4-922/1 | 4-922/1 |
16 SEPTEMBRE 2008
La loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, entrée en vigueur le 20 septembre 2002, autorise l'euthanasie sur des patients conscients, atteints d'une affection incurable, qui éprouvent une souffrance insupportable.
La loi offre au patient une protection et lui garantit une mort douce et humaine. Elle procure également la sécurité juridique au médecin qui pratique l'euthanasie.
Parallèlement à la loi qui garantit le droit à l'euthanasie pour les personnes majeures, la loi prévoyant des soins palliatifs de qualité est entrée en vigueur.
Aujourd'hui, la pratique nous oblige toutefois à conclure que la législation actuelle présente des imperfections qui appellent des précisions et des adaptations spécifiques.
Il en résulte dès lors qu'il convient d'adapter notamment l'élément suivant.
La législation actuelle s'adresse aux individus juridiquement capables d'exprimer leur volonté. Cela signifie que l'individu doit être pleinement conscient au moment où il formule une demande d'euthanasie ou avoir exprimé, au moyen d'une déclaration anticipée, sa volonté de subir une euthanasie dans une situation médicale sans issue, c'est-à-dire une situation qui peut survenir à un moment où l'individu n'est plus conscient.
Sous sa forme actuelle, la législation ne couvre pas ce cas de figure.
Article 2
Un premier point à modifier a trait à la problématique de la durée de validité limitée de la déclaration anticipée. Aux termes de l'article 4, § 1er, alinéa 6, de la loi relative à l'euthanasie, l'euthanasie ne peut être pratiquée que si la déclaration anticipée a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité pour l'intéressé de manifester sa volonté. On propose d'accorder à la déclaration anticipée une durée de validité indéterminée. Il n'en reste pas moins qu'une personne peut toujours révoquer ou modifier sa déclaration anticipée, tout comme c'est le cas pour un testament.
En pratique, le délai maximal de validité de cinq ans peut aboutir à des situations injustes: si une personne qui a établi une déclaration anticipée et l'a confirmée perd conscience juste après l'échéance du délai de cinq ans, sa déclaration perd toute validité.
Qui plus est, on peut se demander si cette disposition atteint son but et, par conséquent, s'il faut la conserver. Supposons qu'une personne établisse, le 9 décembre 2006, une déclaration anticipée et la signe. Le 10 décembre 2012, cette déclaration anticipée est soumise à un médecin. Ce médecin doit d'abord déterminer depuis quand l'intéressé ne peut plus exprimer sa volonté. C'est un élément très difficile à déterminer, surtout si le médecin ne connaissait pas le patient au préalable. Si celui-ci n'est plus capable d'exprimer sa volonté depuis 2008, il faut encore tenir compte de la déclaration anticipée, car il s'est écoulé moins de cinq ans entre l'établissement de cette déclaration et le moment où le patient n'est plus capable d'exprimer sa volonté. En outre, dans une telle situation, la déclaration anticipée restera valable pour une durée indéterminée. Toutefois, si le patient était devenu incapable d'exprimer sa volonté en 2012, la déclaration anticipée ne serait plus valable. Il faut donc faire en sorte, pour éviter ce genre de situations, que la déclaration anticipée soit valable pour une durée indéterminée et supprimer la durée maximale de validité inscrite dans la législation antérieure.
Article 3
Le grand problème, en l'occurrence, est la disposition qui figure à l'article 4, § 1er, alinéa 1er, deuxième tiret, et celle du § 2, alinéa 1er, deuxième tiret, à savoir les mots « (qu »)il est inconscient ». La déclaration anticipée perd ainsi une grande partie de sa raison d'être, car tous s'accordent à dire que cette condition veut que l'intéressé se trouve dans un état comateux. Or, la majorité des personnes qui ont rédigé une déclaration anticipée ne peuvent pas faire usage de cette disposition: elles ne sont plus conscientes, mais elles ne se trouvent cependant pas dans un état comateux et ne peuvent avoir recours ni à l'article 3 de la loi sur l'euthanasie, ni à son article 4.
Pourtant, on est souvent confronté, en l'occurrence, à des situations fort inhumaines. Il ne s'agit pas toujours de personnes démentes; ce sont aussi des patients qui ont subi, par exemple, une hémorragie cérébrale ou qui, en raison de circonstances imprévues, comme un accident de la route ou une maladie, se trouvent dans un état végétatif ou dans une situation médicale sans issue et dont les souffrances sont intolérables. À ce moment-là, elles sont juridiquement incapables, mais n'ont pas rédigé de déclaration anticipée antérieure.
Quoi qu'il en soit, la modification proposée n'est toujours pas un sauf-conduit permettant, comme certains l'affirment à tort, de se débarrasser des « petits vieux », car (1) c'est toujours l'intéressé qui rédige volontairement une déclaration anticipée (qu'il peut adapter ou retirer à tout moment), (2) les conditions rigoureuses de la loi doivent toujours être respectées et (3) c'est toujours le médecin qui prend la décision sans contrainte. Pourquoi, en effet, une personne ne pourrait-elle pas consigner dans une déclaration anticipée de demande d'euthanasie qu'elle ne souhaite plus vivre si elle n'est plus consciente de sa propre personnalité, c'est-à-dire, en d'autres termes, si sa conscience a été profondément atteinte et de manière irréversible, dès lors qu'il s'agit en l'occurrence d'une atteinte totale et irréversible de la dignité personnelle ?
Jean-Jacques DE GUCHT. Paul WILLE. Martine TAELMAN. Patrik VANKRUNKELSVEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 4 de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie sont apportées les modifications suivantes:
1º au § 1er, l'alinéa 6 est abrogé;
2º au § 1er, alinéa 1er, le deuxième tiret est remplacé par les mots « ou qu'il se trouve dans un état végétatif persistant; » et, au § 2, alinéa 1er, le deuxième tiret est remplacé par les mots
« ou se trouve dans un état végétatif persistant; »
21 mai 2008.
Jean-Jacques DE GUCHT. Paul WILLE. Martine TAELMAN. Patrik VANKRUNKELSVEN. |