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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 5 JUIN 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Christiane Vienne au ministre pour l'Entreprise et la Simplification sur «la suppression des périodes de soldes» (nº 4-335)

Mme Christiane Vienne (PS). - Vous avez récemment manifesté votre intention de déposer un projet de loi visant à déréglementer la période des soldes. La conséquence serait, selon vous, une augmentation des mécanismes de concurrence, qui entraînerait automatiquement une hausse du pouvoir d'achat pour les consommateurs. Un des corollaires est d'autoriser la vente à perte toute l'année.

Votre raisonnement est que la pratique du dumping aura des conséquences positives pour le consommateur. Cependant, ce type de pratique est précisément interdit afin de protéger les plus petits commerçants, qui ne peuvent s'aligner sur les grands groupes dans ce genre de situation.

Je voudrais savoir si, en préalable de ce projet, une concertation a été menée sur une libéralisation totale des périodes de soldes, et quelles ont été les positions des représentants des secteurs concernés, tels que la Fedis, l'UNIZO ou l'UCM.

Avez-vous prévu, dans votre projet de loi, des mesures visant à protéger les petits commerçants des éventuelles pratiques agressives de ventes à perte menées dans le but de réduire la concurrence ?

Ne serait-il pas plus judicieux de renforcer au contraire la réglementation actuelle concernant les périodes de soldes, afin d'éviter le dumping et de protéger les commerces les plus fragiles, en particulier ceux des centres-villes ?

M. Vincent Van Quickenborne, ministre pour l'Entreprise et la Simplification. - Je vous rappelle le contenu de l'accord de gouvernement qui prévoit en l'occurrence que « dans le souci de protéger le consommateur, tout en favorisant le développement de l'économie, le gouvernement veillera à améliorer la législation en vue de garantir une information correcte des consommateurs et une réelle transparence à leur égard. »

Comme je l'ai annoncé dans ma note de politique générale, que j'ai présentée en commission des Affaires économiques, la modernisation de la loi sur les pratiques de commerce constitue une priorité absolue et il entre dans mes intentions de présenter un projet de loi au Conseil des ministres en automne, après une concertation avec mes collègues compétents pour les indépendants et la protection du consommateur.

En fait, les présoldes reviennent à interdire aux entreprises de se livrer une concurrence au moyen de réductions de prix pendant trois mois par an. Une telle règle va à l'encontre de la transparence alors que la transparence du marché est une condition sine qua non du bon fonctionnement de la concurrence. La Belgique détient d'ailleurs le monopole de la période d'attente ou de présoldes parmi les vingt-sept pays membres de l'Union européenne. Aucun autre pays en Europe ne connaît des règles similaires.

Selon certaines organisations qui souhaitent maintenir la période d'attente, c'est-à-dire les présoldes, d'autres pays européens nous envieraient ce système. Si tel était le cas, ils auraient certainement introduit eux aussi une période d'attente.

Les restrictions qui sont actuellement en vigueur pour les soldes et l'interdiction de vente à perte limitent également la liberté de commerce pour les entreprises. Le gouvernement doit stimuler la concurrence plutôt que la brider.

Quant à savoir si le secteur a été consulté, le gouvernement précédent a demandé à un expert de rédiger un rapport sur l'application et la réforme éventuelle de la loi. Lors de la préparation de ce rapport, nombre d'organisations ont été consultées : l'UCM, UNIZO, ainsi que des organisations de défense des consommateurs, comme Test-Achats, qui étaient d'ailleurs plutôt favorables à l'abolition des présoldes. Ce rapport a été déposé le 30 juin 2007.

Le 4 décembre 2007, le SPF Économie a créé un groupe de travail auquel ont participé, outre les hauts fonctionnaires de mon administration, tous les secteurs concernés.

Ceux-ci ont tous été consultés à plusieurs reprises. Lorsque j'ai fait mes déclarations, tous les points de vue étaient connus.

Sur le plan de la liberté du commerce, aucun autre pays de l'Union européenne n'applique une législation aussi limitative et protectionniste pour les entreprises que la Belgique. L'offre dans ces pays serait-elle inférieure à celle que nous connaissons ? Le nombre d'indépendants y serait-il moins élevé que chez nous ? Les prix plus élevés de certains pays s'expliqueraient-ils par l'absence de période d'attente ou d'interdiction de vente à perte ? Je n'en suis pas absolument convaincu. Je suis plutôt d'avis que les mesures protectionnistes et corporatistes de notre actuelle loi sur les pratiques du commerce freinent la concurrence et la baisse des prix qui en découle au lieu de les stimuler.

Il ressort de reportages sur le pouvoir d'achat diffusés par la télévision que les prix des produits alimentaires sont plus élevés en Belgique qu'aux Pays-Bas. La raison en a été mise en évidence par plusieurs médias : la vente à perte est possible aux Pays-Bas, ce qui renforce la concurrence. Le supermarché Albert Heijn s'est livré à une véritable guerre des prix avec la conséquence que les consommateurs peuvent acheter à moindre coût aux Pays-Bas. Je suis ministre de l'Entreprise mais je me préoccupe aussi des consommateurs. Je pense qu'il faut davantage de compétitivité, spécialement en cette période de diminution du pouvoir d'achat, de manière à protéger l'intérêt général au lieu de protéger artificiellement quelques intérêts individuels.

Mme Christiane Vienne (PS). - Je ne parlais évidemment pas de période de soldes pour les produits alimentaires. J'imagine que l'on ne solde pas ces produits aux Pays-Bas.

En ce qui concerne la concurrence, le ministre m'a resservi le même discours que celui qu'il avait tenu pour la téléphonie. Je comprends bien qu'il est un fervent partisan de la stimulation de la concurrence. Il faudra cependant procéder à une évaluation. C'est une chose de déréguler, c'en est une autre d'en mesurer les conséquences. Je suivrai attentivement ce dossier afin de vérifier si la stimulation de la concurrence prônée par le ministre a des effets réels sur le niveau de vie des gens en Belgique.

M. Vincent Van Quickenborne, ministre pour l'Entreprise et la Simplification. - J'ai fait le lien entre la vente à perte et la situation des prix des produits alimentaires aux Pays-Bas. Je n'ai pas fait de lien avec les soldes ou les présoldes. Dans des pays où la vente à perte est possible, comme aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, les prix sont moins élevés qu'en Belgique, ce qui est évidemment positif pour les consommateurs.

Je suis effectivement favorable à davantage de concurrence. En ce qui concerne le dossier des prix de l'électricité, qui relève de la compétence du ministre Magnette, je pense qu'il est grand temps d'introduire plus de compétition dans le marché. Si vous êtes favorable aux monopoles, j'y suis opposé et je plaide pour davantage de concurrence.

Mme Christiane Vienne (PS). - Il faut aussi tenir compte des entreprises. La vente à perte a un effet sur l'outil de production, sur l'entrepreneur qui est amené, lui aussi, à subir des pressions extrêmement fortes dans différents secteurs, y compris le secteur agro-alimentaire.