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(Pour le texte adopté par la commission des Relations extérieures et de la Défense, voir document 4-114/6.)
M. le président. - M. Roelants du Vivier se réfère à son rapport écrit.
M. Philippe Monfils (MR). - La gestation de la présente résolution fut longue. Elle a duré près d'un an. Pourtant, l'objet principal du texte était et est toujours d'encourager le bon déroulement des négociations portant sur la réunification de l'île de Chypre.
L'histoire est bien connue. Chypre subit depuis des années une partition imposée de l'extérieur et maintenue pour des motifs qui dépassent largement l'enjeu représenté par cette île.
En effet l'occupation militaire du Nord par la Turquie, condamnée par la communauté internationale, n'est certainement pas due à un réflexe pour assurer la sécurité de ce pays. Comme si la République de Chypre pouvait tout à coup s'en prendre militairement au Nord de Chypre et à l'armée turque !
Les relations entre l'armée turque et le pouvoir civil, des considérations géopolitiques, économiques, énergétiques (voyez la carte des pipelines qui traversent la Turquie) font que Chypre, ce petit bout de terre en Méditerranée, ne peut envisager les voies d'une réunification sans que d'autres États ne se mêlent au débat. C'est précisément ce que nous voulons dénoncer.
Pour faire simple, reprenons ce que mon collègue Dubié et moi-même avons déjà dit clairement et diplomatiquement : « Fichez la paix aux Chypriotes du Nord et du Sud, laissez-les chercher ensemble une voie de solution négociée. Ils trouveront plus facilement et plus rapidement un accord si la Turquie ne s'en mêle pas. »
Les Chypriotes ont du reste emprunté cette voie puisque le 8 juillet 2006, sous l'égide de l'ONU, le président de la République de Chypre, M. Papadopoulos, et M. Talat, dirigeant chypriote turc du Nord, avaient décidé de relancer un processus de négociation à partir de cinq principes : l'engagement pour la réunification de Chypre dans un cadre bizonal et bicommunautaire ; la reconnaissance du fait que le statu quo n'est pas accepté et que son maintien aura des conséquences négatives pour les deux communautés ; l'engagement pour un règlement adopté en commun, lequel est souhaité par les deux parties, sans retard superflu ; la décision commune d'ouverture d'une procédure de dialogue intercommunautaire sur des questions substantielles ainsi que la gestion du quotidien ; enfin, l'engagement de mise en place d'un climat adéquat et la fin des récriminations réciproques de sorte que le dialogue soit positif.
Afin d'ouvrir concrètement ce dialogue communautaire, les deux parties avaient décidé dès la fin de juillet d'organiser des commissions d'experts. Les experts reviendraient sur des questions fondamentales comme le retrait des troupes turques, le retour des émigrés, le départ des colons anatoliens et l'ouverture de la ville de Famagouste, etc. Il était prévu que le président Papadopoulos et le dirigeant chypriote du Nord se rencontrent régulièrement afin de passer en revue les progrès accomplis.
Ultérieurement, le 21 mars de cette année, le nouveau président de la République, M. Christofias, et M. Talat, le dirigeant chypriote du Nord, se sont retrouvés, ont créé six groupes de travail, sept comités techniques, etc. Malheureusement, une fois encore, c'est Ankara qui dirige le jeu du côté chypriote du Nord.
La preuve en est que les désignations des membres chypriotes du Nord dans les commissions sont faites directement par le gouvernement d'Ankara ou avec son agrément. Ce qui n'a pas été démenti par l'ambassadeur de la République turque lorsque nous l'avons reçu en commission des Affaires étrangères.
Je ne ferai pas un tableau complet de la mainmise turque sur le Nord de l'île, ce n'est pas le propos. Notre résolution a simplement pour but de rendre Chypre aux Chypriotes.
Bien sûr, sur le contenu des négociations, nous ne pouvons ni porter un avis ni émettre un jugement. Ce serait inconvenant et même comique au moment où nous pataugeons en Belgique dans des négociations pour donner un futur institutionnel radieux à notre pays ! Nous n'allons donc pas expliquer aux Chypriotes comment s'occuper d'une fédération bizonale et bicommunautaire. Mais nous pouvons les encourager à travailler ensemble et à éviter les interférences extérieures.
Dès lors, monsieur le président, le texte de la résolution est limpide : il faut faire confiance aux dirigeants des deux communautés pour la poursuite du dialogue, il faut demander aux autres pays de s'abstenir d'entreprendre des danses de mort autour de l'île de Chypre ; il faut que l'ONU, par le truchement de son nouveau représentant, veille spécialement à ce que d'autres puissances n'interfèrent pas dans le processus de négociation.
J'espère qu'une large majorité de notre assemblée permettra d'adresser au peuple chypriote ce message de confiance et d'espoir.
Mme Olga Zrihen (PS). - Le processus n'ayant pas immédiatement été engagé pour cette proposition de résolution, nous avons aujourd'hui un autre point de vue puisqu'actuellement, nous sommes nous-mêmes confrontés à des problèmes d'unification.
Cette proposition de résolution s'inscrit dans le prolongement de diverses initiatives internationales visant à résoudre le problème de la partition de l'île de Chypre, mais il me semble important de souligner l'intérêt de crédibiliser les initiatives des deux parties chypriotes qui se sont engagées à dialoguer afin de mettre un terme à une situation qui prévaut depuis 30 ans.
La récente élection à la présidence chypriote de M. Dimitris Christofias, qui s'est présenté comme le champion de l'ouverture à la communauté chypriote turque, nous laisse augurer une prochaine résolution positive de cette problématique. Malgré que le processus de négociation ait été entravé par de multiples obstacles dont chacune des parties pouvaient tour à tour être tenue responsable, le statu quo actuel reste quand même inacceptable puisqu'il faut encore débloquer la situation.
Tout le monde a estimé que la solution devait émerger entre les parties prenantes afin que ces négociations se déroulent dans un dialogue constructif. Il est essentiel que la situation dégagée soit négociée uniquement entre les deux communautés chypriotes, sans l'intervention d'une puissance étrangère. Toute déclaration ou action extérieure pourrait perturber l'équilibre des négociations et compromettre un climat de réconciliation essentiel au bon déroulement des ces pourparlers. Nous affirmons que les Chypriotes doivent pouvoir décider seuls de leur avenir dans un climat de confiance et de sérénité.
À ce propos, nous soulignons les volontés partagées des deux communautés d'ouvrir une procédure de dialogue intercommunautaire. Les deux parties ayant décidé de mettre en place plusieurs commissions d'experts, ces derniers traiteront des questions fondamentales tels le retrait des troupes turques dans la partie Nord de l'île, le retour des immigrés, le départ des colons, l'ouverture de la ville de Famagouste.
Notre soutien à toute initiative va dans le sens d'une réconciliation entre les communautés concernées. Nous soulignons la nécessité de voir émerger au plus vite une solution chypriote, qui ne soit en aucun cas instrumentalisée par qui que ce soit.
Nous proposons également dans cette résolution largement amendée un équilibre entre les parties et, comme l'a dit mon collègue, nous voulons transmettre un message selon lequel les initiatives de réconciliation nationale reflètent véritablement la volonté des parties.
Cette proposition, qui a été largement soutenue par la commission, marque notre volonté de soutenir une initiative entre les parties de cette île.