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20 AVRIL 2009
Actuellement, la coopération au développement n'est pas mentionnée dans l'article 77 de la Constitution qui énumère les matières soumises à la procédure bicamérale obligatoire. En conséquence, la coopération au développement relève de l'article 78 de la Constitution, à savoir la procédure bicamérale facultative. En vertu de l'article 75, alinéa 2, de la Constitution, le gouvernement doit déposer d'abord à la Chambre les projets de loi qui relèvent de ce régime.
Depuis le début de ce millénaire, la politique en matière de coopération au développement est de plus en plus influencée par l'international. L'on avait déjà anticipé cette évolution lors de la réforme de la coopération belge au développement de la fin des années nonante en fixant pour la première fois des objectifs, des principes et des critères clairs. La loi-cadre du 25 mai 1999 relative à la coopération internationale peut dès lors certainement être considérée comme un jalon important en raison de son caractère progressiste. Dans le cadre d'une réunion commune qui a eu lieu en 2008, les commissions des Relations extérieures de la Chambre et du Sénat ont examiné la loi à la lumière de l'évolution rapide des conceptions internationales en matière de coopération au développement (1) . À l'issue des auditions, pratiquement toutes les parties ont conclu que la loi actuelle demeurait un jalon essentiel, mais qu'il y a lieu de la mettre à jour et de l'affiner. L'efficacité doit être la préoccupation centrale à cet égard et il convient de tenir compte des nouveaux principes de la coopération au développement. Le ministre de la Coopération au Développement en est également conscient, comme en témoigne sa déclaration dans l'audition de clôture. Les modifications de la loi-cadre visent principalement à « intégrer les récentes évolutions sur le plan international dans la législation, notamment la déclaration de Paris, mais aussi le code de conduite européen ou les Objectifs du Millénaire » (2) .
Cela montre clairement que la qualification de la coopération au développement comme matière visée à l'article 78 de la Constitution est une anomalie dans les faits.
La raison est évidente. En vertu de l'article 77, alinéa 1er, 6º, l'assentiment aux traités internationaux relève de la procédure bicamérale obligatoire, mais à cela s'ajoute qu'en vertu de l'article 75, dernier alinéa, les projets relatifs à cette matière sont de surcroît déposés au Sénat, contrairement à tous les autres projets. Il est donc fondé d'affirmer que le constituant a formellement attribué au Sénat le premier rôle en ce qui concerne les normes juridiques internationales par lesquelles la Belgique prend des engagements.
La loi-cadre sert clairement de cadre général de principe à la conclusion de nombreux traités de coopération spécifiques avec les pays partenaires (3) . Ces traités servent à leur tour de cadre spécifique pour la conclusion des programmes indicatifs de coopération. Chacun de ces traités doit d'abord être soumis au Sénat. Il est dès lors cohérent de soumettre la loi-cadre en premier lieu au Sénat. De plus, une telle manière de procéder est du reste plus conforme à l'esprit de la Constitution.
La liste de l'article 77 de la Constitution est limitative mais le dernier alinéa prévoit explicitement la possibilité, pour une loi votée à la majorité spéciale, de « désigner d'autres lois pour lesquelles la Chambre des représentants et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité ».
Le ministre de l'Intérieur de l'époque déclarait à propos de cette disposition à la Chambre: « Une loi à adopter à la majorité spéciale prévue à l'article 1er, dernier alinéa (actuel article 4, dernier alinéa), de la Constitution permet d'étendre cette liste de lois bicamérales. Étant donné que cette extension nécessite l'adoption d'une loi spéciale, l'assentiment des deux Chambres est évidemment requis. En effet, il est parfaitement envisageable que les deux chambres législatives estiment qu'une législation donnée est de nature telle ou touche substantiellement aux relations entre l'autorité fédérale, les régions et les communautés, que le bicaméralisme s'impose. La société est en perpétuelle évolution: ce qui aujourd'hui ne répond pas à l'un de ces deux critères, peut y répondre demain. Il est également possible que sur la base d'un autre critère, il s'avère opportun qu'une législation donnée soit soumise au bicaméralisme. Il est en outre inutile de souligner les inconvénients d'une liste limitative, certainement pas lorsque, connaissant la rigidité de la procédure de révision, de telles listes sont inscrites dans notre Constitution. » (4)
La discussion parlementaire de cette disposition n'est pas allée plus loin: elle a été considérée à juste titre comme un complément normal et évident permettant de pallier la rigidité de la Constitution.
L'autre critère tombe, en effet, sous le sens. Comme il a déjà été dit précédemment, il s'agit de l'imbrication étroite entre la coopération au développement et les traités internationaux, combinée au rôle de premier plan que le Sénat joue en la matière.
D'autres arguments plus concrets plaident également dans le même sens.
— Depuis 2000, les décisions en matière de coopération au développement ne sont plus prises au niveau national, mais sur la base de conceptions générales telles que celles contenues dans les Objectifs du Millénaire, le code de conduite européen et la déclaration de Paris. Ces conceptions forment actuellement le fil rouge de la politique de développement des pays donateurs et des pays bénéficiaires. Les groupes parlementaires sont arrivés à cette même conclusion dans le rapport d'évaluation du Sénat clôturant les auditions sur la loi-cadre du 25 mai 1999. L'insertion de ces principes dans une loi adaptée sur la coopération au développement s'inscrit dès lors directement dans la mise en œuvre d'accords internationaux.
— La coopération belge au développement est déjà évaluée sur la base des critères de l'OCDE. Notre pays a donc déjà souscrit à des accords internationaux en la matière sans avoir modifié la loi-cadre. Une éventuelle modification de loi ne ferait donc qu'expliciter davantage les choses.
— La coopération au développement est une compétence partagée entre l'État fédéral, les communautés et les régions. La logique commande donc d'attribuer un rôle de premier plan au Sénat qui, au travers de ses sénateurs de communauté, constitue la représentation parlementaire des entités fédérées au niveau fédéral.
Sabine de BETHUNE. Philippe MAHOUX. Marleen TEMMERMAN. Luc VAN DEN BRANDE. |
Article 1er
La présente loi spéciale règle une matière visée dans l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
En application de l'article 77, dernier alinéa, de la Constitution, la Chambre des représentants et le Sénat sont compétents sur un pied d'égalité pour les lois relatives à la coopération au développement.
24 mars 2009.
Sabine de BETHUNE. Philippe MAHOUX. Marleen TEMMERMAN. Luc VAN DEN BRANDE. |
(1) Doc. Sénat, no 4-554/1-3 - 2007/2008.
(2) Doc. Chambre, CRIV 52 COM 308, p. 2.
(3) On en trouve d'ailleurs une confirmation explicite par exemple dans le projet de loi portant assentiment à la Convention générale de coopération au développement entre le Royaume de Belgique et la République du Rwanda, signée à Kigali le 18 mai 2004 (doc. Sénat no 3-1928/1 - 2006/2007, p. 4).
(4) Doc. Chambre, 1992-1993, no 894/3, p. 5.