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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 4 DÉCEMBRE 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Josy Dubié au ministre des Affaires étrangères sur «la protection des journalistes en RDC» (nº 4-568)

M. le président. - M. Carl Devlies, secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État, adjoint au ministre de la Justice, répondra.

M. Josy Dubié (Ecolo). - L'assassinat inadmissible de Didace Namujimbo, reporter de Radio Okapi Bukavu, le 21 novembre 2008, démontre une nouvelle fois le besoin urgent de mettre en place une politique de protection par les autorités congolaises et les membres de la communauté internationale responsables de la protection.

Cet assassinat fait suite aux assassinats de Pascal Kabungulu Kibembi, de Serge Maheshe, dont les procès, interrompus ou tenus dans des conditions ne respectant pas les standards internationaux, n'ont pas permis d'établir vérité, justice et réparations. L'impunité qui s'ensuit encourage la poursuite d'attaques. Outre les assassinats, les agressions, les emprisonnements et les intimidations diverses se multiplient sans que nous voyions naître une politique de protection dans les institutions congolaises.

L'Union européenne a adopté des Lignes directrices sur les défenseurs des droits humains en 2004 et s'est engagée, en décembre 2007, à adopter des stratégies locales de mise en oeuvre de ces Lignes directrices.

Par ailleurs, notre parlement a adopté une motion/résolution sur la protection des défenseurs des droits humains insistant pour que notre gouvernement soit particulièrement attentif aux problèmes de sécurité rencontrés par les défenseurs et fournisse toute l'aide nécessaire dans la mesure de ses moyens.

Dans ce cadre, je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes. Le plan de réforme de la justice financé par les États membres de l'Union européenne, actuellement en discussion à Kinshasa, prévoit-il un volet de renforcement de la sécurité et de la protection des défenseurs des droits humains et journalistes dans leur rôle de watchdog des politiques menées pour la lutte contre l'impunité ? Quels autres programmes financés par notre pays se consacrent-ils au renforcement de la protection des défenseurs et journalistes congolais ?

Un an après les conclusions du Conseil européen sur les Droits humains, y a-t-il eu définition d'une politique de protection des défenseurs en République Démocratique du Congo, c'est-à-dire définition d'une stratégie locale de mise en oeuvre des Lignes directrices ? Quel en est le contenu exact ? Ce document est-il public ? Quelles ont été les mesures prises pour la réalisation de cette politique ? Qu'en est-il de la réaction de l'Union européenne à l'assassinat du journaliste Didace Namujimbo ? Qu'est-ce que l'Union européenne a envisagé de faire face au blocage des affaires Maheshe et Kabungulu ? Quelles ont été les mesures concrètes de protection prises par notre ambassade à Kinshasa pour mettre en oeuvre la motion/résolution sur la protection des défenseurs, adoptée par notre parlement ?

M. Carl Devlies, secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État, adjoint au ministre de la Justice. - Je vous lis la réponse du ministre des Affaires étrangères.

Je partage votre avis selon lequel l'assassinat du journaliste Didace Namujimbo est un acte inacceptable et condamnable. La Belgique a pris immédiatement les mesures pour exprimer ses préoccupations.

Nous avons pris contact avec la présidence française et une déclaration de l'Union européenne a été publiée. Les autorités européennes ont rapidement effectué des démarches auprès des autorités congolaises pour exprimer les préoccupations de l'Union européenne concernant cet assassinat ainsi que sur la situation des journalistes en général. L'Union européenne a demandé que toute la vérité soit faite sur cette affaire et que les coupables soient jugés et condamnés. Il est important de plaider pour qu'une enquête indépendante et équitable soit organisée.

J'ai moi-même condamné cet assassinat dans mon intervention devant le Conseil de Sécurité lors de la réunion sur la RDC organisée par la Belgique le 25 novembre dernier, selon la formule Arria.

Lors de la session spéciale du Conseil des droits de l'homme sur la RDC qui a eu lieu ce vendredi 28 novembre, la Belgique a prononcé une déclaration dans laquelle elle a à nouveau condamné fermement cet assassinat en déplorant qu'en RDC, la défense des droits de l'homme se fasse encore trop souvent au péril de sa vie.

La réforme de la justice actuellement en cours en RDC comprend toute une série de mesures allant de la formation des juges au renforcement de l'appareil judiciaire. Le but étant la mise sur pied d'un système indépendant, efficace et crédible, il est clair que cela sera bénéfique aux défenseurs des droits de l'homme. Un système judiciaire efficace permettra notamment de répondre activement à toute action mettant en danger les défenseurs des droits de l'homme.

La protection des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes est également prise en compte dans le cadre du renforcement de l'arsenal législatif congolais. En plus de REJUSCO, la Belgique finance plusieurs projets en faveur des défenseurs des droits de l'homme et collabore notamment avec PBI (Peace Brigades International), Frontline ou encore l'Observatoire des défenseurs des droits de l'homme.

Les chefs de mission en RDC ont bien développé une stratégie locale de mise en oeuvre des Lignes directrices de l'Union européenne sur les défenseurs des droits de l'homme. Ce document n'est pas public. Il prévoit notamment des contacts réguliers avec les défenseurs des droits de l'homme. Les chefs de mission ont également décidé de créer un groupe Droits de l'homme qui se réunit au moins une fois par mois. Enfin, les postes européens à Kinshasa assistent régulièrement aux procès liés aux défenseurs des droits de l'homme. Ainsi le procès Maheshe a été suivi par l'Union européenne.

Je peux vous assurer que la Belgique suit avec attention les affaires Kabungulu et Maheshe. La Belgique a été à l'origine de la déclaration et des démarches faites par l'Union européenne en mai dernier sur ces deux affaires. De plus, nous continuons à soulever ces cas lors de nos contacts.

De manière générale, la Belgique mène une politique active en ce qui concerne les défenseurs des droits de l'homme. Notre ambassade a des contacts réguliers avec eux. Mon département et moi-même recevons régulièrement des défenseurs des droits de l'homme congolais. La Belgique essaye également de donner de la visibilité au travail des défenseurs en promouvant leur participation à des conférences internationales ou encore en présentant certains d'entre eux comme lauréats pour des prix relatifs à la défense des droits de l'homme. La Belgique avait ainsi proposé la candidature de M. Kabungulu pour le prix Nord/Sud du Conseil de l'Europe. De manière générale, notre ambassade à Kinshasa m'alerte très rapidement en cas de danger potentiel pour des défenseurs des droits de l'homme.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Je remercie le ministre de sa réponse très complète. Je suis convaincu de son implication dans ce dossier douloureux. J'espère que nos efforts pourront contribuer à rétablir un tant soit peu la sécurité des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes au Congo.