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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 26 JUIN 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Proposition de loi spéciale modifiant l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage (de MM. Hugo Vandenberghe et Luc Van den Brande, Doc. 4-12)

Discussion générale

M. Francis Delpérée (cdH), rapporteur. - Pour bien comprendre la portée de la proposition de loi spéciale qui est soumise aujourd'hui à nos délibérations, il faut remonter plus de vingt-cinq ans en arrière. Nous sommes en 1980. La Constitution crée la Cour d'arbitrage, qualifiée depuis de Cour constitutionnelle. Elle lui donne une tâche simple, à savoir vérifier la constitutionnalité des lois.

La Constitution, qui n'a pas été modifiée depuis lors sur ce point, confie à la cour cette tâche en monopole. Par le fait même, elle prive les cours et tribunaux ainsi que le Conseil d'État de l'exercice de cette même fonction.

Les tribunaux ne peuvent contrôler la constitutionnalité des lois. Depuis une vingtaine année, certaines juridictions se sont néanmoins échinées à tourner cette interdiction. Comment s'y sont-elles prises ? Oh, le procédé est assez simple. Le juge judiciaire ne peut pas contrôler la constitutionnalité d'une loi... Qu'à cela ne tienne, il va contrôler la conventionnalité de cette même loi, soit sa conformité à un ensemble de dispositions inscrites dans des traités internationaux.

Le procédé est d'autant plus pernicieux que certains traités internationaux, je pense à la convention européenne des droits de l'homme ou aux pactes onusiens, contiennent un ensemble de dispositions qui ont un objet ou une portée « analogue » à celles de dispositions qui sont inscrites dans la Constitution, notamment au titre II.

Constitutionnalité, conventionnalité... Le tour de passe-passe est joué. Le juge judiciaire retrouve la compétence que semblait lui avoir ôtée la révision constitutionnelle de 1980.

L'inconvénient du système dualiste qui s'installe ainsi de manière empirique est évident. Le juge judiciaire peut donner une interprétation de la convention qui s'écarte de l'interprétation que la Cour constitutionnelle peut donner de la Constitution. Il prend ses distances, il apporte des nuances, il donne des précisions. Des jurisprudences distinctes peuvent se développer. Le citoyen, qui n'est pas né de la dernière averse, va s'attacher à trouver le prétoire qui, à son estime, lui donnera la solution la plus favorable. Dans les milieux juridiques, on appelle cela le « forum shopping ».

Si la situation s'envenime, on peut même assister à une véritable guerre des juges : Cour de cassation, Conseil d'État, Cour constitutionnelle. Je le dis comme je le pense : cela ne sert ni la cause du droit, ni celle de la justice, encore moins la cause de la Constitution, et, oserai-je dire, la cause des droits de l'homme.

Voilà ce qu'ont bien compris les représentants de nos plus hautes juridictions. En octobre 2005, ils ont organisé un symposium sur « les rapports entre la Cour d'arbitrage, le pouvoir judiciaire et le Conseil d'État ». Mieux que cela, ils ont déposé des propositions concrètes à l'issue du symposium. Une proposition de loi déposée au cours la précédente législature puis une proposition de loi déposée en juillet 2007 par MM. Vandenberghe et Van den Brande, ont repris les suggestions consensuelles auxquelles ils avaient abouti. Ces propositions ont d'ailleurs été rappelées lors des auditions organisées devant la commission des Affaires institutionnelles.

Au fond, la solution est assez simple. Lorsqu'une juridiction, quelle qu'elle soit, est confrontée à la question de la conformité d'une loi à la Constitution et à une disposition conventionnelle qui porte sur le même objet, elle doit en saisir la Cour constitutionnelle par la voie de la question préjudicielle.

Tout est-il réglé pour autant ? En réalité, deux questions particulières sont apparues durant les travaux en commission.

La première question est la suivante : les parties au litige devant le juge de fond doivent-elles invoquer tant les dispositions de la Constitution que celles de la convention et montrer ainsi le lien existant entre ces dispositions d'origines différentes ? Ou le juge peut-il lui-même procéder ex officio à ce genre d'analyse ? Faut-il notamment tenir compte des dispositions du Code judiciaire et des lois coordonnées sur le Conseil d'État et sur le Cour de Cassation qui limitent la saisine de ces juridictions aux moyens invoqués par les parties ?

Mme Defraigne a défendu la première position, mais la commission s'est prononcée dans l'autre sens par huit voix contre une et trois abstentions.

J'en viens à la seconde question. Le principe de la question préjudicielle est retenu, sauf, précise la proposition, lorsque la juridiction estime que la disposition constitutionnelle n'est manifestement pas violée. Cette formule reprend d'ailleurs un texte figurant à l'article 26 actuel de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage. C'est la traduction de ce que la doctrine constitutionnelle appelle la théorie de l'acte clair.

M. Mahoux, notamment, s'est demandé s'il n'y avait pas là une échappatoire trop commode pour le juge et si le savant compromis établi par nos hautes juridictions ne serait pas trop facilement déjoué. D'autres ont considéré que, pour rester dans la lignée du texte actuel, cette exception était bien justifiée. Cette deuxième solution a été adoptée par dix voix contre deux.

En définitive, la commission s'est prononcée en faveur de la proposition qui vous est soumise par huit voix contre une et trois abstentions. Je rappelle qu'elle doit être adoptée à la majorité spéciale prévue à l'article 142 de la Constitution, qui renvoie lui-même à l'article 4 de cette dernière.

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais ajouter, à titre personnel et au nom du cdH, que cette réforme est bienvenue, qu'elle devrait nous mettre à l'abri de dérives et de détournements de procédure, nous éviter la guerre des juges et contribuer à ce qu'il n'y ait jamais, dans un État comme le nôtre, qu'une seule vérité constitutionnelle. Voilà pourquoi je voterai, comme le cdH, en faveur de la proposition de modification de l'article 26 sur les questions préjudicielles devant la Cour constitutionnelle.

De heer Hugo Vandenberghe (CD&V-N-VA). - Het uitstekende verslag van senator Delpérée geeft de hoogstaande discussie weer die in de commissie werd gevoerd over het wetsvoorstel tot regeling van het probleem van de zogenaamde `samenloop der grondrechten' dat ik samen met de heer Luc Van den Brande heb ingediend.

In de hoorzitting, waarin de drie hoogste rechtscolleges van ons land hun standpunt hebben toegelicht, werden de rechtsstatelijke contouren van het probleem duidelijk omschreven. Ik dank de rapporteur voor de weergave van die discussie omdat dit mij de mogelijkheid biedt mij te beperken tot de vaststellingen die na de discussie werden geformuleerd.

Een eerste vaststelling is dat het voorstel van bijzondere wet zich inschrijft in een logische evolutie.

Bij de grondwetsherziening van 1980 werd een nieuw rechtscollege, het `Arbitragehof', ingesteld om bevoegdheidsconflicten tussen de wetgevende normen van de federale Staat, de gemeenschappen en de gewesten te beslechten. Van meet af aan werd geoordeeld dat de aanwezigheid van gewezen parlementsleden in dit hoge rechtscollege noodzakelijk was om de nodige legitimiteit te bieden om te oordelen over de grondwettigheid van wetgevende normen. Ik denk dat dit de juiste keuze was. Die wordt trouwens ook in andere landen gemaakt.

Die samenstelling van het Hof werd behouden en nog altijd noodzakelijk geacht wanneer zijn bevoegdheid werd uitgebreid, eerst bij de grondwetsherziening van 1988 en nadien bij de bijzondere wet van 2003 tot toetsing van wetgevende normen aan de grondwettelijke rechten en vrijheden.

Het voorstel van bijzondere wet heeft betrekking op de `samenloop van grondrechten' of op de hypothese waarin de toetsing wordt opgeworpen van wetgevende normen aan grondrechten waarvoor het Grondwettelijk Hof bevoegd is en die op geheel of gedeeltelijk analoge wijze zowel in de Grondwet als in mensenrechtenverdragen zijn gewaarborgd. Het voorstel stelt een voorrang van toetsing ten voordele van het Grondwettelijk Hof in. Natuurlijk is dit een technische oplossing, maar het voorstel van bijzondere wet getuigt ook van een ruimere opvatting. In het licht van het voorgaande zet het de vroegere opvatting van de Grondwetgever en de bijzondere wetgever verder dat de toetsing aan grondrechten een visie op de samenleving impliceert, reden waarom de Grondwetgever een dergelijke toetsing aan een rechtscollege met een gemengde en specifieke samenstelling heeft opgedragen.

Een tweede vaststelling is dat het voorstel van bijzondere wet een logisch voorstel overneemt.

Ik ga niet uitweiden over de twee toetsingssystemen van wetgevende normen aan grondrechten, namelijk enerzijds, het door het Hof van Cassatie in het Smeerkaasarrest van 27 mei 1971 gevestigde diffuse toetsingssysteem volgens hetwelk elke rechter verplicht is om de wetgevende normen die strijdig zijn met verdragen die directe werking hebben, buiten toepassing te laten, en anderzijds het door de Grondwetgever ingestelde gecentraliseerde toetsingssysteem volgens hetwelk uitsluitend het Grondwettelijk Hof bevoegd is om wetgevende normen te toetsen aan de in de Grondwet gewaarborgde rechten en vrijheden.

Het voorstel van bijzondere wet regelt de toetsing in geval van de reeds vermelde `samenloop' van grondrechten. Het tracht hierbij de twee voormelde systemen zoveel als mogelijk met elkaar te verzoenen. Daartoe stelt het een volgorde van toetsing in, waarbij het voorrang verleent aan de door de Grondwetgever gewilde gecentraliseerde toetsing door het Grondwettelijk Hof. Om de procesgang niet al te zeer te verzwaren, wordt echter voorzien in twee uitzonderingen waarvoor in geval van `samenloop' geen verplichting tot prejudiciële vraagstelling aan het Grondwettelijk Hof meer geldt. Die twee uitzonderingen gelden ook voor de hoogste rechtscolleges, namelijk het Hof van Cassatie en de Raad van State.

Het voorgaande brengt mee dat, zoals overigens werd gezegd tijdens de hoorzitting met de Eerste Voorzitter van en de Procureur-generaal bij het Hof van Cassatie, `het Hof van Cassatie niet meer zal kunnen oordelen dat de opgeworpen prejudiciële vraag niet moet worden gesteld op grond van de overweging dat een verdrag met rechtstreekse werking voorrang heeft op de Grondwet en dat, wanneer de Grondwet geen verdere eisen stelt dan de verdragsbepaling met rechtstreekse werking, een verdere toetsing van de wet aan de Grondwet overbodig is'. Dit citaat komt uit de nota van het Hof van Cassatie.

Aldus neemt het voorstel van bijzondere wet een voorstel over dat de resultante was van de werkzaamheden van een werkgroep, samengesteld uit leden van de drie hoogste rechtscolleges, alsook uit leden van de advocatuur, de magistratuur en de academische wereld.

Mijn derde vaststelling is dat de Franse tekst van dat voorstel, via een amendement, in overeenstemming moest worden gebracht met de Nederlandse tekst. Het verslag maakt duidelijk wat de interpretatie van die formulering is.

Deze enige amendering strekt ertoe een louter formele opvatting van de `samenloop' af te wijzen. Die louter formele opvatting bestaat erin dat het voorstel van bijzondere wet alleen dan van toepassing zou zijn wanneer tegelijk de schending door een wetgevende norm, van de Grondwet én van een verdrag formeel wordt opgeworpen.

Deze formele opvatting is volgens mij om een tweevoudige reden onjuist en daarom was een amendement nodig. Vooreerst is het niet noodzakelijk dat een partij de `samenloop' opwerpt, maar kan de rechter dit ook ambtshalve doen. Zoals uit de wetgeving, de praktijk en de rechtsfiguur van de prejudiciële vraagstelling blijkt, is een rechter steeds gemachtigd om ambtshalve een prejudiciële vraag te stellen. Vervolgens is het voldoende dat, opdat het voorstel van bijzondere wet van toepassing zou zijn, voor een rechter de schending van een grondrecht wordt opgeworpen waarvoor het Grondwettelijk Hof bevoegd is, en dit ongeacht of in een debat nog verder moet worden ingegaan op een andere bepaling van rechten en vrijheden. De essentie van de `samenloop' is immers dat voor de rechter de schending door een wetgevende norm wordt aangevoerd van een grondrecht, waarvoor het Grondwettelijk Hof toetsingsbevoegdheid heeft.

De vierde vaststelling is dat de bijzondere wet, indien het gaat om rechten en vrijheden, van toepassing is bij toetsing van het Europees gemeenschapsrecht.

Bij de bespreking in de commissie werd de vraag gesteld of, wanneer het een bepaling van Europees gemeenschapsrecht betreft, het voorstel van bijzondere wet geen toepassing zou kunnen vinden.

Met het Hof van Cassatie moet volledig worden ingestemd dat een nationale rechter nooit kan worden belet om prejudiciële vragen aan het Hof van Justitie te stellen. Overigens stelt ook het Belgische Grondwettelijk Hof, in tegenstelling tot andere grondwettelijke hoven, regelmatig prejudiciële vragen aan het Hof van Justitie.

Bij de bespreking in 2002, in de Senaatscommissie, van de wijziging van de bijzondere wet op het Grondwettelijk Hof werd deze vraag reeds in ogenschouw genomen. Zonder op alle argumenten pro en contra in te gaan is het evident dat de nationale rechtscolleges zich niet achter hun Grondwet kunnen verschuilen om de efficiëntie van het communautair recht te belemmeren. Maar bij het antwoord op deze vraag moet de toenemende roep om de subsidiariteit effectief in te vullen, daarin begrepen de procedurele autonomie van de Staten, worden onderlijnd. Volgens deze regel van subsidiariteit organiseert elke Staat zijn rechtssysteem naar eigen goeddunken, op voorwaarde dat het communautair recht efficiënt wordt toegepast. In die benadering kan de rechterlijke toetsing van wetten aan het communautair recht dus perfect gecentraliseerd worden bij samenloop van grondrechten, op voorwaarde dat de rechter die moet oordelen de mogelijkheid heeft om de oplossing van het bevoegde interne rechtscollege om het communautair recht te doen naleven, volledig en binnen een redelijke termijn af te dwingen.

De wijziging van de bijzondere wet past volledig in het raam van de procedurele autonomie, de subsidiariteit en de proportionaliteit.

Ik besluit. De rechtspraak van het Hof van Justitie vereist de efficiënte toepassing van het Europees gemeenschapsrecht. De Europese Unie is een rechtsgemeenschap. Conform de subsidiariteit en de proportionaliteit, die essentiële elementen van deze rechtsgemeenschap zijn, gebeurt de toepassing best binnen de rechtsorde van elke lidstaat afzonderlijk, die rekening houdt met de eigen procedurele keuzes. In dit geval betekent dit de gemengde samenstelling van het Grondwettelijk Hof. Tevens is de bezorgdheid op haar plaats dat het beroep op het EU-recht niet tot een hogere juridische drempel leidt en de burgers verplicht, bijvoorbeeld wanneer het Verdrag van Lissabon van toepassing zou zijn, te pleiten over rechten en vrijheden in Luxemburg. Dit zou drempelverhogend zijn en de regels van subsidiariteit en proportionaliteit aantasten. Bij specifieke vragen blijft de mogelijkheid van een prejudicieel geschil natuurlijk bestaan.

De handhaving van rechten en vrijheden op het terrein is een probleem dat al jaren aansleept. De regeling ervan heeft tot doel de collectieve tijd die men aan procedures moet besteden te verminderen, opdat er rechtszekerheid zou bestaan over procedurele incidenten die zo snel mogelijk dienen opgelost te worden.

Mme Christine Defraigne (MR). - Le débat que nous avons eu en commission de la Justice lors de l'examen de cette proposition de loi a été, à un certain nombre d'égards, animé.

L'amendement que j'ai déposé au texte initial a été rejeté et il était dès lors logique que je ne m'associe pas au vote positif proposé en commission.

Je voudrais cependant rassurer les auteurs de la proposition en leur précisant que mon groupe soutiendra le texte.

Ce texte est un compromis qui permet d'éviter une sorte de guerre des juges entre la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation ; c'est une paix des braves. Jamais je n'ai dit autre chose concernant l'objectif visé.

Au cours des auditions, j'ai entendu des hauts magistrats de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle.

L'amendement que j'ai déposé en commission était dicté par une double préoccupation.

Tout d'abord, je suis bien entendu d'accord avec la nécessité d'assurer l'unicité de la jurisprudence dans des matières aussi essentielles que le respect des libertés fondamentales garanties par la Constitution, dans le respect de nos normes internationales. La systématisation du recours à la question préjudicielle est évidemment de nature à réaliser cette unicité.

Toutefois - et c'est ce qui a justifié mon amendement -, il ne faut pas perdre de vue l'état d'esprit du justiciable qui, lorsqu'il se retrouve devant la Cour de cassation, a derrière lui des années d'épreuves judiciaires, que je n'ai pas hésité à qualifier de « souffrances judiciaires ».

En cas d'automaticité, il se verra contraint de subir encore cette question préjudicielle, ce qui prend grosso modo un an, et en cas de nouvelle cassation, il se retrouvera à nouveau devant une cour d'appel de renvoi. Son litige se prolongera de deux à trois ans dans le meilleur des cas, et je ne suis pas certaine que les nouvelles dispositions prévues soient nécessairement de nature à réduire l'arriéré judiciaire. Au contraire, cet arriéré s'aggrave de manière significative dans un certain nombre de juridictions de fond.

Le renvoi, dans l'amendement que j'ai déposé, à l'article 1280 du Code judiciaire, avait pour objectif de réaffirmer le principe selon lequel les parties sont maîtres de leur procès et donc de leur stratégie juridique et judiciaire.

Je n'ai fait que rappeler cet allongement inévitable et les risques qui découlent de cette question préjudicielle, le danger de se voir opposer, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la question du délai raisonnable. Dans son audition, le procureur général à la Cour de cassation n'avait d'ailleurs pas manqué d'attirer l'attention sur ce danger.

L'avenir nous dira si j'ai joué les Cassandre, si j'ai vu juste ou si j'étais d'un pessimisme confondant. Mon amendement constitue un progrès par rapport à la situation actuelle.

Je m'abstiendrai lors du vote. Je serai peut-être seule contre tous. Peut-être aurai-je finalement raison. Je continuerai en tous cas à me préoccuper du justiciable.

M. Philippe Mahoux (PS). - Le Sénat s'est penché sur cette question depuis de très nombreuses années. Je voudrais d'abord remercier le rapporteur pour la qualité, la précision et l'exactitude de son rapport.

Je viens d'entendre parler de « paix des braves » et de problème technique. Il ne s'agit toutefois pas de cela mais bien d'un problème qui concerne directement les droits fondamentaux des citoyens. Ce n'est pas la paix qui règne entre les deux cours ni le compromis accepté par elles, qui lie le parlement.

Quelle est l'origine du problème ? La Constitution et des traités internationaux déterminent des droits fondamentaux. Il convient alors d'établir qui de la Cour de cassation ou de la Cour constitutionnelle est compétente pour déterminer le droit. Jusqu'à présent, l'une a assuré le contrôle de la conventionnalité alors que l'autre contrôlait la constitutionnalité. La Cour de cassation et le Conseil d'État semblaient donner la priorité à la compétence de la Cour constitutionnelle pour l'exercice du contrôle à l'aune des articles 10 et 11 de la Constitution. Ces deux institutions préféraient ainsi poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle sans effectuer elles-mêmes un contrôle préalable par rapport aux dispositions des conventions internationales.

La Cour de cassation a adopté depuis peu une position différente. On constate dans sa jurisprudence récente qu'elle va jusqu'à refuser de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle lorsqu'est invoquée la violation d'un droit constitutionnel également protégé par une norme de droit international directement applicable et ce, au nom de la primauté du droit international sur la Constitution.

Pour la Cour de cassation, le droit international directement applicable prime sur la Constitution de sorte qu'un contrôle ultérieur de la loi à la lumière de la Constitution est sans pertinence. Autrement dit, dans la pratique, des jurisprudences distinctes pourraient naître dans les différentes juridictions qui rendent les décisions. Ce sont essentiellement les arrêts de la Cour de cassation et ceux de la Cour constitutionnelle qui sont visés.

À l'instar des développements de la proposition, nous prônons une solution garantissant davantage de sécurité juridique pour le citoyen sans restreindre les compétences de la Cour constitutionnelle, ce que le texte proposé ne se prive pas de faire.

Nous considérons donc que la solution proposée n'est pas satisfaisante pour les raisons suivantes :

En ce que la proposition étend aux juridictions statuant en dernier ressort la possibilité de faire usage de la théorie dite de « l'acte clair ». La Cour de cassation pourra ainsi décider de ne pas poser de question préjudicielle à la Cour constitutionnelle si elle estime que le droit dont il est question n'est manifestement pas violé. En d'autres termes il appartiendra désormais à la Cour de cassation ou au Conseil d'État de déterminer si un droit fondamental de la Constitution est ou non manifestement violé.

Certes déjà aujourd'hui, les juridictions peuvent ne pas poser de question préjudicielle dans le cas où il leur semble que la Constitution n'est manifestement pas violée ; cependant ce pouvoir n'est reconnu que si la juridiction ne statue pas en dernier ressort. Avec la proposition on franchit un pas supplémentaire, un pas dangereux, en permettant à la Cour de cassation de faire obstacle à la saisine de la Cour constitutionnelle lorsqu'elle estime la question préjudicielle dénuée de pertinence.

Il convient de relire le rapport du groupe de travail qui s'est penché sur les relations entre les trois hautes juridictions. La question s'est posée de savoir pourquoi la jurisprudence de la Cour de cassation avait évolué de la sorte. Les experts ont tout d'abord rappelé que seules les juridictions inférieures peuvent refuser de poser une question préjudicielle lorsqu'elles estiment que la Constitution n'est manifestement pas violée.

Si plusieurs membres du groupe de travail estiment « qu'il appartient bel et bien à la Cour de cassation d'interpréter la Constitution, à titre de `préquestion', lorsque la Cour examine le caractère pertinent de la question préjudicielle, et qu'elle ne pose la question que lorsqu'elle estime qu'il n'est pas exclu que la disposition constitutionnelle soit violée, étant donné qu'elle offre une protection plus large que la convention », il apparaît néanmoins que « la majorité des membres du groupe de travail estiment cependant que cette `préquestion' constitue précisément l'essence de la question préjudicielle et que, lorsqu'une question relative à la compatibilité d'une loi avec la Constitution se pose, il n'appartient pas à la Cour de cassation d'interpréter la Constitution et d'estimer par la suite que la question n'est pas pertinente. En effet, il appartient à la Cour constitutionnelle d'interpréter la Constitution et de l'appliquer lorsqu'une loi, un décret ou une ordonnance sont en cause. »

La Cour de cassation, en considérant que la Constitution ne pose pas plus de conditions que la convention, s'approprie en réalité une compétence qui revient la Cour constitutionnelle en vertu de l'article 142 de la Constitution.

On peut par conséquent s'interroger sur la compatibilité de la solution mise en avant par la proposition au regard de l'article 142 de la Constitution qui attribue à la Cour constitutionnelle le pouvoir exclusif de contrôler la constitutionnalité des normes législatives. Je pense que la proposition est très « limite ».

En outre, sur le plan de la cohérence, la solution proposée n'empêchera pas le juge du fond de désavouer la Cour de cassation en posant, dans une affaire similaire, la question préjudicielle que la Cour de cassation n'a pas voulu poser.

En conséquence nous estimons qu'il convient de limiter les exceptions à la saisine, par la voie des questions préjudicielles, de la Cour Constitutionnelle de manière à ne pas vider de sa substance le rôle de gardien de la Constitution que le législateur spécial et le constituant lui ont confié vingt ans plus tôt.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé en séance publique un amendement qui est la suite logique de cette argumentation.

Si cet amendement devait être rejeté, eu égard à l'accord qui existe entre les deux cours, nous nous abstiendrons sur cette proposition, considérant, comme je l'ai dit, qu'un accord entre deux cours, aussi hautes soient-elles, ne peut déterminer le vote des législateurs.

De heer Hugo Coveliers (VB). - Het debat in de commissie voor de Institutionele Aangelegenheden was bijzonder interessant en bijwijlen zelfs amusant. Het was interessant om te horen hoe de drie hoogste rechtscolleges van ons land hun stelling over hun bevoegdheid naar voren brachten. Het was vrij amusant te zien hoe nadien die stelling door sommige leden van de commissie werd verwoord en verdedigd in amendementen. Het deed mij een beetje denken aan een van de eerste zaken die ik als stagiair aan de balie pleitte. Men probeerde toen via arresten van het Hof van Cassatie een Antwerpse politierechter te overtuigen. De politierechter zei dat men rekening moest houden met het feit dat Cassatie maar twee attendus - overwegingen - had: `attendu que la cour veut casser' en `attendu que la cour ne veut pas casser'. Die anekdote wijst erop dat het amendement van de heer Mahoux niet van belang is ontdaan.

Het is immers de bedoeling de toetsing van het grondwettelijk recht - inhoudelijk en materieel - aan het Grondwettelijk Hof toe te kennen. De mogelijkheid bestaat dat het Hof van Cassatie, wanneer de vraag gesteld wordt over het al dan niet stellen van een vraag aan het Grondwettelijk Hof, toch nog de theorie van de acte clair toepast en zegt dat alles zeer duidelijk is en dat de vraag niet aan het Grondwettelijk Hof dient te worden gesteld. Vandaar dat de enige uitzondering op de verplichting om een vraag aan het Grondwettelijk Hof te stellen, kan zijn dat er al een arrest is dat duidelijkheid schept.

De vrees dat het stellen van deze vragen de procedure sterk zou verlengen, lijkt mij ongegrond. In de eerste plaats blijkt uit de statistieken dat in zowat alle rechtbanken de duurtijd van de procedures vermindert. Ten tweede merken wij ook in een aantal recente uitspraken van het Hof van Cassatie dat, wanneer het hof een zaak zeer snel wil behandelen, het die zaak ook zeer snel behandelt en dat vrij snel een arrest wordt verbroken en er zelfs snel een tweede bevestiging of verbreking van een arrest komt.

Onze fractie zal het voorstel goedkeuren. Wij zullen het door de heer Mahoux voorgestelde amendement, waarvan wij op de valreep de Nederlandse vertaling kregen, eveneens goedkeuren.

-La discussion générale est close.