4-919/1

4-919/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

16 SEPTEMBRE 2008


Proposition de loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie en ce qui concerne l'auto-euthanasie assistée

(Déposée par MM. Jean-Jacques De Gucht, Paul Wille, Patrik Vankrunkelsven et Mme Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, entrée en vigueur le 20 septembre 2002, autorise l'euthanasie sur des patients conscients, atteints d'une affection incurable et éprouvant une souffrance insupportable.

La loi offre au patient une protection et lui garantit une mort douce et humaine. Elle procure également la sécurité juridique au médecin qui pratique l'euthanasie.

Parallèlement à la loi qui garantit le droit à l'euthanasie pour les personnes majeures, la loi prévoyant des soins palliatifs de qualité est entrée en vigueur.

Aujourd'hui, la pratique nous oblige toutefois à conclure que la législation actuelle présente des imperfections qui appellent des précisions et des adaptations spécifiques.

Il en résulte dès lors qu'il convient d'adapter notamment l'élément suivant.

La pratique médicale montre que la demande d'auto-euthanasie assistée doit, elle aussi, bénéficier d'un encadrement juridique. Cela se fera idéalement dans le cadre de la législation relative à l'euthanasie, car les patients concernés sont des personnes qui satisfont aux conditions requises pour demander l'euthanasie mais qui préfèrent poser l'acte elles-mêmes, certes sous le contrôle d'un médecin qui veillera à ce que tous les critères de précaution soient respectés, qui mettra en outre les produits létaux à leur disposition et qui les assistera jusqu'au moment de la mort. La grande différence avec l'euthanasie réside dans le fait que c'est le patient lui-même, et non le médecin, qui pose l'acte.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Par auto-euthanasie assistée, on entend, dans la présente proposition de loi, le fait qu'un tiers, un médecin, aide intentionnellement le patient, à la demande de celui-ci, à mettre fin à ses jours.

D'aucuns estiment que l'auto-euthanasie assistée est déjà intégrée dans la loi, d'autres affirment que non, mais, dans un souci de sécurité juridique, il semble tout à fait logique d'inclure explicitement cette notion dans la législation existante, tout comme l'ont fait les Pays-Bas.

Les différences entre, d'une part, l'euthanasie et, d'autre part, l'auto-euthanasie assistée, sont plutôt minimes et les deux notions devraient par conséquent être traitées conjointement. Le Conseil d'État préconise déjà en l'occurrence de supprimer cette discrimination: « Il appartient au législateur de régler également cet aspect de la mort assistée (ou, en tout cas, de pouvoir s'autoriser de motifs admissibles pour lesquels cette distinction est faite). » (1)

L'Ordre des médecins, dans un passé récent, a lui aussi pris position en la matière en soulignant ce qui suit dans un de ses avis: « Du point de vue déontologique, elle (l'aide au suicide) [à l'auto-euthanasie] peut néanmoins être assimilée à l'euthanasie pour autant que soient réunies toutes les conditions prévues par la loi pour pratiquer une euthanasie. Il (le médecin) doit demeurer présent pendant toute la durée de l'agonie pour, conformément à ce qui a été convenu, apporter à tout moment l'aide nécessaire. Compte tenu de son indication stricte et des conditions posées à son application, l'aide au suicide [à l'auto-euthanasie] (...) ne se différencie pas de l'euthanasie. » (2)

Logiquement, cette aide n'est possible que si l'intéressé est encore conscient (3) .

L'auto-euthanasie assistée doit toutefois répondre à une série de conditions strictes. Le médecin doit procurer lui-même la substance létale à son patient. Celui-ci doit prendre cette substance en présence du médecin et selon les indications qu'il donne. En outre, il doit s'agir d'un patient qui entre également en ligne de compte pour l'euthanasie.

L'intention n'est en aucun cas d'incriminer cette « aide » à l'avenir, car l'auto-euthanasie (assistée) est un acte que le droit pénal belge ne considère pas en soi comme une infraction. Le but est par contre d'éviter qu'un médecin qui prête son concours à l'auto-euthanasie assistée — moyennant le respect des critères de précaution imposés par la loi — puisse être poursuivi sur la base de l'article 422bis du Code pénal et, également, d'éviter qu'il puisse faire l'objet de poursuites disciplinaires pour autant que ces mêmes critères de précaution aient été respectés.

Il importe également de citer l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi relative à l'euthanasie, dans lequel ce dernier préconise d'inclure l'assistance au suicide dans le champ d'application de la loi proposée. En effet, l'auto-euthanasie assistée peut être considérée comme une forme de non-assistance à personne en danger (réprimée par les articles 422bis et 422ter du Code pénal), ce qui pourrait poser problème, comme on vient de le dire, dans l'état actuel de la législation.

Le Conseil d'État écrit textuellement:

« Il peut en revanche se concevoir que l'assistance au suicide [à l'auto-euthanasie] se déroule dans le respect des conditions prévues par la proposition, ou dans des conditions équivalentes. Dans ce cas, il n'y a guère de différence, quant à la nature même du comportement visé et des intentions de la personne assistant une personne suicidaire, entre l'euthanasie au sens de l'article 2 de la proposition de loi et l'assistance médicale au suicide [à l'auto-euthanasie]. On comprend dès lors mal pourquoi la loi proposée ne vise pas le comportement du médecin qui met des substances létales à la disposition d'un patient à la demande de ce dernier, tout en lui laissant le choix du moment de sa mort. » (4) .

Autoriser l'auto-euthanasie assistée présente de multiples aspects:

— le patient peut fixer lui-même le moment et l'endroit, ce qui lui permet de continuer à disposer de son corps;

— certains patients ne sont plus en état de poser l'acte eux-mêmes et souhaitent être assistés; on peut alors leur apporter cette aide de manière sereine vis-à-vis de la famille;

— le patient ne veut pas faire porter par son médecin le poids moral ou émotionnel d'une décision ou d'un acte d'une telle gravité et souhaite donc en prendre lui-même la responsabilité.

Articles 3 à 8

Il s'agit d'une adaptation technique due à l'introduction de la notion d'« auto-euthanasie assistée ».

Jean-Jacques DE GUCHT.
Paul WILLE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Martine TAELMAN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 2 de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie est complété par un alinéa 2, rédigé comme suit:

« Il y a lieu d'entendre, par l'auto-euthanasie assistée, le fait d'aider intentionnellement une personne à s'auto-euthanasier, ou de lui en procurer les moyens, à la demande de celle-ci. ».

Art. 3

À l'article 3 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées:

1º dans la phrase introductive du § 1er, les mots « ou qui prête son concours à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie »;

2º au § 2, 1º, première phrase, les mots « ou sur sa demande d'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « sur sa demande d'euthanasie »;

3º au § 3, 2º , les mots « ou l'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « l'euthanasie ».

Art. 4

À l'article 5 de la même loi, les mots « ou prêté son concours à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie ».

Art. 5

À l'article 7 de la même loi sont apportées les modifications suivantes:

1º à l'alinéa 1er, les mots « ou prêté son concours à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie »;

2º à l'alinéa 2, 3º, les mots « ou la demande d'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « la demande d'euthanasie »;

3º à l'alinéa 4, 12º, les mots « ou l'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « l'euthanasie ».

Art. 6

À l'article 8 de la même loi sont apportées les modifications suivantes:

1º à l'alinéa 1er, deuxième phrase, les mots « ou l'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « l'euthanasie »;

2º à l'alinéa 1er, dernière phrase, les mots « ou à l'auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « à l'euthanasie ».

Art. 7

À l'article 14 de la même loi sont apportées les modifications suivantes:

1º à l'alinéa 2, les mots « ou de prêter son concours à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie »;

2º à l'alinéa 3, les mots « ou à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie »;

3º à l'alinéa 4, les mots « ou de prêter son concours à une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « une euthanasie ».

Art. 8

À l'article 15, alinéa 1er, de la même loi, les mots « ou d'une auto-euthanasie assistée » sont insérés après les mots « d'une euthanasie ».

21 mai 2008.

Jean-Jacques DE GUCHT.
Paul WILLE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Martine TAELMAN.

(1) Doc. Sénat, no 2-244/21 - 2000/2001, p. 15.

(2) Ordre des médecins, Avis relatif aux soins palliatifs, à l'euthanasie et à d'autres décisions médicales concernant la fin de vie, 22 mars 2003.

(3) Voir par exemple, à cet égard, Van Sweevelt, Th., « De euthanasiewet: de ultieme bevestiging van het zelfbeschikkingsrecht of een gecontroleerde keuzevrijheid ? », T. Gez., 2003, pp. 226 et 227.

(4) Doc. Sénat, no 2-244/21 - 2000/2001, p. 14.