjà pour les années antérieures, mais ils ne sont pas actualisés.
M. Delpérée pense que l'on peut résumer la problématique comme suit. Soit le législateur établit une liste limitative, exhaustive, des crimes qui sont renvoyés en cour d'assises. Dans ce cas, le résidu est de la compétence du tribunal correctionnel. Soit on opte pour la solution inverse: tous les crimes relèvent de la compétence de la cour d'assises mais on établit une liste des crimes qui sont de la compétence du tribunal correctionnel.
Ces deux solutions semblent a priori équivalentes. Cependant, selon l'option que l'on retient, le principe de départ n'est pas le même. Or, dans les zones grises, en fonction de l'option de départ, le doute aura pour effet que l'on renverra plus d'affaires devant la cour d'assises ou devant le tribunal correctionnel. Le choix de départ n'est dès lors pas innocent. Il conditionne les interprétations et les mises en œuvre de la loi.
M. Mahoux pense que l'on pourrait maintenir le principe selon lequel tous les crimes relèvent de la Cour d'assises. On dresserait ensuite dans la loi la liste des crimes qui peuvent faire l'objet d'une correctionnalisation. Symboliquement, cette solution offre l'avantage de maintenir la compétence générale de la cour d'assises en matière criminelle. La difficulté sera de dresser la liste des crimes correctionnalisables. Tout le reste ne serait pas correctionnalisable. En cas de doute, c'est la règle générale du renvoi devant la cour d'assises qui s'appliquerait.
Le ministre précise que la liste des affaires correctionnalisables se trouve à présent dans la loi sur les circonstances atténuantes. Il faudra la faire figurer dans la définition de la compétence du tribunal correctionnel. Ainsi, la Cour d'assises est en principe compétente pour les crimes punis d'une peine supérieure à 20 ans de réclusion. On reprend la pratique existante, à la différence que l'on ne doit pas passer par le système de correctionnalisation.
M. Mahoux en déduit que tous les crimes relèvent des assises sauf ceux qui font partie de la liste des crimes qui relèvent du tribunal correctionnel.
Le ministre répond qu'en principe, les crimes sont portés devant la Cour d'assises. Toutefois, dans la pratique, on a tendance à les correctionnaliser autant que possible. À l'heure actuelle, cela signifie que tous les crimes passibles d'une peine n'excédant pas vingt ans de réclusion peuvent être correctionnalisés. Les infractions pour lesquelles la peine prévue par la loi excède vingt ans de réclusion doivent être portées devant la cour d'assises, sauf s'il s'agit d'une des six catégories mentionnées à l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867, alinéa 3, 2º à 7º. Le Conseil supérieur reprend la même règle, mais souhaite que tous les crimes passibles d'une peine de moins de vingt ans de réclusion et les six catégories mentionnées dans la loi soient portés directement devant le tribunal correctionnel, lequel serait donc automatiquement compétent dans tous ces cas. Les autres crimes, c'est-à-dire ceux qui sont punis d'une peine excédant vingt ans de réclusion, sont portés devant la cour d'assises, sauf s'il s'agit d'une des six catégories précitées. Il convient d'ajouter que la chambre des mises en accusation conservera quand même la possibilité de correctionnaliser les affaires qui se situent dans la zone grise. C'est par ce biais que l'on pourrait réduire le nombre d'affaires d'assises.
M. Vankrunkelsven conclut que tout ce qui est correctionnalisable aujourd'hui relève donc automatiquement de la compétence du tribunal correctionnel. Est-ce à dire qu'à ce jour, il n'y a pas d'exceptions ? Tout ce qui est correctionnalisable est-il effectivement correctionnalisé ?
Le ministre répond par l'affirmative. La proposition formulée par le Conseil supérieur a le mérite d'être claire. On consacre dans la loi ce qui se passe dans la pratique. C'est un statu quo, certes, mais il permet de simplifier les choses. En outre, les crimes qui se situent dans la zone grise pourront toujours être correctionnalisés par la chambre des mises en accusation.
M. Van Parys demande si la proposition formulée prévoit que le tribunal correctionnel pourra prononcer des peines n'excédant pas vingt ans pour les crimes qui relèvent directement de sa compétence. Dans le système actuel, c'est impossible vu que la correctionnalisation a pour effet de commuer les crimes en délits.
Le ministre répond par l'affirmative.
M. Mahoux demande quel est l'effet de la solution proposée sur la prescription. Sur le plan du principe, les crimes relèvent des assises. En exception à la règle générale, certains crimes définis dans la loi relèveraient du tribunal correctionnel qui pourrait prononcer des peines d'emprisonnement jusqu'à vingt ans. Les règles de prescription changent-elles pour ces crimes traités en correctionnelle ?
Pour déterminer quels crimes relèveraient systématiquement du tribunal correctionnel, on inscrirait dans la loi les conditions de la correctionnalisation. Enfin, il y aurait encore une zone grise dans laquelle la chambre des mises en accusation disposerait d'un pour voir d'appréciation pour renvoyer soit devant la Cour d'assises soit devant le tribunal correctionnel. Toute la difficulté est de définir la liste des cas figurant dans cette zone grise.
Le ministre pense qu'il n'est pas possible de fixer dans la loi des règles concrètes pour définir cette zone grise. Ce sera une question de bon sens.
M. Monfils ne partage pas cette analyse. Outre les cas qui sont automatiquement traités par le tribunal correctionnel, il faut définir dans la loi la liste de ce qui peut être correctionnalisé par la chambre des mises en accusation. La zone d'ombre ne peut constituer la catégorie résiduaire car, à la limite, cela pourrait aboutir à ce qu'il n'y ait plus de cours d'assises. L'intervenant rappelle le courant de pensée favorable à la suppression de la cour d'assises ou à sa réduction drastique. Il est dès lors impératif de fixer les limites de la zone d'ombre et de maintenir des cas où la chambre des mises en accusation ne peut pas correctionnaliser. L'intervenant ne veut pas d'un système où la chambre des mises en accusation est omnipotente.
M. Mahoux renvoie à l'avis du Conseil supérieur de la Justice. Le Conseil était pour le moins mitigé quant au maintien de la Cour d'assises. Ce n'est cependant ni le point de vue de l'opinion publique ni celui du parlement.
Il ne faudrait pas en arriver, à travers le régime de compétence, à vider la cour d'assises de sa substance. À quoi mènerait un système où l'on maintiendrait le principe général du renvoi des crimes devant la cour d'assises alors que l'on renverrait automatiquement devant le tribunal correctionnel les crimes actuellement correctionnalisables et que l'on conserverait une possibilité de correctionnaliser les autres crimes sans fixer de liste limitative des cas ? La marge d'interprétation laissée à la chambre des mises en accusation peut avoir pour effet de correctionnaliser l'ensemble des crimes. Il faut une liste fermée pour limiter la zone d'ombre soumise à l'appréciation de la chambre des mises en accusation.
Le ministre répond qu'il y a une limite: en cas de correctionnalisation, la peine maximale que le tribunal correctionnel peut infliger est de 20 ans de réclusion. Les faits les plus graves seront toujours jugés par une cour d'assises. En cas de correctionnalisation, on accepte des circonstances atténuantes.
M. Vankrunkelsven conclut que la limite imposée au tribunal correctionnel sur le plan de la peine constitue une garantie. La chambre des mises en accusation ne renverra pas tous les crimes au tribunal correctionnel.
M. Van Parys rétorque que les choix ne peuvent pas être faits maintenant. Ils seront faits ultérieurement, sur la base des notes qui seront remises par le gouvernement.
M. Mahoux pense que si l'on veut trouver un compromis par rapport aux positions exprimées, on ne peut voter un texte qui, dans les faits, permet de saborder la Cour d'assises.
M. Vankrunkelsven estime qu'un consensus existe autour de l'idée que tout ce qui est correctionnalisable aujourd'hui relèvera directement de la compétence du tribunal correctionnel. Pour les autres crimes, le débat est ouvert. Soit on confie la correctionnalisation à la chambre des mises en accusation qui agit alors en sachant que le tribunal correctionnel peut infliger une peine de maximum 20 ans. Soit on tente de définir ce qu'il est convenu d'appeler la zone grise, de manière que la chambre des mises en accusation n'ait pas la possibilité théorique de tout correctionnaliser.
M. Van Parys déclare qu'il ne veut pas prendre position de manière définitive. Avant d'adopter un point de vue, l'intervenant doit encore refaire le point de la situation. Il faut par exemple tenir compte du fait que les affaires qui sont correctionnalisables aujourd'hui et qui sont correctionnalisées dans la proposition relative à la compétence directe du tribunal correctionnel, pourront donner lieu à des peines beaucoup plus lourdes.
Le ministre souligne que la correctionnalisation par le recours à des circonstances atténuantes est une procédure archaïque qui entraîne souvent beaucoup de retard. La procédure peut ainsi être retardée d'un an s'il convient de procéder au règlement des juges.
Motivation de l'arrêt
M. Mahoux rappelle que sa proposition de loi est un condensé des conclusions non unanimes de la Commission de réforme de la Cour d'assises.
Sur le point de la compétence de la Cour d'assises, l'intervenant rappelle les orientations auxquelles la commission avait abouti. Le principe de base selon lequel les affaires criminelles relèvent des assises est maintenu. On définirait dans la loi la liste des crimes automatiquement correctionnalisés. On maintiendrait également une zone « grise » qui permettrait à la chambre des mises en accusation de correctionnaliser certains crimes.
Sur la question de la motivation, M. Mahoux rappelle que la volonté de prévoir une motivation sur la culpabilité est antérieure à l'arrêt Taxquet de la CEDH.
Quant à la technique permettant d'aboutir à une motivation de l'arrêt, deux pistes sont possibles.
La première vise à associer le président à la délibération du jury sur la culpabilité. Il y a déjà longtemps que le parlement y réfléchit. De nombreux parlementaires expriment des réserves sur cette solution car ils considèrent que la présence du juge professionnel n'est pas neutre et qu'il risque d'influencer les jurés. Cette solution ne fait par ailleurs pas l'objet de beaucoup d'enthousiasme dans le chef des magistrats.
L'hypothèse d'une délibération en deux temps est une autre option. Dans un premier temps le jury se réunirait seul et délibérerait sur la culpabilité. La rédaction de la motivation aurait lieu dans un second temps avec l'aide du président.
Il est évident que la motivation doit s'articuler sur la délibération faite par le jury. Le jury communique au juge professionnel, dans un langage commun, l'explicitation de ce qui sous-tend sa décision. Il appartient alors au président de traduire cette délibération en termes juridiques. Ce système pose cependant un problème car il transforme le juge professionnel en scribe. Ce magistrat sert de plume à une décision prise préalablement. Certains redoutent que cette solution n'aboutisse à des incohérences. M. Mahoux ne partage pas cette inquiétude qui est une forme de mépris pour le jury populaire dont on doute de la capacité de décider sur une culpabilité en fonction de critères intégrés. La proposition de loi ne retient pas cette deuxième hypothèse.
M. Monfils demande si le gouvernement souhaite que la question de la motivation des arrêts soit dissociée de la réforme globale de la Cour d'assises pour répondre au problème urgent qui se pose depuis l'arrêt Taxquet. Une réforme d'ensemble de la Cour d'assises n'aboutira pas à bref délai et la question de la motivation n'est qu'un des nombreux points à trancher dans le cadre d'une réforme globale.
L'intervenant rappelle sa demande de simulation du calcul de l'effet des règles de compétence proposées dans le texte à l'examen sur le nombre d'affaires traitées en Cour d'assises. Il faut que le travail soit efficace et il serait inutile de modifier les règles de compétence de la cour d'assises sans aboutir à une réduction substantielle du nombre d'affaires qui y sont traitées.
Sur la question de la motivation, l'intervenant n'est pas opposé à la solution proposée par le gouvernement de travailler en deux temps. Le jury délibérerait seul sur la culpabilité et les magistrats professionnels viendraient ensuite « habiller » la décision en droit. La CEDH n'exige pas que la motivation des arrêts des Cours d'assises soit identique à celle des juridictions ordinaires. La CEDH reconnaît la spécificité de la cour d'assises où les jurés se basent sur leur intime conviction.
M. Delpérée pense que si l'on conserve l'idée du jury populaire et si l'on veut s'inscrire dans la logique de l'article 150 de la Constitution, il faut que ce soit ce même jury populaire au sens strict qui se prononce sur la culpabilité. En d'autres termes, les magistrats professionnels ne peuvent être associés à la délibération car ce ne serait plus, dans une telle hypothèse, le jury populaire inscrit dans la Constitution qui se prononcerait. L'intervenant est dès lors hostile au délibéré commun.
La CEDH impose la motivation des arrêts. Cela ne signifie cependant pas qu'il faille répondre à tous les arguments soulevés par la défense. L'intervenant renvoie à l'arrêt rendu par la CEDH dans l'affaire Papon: la succession des réponses aux questions posées au jury peut constituer une motivation suffisante. Il est évidemment possible d'aller plus loin en prévoyant une motivation expresse, c'est-à-dire la formulation dans un certain nombre de considérants des raisons de fait et de droit qui vont expliquer le dispositif de l'arrêt.
M. Delpérée renvoie ensuite aux travaux du logicien Chaïm Perelman qui expliquait que dans les milieux juridiques on définit d'abord la solution pour ensuite donner des explications. Pourquoi ne pas appliquer ce type de raisonnement à la cour d'assises. C'est la solution proposée par le Conseil supérieur de la Justice. Dans un premier temps le jury populaire se réunit seul sur la question de la culpabilité. Dans un deuxième temps, le jury se réunit avec un ou plusieurs magistrats professionnels pour établir la motivation de la décision sur la culpabilité et déterminer les conséquences en termes de sanction.
L'intervenant ne partage pas l'idée que dans un tel scénario le magistrat professionnel joue le rôle d'un scribe. Le scribe est une personne qui note les opinions exprimées par d'autres personnes. Le magistrat doit apporter son bagage technique et professionnel pour mettre en forme ce que d'autres ont déterminé à la suite du procès oral.
Par ailleurs, M. Delpérée se rallie au ministre lorsqu'il rejette la technique des « opinions divergentes ». Cette méthode anglo-saxonne n'entre pas du tout dans notre mode de rédaction des arrêts. La « dissenting-opinion » a pour effet de démolir la portée de l'arrêt qui est rendu. Cela déforce totalement l'autorité de la chose jugée.
M. Delpérée pense enfin que le législateur doit établir des règles claires et fermes en matière de Cour d'assises. Dans ce travail, il ne doit pas se laisser impressionner par les affaires en cours et les menaces de recours.
Mme Crombé-Berton pense qu'il serait préférable de traiter la question de la motivation dans une proposition de loi séparée qui pourrait être adoptée rapidement. Cette question n'est pas totalement liée aux autres points de discussion et pourrait dès lors être extraite de la proposition de loi à l'examen.
Il faut d'une part chercher une procédure qui garantisse que le jury populaire puisse se prononcer de manière autonome tout en motivant l'arrêt sur le plan juridique. Elle suggère de travailler avec une liste de questions. Ce système, qui est appliqué en France, permet d'arriver à une motivation suffisante.
L'intervenante propose que le juge professionnel élabore la liste de questions au vu des débats. La liste est soumise au jury qui délibère seul et répond aux questions. Cela permet d'éviter l'écueil de l'influence du juge professionnel lors du délibéré mais également d'éviter de confiner le magistrat professionnel dans un rôle de scribe.
M. Vandenberghe souligne que l'on ne peut pas perdre de vue qu'en matière pénale, le principe de légalité résumé par la maxime « nulla poene sine lege » est d'application. La motivation doit y satisfaire. L'intervenant renvoie à ce propos à l'article 7 de la CEDH. Si la défense conclut sur des points relevant de la technique pénale, qui sont soumis au principe de légalité, le jury doit également y répondre. C'est l'essence du système juridique. La science du droit obéit à des principes spécifiques que l'on ne saurait laisser éroder par l'esprit du temps. La question se pose de savoir comment l'on créera les conditions de la motivation. Une autre question qui se pose est de savoir si le magistrat représente réellement une menace pour dire le droit. Il ne faut pas oublier que le droit pénal et le droit de la procédure pénale sont aujourd'hui d'une complexité extrême. L'intervenant ne voit dès lors a priori aucune objection à ce que le magistrat prenne part au délibéré. Maints magistrats statuent en faisant preuve d'objectivité et de détachement. Pourquoi ne pourraient-ils pas changer d'avis au cours d'un délibéré ? Il faut essayer d'améliorer la qualité de la jurisprudence. Cela nécessite de fournir une motivation et de trouver une formule adéquate à cet effet. L'intervenant répète qu'il ne trouve pas insurmontable qu'un magistrat prenne part au délibéré.
M. Delpérée pense que la solution de la liste de questions proposée par Mme Crombé-Berton n'apporte rien de neuf par rapport à la situation actuelle. C'est déjà le président qui établit la liste des questions. Par ailleurs, dans l'arrêt Taxquet, la CEDH a admis le système de la liste de questions à condition qu'il y ait un nombre suffisant de questions. Or, pour les dossiers simples il n'est pas toujours possible de développer une liste de questions qui soit très longue.
Mme Crombé-Berton précise que ce système fonctionne cependant en France.
M. Mahoux pense que le système de la liste est encore plus contraignant pour le jury que la présence du magistrat professionnel lors du délibéré. Dès lors que les questions devront être formulées de manière analytique, cela détermine préalablement quelle va être la motivation du jury ou ce sur quoi elle devra se baser. L'intervenant trouve cette solution très intrusive quant au rôle du magistrat professionnel et à la manière dont la liste oriente le jury.
M. Monfils pense qu'une avalanche de questions a pour effet d'exproprier le jury de ses choix.
En ce qui concerne la présence du magistrat professionnel dans la délibération sur la culpabilité, il ne faudrait pas faire croire que le jury est incapable de réfléchir et d'analyser une situation. Le jury n'est évidemment pas capable de motiver en droit la position qu'il prend. C'est pour cette raison que M. Monfils est favorable à la solution préconisée par le ministre à savoir que le jury délibère seul sur la culpabilité alors que la motivation serait faite par le jury et un ou plusieurs magistrats professionnels. M. Monfils n'est par contre pas favorable à la présence de magistrats professionnels lors de la délibération sur la culpabilité car leur poids y serait énorme.
Le ministre répond que dans la procédure actuelle la liste des questions est établie par le président. La défense peut faire des propositions. C'est le président qui décide.
Mme Crombé-Berton précise qu'en France la réponse par oui ou par non à la liste de questions sert de motivation.
Le ministre affirme que la seule technique de la liste de questions n'est plus, une solution suffisante sur le plan de l'obligation de motivation. Il faudrait, en plus des réponses aux questions, une véritable motivation.
M. Delpérée fait remarquer que dans l'arrêt Papon qu'elle a rendu le 25 juillet 2002, la CEDH admet que l'enchaînement des questions implique une motivation implicite. Cette solution n'est cependant possible que pour des dossiers où beaucoup de faits sont soumis à la cour d'assises. Pour des dossiers plus simples, il ne sera pas toujours possible d'établir une liste suffisante de questions permettant d'arriver à une motivation.
M. Vandenberghe souligne que l'arrêt Papon date de 2002. Dans son arrêt Taxquet de 2009, la CEDH va plus loin. Dans l'affaire Taxquet, la cour d'assises avait utilisé la méthode de la liste de questions et le jury avait dû répondre à 32 questions. La CEDH a estimé que cela ne suffisait pas.
Le ministre confirme qu'il faut aller plus loin dans la motivation que l'établissement d'une liste de questions. Deux systèmes sont possibles. Soit celui proposé dans la proposition de loi qui prévoit le délibéré conjoint. Soit la solution préconisée par le Conseil supérieur de la Justice qui plaide pour une délibération en deux temps; la délibération sur la culpabilité se déroulant hors la présence de magistrats professionnels qui ne seraient associés au jury que pour la rédaction de la motivation. Après l'audition du Conseil supérieur, au cours de laquelle il est apparu que tous les acteurs au sein de la Justice en étaient partisans, le ministre opte pour le deuxième système, qui était du reste déjà proposé en ordre subsidiaire.
À la question sur l'effet de nouvelles règles de compétence sur le nombre de dossiers renvoyés devant la cour d'assises, le ministre répond qu'il a consluté son administration et qu'il en est ressorti que la Commission de réforme de la Cour d'assises avait déjà réalisé une estimation.
Le ministre renvoie au rapport de la commission, qui avait déjà effectué un calcul. On en était arrivé à un chiffre de 281 affaires au lieu de 362. On attend à présent les calculs du Conseil supérieur de la justice.
Le ministre demande avec insistance qu'un choix politique soit fait rapidement. Si l'on opte pour la piste de réflexion qu'il a proposée, il faudra préparer de nouveaux textes. En outre, on pourrait déjà adresser un signal au Collège des procureurs généraux et aux autres intéressés, afin qu'il soit procédé, le cas échéant, à un ajustement dans les affaires en cours.
Bien qu'il ne souhaite pas considérer le juge comme une « menace » lors de la délibération, le ministre souligne que la cour d'assises est une juridiction avec jury. Le jury doit donc dire le droit, même si rien n'empêche le magistrat d'intervenir post factum et, le cas échéant, de rectifier le tir. L'intervenant évoque une application possible d'un article 352 adapté du Code d'instruction criminelle: « Si hors le cas prévu par l'article 118 de la loi du 18 juin 1869 sur l'organisation judiciaire, les juges sont unanimement convaincus, dans le cadre de la rédaction de la motivation, que les jurés se sont trompés sur la preuve, la cour déclarera qu'il est sursis au jugement et elle renverra l'affaire à la prochaine audience, pour qu'elle soit soumise à un nouveau jury, dont aucun des premiers jurés ne pourra faire partie ».
M. Vandenberghe objecte que l'article 352 n'est jamais appliqué. Il existe d'ailleurs un contre-argument d'ordre juridique et technique. Le jury raisonne selon son intime conviction, ce qui implique la liberté de la preuve. Or, cela n'existe plus en matière pénale. Qu'adviendra-t-il donc si le jury se base sur un moyen spécial de preuve, comme un témoignage anonyme ? Comment les jurés expliqueront-ils que leurs conclusions sont basées sur des conditions supplémentaires pour admettre ce moyen spécial de preuve ?
Le ministre estime que l'un n'exclut pas l'autre. S'il apparaît ultérieurement, lors de la délibération avec les magistrats professionnels, que le jury s'est basé uniquement sur un témoignage anonyme, l'article 352 pourra être appliqué.
Le ministre est convaincu que la formule qui consiste à laisser le jury jouer son rôle pour dire le droit et à faire intervenir le magistrat a posteriori est la plus souhaitable. Si un des jurés annonçait après coup dans les médias qu'il a manipulé le jury et que cette manipulation a influencé le point de vue du jury au cours de la délibération, les risques courus seraient énormes. Il faut donc aussi pouvoir appliquer l'article 352 en cas d'acquittement. Le ministre prône un fonctionnement scindé, qu'il juge plus correct.
L'intervenant demande une fois encore que la commission fasse rapidement un choix, afin qu'on puisse agir sans délai. Il se dit personnellement favorable à une réforme globale.
M. Mahoux demande des précisions sur le système proposé: les juges professionnels rentrent en réunion avec le jury pour rédiger la motivation. Cette motivation doit être assumée de manière collective.
Le ministre précise que le jury délibère dans un premier temps sur la culpabilité et prend une décision. Le magistrat rejoint ensuite le jury pour rédiger la motivation. Le verdict est ensuite prononcé en public et le jury se retire à nouveau avec le magistrat pour délibérer sur la peine.
M. Mahoux attire l'attention sur le fait qu'entre la délibération du jury sur la culpabilité et celle sur la motivation, il faut qu'il y ait déjà un document avec les réponses du jury aux questions. Le prononcé du verdict en public n'étant prévu qu'après la motivation, il faut que la procédure prévoie une cristallisation de la décision du jury à l'issue de sa délibération sur la culpabilité.
Mme Crombé-Berton demande ce qui se passera si le juge, qui n'a pas participé à la délibération sur la culpabilité, constate un problème au moment de la délibération sur la motivation. Elle cite l'hypothèse dans laquelle les jurés ne s'accordent pas sur la motivation ou lorsque le juge constate que les jurés ont fait des erreurs d'interprétation. Que peut faire le magistrat dans une telle hypothèse ?
Si l'on veut éviter des recours en cassation sur la motivation il faudrait que le juge professionnel soit présent lors du délibéré sur la culpabilité.
M. Delpérée pense que si la commission décide d'aller dans la voie d'une motivation formelle et que l'on retient deux étapes, il faut savoir à quel moment situer la césure entre les deux étapes.
On peut imaginer que lors de la première étape le jury se prononce sur la culpabilité et que l'on prononce l'arrêt de culpabilité. Lors de la seconde étape, on motiverait la décision qui a été rendue et on se prononcerait sur la peine.
L'autre solution serait que le jury se prononce sur la culpabilité, que l'on appelle le juge pour la motivation et que l'on prononce ensuite l'arrêt sur la culpabilité. Cette procédure peut avoir pour effet que le juge remette en cause ce qui a été décidé antérieurement par les jurés. Cela menace le principe fondamental selon lequel le jury se prononce seul sur la culpabilité.
M. Monfils pense que si l'arrêt sur la culpabilité est prononcé avant la motivation, cela fait vraiment apparaître la motivation comme un habillage juridique effectué par le magistrat professionnel. Par ailleurs, il serait pour le moins curieux qu'à la suite de la délibération du jury on déclare quelqu'un coupable sans que l'on parvienne par la suite à une motivation concluante du verdict de culpabilité.
M. Mahoux rappelle qu'il faut une cristallisation de la décision du jury sur la culpabilité. Il faut par ailleurs éviter une procédure trop lourde où après la proclamation du verdict sur la culpabilité on verrait le jury se retirer une deuxième fois pour se pencher sur la motivation et ensuite une troisième fois pour délibérer sur la peine. Il serait préférable que le prononcé se déroule après la motivation, à condition que les réponses faites par le jury à l'issue de son premier délibéré sur la culpabilité soient conservées par le greffier. La délibération sur la peine aurait alors lieu dans un second temps.
M. Vankrunkelsven conclut que la commission estime qu'il faut rédiger une motivation. Plusieurs possibilités sont cependant envisageables. Une des questions qui se posent est de savoir, par exemple, s'il faut établir une liste de questions. Une autre est de savoir si le magistrat professionnel doit être présent ou non lors de la délibération. Ces points devront être éclaircis.
L'intervenant renvoie à l'article 352 du Code d'instruction criminelle, s'il ressort de la motivation qu'une erreur a été commise.
Appel
En ce qui concerne la possibilité d'un appel, le ministre renvoie aux différentes positions qui ont été défendues.
La proposition de loi de M. Mahoux suit l'avis de la Commission de réforme de la Cour d'assises, qui n'est pas favorable à un recours de pleine juridiction. Un contrôle étendu par la Cour de cassation suffit.
En revanche, le Conseil supérieur de la justice est partisan d'un appel circulaire, qui est donc un recours de pleine juridiction. Il est opposé à un contrôle étendu par la Cour de cassation et à l'enregistrement des débats. Toutefois, il est bien vite apparu que les différentes pistes visant à instituer un appel circulaire se heurtent à de nombreux problèmes de principe et pratiques. On en est ainsi arrivé à la conclusion qu'il vaudrait peut-être mieux envisager la suppression de la Cour d'assises.
Les discussions sur ce point battent encore leur plein au sein du collège des procureurs généraux, mais celui-ci souhaite déjà dire clairement qu'il est opposé à un appel de pleine juridiction. Si l'on impose une obligation de motivation, la Cour de cassation aura de toute façon un pouvoir de contrôle plus large.
Le ministre souligne que les règles et les conventions internationales n'imposent pas non plus l'obligation de prévoir une voie de recours. L'intervenant se réfère à la note du SPF Justice concernant les répercussions de l'article 2 du protocole additionnel nº 7 à la CEDH. Compte tenu du texte même de l'article 2 du protocole nº 7, qui laisse aux États une certaine marge d'appréciation en la matière, et compte tenu aussi du rapport explicatif du protocole nº 7 ainsi que de la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme, notre droit national répond de manière adéquate aux exigences de l'article 2 du protocole nº 7. Cela a également été confirmé par le Conseil d'État. De plus, ce protocole n'a pas encore été approuvé par la Communauté française et le Parlement wallon.
D'autre part, il faut aussi se demander ce qui est réalisable dans la pratique, ce qui est possible en termes d'économie de procédure. Dans cette optique, il ne semble absolument pas réalisable d'instituer un appel de pleine juridiction qui reviendrait à recommencer entièrement le procès. Une procédure d'assises coûte en effet très cher et mobilise beaucoup de ressources. À cela s'ajoute que le nombre d'affaires d'assises est en constante augmentation. L'objectif ne peut pas non plus être d'augmenter le nombre d'affaires d'assises en instituant une possibilité d'appel, alors que l'on s'efforce précisément de le réduire. Un appel de pleine juridiction impliquerait une charge très lourde pour l'appareil judiciaire.
Selon le ministre, la comparaison avec l'appel circulaire français n'est pas entièrement pertinente car en France, les magistrats professionnels participent à la délibération. En outre, les procès d'assises en France durent beaucoup moins longtemps.
Indépendamment des réserves liées à l'économie de procédure et d'ordre pratique, il y a aussi des objections de principe. En effet, rien ne permet de penser que le jugement du second jury sera meilleur. Cela serait en porte-à-faux avec la philosophie qui charge le peuple de juger. Le principe même de la souveraineté d'un jury populaire ne permet pas de se prononcer plusieurs fois sur une même affaire.
Il y aussi la piste d'une autorisation d'interjeter appel (« leave to appeal »). Cela suppose un filtrage préalable des affaires susceptibles de donner lieu à un appel.
Pour commencer, on peut affirmer qu'il existe déjà un certain filtre à l'heure actuelle. L'intervenant souligne que de telles procédures de filtrage existent déjà, par exemple l'article 442bis/442octies, l'article 443 du Code d'instruction criminelle et à l'article 43 de la CEDH.
Ce qui frappe dans ces procédures, c'est les critères sur la base desquels le filtrage s'effectue, ont égé définis de manière très précise. Il s'avère plus délicat de définir avec autant de précission un filtre à appliquer avant un purvoi en appel dans une affaire d'assises. Le ministre craint que cette piste ne crée une procédure dans la procédure. Un pourvoi en cassation est-il possible en cas de refus ? On risque de voir poliférer les incidents. Le gouvernement s'interroge par ailleurs sur la transparence de cette procédure. Plutôt que de contribuer à simplifier les choses, cette piste ne fera que les compliquer davantage.
Enfin, il y a la piste du pourvoi élargi, qui emporte la faveur du ministre. Compte tenu de l'obligation de motivation, la Cour de cassation aura de toute façon une plus grande marge d'appréciation. L'article 352 du Code d'instruction criminelle offre lui aussi des possibilités à cet égard. L'intervenant renvoie à la proposition du Conseil supérieur de la justice de modifier cet article. Au regard de la nouvelle proposition de motivation, cet article, offre de nouvelles possibilités et sera sans doute également appliqué davantage.
M. Van Den Driessche demande si l'on applique parfois l'article 352 du Code d'instruction criminelle.
Le ministre répond que non, mais cela n'empêche pas que l'on puisse en faire davantage usage à l'avenir. Introduire l'obligation de motivation revient déjà à étendre le pourvoi en cassation. Si l'on modifie en plus l'article 352 du Code d'instruction criminelle, cela devrait suffire et cela ne rendrait plus nécessaire l'organisation d'un pourvoi en appel à part entière.
M. Monfils admet que sur le plan du droit international la Belgique n'a pas l'obligation de prévoir un appel contre les décisions de la cour d'assises. Lors de la ratification du protocole additionnel nº 7 à la CEDH, le Conseil d'État avait suggéré, par prudence, d'émettre une réserve dans la mesure où ce protocole prévoit le droit à un double degré de juridiction. La Belgique n'a cependant suivi l'avis du Conseil d'État et elle n'a pas émis de réserve car on a estimé qu'il ressortait de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que le pourvoi en cassation satisfaisait au double degré de juridiction.
L'intervenant pense que ce raisonnement est exact en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne. C'est cependant une position fragile. Il suffirait que la Cour change sa jurisprudence pour que notre législation se trouve en porte à faux.
Sur le fond, M. Monfils ne voit aucun argument décisif pour s'opposer à la mise en place d'un appel de pleine juridiction contre les arrêts de la Cour d'assises.
Le premier argument invoqué contre l'instauration d'un appel est basé sur l'idée que le peuple ne peut pas se tromper. Comment un autre jury d'assises pourrait modifier la position du premier jury ? Le même argument pourrait être invoqué à l'égard des magistrats professionnels entre l'instance et l'appel. Par ailleurs, l'article 352 du Code d'instruction criminelle vise l'hypothèse dans laquelle les juges sont convaincus que les jurés se sont trompés au fond et ils renvoient l'affaire à la session suivante pour la soumettre à un nouveau jury. L'intervenant y voit l'illustration du fait que le peuple peut se tromper. Sur le plan conceptuel, rien ne s'oppose à ce que l'on constitue un nouveau jury en degré d'appel pour statuer sur la condamnation prononcée lors du premier procès.
Le second argument contre l'appel est d'ordre financier: refaire un procès en appel coûte trop cher. M. Monfils pense qu'il faut être cohérent. Si la Cour d'assises coûte trop cher, il faut la supprimer. On ne peut plaider à la fois pour le maintien de l'institution mais refuser le recours en raison de son coût exorbitant. Il faut d'abord s'interroger sur l'opportunité d'instituer un appel de pleine juridiction. Si l'on juge ce recours important sur le plan des principes, il faut dégager les moyens financiers pour le rendre possible.
L'intervenant fait en outre remarquer que la question de l'appel doit être appréhendée dans le cadre plus large de la réforme de la procédure d'assises. La proposition à l'examen contient toute une série de mesures destinées à simplifier les procédures et à les rendre plus efficaces. Cela fera économiser du temps et de l'argent. Le problème de l'appel et de ses conséquences financières se pose différemment si l'on se situe dans une procédure d'assises simplifiée et raccourcie par rapport à la situation actuelle.
M. Monfils renvoie ensuite à des statistiques françaises relatives à l'appel des décisions des cours d'assises (voir le bulletin d'information statistique du ministère de la Justice, Infosat nº 102 d'avril 2008). Entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2005, les cours d'assises d'appel ont condamné 1 047 personnes qui avaient déjà été condamnées en première instance. Dans 32 % des cas, la peine a été confirmée en appel. Cette peine a été allégée dans 37 % des cas et une aggravation de la peine a été décidée dans 31 % des cas. L'intervenant en déduit que la juridiction d'appel a pris des mesures qui n'étaient pas identiques à celles prise en première instance par le premier jury.
M. Mahoux demande si des statistiques sont disponibles sur les conséquences de l'appel sur la décision de culpabilité.
M. Monfils renvoie aux informations publiées sur ce point dans le bulletin d'information statistique du ministère de la Justice de mars 2008 (Infosat Justice nº 100). Entre 2003 et 2005, les Cours d'assises d'appel ont rejugé 1 338 personnes réparties en 1 262 condamnés et 76 acquittés. Elles ont modifié la décision sur la culpabilité pour 8 % d'entre elles. Ainsi, 43 acquittés en premier ressort ont été condamnés en appel et à l'inverse 64 condamnés ont été finalement acquittés en appel.
L'intervenant déduit de ces statistiques que le procès en appel a toute son utilité car il change les choses par rapport à la décision rendue en premier ressort.
En France, on estime que des recours en appel sont introduits dans environ 25 % des cas.
En conclusion, M. Monfils pense qu'il serait prudent de prévoir un appel de pleine juridiction pour les procédures devant les assises, sans attendre un revirement de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il ne pense pas que l'élargissement des recours en cassation puisse être considéré comme un véritable double degré de juridiction.
M. Mahoux rappelle que, dans la réflexion qui est menée sur une réforme de la Cour d'assises, le problème de son encombrement est une préoccupation constante. Il est dès lors essentiel de savoir s'il est indispensable, aux yeux de la Cour européenne des droits de l'homme, d'instituer un appel. Des recours ont-ils déjà été introduits devant la Cour européenne en raison de l'absence d'appel dans notre procédure devant la cour d'assises ? Quelle est la jurisprudence de la Cour sur ce point ?
L'intervenant renvoie ensuite aux options dégagées par la commission à propos de la compétence de la Cour d'assises. Certains crimes pourraient encore être correctionnalisés. En fonction de l'interprétation faite par la chambre des mises en accusation et d'une éventuelle correctionnalisation, des faits identiques pourraient tantôt être renvoyés devant la Cour d'assises, sans possibilité d'appel, tantôt renvoyés devant le tribunal correctionnel, avec une possibilité d'appel. N'y a-t-il pas de discrimination entre ces deux situations ?
Par ailleurs, le fait d'obliger la Cour d'assises à motiver sa décision sur la culpabilité élargira les possibilités de recours en cassation. Dans ces conditions, et tenant compte du fait qu'il ne semble pas y avoir d'obligations internationales nous obligeant à créer un recours de pleine juridiction, M. Mahoux pense qu'un recours spécifique devant la Cour de cassation, plus étendu qu'un pourvoi classique, est une solution adéquate.
M. Delpérée renvoie à la note du professeur Ergec, qui rappelle: « Les articles 2 du protocole additionnel nº 7 à la CEDH et 14, § 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoient le droit à un double degré de juridiction.
Toutefois, la Belgique a précisément émis une réserve lors de la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui la soustrait à l'obligation d'instituer un double degré de juridiction pour les procès d'assises (Rapport définitif de la « Commission de réforme de la cour d'assises » remis à madame la ministre de la Justice le 23 décembre 2005, § 12, même si la Commission estime qu'il serait « malsain » de ne pas instituer un recours). La Belgique s'est jusqu'ores abstenue de ratifier le protocole additionnel nº 7 à la CEDH. »
L'intervenant en déduit que notre pays ne devait formuler aucune réserve sur le protocole additionnel nº 7 puisque nous ne l'avons pas ratifié.
Sur le plan pratique, M. Delpérée n'est pas favorable au double examen de pleine juridiction. Que se passerait-il s'il fallait refaire en appel le procès Habran, en tenant compte des coûts, des moyens humains et matériels qui sont mobilisés dans de telles affaires ?
Il faut par ailleurs tenir compte des possibilités de recours existantes, tant en Belgique que sur le plan international. En effet, si la commission retient l'exigence de motivation, il y aura de fait des possibilités élargies de recours en cassation. Par ailleurs, de manière ultime, si la procédure devait porter atteinte aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme, un recours devant la Cour de Strasbourg serait possible.
M. Vandenberghe peut se rallier à l'intervenant précédent en ce qui concerne le premier point. Le parlement fédéral a déjà approuvé le protocole, mais celui-ci doit encore être adopté par les autres parlements et ensuite être publié par le pouvoir exécutif. Bien entendu, la question de fond par rapport à l'article 2 reste entière.
S'agissant du recours, l'intervenant estime qu'il serait logique de prévoir un double degré de juridiction pour les affaires d'assises. Il est en effet inacceptable que les garanties juridiques aillent en diminuant à mesure que les affaires gagnent en importance. L'on pourrait également opter pour un compromis à un seul ressort, mais en prévoyant des garanties supplémentaires à un autre niveau, comme un raccourcissement de la durée du procès d'assises et une obligation de motivation. Le cas échéant, l'on pourrait également prévoir que la Cour de cassation exerce un contrôle élargi.
Un appel à part entière, dans lequel le jury siège aussi bien en premier ressort qu'en degré d'appel, entraîne des coûts beaucoup trop importants.
Le problème lié à la question du double degré de juridiction va aussi de pair avec la problématique du manque de représentativité du jury.
Mme Crombé-Berton pense également que d'un point de vue pratique l'instauration d'un appel de pleine juridiction n'est pas souhaitable.
Elle renvoie par ailleurs à l'article 352 du Code d'instruction criminelle qui crée déjà une possibilité de renvoyer l'affaire à un autre jury lorsque les magistrats professionnels sont convaincus que le premier jury s'est trompé au fond. Cette procédure n'est pas appliquée mais c'est un recours exceptionnel.
M. Monfils pense que la procédure de l'article 352 est un véritable désaveu du premier jury. Un appel est un recours de nature toute différente.
Le ministre répète que l'article est rarement appliqué. Il est aussi difficile d'affirmer que le peuple s'est trompé s'il n'y a pas de motivation.
M. Monfils rappelle que la volonté de la commission est que le jury se prononce seul sur la culpabilité et que cette décision ne peut être remise en cause par les magistrats professionnels lorsqu'ils se joignent au jury pour la motivation. Les magistrats professionnels doivent suivre la position du jury.
M. Vandenberghe renvoie au cas cité par le ministre, dans lequel un juré affirmait avoir manipulé le jury. Pourquoi n'a-t-on pas appliqué l'article 352 dans un cas aussi flagrant ?
Le ministre répond qu'actuellement, l'article ne peut pas être appliqué en cas d'acquittement.
M. Mahoux demande si la procédure prévue à l'article 352 a déjà été utilisée. Il ne voit pas en quoi la réforme de la Cour d'assises va entraîner un recours plus important à cette procédure exceptionnelle. Il pense que la procédure prévue à l'article 352 du Code d'instruction criminelle ne peut être mêlée à la discussion sur l'appel. Par contre, le fait que les arrêts devront à l'avenir être motivés aura certainement un effet sur les recours en cassation.
Le ministre demandera au Collège des procureurs généraux de lui communiquer le nombre de cas dans lesquels l'article 352 du Code d'instruction criminelle a été utilisé.
M. Delpérée pense qu'il y a déjà eu des cas où le jury a donné des réponses contradictoires à certaines questions. De telles situations peuvent se présenter et les magistrats décident alors, à l'unanimité, dans un souci de cohérence, de renvoyer l'affaire à la session suivante.
M. Vandenberghe estime que l'on fait référence à l'article 352, mais qu'aucune modalité n'a été définie quant à l'application de cette procédure. Se pose ainsi la question de savoir si l'avocat de la partie civile ou celui de l'accusé doit demander la parole immédiatement avant la fixation de la peine.
Le ministre répond que l'article ne peut être invoqué que d'office.
M. Vandenberghe estime que sur ce plan, l'on obtient alors un arrêt sans débat contradictoire. L'application de l'article 352 sans débat contradictoire soulève des questions au regard de l'article 6 de la CEDH.
M. Mahoux renvoie à l'article 352, alinéa 2, qui précise: « Nul n'aura le droit de provoquer la mesure ». L'intervenant en déduit que ce n'est pas contradictoire. Quoi qu'il en soit, il se demande ce qui justifierait que l'on applique davantage cette disposition après la réforme de la procédure devant la cour d'assises qu'elle ne l'est dans le régime actuel. Il demande si des recherches peuvent être effectuées sur les cas dans lesquels l'article 352 a été appliqué.
Le ministre confirme qu'il chargera son administration de ces recherches.
S'agissant du contenu de l'article 2 du protocole, le ministre renvoie à la note y afférente du SPF Justice.
En outre, l'instauration de l'obligation de motivation élargit les possibilités de contrôle de la Cour de cassation. L'intervenant renvoie également sur ce point au rapport de la Commission de réforme de la Cour d'assises.
M. Monfils fait remarquer que le texte cité par le ministre aborde la question du contrôle de la légalité des décisions de la cour d'assises. Ce n'est pas un véritable deuxième degré de juridiction avec un nouvel examen au fond. La Cour de cassation ne va pas revoir les faits. Elle contrôlera la motivation si celle-ci est fondée, s'il n'y a pas d'erreur de droit, etc.
L'intervenant admet qu'en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, un recours en cassation suffit pour répondre à nos engagements internationaux. L'article 2.1. du protocole additionnel nº 7 à la Convention européenne des droits de l'homme prévoit cependant que « toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, est régi par la loi. »
Le parlement fédéral a approuvé le projet de loi portant assentiment au protocole nº 7 (doc. Sénat, nº 3-1760). Ce protocole, qui est mixte, doit cependant encore être approuvé par les régions et les communautés.
Mme Crombé-Berton relève que le ministre a fait état de distorsions dans la motivation entre les éléments matériels et la décision. Elle demande ce que la motivation devra couvrir. Elle pense que la motivation doit rester simple pour éviter que tout arrêt ne fasse l'objet d'un recours en cassation. Il ne faudrait pas, en imposant une motivation trop élargie, s'exposer à une multiplication des pourvois en cassation.
M. Vandenberghe estime que la majorité des affaires d'assises font l'objet d'un pourvoi en cassation. Y a-t-il également des statistiques concernant le nombre d'affaires qui sont effectivement cassées par la Cour de cassation ?
Le ministre plaide pour une approche pragmatique. Il faut trouver un équilibre entre une bonne organisation des cours d'assises et le respect des droits de la défense. Un appel de pleine juridiction n'est cependant pas obligatoire dans l'état actuel de nos obligations internationales.
Son administration préparera une note sur l'application de l'article 352 du CIC ainsi que sur l'état de la procédure d'assentiment au protocole nº 7.
Il insiste pour que la commission définisse rapidement un cadre général cohérent pour une réforme de la cour d'assises. Sur la base de ces grandes options la proposition de loi devra être amendée sur certains points.
En réponse aux questions posées, M. Monfils rappelle qu'en France, en 2003 et 2005, 43 accusés acquittés en premier ressort ont été condamnés en appel, et 64 accusés condamnés en premier ressort ont été acquittés en appel, ce qui représente un pourcentage de 8 %. L'orateur communiquera les documents dont il dispose à ce sujet. Quant au procès d'Outreau, il y a bien eu appel et non pas révision.
En ce qui concerne la ratification du protocole, le processus est presque terminé. La Communauté germanophone y a procédé le 19 janvier 2009.Toutes les autres instances l'ont fait, à l'exception de la Communauté française, qui a demandé l'avis du Conseil d'État. L'engagement a été pris que le protocole serait ratifié avant la fin de la législature.
Cadre spécifique
M. Mahoux indique que l'auteur de la proposition de loi souhaite transformer la cour d'assises en une juridiction permanente, disposant d'un cadre spécifique. La proposition de loi précise les conditions requises pour pouvoir être désigné comme président « permanent » (pour une durée de 5 ans, renouvelable une fois). On ajoute à la qualité de conseiller à la cour d'appel une condition d'ancienneté de 3 ans, afin de pouvoir créer une spécialisation en la matière. La désignation se fait au niveau d'un ressort de cour d'appel, avec la possibilité d'être affecté à des cours d'assises dans l'ensemble de ce ressort. Il est prévu que c'est le ministre de la Justice qui procède à la désignation, sur proposition du Conseil supérieur de la Justice.
En ce qui concerne la problématique des assesseurs, des avis assez divergents ont été exprimés. La question se pose notamment de savoir comment un président défaillant serait remplacé, si les assesseurs étaient supprimés. Il faut aussi examiner si un greffe spécialisé pourrait assumer adéquatement le rôle de conseil du président.
Enfin, on s'est interrogé sur la nécessité d'une spécialisation du ministère public. La proposition de loi n'opte pas pour une telle spécialisation, dans la mesure où le ministère public ne commence pas son travail au moment où la session de la cour d'assises commence, mais dès le début de l'affaire.
Le ministre renvoie à la note qui fait le point de la situation sur les ratifications. Seules la Communauté française et la Région wallonne doivent encore procéder à la ratification. Or, elles ont pris l'engagement que ce serait chose faite encore avant les élections.
En ce qui concerne le cadre spécifique, le ministre dépeint la situation actuelle, à savoir qu'en l'état actuel des choses, la Cour d'assises est une juridiction temporaire qui est composée chaque fois pour traiter une affaire spécifique. Les intervenants proviennent de plusieurs juridictions différentes. Le président vient de la cour d'appel tandis que les assesseurs et le greffier viennent du tribunal de première instance. Le procureur général vient du parquet général, mais il peut aussi déléguer sa mission à un substitut. Cela engendre naturellement des désagréments pratiques parce que les juges sont distraits de leurs occupations normales, ce qui contribue à son tour à accroître l'arriéré judiciaire.
La solution de la Commission de réforme consiste à transformer la Cour d'assises en une juridiction permanente dont le président serait nommé pour un terme de 5 ans, tandis que les deux assesseurs seraient supprimés. Le Conseil supérieur de la justice n'est pas partisan de ces propositions. Le ministre de la Justice se rallie à la position du Conseil supérieur de la justice.
Le système actuel de désignation du président d'assises par le premier président de la cour d'appel offre, en effet, plus de souplesse et de flexibilité que la création d'une nouvelle juridiction permanente. Que se passe-t-il, par exemple, s'il s'avère dès la première affaire que le président qui a été nommé pour 5 ans ne convient pas ? On travaille déjà maintenant de facto avec un « pool » de magistrats qui siègent davantage en assises. Selon le système élaboré par la commission de réforme, le président de la cour d'assises serait affecté, pendant les périodes calmes, au fonctionnement normal de la cour d'appel. L'on arrive donc au même résultat que ce qui se fait dans la situation actuelle, mais par un cheminement inverse. Le premier président de la cour d'appel est aussi un manager qui doit être valorisé dans ces capacités. Il est le mieux placé pour désigner la personne la plus appropriée à la fonction de président de la Cour d'assises, sans mettre en péril le fonctionnement de sa cour. Le ministre est partisan d'une formation spécifique pour les présidents d'assises (mise à jour des connaissances médico-légales, formation aux techniques d'interrogatoire, gestion du stress, gestion des séances, communication, ...), que l'on pourrait éventuellement assortir d'un certificat obligatoire.
Le maintien ou non des assesseurs est un autre débat que l'on pourrait peut-être nuancer quelque peu. S'il est vrai que, dans certaines affaires, le rôle des assesseurs se limite à faire de la figuration, il y a des affaires plus importantes, qui présentent un haut degré de complexité technique et juridique et qui se prolongent pendant des mois. L'intervenant a dressé la liste des tâches incombant aux assesseurs. Ils décident, conjointement avec le président, des questions de procédure et doivent donc rédiger les arrêts interlocutoires avec lui. Ils participent au vote sur la question de la culpabilité lorsque le résultat du vote est de 7 contre 5. Ils participent, dans le cadre du délibéré, au vote sur la peine et, après le procès d'assises, ils rédigent également les arrêts relatifs à l'action civile. Ils offrent au président un appui humain et psychologique et lui servent de caisse de résonance. Ils exercent en outre une fonction de contrôle, ce qui n'est pas négligeable compte tenu des tâches supplémentaires dont il est actuellement question, comme la motivation.
En conséquence, l'intervenant estime qu'il faut plutôt chercher une solution intermédiaire empreinte de pragmatisme, qui consisterait par exemple à ne conserver les assesseurs que dans les procès pour lesquels cela s'avère manifestement nécessaire.
Le ministre a fait examiner plusieurs pistes en la matière.
Une première piste concerne le recours à des magistrats à la retraite. S'il s'avère trop difficile de distraire des juges du fonctionnement normal de leur tribunal, on pourrait par exemple faire appel à un magistrat retraité. Il y a deux catégories, à savoir les magistrats émérites et les magistrats honoraires. Les magistrats émérites sont des magistrats qui partent à la retraite à 67 ans après 30 ans de carrière. Les magistrats honoraires sont ceux qui partent également à la retraite à 67 ans, mais n'ont pas 30 ans de carrière. Les deux catégories conservent le statut de magistrat avec toutes les incompatibilités qu'il comporte et le privilège de juridiction. Les magistrats peuvent aussi partir à la retraite à partir de l'âge de 60 ans, mais ils perdent alors le statut de magistrat. Ceux qui veulent partir avant 60 ans doivent démissionner. Il s'ensuit, par rapport à la piste qui nous occupe, que l'on pourrait recourir uniquement à des magistrats honoraires et à des magistrats émérites pour siéger éventuellement comme assesseur. Il s'agit, de surcroît, d'un groupe très restreint.
La deuxième piste concerne le recours à des juges suppléants. Dans l'état actuel des choses, les instances qui peuvent faire appel à des juges suppléants sont le tribunal de première instance et la cours d'appel. Cette possibilité n'est pas inscrite explicitement dans la loi pour la cour d'assises. L'article 121 du Code judiciaire prévoit que le président désigne les assesseurs parmi les vice-présidents les plus anciens en rang et, si ces derniers sont empêchés, d'autres personnes peuvent être désignées.
Ce sont toutefois souvent les vice-présidents les plus jeunes qui sont désignés dans la pratique. Il serait opportun d'adapter la loi de manière à pouvoir désigner également des juges suppléants.
Une autre solution consiste à prévoir dans la loi que certaines affaires sont traitées exclusivement par un président, tandis que d'autres affaires nécessitent la désignation d'un président et d'assesseurs. L'on pourrait concevoir un système analogue à celui qui existe pour les tribunaux de première instance où les articles 91 et 92 du Code judiciaire prévoient que certains types d'affaires sont traités par une chambre à trois juges. Il en va de même lorsque le ministère public ou les parties demandent un renvoi devant une chambre à trois juges. Une modification législative est également nécessaire à cet effet.
M. Vankrunkelsven estime que la recherche d'une solution intermédiaire qui n'a pas pour objet de maintenir ou de supprimer systématiquement les trois magistrats mérite toute l'attention nécessaire. L'intervenant est en revanche moins enclin à admettre que l'on fasse appel à des magistrats à la retraite ou à des juges suppléants pour des affaires extrêmement sensibles et importantes. Des personnes qui agissent régulièrement en qualité d'avocat agiraient alors subitement en qualité de juge dans des affaires sensibles, ce qui risque de causer une grande confusion dans la population.
M. Mahoux n'est pas favorable à la solution consistant à faire appel à des juges pensionnés.
Le ministre fait observer que ce système est déjà en vigueur pour le président.
M. Mahoux exprime également son étonnement en ce qui concerne la suggestion de faire appel à des juges suppléants. Même si cela existe dans d'autres juridictions, la cour d'assises est tellement médiatique que cela ne semble pas opportun, outre le fait qu'une cour d'assises est avant tout composée de jurés.
Le gouvernement a invoqué des arguments relatifs au coût et à la déstabilisation du siège.
On pourrait imaginer, à titre de compromis, de prévoir un assesseur au lieu de deux. La référence faite aux juridictions à trois juges ne semble pas pertinente, car à la cour d'assises, ce ne sont pas les juges professionnels qui décident, mais les jurés.
À ce stade, l'orateur constate que l'on a tendance à se ranger de façon presque systématique à l'avis du Conseil supérieur de la Justice, alors que ce dernier a, en l'occurrence, une simple fonction d'avis, et que d'autres propositions ont été formulées, qui méritent aussi réflexion.
D'ailleurs, si l'on voulait suivre jusqu'au bout l'avis du CSJ, il faudrait supprimer la Cour d'assises, car tel est en réalité le point de vue de ce dernier, bien qu'il soit obligé de conclure à son maintien en raison du fait que ni la population ni le monde politique ne veulent de cette suppression.
En ce qui concerne l'organisation des assises et la création d'un cadre permanent, l'orateur n'a relevé aucun argument fondamental à l'encontre des options prises par la proposition de loi. La Commission de réforme de la Cour d'assises avance que cela va clarifier les choses et réduire l'arriéré, alors que le CSJ prétend l'inverse, parlant d'une déstabilisation et d'un retrait de pouvoir aux présidents des cours d'appel, y compris en termes de management. L'orateur souligne qu'il faut se forger une opinion sur la base des résultats par rapport aux objectifs poursuivis. Il constate en tout cas que la solution proposée rend le fonctionnement de la cour d'assises moins tributaire du chef de corps, puisque c'est le ministre qui procède à la désignation.
M. Delpérée rappelle qu'en matière judiciaire, la collégialité est la règle, et le juge unique l'exception. La question se pose de savoir pourquoi, en l'espèce, le principe de la collégialité ne serait pas respecté: s'agit-il de motifs de management, de financement, de politique judiciaire ... ?
En outre, le système du juge unique ne présente pas que des avantages, en particulier lorsque le magistrat en question pose problème et qu'il est maintenu dans la fonction pendant 5 ans.
M. Van Parys estime qu'il faut mener un débat approfondi sur la place et le rôle des assesseurs. La Commission de réforme n'a pas conclu simplement qu'il fallait supprimer la fonction d'assesseur. Il est incontestable que dans certains procès d'assises, les assesseurs servent uniquement pour le décorum. L'intervenant n'est pas partisan d'une solution extrême, mais trouve que dans le cadre de la réforme de la Justice, il convient néanmoins de vérifier de quelle manière on pourrait mobiliser au mieux les magistrats pour assurer une bonne administration de la justice. Il va de soi qu'une extension des cadres n'est pas à l'ordre du jour. Au sein du corps global, il est toutefois manifeste que certains magistrats fournissent de meilleures prestations que d'autres, mais ce constat n'est pas suffisamment objectivé à ce stade. L'intervenant est dès lors favorable à une mesure de la charge de travail afin d'analyser l'affectation de nos magistrats. Le rôle des assesseurs est un élément mineur dans cette discussion globale. Étant donné que, dans certaines affaires, ils n'apportent aucune plus-value, l'intervenant trouve que l'idée de recourir éventuellement à des juges suppléants ou à des magistrats émérites n'a rien de saugrenu. Enfin, le principe de base est que le jury rend la décision et que le président participe éventuellement au délibéré et à la motivation. En termes d'économie de procédure, il convient d'essayer d'arriver à la meilleure solution possible. La question se pose de savoir si la collégialité justifie que l'on empêche plusieurs magistrats de vaquer à leurs tâches habituelles pendant une période prolongée.
En ce qui concerne le cadre spécifique, l'intervenant estime qu'il faut faire preuve de la souplesse nécessaire lors de la désignation des magistrats. Dans le système actuel, cette souplesse est garantie par le fait que le premier président est le chef de corps et qu'il dispose donc de capacités de management pour désigner les magistrats siégeant à la Cour d'assises.
M. Vankrunkelsven conclut qu'en ce qui concerne la désignation du président, les commissaires sont plutôt enclins à rechercher une solution souple. L'on s'écarterait donc de la proposition de la commission de créer un cadre fixe. La discussion se focalisera surtout sur le rôle éventuellement dévolu aux assesseurs. Les commissaires semblent se demander s'il se justifie, en termes d'économie de procédure, de désigner systématiquement deux assesseurs. Les alternatives possibles seraient de ne désigner qu'un seul assesseur au lieu de deux, de lier la désignation éventuelle d'assesseurs à la nature du procès ou de choisir les assesseurs parmi les magistrats émérites ou honoraires. Étant donné que ces magistrats à la retraite ne représentent qu'un groupe restreint, cette dernière solution ne semble pas tellement indiquée.
M. Delpérée rappelle que, lorsqu'on compose un collège ou un siège, on ne choisit jamais un chiffre pair.
Le ministre répond que les trois juges statuent bel et bien sur les questions de procédure et sur l'action civile.
M. Mahoux fait observer que le Conseil supérieur de la Justice est contre la création d'un cadre spécifique, tout en déclarant que les présidents de cour d'assises doivent bénéficier d'une formation spécifique, ce qui paraît quelque peu contradictoire. Cela signifie-t-il que tous les conseillers à la cour d'appel subiront une formation spécifique, ce qui ne serait guère rationnel ?
En ce qui concerne les assesseurs, ils seront soit les conseils du président, soit des co-décideurs, ce qui n'est pas exactement la même chose.
Le fait de réduire le nombre d'assesseurs de deux à un réduit d'autant les inconvénients évoqués.
En ce qui concerne les magistrats honoraires qui pourraient être appelés à siéger, peuvent-ils être élus dans le cadre du collège de non-magistrats au Conseil supérieur de la Justice ? L'orateur rappelle le problème qui s'est récemment posé en la matière dans le cadre des désignations opérées par le Sénat au Conseil supérieur de la justice.
Le ministre souligne qu'il n'est pas évident de décider s'il convient ou non de conserver les assesseurs. Cela ne sera sans doute pas si l'inculpé est en aveux. D'autre part, on peut difficilement laisser le président siéger seul si le procès dure plusieurs mois.
M. Van Parys indique que l'on pourrait également désigner un président et un président suppléant, et que dans le cas où il faudrait, par exemple, trancher des questions de procédure, le suppléant pourrait également conseiller le président. En effet, il ne faut pas hésiter à imaginer une utilisation efficace des magistrats.
Le ministre répond que l'on procède déjà à la désignation de présidents suppléants et d'assesseurs, mais que dans l'état actuel des choses, ceux-ci doivent s'effacer tant qu'ils ne sont pas amenés à siéger de manière effective.
Selon M. Mahoux, le point de savoir si la motivation est rédigée par un ou par plusieurs magistrats ne paraît pas fondamental. Il peut y avoir là une solution au problème des assesseurs.
En ce qui concerne la délibération sur la peine, si le nombre de magistrats composant la cour, qui délibère avec le jury, est un nombre pair, ne faudrait-il pas prévoir que les jurés sont en nombre impair ?
M. Delpérée rappelle que le Code d'instruction criminelle organise un système beaucoup plus complexe qu'une simple majorité de la moitié des jurés plus un.
En ce qui concerne les assesseurs, l'orateur se demande si cadre spécifique et collégialité, d'une part, cadre ordinaire et présidence unique, d'autre part, ne sont pas liés.
Dans le cadre « normal », si le président s'avère trop laxiste ou au contraire trop rigoriste, on peut le remplacer à la session suivante. Par contre, si un magistrat unique présente de tels défauts, il n'existe pas de contrepoids, et cette situation perdurera pendant 5 ans. Dès lors, au plus on se dirige vers un système de cadre spécifique, au plus il faut évoluer vers la collégialité.
M. Vankrunkelsven constate qu'on est loin d'un consensus en ce qui concerne la problématique des assesseurs. On peut toutefois affirmer que la désignation systématique de deux assesseurs handicape lourdement le système juridique et n'apporte qu'une plus-value très limitée. Il convient de continuer à s'interroger sur la manière de résoudre ce problème.
Le ministre propose de développer plus en détail la piste consistant à désigner des assesseurs dans certaines affaires, mais pas dans d'autres.
À propos du caractère modulable, M. Mahoux se demande s'il est vraisemblable qu'il y ait des procès d'assises où l'on ne demandera pas d'assesseurs. Il souhaiterait savoir si la possibilité de demander des assesseurs vaut également pour la partie civile. Est-ce le président qui décide de donner suite ou non à la demande, ou suffit-il de demander des assesseurs pour les obtenir ?
Le ministre répond que la décision est prise par la chambre des mises en accusation dans son arrêt de renvoi.
M. Monfils n'est pas favorable à un telle solution, car elle équivaut à un constat de carence dans le chef du parlement, qui n'a pas été capable de trancher la question de la présence des assesseurs.
En fonction de quels critères sera-t-elle prise ? Cela ne relève pas de la responsabilité du pouvoir judiciaire, mais bien du législateur.
L'orateur ajoute qu'il n'est pas non plus favorable au système consistant à recourir à des magistrats honoraires.
M. Mahoux revient à la problématique des référendaires, précédemment évoquée au cours de la discussion. Il est vrai que faire appel à des référendaires occasionnerait une dépense supplémentaire, mais il n'est pas nécessaire d'en prévoir un grand nombre.
La situation d'un référendaire n'est pas comparable à celle d'un assesseur. L'élément mis en avant dans l'argumentation du Conseil supérieur de la Justice est le rôle de conseil. En ce qui concerne les décisions en matière de procédure, la responsabilité serait assumée par le président, conseillé par un référendaire. Cela pourrait apporter une solution acceptable aux problèmes rencontrés actuellement, et répondre à l'argument tiré de la déstabilisation des tribunaux.
M. Van Parys est d'avis que l'assistance technique de référendaires pourrait effectivement être utile. Souvent, les assesseurs assument aussi une fonction d'aide. Celle-ci ne doit pas nécessairement être réservée aux magistrats. Le président garderait son rôle juridictionnel et on confierait aux référendaires le soin de fournir assistance et conseils. Cette formule offrirait un avantage en termes d'économie de procédure tout en permettant au président de ne pas devoir faire face seul à l'ampleur de la tâche.
Il est demandé au ministre que l'on étudie cette piste plutôt que celle prévoyant une composition variable selon qu'il est fait appel ou non à des assesseurs. Les référendaires n'ont évidemment aucun droit de décision.
Il indique qu'en général, les référendaires sont jeunes, mais pour siéger en assises, ils devraient selon lui disposer d'une certaine expérience afin de pouvoir apporter une plus-value au président.
Composition du jury
M. Mahoux indique que la proposition était de réduire le nombre de jurés à 8. Cette question est liée au débat sur la fixation de la peine et le recours éventuel à des assesseurs. La solution proposée risque d'être modifiée si l'on suivait la piste des référendaires.
Les conditions actuelles pour pouvoir être désigné comme juré sont les suivantes (art.217 et 224 du Code judiciaire): être inscrit sur la liste des électeurs, jouir des droits civils et politiques, être âgé de 30 ans accomplis et de moins de 60 ans, savoir lire et écrire et connaître à suffisance la langue des discussions.
Il est proposé d'élargir la fourchette d'âge en la fixant de 25 à 65 ans.
Sont notamment exclus de la possibilité d'être juré les sénateurs et les députés, les magistrats effectifs de l'ordre judiciaire, les membres de la Cour de comptes, les gouverneurs de province, les commissaires d'arrondissement, les greffiers provinciaux, les fonctionnaires généraux et directeurs d'administration d'un département ministériel, quel que soit ce département, les ministres d'un culte et les militaires en service actif.
Certaines des conditions posées soulèvent des interrogations, comme le point de savoir si un représentant de la laïcité est visé par les termes « ministre d'un culte », pourquoi on exclut tous les fonctionnaires généraux et directeurs d'administration d'un département ministériel et non pas seulement ceux du SPF Justice, pourquoi les jurés sont tenus de savoir lire et écrire dans une procédure qui est strictement orale, etc.
Il est également proposé d'ajouter aux conditions légales pour être juré le fait de n'avoir pas été condamné à une peine grave, inscrite au casier judiciaire de l'intéressé.
À l'heure actuelle, le ministère public récuse en pratique les jurés potentiels qui ont un casier judiciaire lourd. Dès lors que cette faculté de récusation sans motif sera supprimée, il importe de prévoir l'exclusion de ces personnes par une disposition légale.
Il a aussi été question de « personnes manifestement incapables de siéger dans un jury ». L'orateur est plus réservé quant à cette formule.
Quant à la composition des listes, la loi actuelle prévoit une liste communale, une liste provinciale, une liste définitive, et une liste particulière à chaque affaire.
La procédure est la suivante:
a) La liste communale est établie tous les quatre ans par tirage au sort sur la base du dernier registre des électeurs au Parlement, établie conformément à l'article 14, alinéa 1er, du Code électoral.
La liste est établie sous la responsabilité du bourgmestre, qui a l'obligation de rayer de la liste les personnes ne répondant pas aux conditions légales pour être juré.
Pour vérifier l'existence de ces conditions, le bourgmestre adresse aux jurés potentiels un questionnaire, dont le modèle est établi par un arrêté ministériel du 19 octobre 1972, modifié par arrêté du 10 décembre 1980.
b) La députation permanente établit la liste provinciale des jurés sur la base des listes transmises par les communes.
c) La liste provinciale est transmise au président du tribunal de 1ère instance du chef-lieu de la province, sous la responsabilité de qui est établie la liste définitive des jurés. Le juge désigné par le président établit ensuite un relevé des personnes inscrites sur cette liste qui sont domiciliées au chef-lieu de la province ou dans une commune qui lui est reliée par des moyens de communication suffisants. Ce relevé sert au tirage au sort des jurés de complément. Sur cette base, il existe dans le système actuel une différence entre les jurés « effectifs » et les jurés « de complément »: les jurés effectifs appartiennent à la province du siège de la cour d'assises, les jurés de complément habitent en outre dans la ville même du siège de la cour d'assises ou dans une commune qui lui est reliée par des moyens de communication suffisants (voir infra, 6. La suppression de la différence entre les jurés effectifs et les jurés de complément).
d) Enfin, la liste particulière à chaque affaire est établie. Elle comprend au moins trente noms pris dans la liste définitive et le relevé des jurés de complément.
Dans les 10 jours du tirage au sort, le ministère public signifie à chaque juré de la liste une citation à se présenter au siège de la Cour d'assises au jour fixé par le 1er président de la cour d'appel pour l'ouverture des discussions. Il adresse dans le même délai cette liste au procureur général près la cour d'appel et au président de la Cour d'assises.
Au moins 48 heures avant l'ouverture des discussions, le ministère public notifie à chaque accusé la liste des jurés, ainsi que le questionnaire d'enquête, afin de permettre à ceux-ci d'exercer leur droit de récusation.
La Commission de réforme de la Cour d'assises propose de confier l'établissement de la liste définitive aux présidents des Cours d'assises, et de supprimer la différence entre juré effectif et juré de complément, qui ne se justifie plus à l'heure actuelle.
Lors d'une audience publique et contradictoire en présence du ministère public, de l'accusé et de son conseil, le président tire un à un les noms des jurés de l'urne.
Il est proposé que le jury ne soit plus constitué le premier jour de l'audience, mais au minimum 8 jours à l'avance, dans le souci d'une bonne administration de la justice, et pour permettre aux jurés de s'organiser dans des conditions favorables pour exercer leurs devoirs civiques.
L'article 248 C.J. dispose que le jury est formé à l'instant où 12 noms de jurés sont sortis de l'urne. Peuvent s'y ajouter des jurés de complément dans l'intérêt du bon déroulement des débats. Le chef du jury sera celui dont le nom sort le premier de l'urne, ou celui désigné par les autres jurés avec son consentement.
M. Monfils déclare ne pas avoir d'objection aux modifications de procédure proposées, pour autant qu'ielles simplifient le système. Le groupe de l'intervenant estime que ce n'est pas sur le jury que doit porter l'essentiel des modifications de la procédure d'assises. Le nombre d'affaires soumises à la Cour d'assises et la longueur des débats sont des problèmes plus fondamentaux auxquels il convient de remédier.
L'intervenant n'est pas favorable à la réduction du nombre de jurés de 12 à 8. Il n'aperçoit pas la valeur ajoutée de cette suggestion, surtout dans la perspective des modifications envisagées en matière de motivation. Il faut aussi garder à l'esprit que les affaires d'assises seront les plus graves et les plus difficiles.
Quant à la récusation, il ne lui paraît pas opportun de la maintenir tout en exigeant qu'elle soit motivée, car cette motivation n'est pas toujours aisée, et peut aussi amener l'avocat à dévoiler ses moyens de défense. De plus, exiger une motivation suppose un contrôle de celle-ci, et laisse entrevoir le risque de devoir prévoir de nouvelles procédures de recours.
En ce qui concerne la constitution du jury 8 jours à l'avance, elle allonge évidemment la procédure. On verra s'il est nécessaire d'envisager de donner aux jurés une session de formation. L'orateur n'est pas certain que cela soit vraiment utile, car il ne semble pas y avoir beaucoup de cas où les jurés ont commis d'énormes erreurs de droit.
Par contre, le problème de la représentativité des jurés, qui ont souvent un profil comparable, subsiste, et ne pourra être réglée que par une diminution significative de la durée des procédures. Cette diminution doit être possible, si l'on considère l'exemple autrichien, où un procès d'assises récent et fortement médiatisé n'aura duré que 4 jours.
Enfin, en ce qui concerne l'éventualité d'imposer la parité sexuelle au sein du jury, elle s'inspire de l'esprit du temps, mais elle est en contradiction avec la possibilité de récusation.
Le ministre souligne que le nombre de jurés, à savoir huit ou douze, dépend également de la décision relative au nombre d'assesseurs. L'extension du groupe d'âge n'est pas non plus un élément déterminant pour le gouvernement. Ces points relèvent plutôt d'une décision politique.
Le ministre n'a pas d'objections non plus contre l'exclusion légale — et pas uniquement dans la loi électorale — des personnes ayant subi une condamnation déterminée.
En revanche, il se dit opposé à la suppression de la récusation discrétionnaire au motif que, si on la supprime, on devra, surtout du côté du ministère public, élaborer un grand nombre de nouvelles règles qui n'offriront pas la même garantie. Dans la pratique, en effet, la récusation discrétionnaire est un important facteur de régulation de la procédure. À l'heure actuelle, le ministère public dispose de fiches sur la base desquelles il peut récuser, par exemple, les personnes qui ont manifestement un problème de drogue mais qui n'ont subi aucune condamnation, ou les patients psychiatriques. De même, si un huissier signale qu'une certaine personne sent l'alcool, cette dernière pourra être récusée. Il n'est pas facile de dire pourquoi on récuse une personne et il n'est pas toujours aisé pour le président de déceler le problème. La pratique de la récusation discrétionnaire autorise une certaine souplesse qui peut difficilement être consacrée par des dispositions légales.
L'intervenant déclare qu'il ne voit aucun inconvénient à la suppression du système de listes.
Le ministre se dit favorable à l'instauration d'une séance d'information pour les jurés tirés au sort, de préférence au moyen d'une vidéo afin que chaque juré reçoive les mêmes explications.
En ce qui concerne la constitution du jury avant le début du procès, l'intervenant estime que le délai de huit jours prévu dans la proposition de loi est trop long. Il y a en effet un risque que les jurés soient influencés. Alors que le Conseil supérieur propose que le jury soit constitué le vendredi si les débats commencent le lundi, le ministre préfère, pour sa part, que le jury soit constitué le jeudi de manière qu'entre la constitution du jury et le début des débats, il reste un jour ouvrable que les membres du jury pourront mettre à profit pour prendre toutes les dispositions pratiques possibles, par exemple auprès de l'employeur ou pour la garde des enfants.
En ce qui concerne la représentativité et la parité sexuelle, le ministre renvoie au rapport et à la motivation de la Commission de réforme, qui ne juge pas opportun de scinder le jury en différentes catégories sur la base de la loi. Sociologiquement parlant, un jury n'est jamais représentatif. Il est composé de douze citoyens qui siègent de manière anonyme et sans distinction au nom de la collectivité.
Si l'on introduit d'autres règles dans la procédure de constitution du jury, on alourdira celle-ci de manière démesurée.
En ce qui concerne le moment où le jury est constitué, M. Mahoux juge intéressant le compromis proposé par le gouvernement. Il souligne cependant que les jurés sont des citoyens dont rendre la justice n'est pas le métier, et qui ont d'autres occupations, professionnelles ou non. Il faut donc leur laisser le temps matériel nécessaire pour prendre des dispositions, notamment sur le plan familial.
Quant à la récusation, il n'a jamais été question d'en exiger la motivation.
Le gouvernement plaide pour le maintien de la récusation. Dans ce cas, l'orateur estime qu'il faut aller au bout de la logique, et permettre également aux parties civiles de procéder à des récusations. Quid par exemple d'une affaire de viol, où la défense récuse toutes les femmes ? Comment expliquer à la partie civile, victime des faits, qu'elle n'a pas voix au chapitre ?
Le Code prévoit aussi la possibilité de dresser le constat qu'il est impossible de constituer le jury, auquel cas il y a renvoi. L'intervenant demande si ce cas s'est présenté souvent.
Enfin, si imposer une stricte parité sexuelle au sein du jury ne ferait que compliquer encore la constitution de ce dernier, il faut se demander si l'absence d'une certaine mixité dans un tel organe serait conforme aux principes généraux qui régissent nos institutions, et si oui, s'il ne faudrait pas néanmoins prévoir une disposition légale garantissant cette mixité.
Le ministre renvoie à l'avis du Conseil supérieur en ce qui concerne la récusation par les parties civiles. Si le parquet général, la partie civile et l'accusé peuvent récuser, on peut se demander si un équilibre subsistera du côté de la défense. De ce point de vue, en effet, le parquet général et la partie civile se situent du même côté. En outre, une partie civile n'a pas à se prononcer sur la culpabilité et ne peut d'ailleurs pas contester la décision en appel. En fait, la partie civile n'est partie à la cause que pour ce qui concerne les intérêts civils.
M. Mahoux estime qu'il faut nuancer quelque peu l'affirmation selon laquelle partie civile et ministère public se trouvent « du même côté ». Si l'on accepte cette idée, l'on peut alors répartir différemment les possibilités de récusation, pour autant que l'on veuille maintenir celle-ci.
M. Van Parys demande comment on procèdera s'il y a un grand nombre de parties civiles.
M. Mahoux répond qu'une solution serait de supprimer la possibilité de récuser. L'orateur a tendance à assimiler le jury à une cour ou à un tribunal. On pourrait imaginer une forme de requête équivalant à la suspicion légitime, mais le juré existe-t-il de manière individuelle ?
Allègement et modernisation de la procédure
M. Mahoux souligne que c'est là la partie la plus complexe de la proposition de loi. Il faut se reporter, pour en examiner les détails, au texte des articles, qui envisagent la procédure de manière chronologique.
L'orateur souhaite cependant formuler les quelques remarques suivantes.
En ce qui concerne tout d'abord la clôture de l'instruction, et le fait que deux instances sont concernées: la chambre du conseil puis la chambre des mises en accusation. La proposition suggère de supprimer le passage par la chambre du conseil. En effet, le double degré de juridiction n'est pas indispensable au niveau des juridictions d'instruction. En outre, la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation subsiste.
L'allègement de la procédure est par ailleurs lié à ce qui sera décidé à propos des affaires relevant de la cour d'assises. À cet égard, il semble que l'on se dirige vers une solution où l'on ne modifierait pas la Constitution, et où l'on définirait ce qui est correctionnalisé, ce qui ne l'est pas, et ce qui peut l'être.
Un deuxième point concerne le délai de citation. En juin 2000, il a été porté à 2 mois. La Commission, jugeant ce délai trop important, le ramenait à 15 jours.
En ce qui concerne la saisine de la Cour d'assises, un élément important est l'introduction d'une audience préliminaire, qui modifie l'architecture générale de la procédure. Cette audience est contradictoire, ce qui constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle, et rejoint une revendication de la défense. Il s'agit d'une audience technique, qui examine aussi les moyens utilisés et leur caractère licite ou non. La présence de la défense est donc importante, mais la technicité des sujets traités, en ce compris les contestations relatives aux nullités, fait que la présence du jury ne paraît pas indispensable.
En ce qui concerne l'examen des demandes d'actes d'instruction complémentaires, le président de la cour peut actuellement les demander, mais après le début de la session. L'audience préliminaire devrait permettre de déterminer de manière contradictoire si de tels actes complémentaires sont nécessaires. Ceux-ci peuvent en outre toujours être ordonnés en cours de procès, si des éléments nouveaux surviennent.
L'audience préliminaire aurait également pour objectif la fixation de la liste des témoins, en opérant une distinction entre les témoins de moralité et ceux qui déposent sur les faits commis. On tente de limiter le nombre des premiers par une série de moyens: établissement d'un dossier de personnalité documenté et étayé par la police ou par un assistant social ou un criminologue attaché aux services du SPF Justice expertise psychiatrique ou psychologique. Si les circonstances le requièrent, le président peut toujours augmenter le nombre des témoins de moralité.
En ce qui concerne l'audience sur le fond, on ne touche pas aux compétences du président.
La Commission considère que la signification des trois documents suivants doit se faire dans un seul exploit: l'arrêt de l'audience préliminaire, la citation à comparaître à l'audience en vue de la formation du jury, et la citation à comparaître à l'audience sur le fond.
La notification de la liste des jurés est actuellement prévue, à peine de nullité, à l'article 241 du Code judiciaire. Les parties doivent connaître les noms des jurés potentiels afin de pouvoir exercer le droit de récusation qui leur est conféré à l'article 247 du même Code. La suppression éventuelle du droit de récusation rendrait évidemment inutile la notification de la liste des jurés. Les causes légales de récusation restent bien entendu intégralement d'application.
Il est proposé de supprimer l'interrogatoire préparatoire facultatif de l'accusé, en raison de son caractère noncontradictoire et du fait que l'accusé ne peut être assisté de son conseil.
L'acte d'accusation est lu par le procureur général. C'est ce que l'on qualifie de relation objective des faits. Chacun connaît les réserves que suscite le caractère prétendument objectif d'un acte rédigé et lu par le parquet. La Commission a proposé de supprimer l'obligation de lecture de l'acte d'accusation, dont le jury reçoit d'ailleurs une copie, et de prévoir que le procureur général fait un exposé succinct des accusations. Si la défense décide de rédiger un acte de défense, elle doit aussi en faire un exposé succinct.
En ce qui concerne les nouveaux témoins à l'audience, les critères applicables aux témoins à l'audience préliminaire restent d'application, mais la convocation des témoins n'est évidemment acceptée que si un témoignage supplémentaire s'impose depuis l'ouverture de la session.
Pour ce qui est des modalités d'audition des témoins, on ne touche pas à la règle générale, selon laquelle les témoins sont interrogés par l'intermédiaire du président de l'assemblée.
L'article 320 du Code d'instruction criminelle prévoit en outre qu'après chaque déposition, le président demande au procureur général, à l'accusé et à la partie civile s'ils ont des observations à formuler sur ce qui vient d'être déclaré, ce qui aboutit souvent en pratique à une plaidoirie ou à un réquisitoire avant la lettre.
Il est dès lors proposé de supprimer cette possibilité d'observations après déposition.
L'article 318 du Code d'instruction criminelle dispose que le président fait tenir note par le greffier des additions, changements ou variations qui pourraient exister entre la déposition d'un témoin et ses précédentes déclarations. Le procureur général, l'accusé, et la partie civile peuvent requérir le président de faire tenir les notes de ces additions, changements ou variations. Tout en veillant à conserver le caractère oral de la procédure d'assises, mais soucieux d'apporter une réponse à la problématique des faux témoignages, l'auteur de la proposition, tout comme la Commission, suggère de reformuler l'article 318 du Code d'instruction criminelle de manière à ce que, si le procureur général, la partie civile et l'inculpé estiment qu'une déposition ne correspond pas à la vérité, ils puissent demander au président de faire tenir note de son contenu par le greffier. Le président peut également le faire d'office.
Quant aux questions et à la requalification, le sujet fait débat. Dès l'instant où il y a un délibéré suivi d'une motivation, le système complexe des questions ne paraît plus vraiment nécessaire. Cela va dans le sens inverse d'une solution qui avait été évoquée pour répondre à l'exigence de motivation, et qui consistait à multiplier et à détailler davantage les questions.
À propos de la requalification, la Commission et la proposition de loi considèrent que dans le concept de délibération conjointe, à laquelle le président assiste, les principes qui prévalent en matière correctionnelle peuvent être appliqués. Si une décision négative est rendue sur la qualification contenue dans la décision de renvoi de la chambre des mises en accusation, mais qu'il résulte de la délibération que le jury pourrait éventuellement accepter une autre qualification du délit, les débats doivent être rouverts pour permettre aux parties de prendre position sur cette qualification alternative. On garantit ainsi les droits de la défense et la possibilité d'un jugement final correct des faits imputés.
En conclusion, les adaptations proposées visent, par le biais de l'audience préliminaire, à clarifier certains points, à renforcer le caractère équitable du procès grâce à une organisation plus contradictoire de la procédure, et à alléger cette dernière autant que faire se peut.
M. Monfils fait observer qu'aucune des propositions-clés formulées n'a trouvé grâce auprès du Conseil supérieur de la justice sauf, partiellement, l'audience préliminaire.
L'orateur pense cependant qu'il faut tenter de simplifier et de moderniser la procédure, notamment en supprimant les éléments sacramentels inutiles, afin d'accélérer les procès d'assises. Sinon, le débat se limitera à la diminution du nombre d'affaires d'assises et à la motivation des arrêts, et l'on n'aura guère avancé. L'intervenant aimerait connaître le point de vue du ministre à ce sujet.
Le ministre estime que l'allègement et la modernisation de la procédure constituent un élément important de la réforme. Comme plusieurs intervenants précédents, il constate que le Conseil supérieur de la justice a rejeté toutes les propositions faites dans ce domaine et qu'il ne fait pas preuve d'une grande créativité pour dégager des solutions. Ce n'est évidemment pas facile. Sur le plan politique, il a été décidé de maintenir la cour d'assises avec le jury populaire. Étant donné qu'on peut difficilement attendre du jury populaire qu'il lise toutes les pièces, on est confronté pour l'essentiel à un procédure orale dans le cadre de laquelle le jury prend sa décision en fonction de ce qui est dit à l'audience. L'intervenant renvoie à ce propos au rapport de la Commission de réforme (p. 99). Cette dernière a tenté de formuler des propositions aux différents stades de la procédure, dans le but d'accélérer son déroulement. L'effort est louable, mais les propositions en question pourraient avoir un effet pervers dans la pratique. Aussi l'intervenant présentera-t-il d'autres propositions. Il s'avère qu'à l'étranger, la procédure d'assises dure moins longtemps. En Autriche, par exemple, les débats sont très courts et certaines personnes, comme le conjoint, ne sont pas entendues. La question se pose de savoir si ce mode de fonctionnement serait acceptable chez nous. En France aussi, les débats durent moins longtemps, mais il est difficile d'édicter des règles à cet effet. Il s'agit plutôt d'une différence de mentalité; en France, par exemple, on convoque beaucoup moins de témoins (voir la thèse de doctorat de Mme Lore Gyselaers (KUL) sur la procédure d'assises en France).
La première proposition concerne le règlement de la procédure et la suppression de la double instance chambre du conseil — chambre des mises en accusation. L'intervenant souhaite formuler quelques remarques concernant cette piste. Tout d'abord, cette question est liée au règlement de la compétence de la Cour d'assises et à la manière dont sera réglée la correctionnalisation de la zone grise. Si l'on opte pour une éventuelle correctionnalisation de la zone grise, une double instance est souhaitable. En effet, la procédure devant la chambre du conseil est fondamentalement différente de celle devant la chambre des mises en accusation. En chambre du conseil, le juge d'instruction qui a mené l'enquête est présent et il présente un compte rendu complet de l'instruction. Un débat a déjà lieu à ce stade sur la qualification des faits, cette qualification étant toujours provisoire. En chambre des mises en accusation, le juge d'instruction n'est pas associé à la procédure, à l'inverse du procureur général qui lit attentivement tout le dossier avant d'aller ensuite à la Cour d'assises, où il présente un rapport complet. D'autres aspects sont également liés au règlement de la procédure, comme par exemple la possibilité pour chaque partie de demander un complément d'enquête. Lorsqu'une demande est rejetée par la chambre du conseil, elle peut être réintroduite devant la chambre des mises en accusation. Si l'on supprime le rôle de la chambre du conseil, on perd une instance. En outre, on peut se demander si une telle suppression représenterait réellement un gain de temps. Si l'on ne peut plus demander de complément d'enquête, cette demande sera à nouveau formulée à l'audience préliminaire.
L'intervenant est partisan d'une réduction du délai de citation. On pourrait au moins réduire celui-ci de moitié et le ramener à un mois. Un délai de 15 jours serait sans doute un peu trop court.
En ce qui concerne l'audience préliminaire et le complément d'enquête, l'intervenant souligne que la défense a déjà eu deux fois la possibilité de demander un complément d'enquête auprès de juridiction d'instruction. L'article 61quinquies du Code d'instruction criminelle offre, lui aussi, la possibilité de demander un acte d'instruction complémentaire au juge d'instruction à tout moment de la procédure. Reste à savoir s'il faut encore prévoir expressément cette possibilité. Le système actuel, qui permet au président de procéder éventuellement à un complément d'enquête dans l'intervalle — ce qui est exceptionnel — semble être un moyen plus rapide. L'intervenant pense que la proposition de la commission de réforme en la matière s'inscrit dans le cadre de la proposition relative à la participation du président à la délibération, avec ce que cela implique comme risque d'incohérence avec son rôle de président.
Pour ce qui est des questions de procédure, l'intervenant estime qu'elles auraient déjà dû être réglées, vu les possibilités offertes par le système actuel. Si elles ne le sont pas, c'est parce qu'elle n'ont pas été soulevées devant les juridictions d'instruction ou parce qu'elles sont d'ordre public et qu'elles doivent être abordées par voie de décisions au début du procès d'assises. Si le jury doit écouter toutes ces questions de procédure, on peut effectivement dire qu'il perd son temps. D'autre part, on constate que le nombre de questions de procédure devant les assises est réduit au minimum. En effet, les avocats ne savent que trop bien que cela n'est pas bien perçu par les jurés. Si on déplace les questions de procédure vers une audience préliminaire, un certain nombre d'avocats ne manqueront pas d'entamer à ce propos une véritable bataille procédurale au niveau de la préprocédure, qui serait précisément de nature à ralentir la procédure.
La limitation de la liste de témoins est le moyen par excellence pour diminuer la durée des procès. D'après le Conseil supérieur de la justice, il n'est pas possible de limiter le nombre de témoins car cela nuirait aux droits de la défense. Il n'est en effet pas facile de déterminer comment limiter le nombre de témoins, et en cas de refus de la part du président, cela pourrait provoquer des incidents de procédure.
En ce qui concerne les témoins de moralité, l'intervenant est d'avis que, dans la pratique, il ne sera pas toujours facile de déterminer s'il s'agit de témoins de moralité ou de témoins factuels. Lors d'un drame familial, les témoins qui connaissent la vie familiale des intéressés sont souvent à la fois des témoins de moralité et des témoins factuels. En outre, les éléments qui relèvent de la moralité contribuent également à déterminer les faits. On constate parfois que l'historique des faits permet de déduire si le meurtre a été commis avec préméditation. Limiter le nombre de témoins de moralité à 5 n'est pas non plus la formule qui résoudra tous les problèmes. Que ferait-on, par exemple, en cas de meurtre commis au sein d'une famille comptant une multitude d'enfants ? Qui devrait-on entendre dans ce cas ? Souvent, la procédure d'assises devient également une sorte de catharsis.
Le ministre estime qu'il existe des alternatives pour limiter la durée des débats.
L'on pourrait, par exemple, adapter l'article 317. Cet article dispose que les témoins doivent déposer séparément l'un de l'autre. L'on devrait prévoir la possibilité d'entendre certains témoins collectivement, par exemple tous les agents de police ayant collaboré à l'enquête. Dans ce cas, un seul agent de police pourrait faire une déposition générale, tandis que les autres pourraient répondre à des questions et apporter éventuellement quelques précisions. Ce système pourrait également être appliqué aux experts. Il permettrait d'économiser pas mal de temps.
L'enquête de moralité multidisciplinaire pourrait également être une piste valable. Elle doit néanmoins demeurer une tâche incombant à la police et ne peut pas être effectuée par le SPF Justice.
L'intervenant peut également marquer son accord sur la proposition de réforme de la Commission visant à donner au président un rôle actif dans la limitation du nombre de témoins. Le président pourra alors décider quels témoins pourront être entendus. Si l'une des parties n'est pas d'accord, elle devra alors citer les témoins à ses propres frais. Il est également possible de maintenir le risque d'opposition.
M. Monfils demande quelles sont les solutions au problème des témoins en droit comparé.
Le ministre répond qu'en France, par exemple, il existe manifestement une autre culture car le nombre de témoins appelés est bien moins important. Il faut néanmoins tenir compte du fait qu'en France, toutes les affaires de mœurs sont portées devant la Cour d'assises. Ces affaires réclament en tout cas des débats plus courts et peuvent fausser les statistiques.
L'intervenant propose de faire plutôt du président une sorte de gestionnaire de la liste des témoins. Il faut partir du principe que l'affaire doit être clôturée en plus ou moins cinq jours. Un changement de mentalité s'impose sur ce plan. L'on ne fera pas dire au président que certains témoins ne peuvent être entendus. Cela pourrait en effet entraîner des incidents de procédure. L'on pourrait toutefois soutenir que si le président n'inclut pas le témoin en question dans sa liste, la partie qui souhaite le faire entendre devra le citer à ses frais.
Enfin, nous devons nous pencher sur la proposition de supprimer l'obligation de faire lecture de l'acte d'accusation et donc sur la question de savoir si l'acte d'accusation constitue ou non un résumé objectif de l'affaire. L'intervenant souligne que l'acte d'accusation doit bel et bien être un compte rendu objectif des faits et constitue en tout cas un premier élément et une introduction au procès d'assises, car il permet d'obtenir une vue d'ensemble de l'affaire. Si on le laisse tomber, il sera difficile pour le jury de suivre les interrogatoires de l'accusé.
Tout comme le Conseil supérieur, le ministre est favorable au maintien de la possibilité de formuler des observations après les témoignages.
Enfin, le ministre recommande de maintenir les listes de questions. Si on laisse les jurés statuer de manière autonome sur la question de la culpabilité, il vaut mieux que cela se fasse sur la base de questions auxquelles ils pourront répondre par oui ou par non.
L'intervenant cite une autre alternative pour les infractions liées au terrorisme. Pour statuer spécifiquement sur ces infractions, la France a créé des cours d'assises spéciales, qui siègent sans jury, avec 7 magistrats professionnels.
M. Mahoux constate que l'on en arrive à un tel nombre de modifications, restrictions et propositions alternatives par rapport à celles de la Commission de la réforme de la Cour d'assises et de la proposition de loi qu'il ne subsiste pas grand-chose de l'architecture générale du texte. L'orateur estime qu'une clarification serait nécessaire quant à la méthode de travail que l'on entend suivre. Le gouvernement a-t-il seulement exposé le point de vue du CSJ, ou s'agit-il également de sa position ?
Dans ce dernier cas, ne vaut-il pas mieux travailler sur la base d'un projet de loi gouvernemental ?
Le ministre signale que le gouvernement est bel et bien disposé à rechercher des moyens de raccourcir la procédure, tandis que le Conseil supérieur rejette toutes les propositions.
M. Vankrunkelsven reconnaît que le gouvernement n'est pas très enthousiaste à propos des propositions de simplification de la procédure que M. Mahoux a formulées dans sa proposition de loi. D'autre part, le gouvernement a fait lui-même quelques propositions, mais peut-être ne vont-elles pas assez loin. Ainsi, l'obligation de prendre en charge le coût de l'audition des témoins qui ne figurent pas sur la liste du président n'aura pas un effet dissuasif suffisant pour entraîner un réel raccourcissement de la procédure. Sans doute faudrait-il malgré tout analyser en profondeur les procédures appliquées à l'étranger pour pouvoir s'en inspirer et formuler des propositions créatives.
M. Vandenberghe estime qu'il faut avant tout choisir si l'on veut maintenir, oui ou non, le caractère oral du débat. Si l'on décide de maintenir le caractère oral, on dispose de très peu de marge de manœuvre pour formuler des propositions d'allègement de la procédure. L'intervenant est favorable à un abandon du débat oral. D'ailleurs, dans la plupart des autres pays européens, les affaires criminelles sont jugées selon une procédure écrite. Il n'y a pas d'argument pertinent sur le plan du droit comparé pour maintenir l'oralité du débat et de la preuve. Le débat oral permet surtout le populisme, mais n'offre pas de meilleures garanties. Les témoins pourraient, par exemple, être entendus en présence de la défense. Les procès d'assises ont un coût exorbitant et en dépit du fait qu'ils ne représentent que 0,7 % des affaires, ils constituent la vitrine de la justice.
L'intervenant propose de réaliser une étude de droit comparé. Dans le système allemand, par exemple, des magistrats professionnels siègent aux côtés de simples citoyens et il n'y a pas de débat oral. Il faudrait voir comment ces non-professionnels prennent connaissance du dossier.
Le ministre estime qu'il faut faire un choix. Si l'on opte pour un jury, on ne peut pas forcer les jurés à lire le dossier. En Allemagne, l'on a opté pour un système d'échevinage dans lequel des juges professionnels siègent avec des juges non professionnels. Il est impossible de combiner tous les systèmes.
M. Vandenberghe objecte que l'on ne peut pas non plus forcer un juré à écouter. Dans les très gros dossiers pénaux, il n'est pas non plus possible d'administrer la preuve par voie orale, étant donné la multitude de pièces au dossier.
À une époque où le citoyen effectue sa déclaration fiscale par voie électronique, l'intervenant ne voit pas pourquoi on se cramponnerait à une procédure orale.
Amélioration du statut de la victime
Ce point ne suscite pas d'observations.
VIII. PROPOSITION D'AMENDEMENT GLOBAL DE M. MAHOUX ET CONSORTS
A. Texte de la proposition d'amendement
MM. Mahoux, Vandenberghe, Delpérée, Vankrunkelsven, van Parys et Monfils déposent la proposition d'amandement global suivante:
« Chapitre Ier — Disposition générale
Article 1er. — La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Chapitre II — Dispositions modifiant le Code pénal
Art. 2. — L'article 13 du Code pénal, abrogé par la loi du 10 juillet 1996, est rétabli dans la rédaction suivante:
« Art. 13. — Dans les affaires criminelles relevant de la compétence du tribunal correctionnel, la peine criminelle est de quinze à vingt ans de réclusion au maximum. ».
Art. 3. — À l'article 19, alinéa 1er, du même Code, modifié par la loi du 10 juillet 1996 et remplacé par la loi du 23 janvier 2003, les mots « jugements ou » sont insérés entre les mots « tous » et « arrêts ».
Art. 4. — À l'article 25, alinéa 1er, du même Code, modifié par la loi du 10 juillet 1996 et remplacé par la loi du 23 janvier 2003, la deuxième phrase est supprimée.
Art. 5. — À l'article 31 du même Code, modifié par la loi du 10 juillet 1996, les mots « Tous arrêts de condamnation à la réclusion ou à la détention à perpétuité ou à la réclusion pour un terme de dix à quinze ans ou à un terme supérieur prononceront, contre les condamnés, l'interdiction à perpétuité du droit » sont remplacés par les mots « Tous arrêts de condamnation à la réclusion ou à la détention à perpétuité, et tous les arrêts ou jugements de condamnation à la réclusion pour un terme de dix à quinze ans ou à un terme supérieur, prononceront, contre les condamnés, l'interdiction à perpétuité du droit ».
Art. 6. — À l'article 32 du même Code, modifié par la loi du 23 janvier 2003, les mots « et les tribunaux correctionnels » sont insérés entre les mots « cours d'assises » et le mot « pourront ».
Art. 7. — À l'article 99 du même Code, le 2e alinéa est supprimé.
Chapitre III — Dispositions modifiant la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code d'instruction criminelle
Art. 8. — Dans l'article 21 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, remplacé par la loi du 30 mai 1961 et modifié par la loi du 16 juillet 2002, l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit:
« Le délai sera cependant de quinze ans si cette infraction est un crime qui relève de la compétence de la cour d'assises et qui ne peut tomber sous l'application de l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes. ».
Chapitre IV — Dispositions modifiant le Code d'instruction criminelle
Art. 9. — Dans le livre premier, chapitre VI, section II, du Code d'instruction criminelle, il est inséré un article 62quater rédigé comme suit:
« Art. 62quater. — § 1er. S'il résulte de l'instruction que le crime reproché à l'inculpé paraît relever de la compétence de la cour d'assises, le juge d'instruction ordonne, sans délai, une enquête de moralité.
Cette enquête rassemble les informations pertinentes sur l'inculpé, recueillies auprès de personnes de son entourage, ainsi que des informations pertinentes relatives à la personnalité de la victime. Un compte-rendu de chaque entretien est rédigé.
Le Roi détermine les modalités précises de l'enquête de moralité.
§ 2. Le juge d'instruction ordonne également, sans délai, une expertise psychiatrique ou psychologique de l'inculpé. ».
Art. 10. — Dans l'article 80 du Code d'instruction criminelle, les mots « cent francs » sont remplacés par les mots « mille euros ».
Art. 11. — L'article 130 du même Code, modifié par les lois des 6 mars 1963, 20 juillet 1990, 11 juillet 1994 et 12 mars 1998, est remplacé par la disposition suivante:
« Art. 130.— Si la chambre du conseil constate que l'infraction relève de la compétence du tribunal correctionnel, l'inculpé sera renvoyé devant ce tribunal. ».
Art. 12. — L'article 133 du même Code, modifié par les lois des 10 juillet 1967, 20 juillet 1990 et 12 mars 1998, est remplacé par la disposition suivante:
« Art. 133. — Si sur le rapport du juge d'instruction, la chambre du conseil estime que le fait relève de la compétence de la Cour d'assises et que la prévention contre l'inculpé est suffisamment établie, les pièces d'instruction, le pro