4-692/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

2 DÉCEMBRE 2008


Proposition de loi modifiant l'article 20 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. DELPERÉE


I. Introduction

La présente proposition de loi a été déposée le 10 avril 2008. Elle a été prise en considération le 17 avril 2008 et envoyée à la commission de la Justice.

La commission l'a examinée au cours de ses réunions des 8 juillet, 19 novembre et 2 décembre 2008, en présence du ministre de la Justice.

II. Exposé introductif de Mme Defraigne, auteur de la proposition

La proposition de loi modifie la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire, en vue de permettre à l'accusé néerlandophone poursuivi devant la cour d'assises de Liège de demander à la chambre des mises en accusation le renvoi devant la cour d'assises de l'une des provinces visées à l'article 19, alinéa 2, de la loi sur l'emploi des langues, c'est-à-dire la cour d'assises des provinces d'Anvers, de Flandre orientale, de Flandre occidentale, du Brabant flamand, du Limbourg, ou de l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale.

Il résulte en effet d'une lecture attentive de l'article 20 de la loi sur l'emploi des langues que la possibilité pour l'accusé néerlandophone de solliciter le renvoi en question n'existe pas lorsque l'accusé comparaît devant la cour d'assises de la province de Liège, alors qu'elle existe lorsqu'il comparaît devant les cours d'assises des autres provinces.

Il s'agit donc d'une correction qui peut paraître technique, mais le cas s'est déjà présenté, où un accusé néerlandophone n'avait pas pu demander le renvoi devant une cour d'assises néerlandophone.

III. Discussion générale

M. Delpérée fait observer que, selon les développements précédant la proposition de loi, la Cour de cassation n'a pas encore été amenée à rendre son arrêt sur le sujet, mais qu'il y a de fortes chances qu'elle casse la décision de la chambre des mises en accusation et renvoie le dossier devant un autre siège. Cela signifie donc qu'il y a une affaire en cours. L'intervenant trouve délicat de légiférer pour régler une question de droit pendante devant un tribunal.

Mme Defraigne répond que la proposition de loi tend à régler, de façon générale, une lacune existant dans la loi actuelle, de surcroît à propos des affaires pénales les plus graves. De façon générale, en matière pénale, chacun a le droit d'être jugé dans sa langue. Or, il n'en va pas ainsi pour un accusé néerlandophone qui comparaît devant la cour d'assises de Liège. Le problème vient du fait que la loi sur l'emploi des langues contient un alinéa spécifique pour Liège en raison de la présence de germanophones.

Il y a en effet un cas où la chambre des mises en accusation a autorisé le renvoi devant la province de Limbourg mais, face à la lacune légale, cette décision sera vraisemblablement cassée.

M. Delpérée souhaiterait plus de précisions sur le cas d'espèce dont il est question dans les développements précédant la proposition de loi.

Mme Defraigne répond qu'elle ne dispose pas de cette information, mais qu'en tout état de cause, cette affaire a permis de s'apercevoir de la lacune législative existante. Quelle que soit la décision de la Cour de cassation dans ce dossier, il est de toute façon préférable que la loi soit complétée sur ce point.

M. Delpérée demande quel sera l'effet de la disposition proposée sur l'affaire en cours.

Mme Defraigne répond que la chambre des mises en accusation a renvoyé l'affaire devant une cour d'assises néerlandophone. Si sa décision est confirmée, l'adoption du texte proposé ne changera rien.

Dans le cas contraire, s'agissant d'une loi de procédure, elle sera d'application immédiate.

M. Vandenberghe rappelle l'historique, notamment le fait que, lors de la genèse de la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire de 1935, la province du Limbourg relevait de la compétence de la cour d'appel de Liège. En conséquence, la cour d'appel de Liège avait des chambres néerlandophones et francophones et la cour d'assises du Limbourg siégeait à la cour de Liège. Il se peut évidemment que la Cour de cassation décide que l'énumération prévue dans la loi n'est pas limitative et que l'application de la règle générale selon laquelle la langue de l'accusé prime n'est pas exclue. La lacune trouve, en effet, une explication historique. La langue de l'accusé prime et il n'est pas logique que cette règle vaille uniquement pour certaines cours d'appel et pas pour d'autres. La Cour de cassation peut fournir une solution, quitte à interroger la Cour constitutionnelle pour savoir s'il y a violation du principe d'égalité. Quoi qu'il en soit, il s'agit en l'occurrence d'une loi de procédure sans effet rétroactif n'ayant dès lors aucun impact sur les affaires en cours. La Cour de cassation jugera si la chambre des mises en accusation a statué correctement le jour de la décision. Dans l'éventualité d'une cassation, l'affaire sera dès lors renvoyée à la chambre des mises en accusation de Liège, dans une autre composition, ou à une autre chambre des mises en accusation, et la nouvelle loi sera appliquée.

L'intervenant est prêt à remédier à l'anomalie mais maintient que cela n'oblige pas la Cour de cassation à annuler.

Le ministre reconnaît que l'on est confronté, en l'espèce, à une lacune dans la législation qui a été mise au jour à la suite d'une procédure en cours. Il semble sage de combler cette lacune. Par ailleurs, l'intervenant signale également une imprécision supplémentaire à l'article 20, alinéa 4, qui dispose que, si deux accusés sont impliqués dans la même affaire, la demande n'est accueillie qui si elle est faite par les deux. Cependant, il n'y a aucune précision sur ce qu'il y a lieu de faire si les faits ont été commis par exemple à Tournai par un néerlandophone et un germanophone qui demandent tous les deux un renvoi devant une cour utilisant leur langue. Doivent-ils être traduits chacun devant une cour d'assises différente et l'affaire doit-elle être scindée ? N'est-il pas souhaitable que l'affaire soit traitée par une seule et même cour par souci de cohésion ? Le même cas de figure se présente lorsque des faits ont été commis à Anvers par un germanophone et un francophone. Si l'on renvoie l'affaire devant la cour de Liège, la procédure ne peut être menée que dans une seule langue. Quelle langue primera dans ce cas ? Il faut également trouver une solution en l'espèce.

M. Van Parys déclare qu'il soutient la proposition de loi et qu'il n'a aucune objection à une adaptation de l'article 20 de la loi.

IV. Discussion des articles

Article 1er

Cet article n'appelle pas d'observations.

Article 2

Mme Defraigne et M. Collas déposent un amendement tendant à compléter cet article par un 3º.

Cette reformulation de l'alinéa 4 de l'article 20 de la loi du 15 juin 1935 paraît nécessaire afin de clarifier les différentes situations dans lesquelles plusieurs accusés parlant des langues nationales différentes sont impliqués.

Dans les cas où deux accusés sont impliqués dans la même affaire, le renvoi ne sera admis que s'il aboutit à ce que l'affaire soit traitée devant une cour d'assises utilisant la langue des deux accusés. Si ces deux accusés utilisent des langues nationales différentes, la cour d'assises devant laquelle les accusés ont été initialement traduits demeure compétente.

Dans les situations où au moins trois accusés sont impliqués, la demande de renvoi ne pourra être admise que si elle aboutit à ce que l'affaire soit traitée devant une cour d'assises utilisant la langue de la majorité des accusés. Si aucune des trois langues nationales n'est majoritaire dans le chef des accusés, la demande de renvoi formulée par l'un d'entre eux ne pourra être acceptée. Dans pareil cas de figure, la cour d'assises devant laquelle les accusés ont été initialement traduits demeure compétente.

V. Votes

L'article 1er, l'amendement nº 1 et l'article 2 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

L'ensemble de la proposition de loi amendé est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Francis DELPÉRÉE. Patrik VANKRUNKELSVEN.