4-934/1 | 4-934/1 |
1er OCTOBRE 2008
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 3 juillet 2003 (doc. Sénat, nº 3-22/1 - SE 2003).
En 1996, un citoyen atteint de mésothéliome (cancer de la plèvre dû à l'amiante) et reconnu par le Fonds des maladies professionnelles, a intenté un procès devant le tribunal civil à ses anciens employeurs pour inobservation du règlement général pour la protection du travail (RGPT) ayant entraîné sa maladie mortelle (absence d'examens médicaux adéquats, manque de mesures de protection, les travailleurs qui n'ont pas été informés sur les dangers du produit, etc ...). Cette action judiciaire était une première en Belgique. Il a été débouté par le tribunal; sa demande a été jugée recevable mais non fondée alors que la cause était juste. Pourquoi cette discordance ? Précisément à cause de cette difficulté énorme d'établir une « faute intentionnelle » de l'employeur. La cour d'appel de Bruxelles, dans son jugement du 2 novembre 1998, a appliqué cette disposition de la loi de manière tout à fait restrictive et étroite. Elle a estimé que si des fautes graves ont bien été commises par les employeurs, elles n'étaient pas « intentionnelles ». Pour que le procès aboutisse, il aurait fallu que l'on prouve que l'employeur avait fait respirer de l'amiante à son ouvrier dans l'intention de le rendre malade, ce qui n'est pas exact.
Ce procès a montré qu'un employeur peut ne pas respecter le RGPT et qu'en cas de maladie professionnelle grave et même mortelle due à ses manquements, sa responsabilité civile n'est pas engagée, sauf si la faute intentionnelle est établie, ce qui semble être très difficile. On ne peut admettre qu'il suffise à l'employeur de cotiser au régime des maladies professionnelles pour bénéficier d'une immunité de fait sur le plan civil.
Le concept de « faute inexcusable » retenu en droit français est moins restrictif que celui de faute intentionnelle appliqué en droit belge. Crâce à ce concept, il ne faut pas apporter la preuve d'une faute intentionnelle. La responsabilité civile de l'employeur peut être retenue s'il a fait preuve d'une négligence (« une faute inexcusable ») aux conséquences graves, par exemple en laissant persister un danger grave pour la santé alors qu'il est censé connaître ce danger. La présente proposition de loi vise à intégrer ce concept supplémentaire en droit belge en cas d'exposition à l'amiante.
Pour être plus précis, signalons qu'en droit français (jurisprudence) la faute inexcusable se caractérise par cinq éléments qui doivent être réunis: un acte ou une omission volontaire, la conscience du danger que devait en avoir son auteur, le caractère de gravité exceptionnelle de la faute, l'absence de cause justificative et le défaut d'élément intentionnel. Une telle disposition a permis de nombreuses procédures en France, avec un succès croissant.
Le droit belge peut dès lors être complété, sans créer des distorsions de concurrence à charge des employeurs. L'objectif à terme est bien sur de l'intégrer en droit européen.
Anne-Marie LIZIN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 51, paragraphe 1er, des lois coordonnées du 3 juin 1970 relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, il est inséré un 1ºbis, rédigé comme suit:
« 1ºbis. contre le chef d'entreprise qui commet la faute inexcusable d'exposition sans protection des travailleurs à l'amiante.
Est considérée comme une faute inexcusable, une faute pour laquelle les éléments suivants sont réunis: un acte ou une omission volontaire, la conscience du danger que devait en avoir son auteur, le caractère de gravité exceptionnelle de la faute, l'absence de cause justificative et le défaut d'élément intentionnel; ».
27 juin 2008.
Anne-Marie LIZIN. |