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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 8 MAI 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Richard Fournaux au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles et au ministre pour l'Entreprise et la Simplification sur «les critères de sélection des carrossiers par les compagnies d'assurances et le détournement des législations relatives à la libre concurrence» (nº 4-274)

M. Richard Fournaux (MR). - Ma question m'a été inspirée par la lecture du mémorandum rédigé, en vue des élections législatives de 2007, par les représentants des courtiers en assurances et des intermédiaires financiers, tant néerlandophones que francophones, concernant la manière dont le secteur des assurances est régi ; je pense notamment aux directives et autres lois relatives à la concurrence. Je vous lis quelques extraits de ce texte : « ... le secteur d'assurance belge est caractérisé par une forte concurrence. Cela se traduit par un nombre important d'acteurs... Chaque acteur doit se voir imposer les mêmes règles, cela garantit une concurrence loyale, mais aussi une protection du consommateur équivalente... Les consommateurs et les entreprises peuvent faire appel, pour leurs besoins en assurances, à divers canaux de distribution... Nos métiers sont actuellement fortement réglementés en Belgique. Dans un souci cohérent de défense du consommateur, la Belgique a opté pour une réglementation de l'ensemble de la distribution de l'assurance... ».

Le monde de l'assurance souhaite se présenter à la population belge comme étant un secteur d'activité certes caractérisé par la concurrence, mais où tous et toutes sont régis par des règles identiques en la matière.

À la lumière de ce mémorandum, je voudrais vous interroger sur un problème qui concerne un secteur d'activité souvent en relation avec le monde de l'assurance, à savoir les entreprises de carrosserie. Je souhaiterais un examen approfondi de la manière dont est régie la sélection des entreprises en carrosserie agréées par telle ou telle compagnie d'assurances.

En effet, les compagnies d'assurances fixent, pour ces entreprises, des critères de sélection qui faussent le marché de la concurrence, tout d'abord en orientant les clients, en l'occurrence les propriétaires d'un véhicule accidenté, vers tel ou tel carrossier. Même si les compagnies d'assurances n'imposent pas le recours obligatoire aux services d'une carrosserie agréée, le prétexte de facilités administratives et les avantages proposés ne laissent plus le libre choix aux clients. Citons, parmi ces avantages, une réduction de 500 euros sur la franchise, un véhicule de remplacement gratuit, le paiement direct au carrossier...

En outre, les compagnies répandent dans le public la notion « d'agréé », synonyme pour le commun des mortels d'honnêteté, de compétence et de sérieux. Cette pratique induit implicitement une atteinte à la réputation des « non-agréés ». Les règles de la libre concurrence me paraissent faussées.

Par ailleurs, la manière dont les compagnies d'assurances sélectionnent les entreprises de carrosserie est parfois surprenante, lorsque, par exemple, une compagnie d'assurances impose que la carrosserie compte au minimum cinq ouvriers ou réalise plus de dix réparations par semaine. Avec une telle règle de sélection, il devient quasi impossible aujourd'hui à un nouveau venu sur le marché de se créer une place au soleil.

Je souhaiterais donc que vous commandiez à votre administration une étude pointilleuse concernant la manière dont le système fonctionne actuellement dans notre pays, afin de vérifier si les règles de concurrence sont réellement respectées et si, le cas échéant, il ne conviendrait pas d'adapter notre législation afin de lutter contre ce qu'il est permis de considérer comme de la concurrence déloyale ou, en tout cas, comme une intervention inappropriée dans les règles de la libre concurrence.

M. Vincent Van Quickenborne, ministre pour l'Entreprise et la Simplification. - À l'heure actuelle, la Direction générale de la Concurrence n'a aucune affaire à traiter dans cette matière, ni de plainte à instruire. Selon mes informations, il n'y a pas non plus, à ce jour, de dossier en cours à l'Auditorat du Conseil de la concurrence.

Dans le cas où une compagnie d'assurances met en place un réseau de constructeurs ou réparateurs agréés selon les principes de la distribution sélective, c'est-à-dire d'une manière ouverte, transparente et non discriminatoire, avec omission de toute obligation ou astreinte quantitative, il me paraît qu'il y a peu à dire contre cette façon d'opérer.

Il est clair que l'installation d'un garage ou d'une carrosserie modernes et bien équipés représente un coût substantiel. En plus, le coût de la réparation est un des éléments de production que les assureurs essayent de maîtriser dans la mesure du possible. Un bon assureur doit influer sur ces coûts, ce qui se répercute évidemment sur les garagistes.

En cas d'abus ou d'infraction présumée aux règles de la concurrence, il convient de prendre contact avec la Direction générale de la Concurrence du SPF ou d'introduire une plainte auprès du Conseil de la concurrence où l'auditorat, en fonction de sa politique de priorité dans le traitement des dossiers, examinera la question plus profondément.

M. Richard Fournaux (MR). - Je suis quelque peu déçu par cette réponse. Votre collègue, Mme Laruelle, indique pourtant que tout est fait pour favoriser l'installation de nouveaux indépendants, notamment par une réorganisation de l'accès à la profession, de manière très intéressante, d'ailleurs.

Vous évoquez la possibilité de déposer une plainte, mais cette approche ne répond nullement au problème fondamental, à savoir qu'il devient si pas impossible, du moins particulièrement difficile de créer une nouvelle entreprise dans ce secteur. La concurrence est totalement faussée par les règles établies par les compagnies d'assurance. Je vous demande d'y réfléchir.