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Mme Sfia Bouarfa (PS). - Lors du Conseil des ministres du 13 février dernier, la Belgique a décidé de réinstaller en Belgique cinquante réfugiés irakiens vivant dans les camps de Jordanie et de Syrie. Cette décision est plutôt inattendue dans le contexte de l'attente de critères clairs de régularisation pour des milliers de sans-papiers et les nombreux demandeurs d'asile en attente d'un véritable accueil - et non d'un accueil d'urgence limité - dans l'une des structures de Fedasil. Cette décision m'amène à m'interroger sur vos priorités.
La réinstallation est un dispositif qui permet à un État d'accueillir des réfugiés qui ont obtenu le statut de réfugié via le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés dans le pays où ils ont trouvé un premier accueil. Elle est également une des solutions durables proposées par le HCR, à côté de l'intégration des personnes dans le pays où elles ont trouvé refuge et du rapatriement volontaire dans le pays d'origine lorsque les conditions le permettent.
La réinstallation, instrument de protection pour les réfugiés, est en outre considérée comme un moyen de partager les responsabilités au niveau international et donc comme un mécanisme de solidarité vis-à-vis des pays de premier refuge, souvent mis à forte contribution.
Cependant ce choix politique, axé sur la solidarité internationale et l'octroi de droits légitimes et nécessaires à une minorité de personnes, pose question.
La réinstallation est surtout une opération symbolique qui ne devrait pas se transformer en opération de charme. L'objectif d'octroyer une vie digne à cinquante Irakiens est louable mais ce type de programme ne doit pas occulter les préoccupations essentielles.
Ainsi, Madame la ministre, comme le soulève la Ligue des Droits de l'Homme, pourquoi avez-vous prioritairement opté pour la réinstallation d'une minorité de réfugiés provenant d'un pays tiers avant de vous préoccuper du sort de nombreux demandeurs d'asile dans notre pays ? Pourquoi ne vous attelez-vous pas en premier lieu à établir des critères de régularisation pour des milliers de personnes en attente de droits sur notre territoire ? Pourquoi ne vous penchez-vous pas sur l'amélioration de notre système de protection et d'accueil des demandeurs d'asile en Belgique ? Ce sont pourtant bien ces points qui sont véritablement urgents.
Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Politique de migration et d'asile. - Tout d'abord, je constate avec plaisir que vous qualifiez cette initiative de réinstallation de « légitime » et « nécessaire ». C'est comme cela que je la conçois également.
En revanche, je ne puis vous suivre lorsque vous semblez établir un ordre de priorité entre, d'une part, les réfugiés irakiens qui feront l'objet de cette réinstallation en Belgique et, d'autre part, les demandeurs d'asile et les personnes en séjour illégal en Belgique.
Je ne souhaite pas établir un tel ordre de priorité. Il ne s'agit pas de choisir un groupe au détriment d'un autre. Je ne veux pas non plus créer de concurrence entre ces différents groupes.
Avec la réinstallation, il s'agit tout simplement de tenir compte aussi de la situation précaire de personnes très vulnérables comme des femmes et des enfants, personnes déplacées en Jordanie et en Syrie et qui ne peuvent espérer un retour en Irak ou une intégration locale.
Il s'agit également de prendre nos responsabilités au niveau européen. L'initiative belge de réinstallation s'inscrit dans le cadre d'une action européenne. Tous nos pays voisins y participent et il m'aurait paru déplacé que la Belgique reste sans rien faire.
En ce qui concerne les demandeurs d'asile irakiens qui ont introduit une demande d'asile en Belgique, je puis vous assurer que leur demande d'asile est traitée dans un délai tout à fait raisonnable et que la Belgique a l'un des taux de reconnaissance les plus élevé d'Europe, à savoir 65%.
Enfin j'ai à plusieurs reprises signalé que l'Office des étrangers régularisait en moyenne 10 000 personnes par an. Je ne pense donc pas que la décision d'accueillir cinquante réfugiés irakiens soit de nature à discriminer un groupe par rapport a un autre.
Mme Sfia Bouarfa (PS). - Je remercie la ministre de l'élan de générosité dont elle fait preuve à l'égard de ces réfugiés irakiens. Nous savons combien ce peuple a souffert et mérite notre soutien.
Beaucoup de membres de la majorité souhaiteraient cependant qu'elle manifeste la même générosité vis-à-vis des demandeurs d'asile qui se trouvent chez nous et qui attendent une circulaire fixant des critères clairs de régularisation. Ces personnes méritent, elles aussi, de vivre dans la dignité et dans le respect des droits de l'homme.