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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 29 MAI 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Josy Dubié au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles sur «votre présence au festival de Cannes» (nº 4-326)

M. Josy Dubié (Ecolo). - Je ne dois pas vous apprendre, monsieur le ministre, que les temps sont durs pour tout le monde, en particulier, si j'en crois les informations de la Fondation Roi Baudouin, pour le million et demi de Belges qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Si j'en crois les articles de presse et notamment un article bien documenté du Soir de lundi dernier, de nombreux représentants des différentes entités que compte notre pays ont assisté au festival de Cannes. La couverture médiatique de cet événement culturel, mais surtout mondain, a donc permis de constater la présence de très nombreuses personnalités belges, provenant des communautés ou du pouvoir fédéral.

La presse a recueilli des estimations parcellaires du coût de ces délégations et publié diverses réactions. Puisque vous n'avez pas répondu, sur place, aux questions des journalistes, je vous les pose à nouveau. Pouvez-vous nous informer des objectifs de cette délégation et nous expliquer en quoi ces objectifs ont été rencontrés ?

Pouvez-nous nous communiquer le budget à charge du SPF Finances et le budget consacré par votre cabinet à votre participation à cette manifestation ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Je profite de votre présence en Belgique entre deux missions sénatoriales pour vous répondre.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Je voyage beaucoup moins que vous, monsieur le ministre. Et quand je voyage, je ne fréquente pas les hôtels six étoiles !

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Je ne fais que réagir à l'observation pour le moins démagogique que vous avez formulée au début de votre intervention et je vous réponds donc sur le même ton.

Je voudrais tout d'abord évoquer l'effet de ce genre de mission et l'impact du tax shelter dans le financement du cinéma et de la télévision belges. Je suis particulièrement fier d'avoir pu, avec un certain nombre de vos collègues sénateurs, développer le mécanisme du tax shelter dans cette assemblée.

Depuis cinq ans si je ne m'abuse, je me rends effectivement chaque année au festival de Cannes, pour expliquer le principe du tax shelter, puis la loi que nous avons votée et ensuite pour, avec d'autres, présenter les réalisations. J'ai été très heureux qu'un film financé grâce au tax shelter - comme « L'Enfant », des frères Dardenne - remporte la Palme d'Or. Je suis, cette année encore, très satisfait que nous ayons pu contacter le plus grand nombre possible d'investisseurs et de producteurs. Je vous signale au passage que le journal précité s'est, l'an dernier, offusqué de mon absence. Je me suis habitué à être critiqué, quoi que je fasse.

Cela dit, 350 oeuvres ont été financées grâce au tax shelter. En 2004, 14 millions d'euros investis par des entreprises dans le mécanisme du tax shelter ont permis de soutenir des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. En 2005, le montant s'élevait à 18 millions, en 2006, à 33 millions et en 2007, à 45 millions. Au total, un montant de 110 millions d'euros a donc ainsi pu être consacré à des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Sept des onze films belges présentés à Cannes cette année ont notamment été financés grâce au tax shelter.

Notre présence à Cannes s'explique donc par la volonté de présenter, ce que j'ai fait à l'époque avec Marion Hänsel, notre projet de tax shelter, puis par le désir de convaincre la communauté culturelle belge - surtout le monde du cinéma - que nous pouvions progresser en la matière.

Malheureusement, nous avons dû, cette année, quitter le pavillon belge pour occuper le pavillon américain, un peu plus grand, afin de pouvoir accueillir l'ensemble des investisseurs qui souhaitaient rencontrer la délégation, laquelle est restée vingt-quatre heures sur place et a tenté d'expliquer le système du tax shelter.

J'ai en outre annoncé sur place mon intention de mettre en oeuvre un chèque-cinéma qui s'ajoutera au chèque-culture. Ce dispositif constituera une aide non seulement à la production mais également à la distribution des films. L'intention est d'étendre le tax shelter à des spectacles vivants, voire à la candidature de la Belgique à la Coupe du monde de 2018 qui suppose la construction de stades. Je préférerais qu'ils le soient grâce à des investissements privés plutôt qu'au moyen de subventions publiques qui viendront s'ajouter les unes aux autres.

Deuxième élément qui, lui, vous intéresse sans doute davantage : l'investissement total à l'échelon fédéral dont il faut déduire le sponsoring. En effet, nous avons pu être présents au Festival de Cannes, grâce notamment à Brussels Airlines qui a pris en charge le déplacement, y compris d'un certain nombre de journalistes, à InBev, à Galère ou encore au groupe Vranken présent sur le stand belge.

Pour la première fois, nous avions, durant toute la durée du festival, un stand présenté par la Belgique, sous le concept Invest in Belgium. Comme j'ai l'habitude de travailler de la sorte, le total de l'investissement à l'échelon fédéral a été de 164.011,18 euros.

À l'échelon fédéral, je me dois d'ajouter l'échelon de la Région de Bruxelles-Capitale qui a souhaité participer au travail.

Que s'est-il passé ? D'abord, la Loterie Nationale a mis 25.000 euros pour la promotion de l'image de la Belgique à l'étranger, tout comme le SPF Affaires étrangères, pour la même raison. Les supports publicitaires du festival étaient à l'effigie d'Invest in Belgium. La Région de Bruxelles-Capitale dont vous connaissez bien le gouvernement, a choisi d'investir 15.000 euros dans l'aménagement du pavillon de la Belgique. Je suis d'ailleurs très heureux que la Région de Bruxelles-Capitale et son gouvernement aient souhaité participer à cet aménagement. Le budget de la chancellerie du Premier ministre a dépensé 45.000 euros sur cette opération et le département des Finances 49.537 euros, ce qui représente - je connais votre attachement à ces chiffres - six collaborateurs qui ont presté 40 jours de mission, avec, en général, une présence de six à sept jours sur place, notamment dans le stand belge, pour expliquer la mesure d'investissement que nous développons. Le coût des six collaborateurs sur place a été de 11.662,20 euros. J'attire l'attention du président du Sénat sur le fait que la mission d'un collaborateur revient donc à 300 euros par jour, un chiffre qu'il sera peut-être utile de prendre en compte, à l'avenir, lors de l'organisation d'autres missions. Le budget du pavillon de la Belgique représente 37.875,54 euros.

Ainsi, je vous explique, non pas ma présence mais celle, durant tout le festival, de la Belgique sur un stand dédicacé à cette réalisation qu'est le tax shelter, avec une participation des régions, financièrement la Région de Bruxelles-Capitale mais également la Région wallonne et la Région flamande qui nous ont fort heureusement accompagnés sur ce stand.

Je m'en voudrais de ne pas aborder la troisième question qui vous passionne. Sur les 164.011,18 euros, je reconnais que ma présence pendant 24 heures au Festival de Cannes et donc une nuit passée à Nice, à l'hôtel Beau Rivage - je vous donnerai le numéro de chambre, si vous êtes intéressé -, avec un collaborateur qui m'accompagnait, a représenté un coût de 4.474,18 euros. Je n'ai pas pu rester au-delà du dimanche car je me suis rendu, dans la soirée du dimanche et toute la journée du lundi, à Kiev, pour l'assemblée générale de la Banque européenne de reconstruction et de développement. Mais je suis bien entendu à votre disposition si vous souhaitez aussi connaître le détail de ces 4.400 euros, voire le menu des restaurants.

Je puis en tout cas vous dire, monsieur Dubié, que l'investissement du Fédéral pour soutenir la production cinématographique et audiovisuelle à laquelle vous êtes, je crois, très attaché, est sans commune mesure, depuis quatre ans, avec les moyens que peuvent encore mobiliser nos régions et communautés en la matière.

J'étais à ce que l'on appelle « La fête des Belges », à Cannes, organisée par la Communauté française. Les producteurs demandaient que la Communauté française puisse refinancer, à hauteur de deux millions d'euros, la commission du film. Sur la seule année 2007, le tax shelter a amené, à toute une série de réalisateurs et de producteurs, 45 millions d'euros. Je pense que l'investissement consenti pour être présents sur place est un investissement efficace dont je vous annonce déjà qu'il sera renouvelé l'année prochaine.

M. Josy Dubié (Ecolo). - Je remercie le ministre de sa réponse. Si j'ai bien compris, la somme globale est de 164.000 euros. Si je n'étais pas présent, des journalistes étaient sur place et en général je leur fais confiance, surtout quand ils écrivent pour un journal sérieux. Je vous lis leur résumé de la journée du ministre : « Les 24 heures de Reynders à Cannes ? Une conférence de presse consacrée au tax shelter, dont l'essentiel du contenu était connu des professionnels ; une montée des marches avortée, non loin de Woody Allen ; des contacts furtifs avec les opérateurs... Un saut de puce, beaucoup de Barnum, rien de concret », entend-on dans son entourage. « Tout ça pour ça ? Il pouvait le faire sans mal depuis Bruxelles » insiste un producteur.

Monsieur le ministre, ayant lu cet article, je vous pose des questions, je suis dans mon rôle, et j'y tiens.

Vous avez dit que j'étais particulièrement concerné par les problèmes audiovisuels. Il se fait que c'est un milieu que je connais un peu, surtout celui du MIPTV qui se déroule dans les mêmes locaux. Quand j'ai quitté la RTBF, j'ai été choisi, par concours, comme chef de l'unité de télévision des Nations unies, que j'ai créée. Lorsque j'allais au MIPTV, en tant que responsable de cette unité de télévision, j'y allais seul et je descendais à l'hôtel Campanule, 2 étoiles, à 30 kilomètres. Au MIPTV, j'ai vu pratiquement toute la hiérarchie de la RTBF plus un très grand nombre de personnalités politiques dont on se demande ce qu'elles faisaient là.

Je cite encore l'article dont je viens de parler. D'après le journaliste sur place, il y avait « cinq ministres, un ambassadeur, un délégué général, deux chefs de cabinets, des députés bourgmestres... » Et il ajoute : « Une vraie colonie bourdonnante ! »

J'ai donc le droit de poser des questions pour savoir au total, en dehors des 164.000 euros dont vous avez parlé, combien cette représentation de la Belgique et de ses communautés à coûté au contribuable belge. Je suis maintenant en mesure d'ajouter les 100.000 euros que vous avez évoqués aux 400.000 euros qui ont été cités par ce journaliste. Cela fait donc environ un demi-million d'euros. Il est important que le public le sache.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Non seulement l'opération a été un succès mais elle sera renouvelée. En 2008, nous aurons encore une augmentation du nombre de coproductions grâce à ce que M. Dubié appelle une conférence de presse sans intérêt qui a rempli le pavillon américain du Festival de Cannes. Nous avons effectivement pu nouer des contacts grâce à la collaboration d'autres départements, en particulier les Affaires étrangères.

J'étais le seul responsable fédéral présent sur place. Je renvoie donc M. Dubié aux responsables des communautés et des régions, notamment de la Région de Bruxelles-Capitale, que je remercie de nous avoir aidés.

Pour tout ce qui concerne les allusions anonymes citées dans un article de presse ou les vôtres, monsieur Dubié, sachez que quand je me déplace à l'étranger et que mon épouse est invitée, elle m'accompagne. Je ne sais pas ce qu'il en est dans votre cas mais jusqu'à présent, mon épouse loge dans la même chambre que moi.