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De voorzitter. - De heer Bernard Clerfayt, staatssecretaris voor de Modernisering van de Federale Overheidsdienst Financiën, de Milieufiscaliteit en de Bestrijding van de fiscale fraude, toegevoegd aan de minister van Financiën, antwoordt.
M. Josy Dubié (Ecolo). - Je me dois de vous faire part de ma profonde inquiétude quant à l'évolution récente de la situation militaire en Afghanistan.
Lors d'une récente visite, avec le ministre des Affaires étrangères, à Kaboul et à Kandahar, j'ai eu l'occasion de m'entretenir longuement en tête-à-tête avec le colonel belge en charge de nos forces sur place. Cet excellent militaire, qui est tout sauf un « va-t-en-guerre », m'a confirmé que la situation militaire se dégradait rapidement. Les insurgés contrôlent peu ou prou une grande partie du pays, entre 50 à 70%, et, avec près de 70 000 soldats sur place, les alliés sont incapables de contrôler davantage le pays.
L'insécurité grandissante hypothèque les projets de développement en cours, déjà largement insuffisants sur le plan financier au regard des dépenses militaires en constante augmentation.
Ce responsable militaire belge a surtout pointé l'extrême vulnérabilité de l'alliance quant à ses sources d'approvisionnement en carburant, vivres et munitions transportés, à plus de 70%, par camions et camions citernes depuis le Pakistan, notamment à travers la périlleuse Khyber pass située à la frontière et propice aux attentats, dans une région aux mains des talibans et de leurs alliés islamistes pakistanais.
Il ne croyait pas si bien dire ! Les audacieuses attaques lancées par plusieurs centaines de talibans et leurs alliés ont incendié et détruit des centaines de camions chargés de matériel militaire à Peshawar au Pakistan. Depuis lors, les transporteurs privés pakistanais refusent de poursuivre l'acheminement des convois vers l'Afghanistan. Le convoi de camions privés qui approvisionnaient les forces américaines et de l'OTAN est donc interrompu à l'heure actuelle.
Ces attaques démontrent la stratégie des insurgés qui attaquent là où cela fait mal et sans prendre trop de risques. Ils n'auraient eu que deux tués lors de ces attaques. Elles démontrent également que les talibans et leurs alliés pakistanais oeuvrent quasiment à leur guise à l'est de la ligne Durand, dans les régions limitrophes de l'Afghanistan peuplées majoritairement de Pashtouns. Dans le même temps les « bavures » occidentales, dénoncées par le gouvernement Karzaï, de plus en plus impuissant et impopulaire, dressent les populations locales contre les forces occidentales passées du statut d'armée de « libération » à celle d'armée « d'occupation » pour un nombre croissant d'Afghans.
Bref, la situation est de plus en plus catastrophique tant sur le plan militaire que politique. Comment évaluez-vous cette situation ?
Comment assurer l'approvisionnement de nos forces en carburant, vivres et munitions si les routes depuis le Pakistan deviennent impraticables ? La sécurisation militaire par les forces américaines de ces routes essentielles, y compris au Pakistan, est-elle envisageable ?
Êtes-vous favorable à la poursuite d'éléments insurgés cherchant refuge au Pakistan voisin ?
L'approvisionnement par le nord, essentiellement par le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, est-il envisageable et réalisable ?
Comment poursuivre, voire accroître, la coopération au développement et assurer la sécurité de ses acteurs face à la montée de l'insécurité dans le pays ?
Quelle est la stratégie de sortie de conflit envisagée et dans quels délais ?
M. Bernard Clerfayt, secrétaire d'État à la Modernisation du Service public fédéral Finances, à la Fiscalité environnementale et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je vous lis la réponse du ministre.
Sur le plan militaire, les acteurs de l'insurrection en Afghanistan mènent des opérations contre l'ISAF et les forces de la coalition. Celles-ci visent à faire croire à la population afghane et à la communauté internationale que la situation se détériore sur le plan de la sécurité.
Sur le plan politique, des progrès sont en voie de réalisation dans le processus de démocratisation de l'Afghanistan, principalement grâce aux élections prévues dans le courant de cette année.
Des alternatives aux lignes de communication existantes au Pakistan sont à l'étude au sein de l'ISAF. Le passage par le nord de l'Afghanistan est en effet une des pistes suivies.
La sécurisation des voies de communication en Afghanistan est une responsabilité de l'ISAF et des forces de sécurité afghanes en général. La sécurisation des convois d'approvisionnement de l'ISAF transitant au Pakistan reste une responsabilité des autorités pakistanaises.
L'OTAN souhaite une résolution plus régionale des problèmes insurrectionnels en Afghanistan. Ainsi, elle a récemment sollicité l'assistance et la coopération du gouvernement pakistanais, afin de s'attaquer au problème des « sanctuaires » pour insurgés, localisés au Pakistan.
La meilleure façon de promouvoir la coopération au développement en Afghanistan, est de mener des campagnes d'information sur son utilité et sa nécessité, afin que cette matière soit mieux perçue et par conséquent, acceptée par la population afghane.
La pierre angulaire de l'engagement de l'ISAF est la formation des forces de sécurité afghanes grâce à la mise en place d'Operational Mentoring and Liaison Teams (OMLT), afin que ces troupes puissent, à terme et de façon autonome, maintenir une situation stable sur le plan de la sécurité dans leur pays. La Belgique participe à cet effort : depuis le 5 janvier 2009, un OMLT conseille, forme et appuie un bataillon afghan à Kunduz.
Une autre priorité de l'ISAF est la reconstruction du pays grâce à la mise en oeuvre de Provincial Reconstruction Teams (PRT). La Belgique est également représentée à la PRT de Kunduz. Ces deux processus demandent énormément de temps et d'investissement de la part de l'ISAF.
M. Josy Dubié (Ecolo). - Les réponses du ministre sont extrêmement décevantes. Parler d'une amélioration politique, c'est prendre ses rêves pour la réalité. Personne ne le croit, pas même les responsables politiques et militaires sur place.
Le ministre dit que la solution est dans l' « afghanisation ». Des exemples récents montrent que c'est loin d'être le cas. Je rappelle la tentative américaine de vietnamisation de la guerre au Vietnam. On sait ce que cela a donné.
Les Soviétiques avaient déjà fait la même chose : lorsqu'ils ont quitté l'Afghanistan en février 1989 - je m'en souviens, j'ai filmé l'événement -, ils sont partis en bon ordre. Ils avaient formé une armée afghane relativement puissante, qui a tenu deux ans et demi et s'est effondrée parce que certains de ses éléments ont changé de camp, je pense notamment à Dostom, général communiste ouzbek. Il ne faut pas se faire trop d'illusions. Ceux qui connaissent la région savent que les engagements idéologiques sont très peu crédibles et que tout est possible.
Pour ma part, je suis assez inquiet. Le ministre n'a pas répondu à ma question principale, à savoir comment assurer l'approvisionnement des troupes. Les convois de camions vont-ils reprendre ? Le ministre dit que l'on envisage de passer par le nord de l'Afghanistan. D'après mes informations, à ce jour, les camionneurs privés pakistanais refusent toujours de reprendre leurs livraisons. Comment approvisionnerons-nous nos troupes ? Comment les Américains approvisionneront-ils les leurs ?
Il serait possible de le faire par avion mais cela coûterait une fortune.
Bref, les éléments que vous venez de porter à ma connaissance n'apaisent nullement mes craintes.
Nous avons certes un PRT à Kunduz mais la région, jusqu'à présent relativement épargnée, est confrontée à graves des problèmes. Des attentats ont récemment été commis sur le marché de Kunduz. La rébellion gagne du terrain et je suis très inquiet pour la suite.