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13 JANVIER 2009
Introduction
Depuis de nombreuses années, les jeunes parents reçoivent, à la maternité, un colis de cadeaux, mieux connu sous le nom de « boîte rose », à la naissance de leur enfant. Il s'agit d'une boîte contenant des échantillons de produits et des bons de réduction qui est offerte par la direction de la maternité, sans que le contenu de cette boîte ne fasse l'objet d'aucun contrôle. Ce n'est que la première action publicitaire d'une longue série, cette boîte rose étant suivie d'une boîte bleue, d'une boîte verte et d'une boîte jaune. Pour les maternités, recevoir ces boîtes est devenu une tradition sans qu'elles en fassent la demande au préalable. De nombreuses entreprises se chargent de remplir ces boîtes et de les distribuer, le personnel de l'hôpital étant l'un des maillons d'une véritable chaîne de distribution. Évidemment, les hôpitaux peuvent refuser lesdites boîtes ou en enlever certains produits ou dépliants. Néanmoins, elles sont populaires chez les jeunes parents, qui les demandent souvent eux-mêmes. Leur contenu doit respecter la législation en vigueur (notamment la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits, l'arrêté royal du 17 avril 1980 concernant la publicité pour les denrées alimentaires, ainsi que l'arrêté royal du 18 février 1991 relatif aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière).
Généralités
On peut se demander si faire de la publicité pour des produits commerciaux fait partie du travail des services hospitaliers. Ces colis publicitaires étant distribués dans des maternités par des prestataires de soins, les jeunes parents et leur famille confèrent bien trop rapidement une garantie de qualité, une crédibilité et une légitimité à ces produits. Cette garantie n'existe pourtant pas, puisque le personnel de l'hôpital n'ouvre pas les colis pour vérifier ce qu'ils contiennent précisément, et ce totalement à juste titre d'ailleurs puisque cela ne fait pas partie de ses attributions. Différentes études ont montré récemment que ces colis publicitaires offerts aux mères à la maternité renfermaient certains produits pour bébés contenant des substances nocives telles que des parabènes, de l'EDTA, du BHA et du bisphénol A.
Quelques maternités en Wallonie et en Flandre interdisent déjà la « boîte rose » et autres colis publicitaires. C'est le cas, par exemple, de la Clinique Saint-Vincent à Rocourt (Liège), de l'hôpital Henry Serruys à Ostende et de l'UZ Gasthuisberg à Louvain. Tous ces hôpitaux ont obtenu récemment le label « Hôpital Ami des Bébés » décerné par l'OMC et l'UNICEF et soutenu par le SPF Santé publique, dont le principe ne s'accorde pas avec la distribution de produits publicitaires non contrôlés. Plusieurs hôpitaux français ont également interdit il y a peu la « boîte rose ». Ce sera également le cas de l'UZGent à partir du 1er janvier 2009.
L'un des critères pour participer à l'Initiative « Hôpital Ami des Bébés » (IHAB) est formulé de la manière suivante: « Si l'établissement distribue des boîtes-cadeaux en prénatal ou postnatal, il faudra vérifier qu'il n'y a aucune publicité pour les substituts du lait maternel, les biberons, tétines et sucettes (échantillons, livrets, bons, supports divers, incitation à visiter le site web d'une firme productrice ou distributrice, ...). Le principe qui veut que l'hôpital refuse de recevoir des cadeaux, de la littérature non scientifique, du matériel ou de l'équipement, des fonds ou du financement pour la formation ou pour l'organisation d'événements de la part des firmes productrices ou distributrices de substituts du lait maternel, biberons, tétines et sucettes, est loin d'être appliqué partout en Belgique. Mais les hôpitaux-pilotes candidats au label montreront comment ils font pour mettre progressivement fin à ces liens de dépendance financière avec ces firmes. »
Les hôpitaux susmentionnés de Liège, Ostende et Louvain ont interprété ce principe au sens strict et ont interdit systématiquement les colis publicitaires. D'autres hôpitaux à Bruxelles, Gand et Genk envisagent maintenant de faire de même. Pareille décision ne doit cependant pas revenir aux hôpitaux individuels, compte tenu de l'éventuelle nocivité de certains produits et de l'absence de contrôle par l'hôpital. Ici se pose aussi la question de la responsabilité si un problème survient avec un produit offert dans une boîte fermée que le personnel de l'hôpital a distribué aveuglément. La question est de savoir si le personnel des maternités doit se charger de contrôler le contenu de ces colis publicitaires. Dans la pratique, il ne le fait pas; le personnel transmet les boîtes fermées aux parents et n'a ni le devoir ni le temps d'en contrôler le contenu. Qui est responsable en cas de problème causé par les produits offerts (par exemple, la présence de verre dans un petit pot d'aliments pour bébés ou une réaction allergique à l'utilisation d'un de ces produits) ?
Si les « boîtes roses » contiennent des produits qui sont aussi en vente sur le marché, il ne faut pas se voiler la face. Les entreprises qui font de la publicité par le biais de campagnes de ce type ne vont pas toujours faire de la promotion pour les produits les plus sains et/ou les plus durables. De même, un bon rapport qualité/prix fait rarement partie de leurs préoccupations. Il n'y a donc aucune garantie de qualité en termes de santé.
Voici quelques exemples:
Les échantillons de lingettes humides présentes dans le colis sont imprégnées d'un savon qui contient du phénoxyéthanol, un produit susceptible de provoquer une allergie.
Outre de la nourriture pour bébés, des couches, des bons de réduction, du lait en poudre et d'une tétine, le colis comporte aussi aujourd'hui des rasoirs pour le père afin que sa peau soit aussi douce que celle du nourrisson. Pareille publicité n'a plus rien à voir avec les soins du nouveau-né.
La présence de bons de valeur pour du lait en poudre est totalement contraire à la campagne internationale en faveur de l'allaitement. À cet égard, la « boîte rose » enfreint le code international interdisant la publicité pour des substituts du lait maternel et certains produits de soins postnataux, tels que les tétines et les biberons, et leur distribution gratuite. Cette pratique est contraire au projet précité « Hôpital Ami des Bébés » qui est également soutenu et encouragé par le SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, une initiative conférant une reconnaissance particulière aux hôpitaux qui militent activement en faveur de l'allaitement. La nature commerciale des colis publicitaires n'est pas négligeable.
81 % des jeunes mères qui reçoivent la « boîte rose » remplissent un formulaire qui se trouve à l'intérieur de cette boîte. Elles jettent ainsi en pâture une partie de leur vie privée. Après seulement quelques mois, les mères reçoivent des offres par téléphone à leur domicile. Après un certain temps, elles reçoivent aussi des échantillons et des offres dans la « boîte bleue » (après 5 mois), la « boîte verte » (après le premier anniversaire), la « boîte jaune » (à l'âge où l'enfant rentre en première maternelle) et la « Happy Kid Box ». En d'autres termes, il s'agit d'un système de marketing bien huilé. Par exemple, on propose aussi un service de sms qui envoie aux jeunes mères des messages tels que « Chère Lucy, votre petite fille Laura a maintenant deux mois. Félicitations ! N'oubliez pas que c'est le moment de la vacciner contre x ou y ... ». La communication met ainsi l'accent sur ce que l'on appelle des « key emotional moments », c'est-à-dire des moments importants au niveau émotionnel. Le danger est que l'entreprise prenne la place du prestataire de soins dans ce domaine.
L'entreprise BEWEB vend la mailing-list de la boîte rose, contenant le profil des parents, le sexe et l'âge de l'enfant. Les acheteurs utilisent ces données pour l'envoi d'échantillons de leurs produits ou de lettres d'information. Cette pratique n'est pas interdite, mais il n'est pas souhaitable que les hôpitaux et les prestataires de soins soient à la base de pareilles campagnes publicitaires extensibles visant les jeunes parents et leurs enfants.
Conclusion
La « boîte rose » et les colis publicitaires similaires non contrôlés sont des initiatives commerciales, dont le but principal n'est pas d'informer sur la santé du bébé et de la mère. À l'heure actuelle, rien n'empêche n'importe quelle entreprise de distribuer des produits de ce type dans la maternité ou ailleurs dans l'hôpital. Les auteurs de la présente proposition de loi estiment qu'il n'appartient pas au personnel des hôpitaux de distribuer des produits publicitaires non contrôlés et que la décision de les distribuer ou non ne doit pas revenir aux hôpitaux. Ces pratiques n'étant pas favorables à la santé publique, elles ne doivent tout simplement pas être tolérées au sein des hôpitaux.
L'arrêté royal du 23 octobre 1964 portant fixation des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre, énonce en son article N1, Annexe A, III. Normes d'organisation:
« 8º Toute publicité, démarche ou réclame tapageuse par des moyens généralement réprouvés par le code de déontologie médicale seront proscrites. »
À cet égard, on ne sait pas exactement si l'on vise la publicité effectuée par l'hôpital ou celle effectuée par des tiers au sein de l'hôpital. L'énumération reprise dans le texte de loi indique toutefois qu'il s'agit de la publicité effectuée par l'hôpital. C'est la raison pour laquelle les auteurs souhaitent ajouter un point dans l'arrêté royal en vue d'interdire les initiatives publicitaires non contrôlées au sein des maternités.
Marleen TEMMERMAN. Christine DEFRAIGNE. Patrik VANKRUNKELSVEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'arrêté royal du 23 octobre 1964 portant fixation des normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre, Annexe « A. Normes générales applicables à tous les établissements », rubrique « III. Normes d'organisation », il est inséré un 8º/1 rédigé comme suit:
« 8º/1 La distribution d'articles publicitaires non contrôlés ou de produits non médicaux proposés par des tiers à des fins de publicité par l'intermédiaire du personnel de l'hôpital est proscrite. »
10 décembre 2008.
Marleen TEMMERMAN. Christine DEFRAIGNE. Patrik VANKRUNKELSVEN. |