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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 11 DÉCEMBRE 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Proposition de loi modifiant l'article 31 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire (de M. Berni Collas, Doc. 4-86)

Proposition de loi modifiant l'article 20 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire (de Mme Christine Defraigne et M. Berni Collas, Doc. 4-692)

Discussion générale

M. le président. - Je vous propose de joindre la discussion de ces propositions de loi. (Assentiment)

M. Francis Delpérée (cdH), rapporteur. - Je me réfère à mes rapports écrits.

M. Berni Collas (MR). - La présente proposition de loi constitue pour moi et pour la toute grande majorité des membres de la commission de la Justice une nette amélioration des règles relatives au recours à un interprète en matière judiciaire.

Il arrive très souvent que des agents de police ou des magistrats soient confrontés à des prévenus qui parlent une langue qui leur est totalement méconnue. Le recours à un interprète se révèle dès lors indispensable. Encore faut-il en trouver un rapidement et s'assurer de sa compétence.

La Cour d'appel de Bruxelles, dans un arrêt du 18 juin 2003, basé sur la jurisprudence de la Cour de cassation - arrêt du 16 septembre 1998 -, a prononcé la nullité des déclarations contenues dans un procès-verbal car celui-ci mentionnait que les auditions avaient eu lieu avec l'aide d'un interprète, sans que sa qualité d'interprète juré n'ait été constatée.

En raison de la multiplicité des langues et dialectes utilisés par les justiciables, ainsi que de la difficulté, dans certaines circonstances, de trouver un interprète juré, nous avons décidé d'améliorer le système prévu à l'article 31 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire et à l'article 47bis, 5º du Code d'instruction criminelle.

Avec l'aide précieuse d'un des collaborateurs du ministre de la Justice, nous avons imaginé un système en cascade qui garantit d'avoir recours à un interprète fiable.

Actuellement, dans le cadre d'une procédure judiciaire, on fait appel à des personnes inscrites sur des listes officieuses tenues au greffe des tribunaux de première instance. La pratique n'est cependant pas uniforme et ne se fonde sur aucune base légale ou réglementaire.

Nous avons donc estimé judicieux de rendre cette pratique systématique et de la fondre dans un texte de loi. En outre, ces listes permettront à chaque autorité judiciaire de connaître précisément les langues dont elle peut assurer ou non la traduction grâce à l'intervention d'un interprète juré. Dans les cas où l'autorité concernée ne dispose de personne, elle devra se tourner en premier lieu vers les listes des autres arrondissements judiciaires du pays. Si cela s'avère également infructueux, l'autorité compétente devra rechercher un traducteur juré qui prêtera pour la circonstance le serment d'interprète. Si malgré tout, aucune personne compétente n'a pu être trouvée parmi les traducteurs jurés, il faudra, en dernier recours, utiliser les services d'une personne non jurée mais qui connaît la langue recherchée. Cette personne fera office d'interprète pour l'occasion ; l'autorité qui lui assigne cette mission devra motiver sa décision afin d'en garantir le bien-fondé. Le système que nous avons prévu assure, me semble-t-il, un juste équilibre entre, d'une part, la nécessité de disposer d'une réglementation précise et en conformité avec la pratique du terrain et, d'autre part, le besoin de conserver une certaine souplesse afin de ne pas ériger d'obstacle à la bonne administration de la justice.

Je tiens à remercier tous mes collègues pour leur coopération constructive ; je remercie également le représentant du ministre de la Justice.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je risque de ne pas faire partie des personnes que M. Collas a remerciées. En effet, nous ne pouvons pas marquer notre accord sur cette proposition, considérant que pour régler un problème certes réel, on avance des solutions qui n'offrent pas toutes les garanties à la défense, même si le texte initial a été modifié avec le système de cascade.

Pour les auteurs de la proposition, c'est l'autorité judiciaire qui, après avoir constaté l'impossibilité de trouver des interprètes jurés, peut faire appel à des interprètes non jurés. Or, lorsque j'ai demandé si un magistrat devait obligatoirement intervenir dans ces désignations, notamment à l'occasion des auditions, j'ai reçu une réponse négative. En d'autres termes, toutes les autorités judiciaires, quelles qu'elles soient, peuvent avoir recours à un interprète non juré. Il pourrait, par exemple, s'agir d'un interprète dont le nom figure sur le carnet d'adresses d'un policier, sans autre garantie. Qui vérifie d'ailleurs la qualité de l'interprète dans la langue concernée ?

Nous estimons dès lors que la solution proposée pour ce problème réel ne garantit pas les droits de la défense.