4-1164/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

5 FÉVRIER 2009


Proposition de loi modifiant la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale en vue d'interdire toute utilisation d'insignes nazis

(Déposée par Mme Anne Delvaux et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le 26 novembre 2008, la presse annonce que la chaîne de télévision Canvas a recouru à l'iconographie nazie pour promouvoir une émission touristique consacrée à une visite guidée de Berlin. La publicité diffusée dans la presse flamande met en scène le présentateur de l'émission en « chippendale » hitlérien, effectuant le salut nazi sur fond de croix gammée.

Pour le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), il s'agit là d'une banalisation indécente. Pour le CCOJB, l'exploitation satirique des symboles du nazisme et de leur détournement irresponsable témoignent du degré affligeant de sensibilité et de culture civique de leurs auteurs.

En Belgique, contrairement à l'Allemagne et à la France, la simple reproduction d'un insigne nazi n'est pas interdite et ne tombe pas nécessairement sous le coup de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.

En outre, le fait de simplement porter des uniformes de ce genre n'est pas non plus nécessairement répréhensible.

Aussi, en s'inspirant de la loi française déjà existante en la matière, il est proposé d'ériger ces comportements en infraction pénale, en prohibant le fait de porter ou montrer des insignes, uniformes ou emblèmes nazis.

La portée de ce texte est également symbolique. Il importe que de pareils accoutrements et de pareilles images ne puissent plus être utilisés à la légère.

S'agissant du nazisme, l'utilisation de certains symboles ou insignes peut être comprise au premier degré par certaines personnes et susciter l'adhésion. En cela, cette reproduction peut apparaître comme étant condamnable dans la mesure où elle viserait à banaliser la référence au nazisme.

Il convient toutefois d'être vigilant quant au respect d'un autre principe fondamental, celui de la liberté d'expression. La Convention européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à ce que des restrictions soient apportées à cette liberté. Mais celles-ci doivent impérativement être légales, légitimes et proportionnées. Eu égard à ce dernier principe de proportionnalité, et vu la jurisprudence actuelle de la Cour de Strasbourg, l'incrimination du fait d'exhiber ou de porter des uniformes ou emblèmes nazis à des fins de propagande nous paraît tout à fait licite.

Afin d'obéir pleinement à l'exigence de proportionnalité, il est proposé que le juge isole une intention de propagande ou de publicité dans le chef du contrevenant, à l'exception bien sûr de la publicité visant notamment à promouvoir des productions culturelles. Ceci demeurera toujours une question de fait que le pouvoir judiciaire devra déterminer et prouver.

La présente proposition de loi a donc un objet limité afin de ne point contrevenir à ces principes fondamentaux.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

La disposition punit d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende, quiconque porte ou exhibe la croix gammée, un uniforme, un insigne, ou un emblème rappelant le totalitarisme allemand, à des fins de propagande ou de publicité. Conformément à l'article 4 de la loi en question, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, ainsi que toute association jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits, et qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la résistance ou des déportés, pourront ester en justice dans tous les litiges auxquels l'application de la présente disposition pourrait donner lieu.

Le libellé de cet article s'inspire de l'article R.645-1 du Nouveau Code pénal français.

En outre, une portée large est donnée au présent article, dans la mesure où il incrimine aussi des symboles portés par toute personne éventuellement condamnée pour génocide, crime contre l'humanité, ou crime de guerre. L'exigence d'intention de poursuivre des fins de propagande ou de publicité est également valable dans le présent cas d'espèce.

Anne DELVAUX
Francis DELPÉRÉE
Jean-Paul PROCUREUR
Marc ELSEN
Vanessa MATZ.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, est inséré un article 1/1, rédigé comme suit:

« Art. 1/1. — Est puni des mêmes peines quiconque porte ou exhibe à des fins de propagande ou de publicité, un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant ceux portés soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg du 8 août 1945, soit par une personne reconnue coupable de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité. ».

27 novembre 2008.

Anne DELVAUX
Francis DELPÉRÉE
Jean-Paul PROCUREUR
Marc ELSEN
Vanessa MATZ.