4-677/4

4-677/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

18 FÉVRIER 2009


Proposition de loi modifiant le Code judiciaire et la loi du 31 janvier 2007 sur la formation judiciaire et portant création de l'Institut de formation judiciaire, visant à confier à des experts externes la préparation et la correction de la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire

Proposition de loi modifiant l'article 259bis-9 du Code judiciaire, afin de réintroduire la possibilité de passer l'examen d'aptitude professionnelle des magistrats et le concours d'admission au stage judiciaire en langue allemande


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. DELPÉRÉE


I. INTRODUCTION

La proposition de loi modifiant le Code judiciaire et la loi du 31 janvier 2007 sur la formation judiciaire et portant création de l'Institut de formation judiciaire, visant à confier à des experts externes la préparation et la correction de la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire (doc. Sénat nº 4-677/1) a été déposée le 8 avril 2008. Elle a été prise en considération le 10 avril 2008 et envoyée à la commission de la Justice.

M. Collas avait déposé, le 12 juillet 2007, une autre proposition de loi sur le même sujet (voir la proposition modifiant l'article 259bis-9 du Code judiciaire, afin de réintroduire la possibilité de passer l'examen d'aptitude professionnelle des magistrats et le concours d'admission au stage judiciaire en langue allemande, doc. Sénat nº 4-84), qui avait également été envoyée à la commission de la Justice.

Les deux propositions de loi ayant le même objet, la commission les a examiné conjointement, au cours de ses réunions des 17 novembre 2008 et 18 février 2009, en présence du ministre de la Justice.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF

M. Collas souligne que les deux propositions de loi s'inscrivent dans une perspective d'amélioration de l'accès à la magistrature pour les juristes germanophones.

La proposition de loi modifiant le Code judiciaire et la loi du 31 janvier 2007 sur la formation judiciaire et portant création de l'Institut de formation judiciaire, visant à confier à des experts externes la préparation et la correction de la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire (doc. Sénat, nº 4-677/1) poursuit le même objectif que sa proposition de loi modifiant l'article 259bis-9 du Code judiciaire, afin de réintroduire la possibilité de passer l'examen d'aptitude professionnelle des magistrats et le concours d'admission au stage judiciaire en langue allemande (doc. Sénat, nº 4-84/1).

Actuellement, l'examen d'aptitude professionnelle, le concours d'admission au stage judiciaire et l'examen oral d'évaluation sont effectués dans la langue du diplôme de docteur ou de licencié en droit. Par conséquent, les candidats germanophones n'ont pas la possibilité de passer ces examens dans leur langue maternelle, à savoir la langue allemande.

Il en découle un pourcentage d'échecs très élevé pour les candidats germanophones. Le système actuel ne permet dès lors pas de nommer un nombre suffisant de candidats germanophones pour remplir le cadre des juridictions d'Eupen et pour pourvoir les places vacantes où la connaissance de l'allemand est requise.

Cette pénurie actuelle va s'accentuer dans les prochaines années si l'on sait que sur un cadre de trente magistrats ayant une connaissance de l'allemand, 13 partiront à la retraite au cours des cinq prochaines années. Il y a dès lors urgence à agir.

Si l'objectif des deux textes est identique, la manière de l'atteindre est différente.

La proposition de loi nº 4-84 préconise un retour au système en vigueur avant la réforme de 1998, c'est-à-dire la possibilité pour le candidat de choisir la langue dans laquelle il désire passer les épreuves de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire (français, néerlandais ou allemand). Le Conseil supérieur de la Justice n'est cependant pas favorable à cette solution (voir avis du CSJ, doc. Sénat nº 4-84/2).

L'orateur rappelle que les candidats germanophones rencontrent surtout des difficultés dans la partie écrite de l'examen — qu'ils doivent passer en français —, alors que 95 % des affaires qui sont traitées dans l'arrondissement judiciaire d'Eupen le sont en allemand. En ce qui concerne l'examen d'aptitude professionnelle, les candidats ont pratiqué presque exclusivement en allemand de sorte que, pour la partie rédactionnelle de l'examen, l'allemand s'impose naturellement.

L'idée centrale de la proposition de loi nº 4-677 est de confier à des experts externes maîtrisant la langue allemande la correction de la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire.

L'auteur propose de donner aux candidats germanophones la faculté de demander de présenter la partie écrite des examens en allemand. La partie orale de l'examen continuerait à être effectuée dans la langue du diplôme de docteur ou licencié en droit.

Il s'agit de rendre possible aux germanophones la présentation en langue allemande de l'examen écrit d'accès au stage judiciaire ou d'aptitude professionnelle, et de leur garantir ainsi une égalité des chances par rapport aux autres candidats, pour des épreuves qui sont déjà fort exigeantes sur le plan du contenu. Le Conseil supérieur de la Justice reconnaît que des solutions spécifiques doivent être mises en place pour mettre fin à cette discrimination et rétablir une stricte égalité entre tous les candidats.

Le Conseil supérieur de la Justice est dès lors favorable à la proposition nº 4-677 (voir l'avis rendu par le Conseil supérieur de la Justice le 5 novembre 2008, doc. Sénat nº 4-84/2), mais il suggère d'apporter au texte certaines améliorations. L'orateur propose que ce dernier texte serve de base à la suite des discussions.

Dans sa proposition nº 4-677, M. Collas avait préconisé l'appel à des experts auprès de l' Institut de formation judiciaire, alors que le Conseil supérieur de la Justice propose une autre approche, à savoir faire appel à des experts ayant une connaissance de la langue allemande. M. Collas signale qu'il présentera des amendements afin de prendre en compte les remarques du Conseil supérieur de la Justice.

L'orateur ajoute enfin que toute la magistrature germanophone de l'arrondissement judiciaire d'Eupen soutient sa démarche, ainsi que le bâtonnier et le membre germanophone du Conseil supérieur de la Justice.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Le ministre confirme que les propositions de loi à l'examen ont pour objet de répondre à une préoccupation précise. L'on est confronté au problème du nombre insuffisant de candidats germanophones aux postes vacants de magistrat à tous les niveaux (parquet fédéral, première instance, etc.). Mais ce n'est pas parce que l'on cherche une solution qu'il faut faire preuve de précipitation. Il faut trouver un modus vivendi exempt de toute discrimination entre les candidats néerlandophones, francophones et germanophones.

M. Delpérée déclare que chacun est conscient de la difficulté qui se présente dans la communauté germanophone quant à la possibilité de recruter des magistrats capables de délibérer et de juger en langue allemande. L'initiative de l'auteur des propositions de loi est intéressante et mérite d'être encouragée. Il faut cependant trouver les formules les plus adéquates pour atteindre l'objectif visé.

En l'occurrence, les candidats proviennent d'une université dispensant un enseignement en langue française ou en langue néerlandaise, où ils ont présenté des examens en langue française ou en langue néerlandaise.

Il faudra aussi répondre aux autres questions soulevées par le Conseil supérieur de la Justice, notamment quant au point de savoir qui peut être considéré comme « candidat germanophone », et comment organiser les concours et classer les lauréats.

M. Collas répond que l'observation du précédent intervenant est justifiée pour ce qui concerne les stagiaires judiciaires, mais non pour les personnes qui ont pratiqué le droit en langue allemande pendant de nombreuses années et qui, choisissant l'autre voie d'accès à la magistrature, rencontrent des difficultés pour la partie rédactionnelle des épreuves. Pour la partie orale de l'examen, c'est le Conseil supérieur de la Justice qui est compétent, et il est probable que ces candidats s'exprimeront en français, mais ils pourraient aussi le faire en néerlandais.

Il est vrai par ailleurs qu'il subsiste des questions à résoudre, notamment celle de la définition des germanophones, qui ne se situent pas nécessairement exclusivement au niveau de la communauté germanophone.

M. Delpérée signale qu'en tant que professeur, il a, parmi ses étudiants, un certain nombre de germanophones inscrits à la faculté de droit de Louvain-la-neuve. Ils présentent des examens écrits en français en indiquant, au-dessus de leur copie, qu'ils sont germanophones.

M. Vankrunkelsven souligne que l'avis du Conseil supérieur de la Justice reconnaît qu'il y a un problème pour les candidats germanophones et que ce problème se pose surtout pour la partie écrite de l'examen.

M. Mahoux pense que la proposition vise à rencontrer une situation quelque peu discriminatoire pour l'accès à la magistrature des germanophones. La proposition ne règle pas l'ensemble des problèmes mais elle devrait permettre de mieux remplir les cadres des juridictions d'Eupen. Or il est essentiel que les cadres soient remplis par des magistrats qui manient la langue de la population.

L'intervenant constate que la proposition vise exclusivement la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle ainsi que du concours d'admission au stage judiciaire. Il demande des précisions sur les correcteurs des épreuves écrites. Qui sont-ils ? Comment sont-ils sélectionnés ?

En ce qui concerne la partie orale, la langue du diplôme de droit reste applicable. Les citoyens de langue allemande considèrent-ils que la solution proposée est suffisante ou faut-il également prévoir que l'épreuve orale puisse se dérouler en langue allemande ?

M. Collas confirme que sa proposition nº 4-677 vise uniquement à permettre que la partie écrite tant de l'examen d'aptitude professionnelle que du concours d'admission au stage puisse se dérouler en langue allemande. Pour ce qui concerne le jury qui corrigera l'épreuve écrite, il renvoie à son amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-677/3) qu'il a préparé à l'article 2 et qui règle la composition du jury et la qualité des experts.

Le ministre déclare pouvoir se rallier à la solution proposée telle qu'elle résulte des amendements déposés. Il a reçu des signaux tant de la magistrature assise que du parquet et des barreaux attirant son attention sur la difficulté de trouver des candidats germanophones.

La proposition de loi initiale soulevait certaines difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne le rôle qu'elle voulait faire jouer à l'Institut de formation judiciaire. Les amendements règlent ces problèmes. Le fait de permettre aux candidats qui le souhaitent de passer la partie écrite de l'examen en allemand est une solution pragmatique qui devrait permettre de réduire le nombre d'échecs des candidats germanophones.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Intitulé

Amendement nº 4

M. Collas dépose l'amendement nº 4 visant à remplacer l'intitulé de la proposition de loi comme suit: « Proposition de loi modifiant le Code judiciaire afin d'offrir au Conseil supérieur de la Justice la possibilité de confier à des experts externes la préparation et la correction de la partie écrite de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire ».

L'amendement vise à mettre l'intitulé en concordance avec les modifications que les amendements nº 1 à 3 proposent d'apporter à la proposition de loi. Il est est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 1er

Cet article ne fait l'objet d'aucune observation et est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 2

Amendement nº 1

M. Collas dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-677/3) qui vise à remplacer l'article 2. Cet amendement tient compte de l'avis du Conseil supérieur de la Justice et propose de définir la notion de candidat germanophone. Il prévoit en outre une période d'affectation minimale au poste de magistrat exercé dans un arrondissement judiciaire où la connaissance de l'allemand est nécessaire

L'amendement nº 1 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 3

Amendement nº 2

M. Collas dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-677/3) qui vise à remplacer l'article 3. Cet amendement précise la nature de la compétence de la commission de nomination en matière d'organisation de l'examen d'aptitude professionnelle et du concours d'admission au stage judiciaire. Il précise en outre le rôle des experts externes qui peuvent assister les membres de la commission dans la correction des examens.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Article 4

Amendement nº 3

M. Collas dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-677/3) qui vise à supprimer l'article 4 de la proposition de loi à la suite de l'avis du Conseil supérieur de la Justice.

L'amendement nº 3 est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

V. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

À la même unanimité, confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

À la suite de l'adoption de la présente proposition de loi, la proposition de loi nº 4-84 devient sans objet.

Le rapporteur, Le président,
Francis DELPÉRÉE. Patrik VANKRUNKELSVEN.