4-567/4

4-567/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

16 JUILLET 2008


Proposition de loi modifiant l'article 5bis de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale concernant la déclaration de personne lésée


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

MME TAELMAN


I. INTRODUCTION

La proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport a été déposée le 13 février 2008 et examinée par la commission de la Justice lors de ses réunions des 13 et 28 mai, 10 et 25 juin, et 8 et 16 juillet 2008, en présence du ministre de la Justice.

La commission était également saisie de la proposition de loi de MM. Mahoux et Collignon, complétant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, en ce qui concerne l'information des victimes (doc. Sénat, nº 4-731/1).

Bien que les deux propositions de loi aient été disjointes, l'examen des deux textes a fait l'objet d'une même discussion générale, relatée ci-après.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'UN DES AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme Defraigne expose que la proposition de loi vise à simplifier procédure judiciaire relative à la personne lésée. Il ne s'agit pas de modifier la définition de celle-ci, dont le statut se situe à mi-chemin entre celui du plaignant et celui de la partie civile.

Un des effets qui s'attachent au statut de personne lésée est d'être tenu au courant des suites de sa plainte (classement sans suite et ses motifs, mise à l'instruction, fixation d'une date d'audience devant une juridiction d'instruction ou de jugement). La personne lésée peut aussi joindre au dossier tous documents qu'elle estime utiles.

Pour bénéficier de ce statut, la loi du 12 mars 1998, dite « petit Franchimont », prévoit un certain nombre de démarches, que la proposition de loi vise à simplifier.

La personne lésée doit se rendre au palais de Justice ou s'y faire représenter par un avocat pour faire une déclaration, soit entre les mains du parquet, soit entre celles du juge d'instruction. Cela peut parfois s'avérer compliqué ou rebutant pour certains justiciables.

Il est proposé d'éviter que le plaignant doive se déplacer au siège du tribunal de première instance et de lui permettre de faire sa déclaration de personne lésée sur la base d'un formulaire-type qui serait délivré automatiquement au commissariat de police en même temps que la plainte est formulée. Le transmis de la plainte étant effectué par le commissariat de police au parquet, la déclaration de personne lésée le serait concomittamment.

Les effets de cette simplification pourraient s'avérer positifs pour les victimes, qui n'ont pas toujours les bonnes informations ni les bons réflexes et sont souvent dans un état psychologique fragilisé rendant les démarches plus difficiles.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Premier échange de vues

M. Mahoux rappelle que, lors de la précédente législature, des droits ont été conférés aux victimes, qui sont principalement des droits d'information, dans le cadre de la procédure pénale. Ces droits n'ont toutefois pas été prévus à certains stades de la procédure, en particulier en matière de détention préventive, en cas de levée d'écrou.

L'intervenant a déposé une proposition de loi (doc. Sénat, nº 4-731) qui a pour objet de donner ces droits aux victimes, sans modifier la définition de celles-ci.

Les droits conférés aux victimes concernent leur information et le droit d'exprimer leurs souhaits, et en aucun cas le droit de décider à la place du juge.

L'information des victimes à tous les stades de la procédure, y compris celui, très important, du tribunal de l'application des peines, est en effet fondamentale.

L'exemple le plus frappant, et sans doute le plus sensible pour les victimes, est celui où le sort réservé aux auteurs présumés, aux inculpés, ou aux condamnés entraîne une proximité géographique avec les victimes.

La proposition de loi nº 4-731 constitue une avancée partielle mais importante sur le plan de la protection des victimes, qui complète les dispositifs déjà existants.

Le ministre suppose que les propositions de loi ont été introduites à la suite d'un cas spécifique survenu récemment. En effet, il y a quelques semaines, la presse dévoilait qu'une victime n'avait pas été informée de la libération d'une personne qui avait été renvoyée devant une cour d'assises par la chambre des mises en accusation. La victime avait dû apprendre cette libération par le biais de la presse.

Après examen, le ministre a constaté que l'ensemble de la procédure est réglé par une circulaire du 3 mars 1998 émanant des procureurs généraux d'Anvers, de Gand et de Mons, et que cette procédure avait été respectée dans l'affaire précitée.

Dans cette affaire, on avait tenté d'informer la victime de la décision par le biais du service d'accueil des victimes, mais la victime n'avait pas répondu aux appels téléphoniques.

Il est évident qu'il faut faire preuve de prudence en ce qui concerne les procédures décrites dans les propositions de loi.

La présomption d'innocence est effectivement de mise. Qu'en est-il du reste de l'information des victimes si l'inculpé est libéré par la suite ? Ne s'agit-il pas alors d'une double ou d'une triple victimisation ?

Les propositions de loi sont assurément intéressantes, mais il est nécessaire d'effectuer une analyse approfondie, en associant tous les acteurs à la concertation, tels que les procureurs généraux et les directions générales concernées. En outre, une certaine spécialisation est nécessaire lorsqu'il s'agit d'informer les victimes. La question est de savoir quel rôle peut être confié dans ce domaine aux services d'accueil des victimes des maisons de justice. Dans le cadre d'une liberté conditionnelle, il serait par exemple utile que les conditions de la libération soient examinées par le service d'accueil des victimes en accord avec les victimes. Il faut toutefois éviter d'entraver les possibilités du juge d'instruction.

En tout état de cause, une analyse approfondie s'impose. Il s'agit de clarifier l'enchevêtrement de procédures auquel est confrontée la victime.

M. Mahoux constate une certaine frilosité de la part du ministre concernant la protection des victimes.

On sait, de manière générale, quelle est la démarche du parquet par rapport à cette protection.

On sait également les résistances qui existent par rapport au « petit Franchimont ». Quant au « grand Franchimont », il s'agit d'un rejet pur et simple, parce que les droits de la défense et de la victime y étaient jugés trop importants.

L'intervenant s'interroge donc sur le soutien du ministre de la Justice par rapport à l'information des victimes.

Il souligne que sa proposition ne modifie rien à tout ce qui concerne la définition et les droits des victimes ou des personnes lésées dans l'ensemble de la procédure.

La proposition de loi ne s'inspire pas non plus d'une démarche casuistique, mais du souci de garantir aux victimes une meilleure information et le droit de formuler des desiderata, en comblant une lacune existant dans le système actuel à certains moments de la procédure.

Il est par ailleurs légitime et utile de procéder à des consultations, mais un renvoi aux calendes grecques n'est pas acceptable. Des délais doivent être fixés.

M. Van Parys estime que toute proposition de loi visant à améliorer la situation des victimes mérite d'être examinée.

Par ailleurs, il est vrai qu'il convient d'agir avec tact à l'égard des victimes. Par exemple, on ne peut pas donner l'impression que les victimes ont une voix prépondérante dans le cadre d'une libération conditionnelle. La décision tient compte de la situation des victimes, mais ce ne sont pas les victimes elles-mêmes qui fixent les conditions.

Il faut donc faire preuve d'une certaine prudence et il serait intéressant d'entendre, dans les plus brefs délais, l'avis de personnes qui sont confrontées aux victimes dans leur travail quotidien.

La question est de savoir dans quelle mesure les propositions à l'examen répondent à un besoin réel et si elles ne sont pas de nature à donner de faux espoirs aux victimes.

Mme Matz relève que, selon le ministre, il existe une circulaire relative aux différentes étapes à suivre lors d'une procédure de libération et que, dans l'exemple cité, cela n'a pas fonctionné parce que la victime n'était pas joignable.

Pourquoi, s'il existe une procédure d'information des victimes, s'opposer à son insertion dans un texte de loi ?

Quel est le contenu de la circulaire, et en quoi consiste l'obligation d'information du magistrat ?

Le ministre reconnaît que l'inscription dans la loi donne bien plus de garanties qu'une circulaire des procureurs généraux.

La circulaire en question prévoit ce qui suit: « Les membres du personnel des tribunaux et des parquets doivent veiller à traiter tous les citoyens mis en contact avec l'ordre judiciaire de façon correcte et consciencieuse, particulièrement les victimes et leurs proches, à qui il convient de fournir l'information nécessaire et qu'il faut, au besoin, orienter vers les services d'assistance adéquats.

En vertu de l'application de la loi sur la détention préventive, l'inculpé arrêté peut être mis en liberté au cours de différentes phases de l'enquête judiciaire. Ainsi, outre le cas où le juge d'instruction refuse de délivrer un mandat d'arrêt, l'inculpé peut être mis en liberté à l'occasion de la première comparution ou de la comparution mensuelle devant la chambre du conseil, soit par la chambre du conseil, soit par la chambre des mises en accusation. Si cela apparaît opportun, en particulier pour les délits graves, la victime sera informée de la libération de l'inculpé, qu'elle ait lieu au cours de l'enquête judiciaire ou à la suite d'un jugement prononcé par le juge du fond » (traduction).

M. Mahoux se dit étonné, au vu du contenu de la circulaire, de la résistance du gouvernement à la traduire en texte de loi.

Jusqu' à présent, tous les efforts consentis et toutes les déclarations de bonnes intentions en la matière n'ont jamais été traduits dans la réalité. Puisque, dans l'ensemble de la procédure, les choses ont été admises et finalement coulées dans une loi, il serait incompréhensible que l'on se contente ici d'une circulaire, dont on connaît les effets variables.

Enfin, il a été maintes fois rappelé que l'intervention des victimes, à quelque étape de la procédure que ce soit, y compris celle du tribunal de l'application des peines, ne déterminait pas le contenu final des décisions prises. Ceci ne peut donc constituer un argument à l'encontre de l'ajout proposé.

M. Collignon souligne que le but de la proposition de loi nº 4-731 est de compléter notre droit positif en matière de droit à l'information des victimes et du rôle de celles-ci dans le cadre du procès, en l'occurrence dans le contexte de la détention préventive. Il est vrai qu'un équilibre doit exister entre le droit de l'auteur présumé et celui de la victime, mais le texte répond à cette exigence en imposant certaines conditions.

Il s'agit d'un droit légitime à l'information de la victime sur l'éventuelle délivrance d'un mandat d'arrêt, et de la possibilité d'émettre des remarques sur les conditions qui assortissent une libération. La consécration par un texte de loi a une plus-value incontestable, étant donné qu'une circulaire n'est pas nécessairement appliquée de manière uniforme dans les différents parquets.

Enfin, l'intervenant n'est pas opposé à ce que l'on s'informe sur les pratiques de terrain, mais il souligne que celles-ci ne doivent pas être confondues avec la création d'un droit par un texte de loi.

M. Vankrunkelsven demande de combien de temps le gouvernement estime avoir besoin pour s'informer à ce sujet.

Le ministre répond que, d'après lui, deux semaines suffiront pour recueillir les informations nécessaires auprès des acteurs de terrain. L'intervenant souligne que le gouvernement n'a absolument pas l'intention de faire obstacle aux propositions de loi mais qu'il souhaite simplement faire montre de toute la prudence nécessaire. Il renvoie à sa note de politique dans laquelle il a réservé aux victimes une attention prioritaire.

B. Deuxième échange de vues

Le ministre confirme qu'il a déjà pu recueillir le point de vue de certaines personnes sur le terrain. Ainsi, une réunion a eu lieu au sein du collège des procureurs généraux, conjointement avec le réseau d'expertise d'accueil des victimes, afin d'examiner les deux propositions de loi plus en détail. Le Forum national pour une politique en faveur des victimes a, lui aussi, déjà donné son avis sur l'une des modifications légales proposées, de même que la DG Législation et la DG Maisons de justice. Les greffiers n'ont pas encore eu l'occasion de faire connaître leur point de vue sur la proposition de loi nº 4-731. Le réseau d'expertise procédure pénale du collège des procureurs généraux se penchera prochainement sur les propositions de loi.

Dans leur majorité, les intéressés se demandent s'il ne faudrait pas plutôt commencer par élaborer un statut général des victimes et déterminer à quel stade elles doivent être associées à l'affaire et si elles doivent ou non disposer du statut de personne lésée ou de partie civile. La réglementation proposée dans la proposition de loi nº 4-731 prévoit que la victime dispose d'un délai très court pour décider d'effectuer ou non une déclaration de personne lésée ou de se constituer effectivement partie civile. Les ajouts proposés à l'article 5bis concernent les modalités de la déclaration et l'instauration de la possibilité pour le ministère public de refuser. Il serait peut-être utile d'examiner l'opportunité d'instaurer un statut unique pour les victimes afin de disposer d'une réglementation uniforme et plus rationnelle et ce, depuis le dépôt de la plainte jusqu'à l'exécution de la peine.

En outre, les personnes interrogées souhaitent non seulement que l'on implique la personne lésée ou la partie civile mais aussi que l'on étende le champ d'application à l'ensemble des victimes. C'est pourquoi il importe de savoir ce que l'on entend exactement par « victime ».

Un autre point concerne le fait que le greffier informe la victime de la libération ou non d'une personne au moment où les notifications doivent être faites. Un message négatif pourrait alors être très mal perçu et il serait indiqué d'associer le service d'accueil des victimes près des parquets, du moins si ce service a déjà noué des contacts avec les victimes.

M. Mahoux se dit très étonné de ce que le gouvernement, au sujet de propositions de loi de portée très limitée et nullement révolutionnaire, évoque une remise en cause totale de tout le travail accompli en ce qui concerne la définition de la partie civile, des victimes et des personnes lésées, travail d'ailleurs coulé dans des textes législatifs. En outre, il avait été question de consulter le collège des procureurs généraux, ce qui n'a pas été fait, mais on a par contre une réaction d'une association représentant les victimes.

Mme Defraigne se rallie aux propos du précédent intervenant. Elle souligne qu'il s'agit ici d'une question de bon sens. On annonce une réforme complète de la définition de concepts qui fonctionnent depuis l'entrée en vigueur du « petit Franchimont ». On sait par ailleurs ce qu'il est advenu du « grand Franchimont », et l'on ne peut que déplorer que ce travail, qui a occupé le Sénat pendant 18 mois, qui a été réalisé avec la collaboration de professeurs d'université et sur lequel de larges consultations ont été organisées, ait été bloqué à la Chambre.

La proposition déposée par l'oratrice ne touche en aucune manière à l'architecture du Code de procédure pénale ni aux concepts existants. Elle propose une mesure ponctuelle, qui correspond à une demande des praticiens de terrain et qui est de nature à permettre, toutes autres choses restant égales, au système actuel de mieux fonctionner.

Si le ministre de la Justice veut présenter une réforme d'envergure du Code de procédure pénale, elle sera examinée avec intérêt, mais l'intervenante estime que rien n'empêche d'avancer sur les dispositions purement pratiques contenues dans les propositions de loi à l'examen.

M. Vankrunkelsven demande si les deux propositions de loi vont à contre-courant des travaux du gouvernement — qui entend promouvoir une approche plus globale des réglementations relatives aux victimes — ou si ce dernier peut quand même donner son assentiment à la poursuite de l'examen des propositions de loi en question.

Le ministre indique que la procédure prévue par la proposition de loi nº 4-731 est déjà appliquée dans 3 arrondissements. Le gouvernement souhaite donc lui conférer un ancrage légal afin qu'elle soit appliquée de manière uniforme partout en Belgique. Toutefois, il apparaît que, sur le terrain, on souhaite mettre cette occasion à profit pour étendre le champ d'application. En effet, la victime doit être informée dans un délai très court, à savoir dans les 5 jours de l'arrestation provisoire, s'il y a eu libération ou non. Cela implique que la victime doit d'abord être informée qu'une personne a été arrêtée. Cela peut avoir lieu très peu de temps après les faits et il est fort possible qu'à ce moment-là, la victime n'ait pas encore pris la décision, pour des raisons émotionnelles, de se constituer ou non partie civile ou d'effectuer une déclaration de personne lésée. Les propositions à l'examen limitent l'information à la partie civile et à la personne lésée.

M. Mahoux fait observer que rien n'empêche le gouvernement de déposer des amendements.

Mme Defraigne déclare qu'elle s'accorde avec toute concertation susceptible de faire avancer les choses. Elle constate cependant que, dans le cadre de sa proposition de loi relative au calendrier de procédure en matière de liquidation-partage, cette façon de travailler n'a mené à rien jusqu'à présent, puisque les choses n'avancent pas, et qu'on annonce même, comme ici, un texte du gouvernement qui aurait une portée plus large. Il ne faudrait pas que, sous couvert de concertation, on aboutisse à un blocage des initiatives parlementaires.

C. Point de vue du gouvernement

Le ministre déclare que l'on a demandé aux différents acteurs de terrain ce qu'ils pensaient de la proposition de loi nº 4-731 et que l'on a ensuite organisé une concertation avec les auteurs de celle-ci. Les amendements qui seront déposés à la suite de cette concertation n'ont pas encore été rédigés.

Lors de discussions antérieures, la gouvernement a déclaré qu'il envisageait de revoir la totalité du statut des victimes. M. Mahoux demande si le gouvernement maintient toujours cette approche ou s'il est disposé à poursuivre la discussion sur la base des deux propositions de loi nº 4-731 et 4-567. Si tel est le cas, quel est l'avis du gouvernement sur ces deux textes ?

Le ministre renvoie à son exposé précédent, dans lequel il expliquait que le gouvernement était certainement partisan d'une base légale, afin d'uniformiser autant que possible l'accueil des victimes. Un projet-pilote analogue est déjà en cours dans trois arrondissements.

En ce qui concerne l'article 38ter proposé, l'intervenant se demande si l'on implique suffisamment les victimes en limitant le champ d'application à celles d'entre elles qui se sont constituées partie civile ou qui ont déposé une déclaration de personne lésée. Dans le cadre de la loi sur la détention préventive, il peut y avoir un délai très court entre l'arrestation et la libération, à savoir cinq jours à compter de l'arrestation, ou encore un mois sur décision de la chambre du conseil, ou à n'importe quel autre moment sur décision de cette même chambre. Pour une victime, il est souvent très difficile psychologiquement de décider, peu après les faits, si elle souhaite ou non se constituer partie civile ou si elle veut se déclarer personne lésée.

Une autre question concerne la manière dont on peut associer les victimes, par exemple, à la fixation de conditions. La question qui se pose est de savoir qui est le mieux à même d'entrer en contact avec les victimes.

Par ailleurs, il convient d'établir clairement la distinction, dans le texte proposé, entre « l'accueil des victimes » et « l'aide aux victimes », qui relèvent de deux services aux compétences distinctes. L'on fait également référence aux communautés et aux régions, alors que l'accueil des victimes est assuré au niveau des parquets, sous l'autorité hiérarchique des maisons de justice.

On peut également se demander si le greffier est bien la personne la mieux placée pour informer les victimes dans tous les cas. Ne serait-il pas préférable, pour certains aspects, de faire appel au service d'accueil des victimes afin d'informer le mieux possible les victimes et de les associer à la procédure ?

M. Vandenberghe propose d'organiser une audition à ce sujet, notamment avec l'OVB et l'OBFG. Il existe évidemment une différence fondamentale entre une procédure au fond et le mandat d'arrêt. Il faut tenir compte, en l'espèce, de la portée de la présomption d'innocence. Même si l'on est personne lésée ou partie civile, il n'y a pas de jugement de fond concernant le statut juridique. La victime reçoit donc des informations à propos d'une personne sur laquelle pèsent des présomptions, mais qui n'a fait l'objet d'aucun jugement de fond. La victime se voit donc accorder un statut qui lui conférera certains droits alors que son statut juridique n'a pas été vérifié quant au fond. La privation de liberté dans le cadre d'une enquête ne signifie rien quant au fond. Peut-on lier à l'arrestation des effets juridiques au niveau de la procédure ? Qu'en est-il alors de la présomption d'innocence ?

M. Swennen est d'avis qu'il faut entendre non seulement les avocats, mais également les acteurs évoqués dans la proposition de loi, comme les magistrats du parquet, les magistrats et le personnel des greffes.

D. Auditions

Au terme de cette discussion, la commission décide d'entendre les personnes suivantes:

— Mme Martine Vandenbossche, Slachtofferonthaal Gent;

— M. Daniel Vandenbossche, juge d'instruction à Gand;

— M. Guido Vermeiren, substitut du procureur général d'Anvers;

— M. Guy Leysen, greffier à Anvers;

— M. Maes, représentant de l'Orde van Vlaamse Balies;

— M. André Risopoulos, représentant de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone;

— M. Henry-D. Bosly, professeur à l'UCL;

— M. Pierre Rans, avocat général au parquet général de Bruxelles;

— Mme Bénédicte Van Boven, directrice de la maison de justice de Mons;

— M. Jean-Pierre Malmendier, président de l'ASBL Marc et Corinne.

Pour le compte-rendu de ces auditions, voir l'annexe au présent rapport.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 1er

Cet article n'appelle pas d'observations.

Articles 2 à 5

Amendements nos 1 à 4

Exposé d'un des auteurs

Mmes Defraigne et Crombé-Berton déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-567/2) tendant à remplacer l'article 2 par ce qui suit:

« Art. 2. — L'article 5bis, § 2, alinéa 3, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, inséré par la loi du 12 mars 1998, est remplacé par ce qui suit:

« La déclaration à joindre au dossier, et dont il est dressé acte, peut soit être reçue par le secrétariat du ministère public ou par la police qui la transmet sans délai au secrétariat du ministère public, soit être envoyée au ministère public par lettre recommandée à la poste. ».

De cette manière, la proposition est encore assouplie et prévoit un éventail assez large de possibilités pour permettre à la victime de demander le statut de personne lésée. Il avait été prévu que la déclaration puisse être reçue au commissariat de police, mais il semble plus souple et plus pragmatique de viser simplement « la police ».

L'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-567/2) précise les possibilités de refus par le ministère public. Il est libellé comme suit:

« Art. 3. — L'article 5bis de la même loi est complété par un paragraphe 4, rédigé comme suit:

« § 4. Le ministère public peut refuser de donner suite à la déclaration de personne lésée s'il estime que la personne qui fait la déclaration ne justifie pas d'un intérêt personnel ou que la déclaration n'est manifestement pas fondée sur des justes motifs.

Sa décision motivée est notifiée, dans un délai de cinq jours à dater de celle-ci, à la personne ayant fait la déclaration et, le cas échéant, à son avocat, par télécopie ou par lettre recommandée à la poste.

Sa décision n'est pas susceptible de recours, sans préjudice du droit de se constituer partie civile. »

L'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4- 567/2) concerne l'information à donner à la personne lésée. Il est rédigé comme suit:

« Art. 4. — L'article 5bis, § 3, alinéa 3, de la même loi est remplacé comme suit:

« Elle est informée de ses droits, du classement sans suite et de son motif, de la possibilité de se constituer partie civile, des initiatives de médiation et de transaction, de la mise à l'instruction ainsi que des actes de fixation devant les juridictions d'instruction et de jugement. ».

L'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 4-567/2) permet le désistement de la personne lésée, dans les termes suivants:

« Art. 5. — L'article 5bis, § 3, de la même loi est complété par un nouvel alinéa, libellé comme suit:

« La personne lésée peut, à tout moment, informer le ministère public, dans une des formes mentionnées au § 2, alinéa 3, qu'elle ne souhaite plus recevoir l'information visée à l'alinéa 3. »

Position du gouvernement par rapport aux amendements nos 1 à 4

Amendement nº 1

En ce qui concerne l'article 2, et plus spécialement la possibilité, pour la personne lésée, d'envoyer au parquet, par simple lettre recommandée, sa déclaration de personne lésée à partir de son domicile, le ministre craint que cela ne surcharge les parquets. Il conviendra de vérifier si cette procédure pour effectuer la déclaration de personne lésée n'augmentera pas trop la charge de travail des parquets.

Amendements nos 2 et 4

Le ministre n'a pas d'observations à formuler à propos de ces amendements.

Amendement nº 3

Le ministre se demande s'il est nécessaire d'insérer cette disposition. En effet, la règle générale est déjà indiquée à l'article 3ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, si bien que l'article 4 proposé ici paraît superflu.

Discussion

M. Vankrunkelsven voudrait obtenir des précisions sur l'observation faite par le gouvernement au sujet de l'article 2 et de l'augmentation potentielle de la charge de travail du ministère public. Y a-t-il là un réel problème et s'agit-il d'un véritable obstacle ?

M. Vandenberghe déclare que dans les faits, donner la possibilité à une partie de communiquer sa position par lettre recommandée abaisse considérablement le seuil d'accès à la justice. D'ailleurs, comment le ministère public appréciera-t-il si la déclaration est ou non recevable ? Quelles sont les conditions que la lettre recommandée doit remplir pour que le ministère public puisse vérifier que l'intéressé est bien une personne lésée ? Il convient de veiller en l'espèce à ne pas charger le ministère public d'un devoir d'examen supplémentaire. En outre, il faut également tenir compte du nombre de pièces que le ministère public reçoit déjà chaque jour.

Amendement nº 5

Mr Delpérée fait observer, à propos de l'amendement nº 1, que les termes « la police » relèvent du langage courant et sont de plus beaucoup trop vagues. Ils contrastent d'ailleurs avec la précision du texte en ce qui concerne le secrétariat du ministère public.

Le ministre évoque la situation dans laquelle la police dresse le constat à domicile; l'intéressé effectuera alors une déclaration auprès de l'officier de police concerné. Il doit donc être possible d'effectuer la déclaration au commissariat de police, mais aussi auprès de l'officier de police qui dresse le procès-verbal.

Pour M. Vandenberghe, le mieux serait de l'indiquer dans la loi; la déclaration est effectuée soit auprès de l'officier de police qui dresse le procès-verbal, soit au commissariat de police. Il introduit à cette fin l'amendement nº 5 (doc. Sénat, 4-567/3, sous-amendement à l'amendement nº 1).

Le ministre accepte de se rallier à cette formule.

Amendement nº 6

En ce qui concerne le risque de surcharger le parquet de travail en prévoyant la possibilité d'effectuer la déclaration par lettre recommandée, le ministre comprend que la disposition en question a été introduite pour les cas où la victime ne peut se rendre personnellement au commissariat de police, par exemple en raison de son âge ou d'une hospitalisation. Dans ce cas, il doit être possible que la lettre soit rédigée et envoyée, par exemple, par le fils de la personne lésée, mais l'objectif ne peut pas être de permettre à toute personne lésée d'envoyer sa déclaration par lettre recommandée.

M. Vankrunkelsven estime que dans ces cas exceptionnels, l'on pourrait, par exemple, prévoir l'obligation de joindre un certificat médical.

M. Vandenberghe maintient que le système ne doit pas trop abaisser le seuil d'accès, sous peine d'en bloquer le fonctionnement. Il convient de conserver un seuil minimal. Dans l'exemple cité, le fils de la personne lésée pourrait par exemple se rendre au commissariat de police. Il incombera alors à la personne qui acte la déclaration d'en examiner la pertinence et de poser éventuellement des questions supplémentaires. Rien n'interdit au parquet de rédiger une note sur la manière dont la police doit gérer de telles situations.

M. Vankrunkelsven pense également que la formule proposée par l'amendement ouvre la porte aux abus.

MM. Vandenberghe et consorts déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, 4-567/3), qui sous-amende l'amendement nº 1 en supprimant les mots « , soit être envoyée au ministère public par lettre recommandée à la poste ».

Pour terminer, l'on revient sur l'observation formulée à propos du caractère superflu de l'article 4 (nouveau) inséré par l'amendement nº 3. Il est exact que l'ajout proposé ici figure déjà dans l'article 3ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Les auteurs décident dès lors de retirer leur amendement nº 3.

V. VOTES

L'article 1er est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Les amendements nos 5 et 6, l'amendement nº 1 sous-amendé, et l'article 2 amendé, sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.

L'amendement nº 2 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents, en tant qu'article 4.

L'amendement nº 3 est retiré.

L'amendement nº 4 est adopté à l'unanimité des 10 membres présents, en tant qu'article 3.

VI. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de loi amendée est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Martine TAELMAN. Patrik VANKRUNKELSVEN.