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14 MAI 2008
I. Introduction
La présente proposition de loi a été déposée le 28 août 2007. Elle reprend le texte d'une proposition qui avait déjà été déposée au Sénat le 12 janvier 2007.
La commission a examiné cette proposition de loi au cours de ses réunions des 9 et 16 avril 2008 en présence de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. Le 22 avril, elle a invité le président du Conseil supérieur des médecins spécialistes et des médecins généralistes à exposer son avis sur le texte, après quoi la commission a poursuivi la discussion le 7 mai 2008.
II. Exposé introductif de M. Brotchi
La proposition de loi vise à modifier les rapports entre le Conseil supérieur des médecins spécialistes et des médecins généralistes et les chambres des commissions d'agrément pour la nomination et la reconnaissance des médecins spécialistes.
Chaque spécialité médicale est dotée d'une commission d'agrément, constituée de manière paritaire de six membres appartenant aux universités et de six membres appartenant à des milieux non universitaires.
Chaque année, les commissions d'agrément doivent rendre un avis sur la qualification des jeunes médecins qui ont entrepris une spécialisation. Il s'agit par exemple de vérifier si un candidat-chirurgien a effectué un nombre suffisant d'interventions pour se voir délivrer le titre de spécialiste en chirurgie. Or, certains dossiers sont incomplets. Des candidats n'ont pas effectué le nombre d'opérations requises. Il arrive donc que les commissions d'agrément refusent l'agrément du médecin et lui demandent de prolonger son stage de six mois ou un an. Ces candidats malheureux se pourvoient en appel devant le Conseil supérieur dont la composition est tout à fait différente. Il s'agit notamment de médecins plus âgés, qui ne sont plus sur le terrain. Souvent, le Conseil supérieur rend un avis favorable aux candidats.
À titre d'exemple, en dix ans, onze candidats sur quatorze jugés incompétents par la commission de chirurgie ont reçu un avis positif du Conseil supérieur. Or, au Conseil supérieur ne siègent que quatre chirurgiens pour 52 membres et seul l'un d'entre eux est encore en activité.
Le ministre suivant généralement l'avis du Conseil supérieur, ces médecins reçoivent donc l'agrément malgré un avis négatif de leurs pairs de la commission d'agrément.
La proposition de loi vise à imposer un dialogue entre la commission d'agrément et le Conseil supérieur. Quand un dossier sera soumis à la chambre d'appel, un représentant de la commission d'agrément sera invité à exposer les raisons du rejet du dossier.
Le texte demande aussi la présence de juristes dans les commissions d'agrément car les médecins ne perçoivent pas nécessairement les failles juridiques qui pourraient être exploitées pour attaquer le refus du dossier. Enfin, l'avis du Conseil supérieur devra être motivé et exposer les raisons pour lesquelles il décide de s'écarter de l'avis de la commission d'agrément.
III. Discussion générale
III.1. Discussion
Mme Van Ermen trouve que le fait que le Conseil supérieur soit composé uniquement d'universitaires constitue également un problème. Si, sur le terrain, on est d'avis qu'une reconnaissance supplémentaire serait nécessaire, par exemple, pour faire de la recherche électro-physiologique ou pour exercer dans une clinique du sein, certains membres du Conseil supérieur qui sont un peu dépassés préfèrent s'en tenir à une reconnaissance de chirurgie générale. Selon elle, cela constitue un frein dans l'évolution de la médecine.
M. Claes approuve la proposition, en particulier en ce qu'elle instaure la possibilité d'un débat contradictoire et en ce qu'elle obligera le Conseil supérieur à motiver ses décisions. La présence de juristes permettra en outre de s'assurer que cette motivation est correcte et suffisante.
Mme Vienne critique le caractère un peu disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi de l'obligation pour tous les membres du Conseil supérieur d'être encore en activité. Elle craint que cela ne prive le Conseilde l'expertise d'un certain nombre de membres. En outre, les médecins actifs sont sans doute ceux qui sont les plus occupés et qui ont le moins de temps à consacrer aux séances du conseil.
M. Brotchi souhaite assurer un équilibre de compétences entre les chambres de premier niveau et le Conseil supérieur siégeant en appel. Les membres des chambres des commissions d'agrément ont l'obligation d'être en activité et en formation continue. Quand un membre arrive à la retraite, il doit se retirer mais peut éventuellement siéger au Conseil supérieur. Par conséquent, le Conseil supérieur compte un grand nombre de médecins qui n'exercent plus.
La médecine évolue rapidement et lorsqu'on n'exerce plus, on perd vite la notion des réalités du terrain. Néanmoins, afin de rencontrer la remarque de l'intervenante précédente, M. Brotchi suggère d'adoucir l'exigence en permettant à des médecins à la retraite de siéger au Conseil supérieur pendant une durée limitée, telle que deux ans au maximum après l'arrêt de leur activité.
Mme Vienne suggère de demander l'avis du Conseil supérieur des médecins. Mme Delvaux appuie cette proposition par respect envers les membres du Conseil. Néanmoins, elle trouve normal qu'on cède sa place en cas de renouvellement de la composition et tend à penser aussi que les personnes les mieux à même de juger sont celles qui sont toujours en exercice.
La ministre des Affaires sociales et de la Santé publique se rallie à l'objectif et à la philosophie du texte. La présence de juristes devrait garantir une motivation solide des décisions. L'obligation de motiver semble une évidence juridique. Par contre, il est vrai que le changement proposé au niveau de la composition est assez radical. Ne pourrait-on imaginer, par exemple, une cellule de spécialistes « volants » en activité, ne faisant pas partie des commissions d'agrément, auxquelles le Conseil supérieur ferait appel quand il examine des recours ?
Elle insiste aussi sur le fait que les mêmes personnes ne peuvent participer à la délibération en première instance et en appel.
M. Brotchi précise que sa proposition prévoit qu'en cas de conflit, il peut être fait appel à quatre spécialistes de la spécialité concernée, nommés pour une période de six ans et ne faisant pas partie de la première chambre. De cette manière, on pourrait compenser ponctuellement un éventuel manque d'information des médecins au Conseil supérieur. D'autre part, la proposition, pour créer les conditions d'un débat contradictoire, permet qu'un représentant de la commission d'agrément vienne exposer les raisons de la décision de refus devant le Conseil supérieur siégeant sur recours. Ce représentant ne participe pas à la délibération ni au vote.
M. Vankrunkelsven soutient pleinement la proposition de loi. La nécessité d'une motivation pour les décisions d'agrément est indiscutable. Évidemment, la réforme de la composition du Conseil supérieur est un aspect plus délicat. Il est clair qu'une telle réforme doit parfois se faire contre la volonté des membres qui préférent un statu quo. Le membre estime en tout cas qu'une majorité des membres du Conseil supérieur doivent être encore en activité pour pouvoir apprécier correctement si l'agrément peut être délivré.
Par ailleurs, la consultation du Conseil supérieur ne lui semble pas indispensable dans la mesure où l'auteur du texte a déjà pris tous les contacts requis avant de rédiger sa proposition et où il doit, contraint et forcé, aller à contre-courant pour pouvoir apporter un changement.
M. Brotchi signale qu'il a connu lui-même au cours de sa carrière des cas de candidats neurochirurgiens refusés par la commission d'agrément et reconnus compétents par le ministre sur avis positif du Conseil supérieur alors que celle-ci ne compte aucun neurochirurgien. De plus, il a reçu énormément de courriers des présidents des différentes commissions d'agrément, demandant une réforme du système.
À la demande de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, M. Brotchi précise que l'obligation éventuelle d'être en activité pour les membres du Conseil supérieur ne vaut que dans les cas où il se prononce sur un recours par rapport à la décision d'une chambre de commission d'agrément. D'autre part, les quatre médecins désignés par les commissions d'agrément pour le cas où on aurait besoin d'eux participent aux débats du Conseil supérieur avec voie délibérative mais ne siègent pas à la commission d'agrément.
III.2. Auditions
M. Dirk Cuypers, président du Conseil Supérieur des Médecins spécialistes et des Médecins généralistes, annonce qu'il s'exprimera en son nom propre car le Conseil n'a pas pu se réunir pour prendre position.
Le Conseil supérieur est l'organe qui rend des avis au ministre. Il se réunit trois à quatre fois par an. Le Conseil est composé d'une chambre francophone et d'une chambre néerlandophone, chacune jouant le rôle de chambre de recours pour les cas visés dans la proposition de loi.
Les commissions d'agrément évaluent les formations et délivrent, le cas échéant, l'agrément aux médecins spécialistes. Les membres d'une commission d'agrément ne peuvent siéger au Conseil supérieur, ce qui veut dire, en d'autres termes, qu'ils ne peuvent être juge et partie.
Les développements de la proposition de loi posent un constat concernant des faits et procédures antérieurs à 2004. Des candidats qui s'étaient vu refuser l'agrément l'obtenaient ensuite sur avis positif de la chambre de recours.
En 2006, les commissions d'agrément ont été totalement renouvelées, de même que le Conseil supérieur. Pendant un an et demi, le Conseil supérieur n'a pas du tout fonctionné. La situation était chaotique. Désormais, la dynamique est complètement différente.
Aujourd'hui, le Conseil supérieur est composé de 47 spécialistes, dont dix seulement ont dépassé la limite des 65 ans. Toutefoirs, cela ne signifie pas qu'ils ne sont plus actifs.
L'auteur de la proposition épingle les problèmes de communication entre les commissions d'agrément et le Conseil supérieur compétent en appel. Ceci concerne également la situation d'avant 2004. L'article 32 de l'arrêté royal du 21 avril 1983 a été modifié le 10 février 2008 pour faire en sorte qu'un membre de la commission d'agrément soit entendu par la chambre de recours.
Depuis 2006, toute décision du Conseil supérieur est motivée. La commission d'agrément examine essentiellement les dossiers sur la base des critères scientifiques auxquels le candidat spécialiste doit satisfaire (formation suivie, stages, etc.). Souvent, elle prête trop peu d'attention aux exigences procédurales (caractère complet du dossier, respect des délais, etc.), alors que la chambre de recours, elle, veille aussi à ce que le dossier administratif soit en ordre.
Enfin, le pourcentage de dossiers refusés par la commission d'agrément et recevant un avis positif du Conseil supérieur est complètement différent aujourd'hui. Depuis 2006, sur 2 200 dossiers, il y a eu 27 recours: seuls 16 ont été évalués positivement par la chambre d'appel, essentiellement pour des raisons de procédure ou des divergences dans l'interprétation de la législation.
Depuis la modification de l'article 32 de l'arrêté royal, la communication s'est grandement améliorée entre la commission d'agrément et le Conseil supérieur. Néanmoins, l'orateur insiste sur le fait que le membre de la commission d'agrément invité à exposer le dossier ne peut en aucun cas participer à la délibération ou à la décision de la chambre de recours. Ce point ne lui semble pas clair dans la proposition de loi à l'examen.
Le président du Conseil supérieur informe de la présence dans l'administration de juristes à la disposition des commissions d'agrément et des chambres de recours. Faut-il faire appel à des juristes supplémentaires au sein du Conseil supérieur ?
La procédure est aussi importante que le contenu. Souvent, les commissions d'agrément font fi des conseils du secrétaire juriste qui attire l'attention sur certains problèmes juridiques. Il est clair que ce ne sont pas les membres de la commission — qui sont des médecins — mais bien les juristes de l'administration qui doivent interpréter la législation en ce qui concerne la procédure. L'orateur reconnaît qu'il y a là un point de fonctionnement à améliorer.
Les commissions d'agrément et le Conseil supérieur sont des entités distinctes en vertu de la loi. Les quatre médecins désignés par la commission d'agrément en vertu de l'article 4 de la proposition de loi ne peuvent pas participer aux délibérations et à la décision du Conseil supérieur.
Le président rappelle que les membres du Conseil supérieur ne sont pas désignés par le ministre mais par les associations professionnelles et les universités, tandis que les présidents des chambres sont désignés par l'Académie royale de Médecine et par l'ordre des médecins.
Mme Temmerman, présidente de la chambre néerlandophone du Conseil supérieur, confirme tous les changements intervenus au Conseil supérieur depuis 2006. Les décisions des chambres sur recours sont motivées. Parmi les quinze derniers dossiers examinés, la décision de la commission d'agrément a presque toujours été suivie, sauf lorsqu'il s'agissait de problèmes de procédure. Lorsque la chambre statue sur le recours d'un neurochirurgien par exemple, elle invite toujours un neurochirurgien à l'assister. Les candidats peuvent se faire assister par un avocat. La plupart des problèmes épinglés dans la proposition de loi ont trouvé une réponse.
M. Jeanmart, président de la chambre francophone, ajoute que le fait d'avoir plus de soixante-cinq ans ne diminue pas les capacités issues de l'expérience.
M. Brotchi se réjouit des changements déjà intervenus mais il souhaite ancrer ces bonnes pratiques dans une loi. Il précise qu'il va déposer un amendement pour lever toute équivoque au sujet de l'incompatibilité de siéger à la fois à la commission d'agrément et en chambre de recours.
IV. Discussion des articles
Intitulé
Amendements nos 2 et 7
Mme Vanlerberghe dépose un amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à rétablir l'intitulé exact de l'arrêté royal que modifie la proposition de loi.
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 4-167/3) ayant le même objet.
L'amendement nº 2 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 7 est adopté par 10 voix contre 2.
Article 1er
L'article 1er est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.
Article 2
Amendements nos 3 et 8
Mme Vanlerberghe dépose un amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à remplacer l'article 2 de la proposition de loi, afin d'inscrire au § 4 de l'article 6 de l'arrêté royal du 21 avril 1983 que le secrétariat des chambres est assuré par des fonctionnaires désignés par le ministre, avec au moins un juriste par rôle linguistique.
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 4-167/3) visant à remplacer l'article 2 de la proposition de loi, afin de compléter l'article 6, § 4, de l'arrêté royal du 21 avril 1983. Il s'agit de mettre à la disposition du secrétariat des chambres du Conseil supérieur des fonctionnaires dont au moins un juriste.
L'amendement nº 3 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 8 est adopté par 10 voix contre 2.
L'article 2 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.
Article 2bis (nouveau)
Amendements nº 4 et nº 9
Mme Vanlerberghe dépose un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à insérer un article 2bis (nouveau) dans la proposition de loi, afin d'insérer un alinéa au § 1er de l'article 6 de l'arrêté royal du 21 avril 1983. L'objectif est d'imposer que 50 % des membres des chambres de recours soient encore en activité.
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 4-167/3) visant à remplacer l'article 2 de la proposition de loi, afin de compléter l'article 6, § 4, de l'arrêté royal du 21 avril 1983.
L'objectif est d'imposer que 75 % des membres des chambres de recours soient encore en activité.
L'amendement nº 4 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 9 est adopté par 10 voix contre 2.
Article 3
Amendements nos 5 et 10
Mme Vanlerberghe dépose un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à remplacer l'article 3 de la proposition de loi, visant à remplacer l'article 7, § 7, de l'arrêté royal du 21 avril 1983. Cet amendement prévoit que des fonctionnaires fournissent l'assistance juridique et administrative pour le traitement des dossiers par les commissions d'agrément.
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 4-167/3) visant à remplacer l'article 3 de la proposition de loi, en vue d'ajouter une disposition à l'article 7, § 7, de l'arrêté royal du 21 avril 1983. L'objectif est de prévoir au sein de l'administration un soutien administratif et juridique pour les commissions d'agrément.
L'amendement nº 5 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 10 est adopté par 10 voix contre 2.
L'article 3 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.
Article 4
Amendements nos 1, 6 et 11
M. Brotchi dépose un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à compléter l'article 32, § 1er, proposé de l'arrêté royal du 21 avril 1983 afin de préciser que les médecins désignés par les chambres des commissions d'agrément ne sont pas membres de celles-ci.
Mme Vanlerberghe dépose un amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 4-167/2) visant à remplacer l'article 4 de la proposition de loi, en vue de modifier l'article 32 de l'arrêté royal du 21 avril 1983. Cet amendement tient compte des modifications déjà apportées par l'arrêté royal du 10 février 2008.
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 4-167/3) visant à remplacer l'article 4 de la proposition de loi, en vue de modifier l'article 32 de l'arrêté royal du 21 avril 1983. Cet amendement tient compte des modifications déjà apportées par l'arrêté royal du 10 février 2008.
L'amendement nº 1 est retiré par son auteur.
L'amendement nº 6 est rejeté par 9 voix contre 3.
L'amendement nº 11 est adopté par 10 voix contre 2.
L'article 4 ainsi amendé est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.
Article 5
M. Brotchi et consorts déposent un amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 4-167/3) visant à modifier l'article 5 de la proposition de loi, en vue de reporter l'entrée en vigueur de la loi à une date fixée par le Roi, au plus tard le 1er janvier 2009.
L'amendement nº 12, ainsi que l'article 5 ainsi amendé, sont adoptés à l'unanimité des 12 membres présents.
V. Votes
La proposition de loi ainsi amendée a été adoptée à l'unanimité des 12 membres présents.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
Le rapporteur, | La présidente, |
Dirk CLAES. | Nahima LANJRI. |