4-119/5

4-119/5

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

14 MAI 2008


Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins

Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR

M. COLLAS


I. Introduction

La proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins a été redéposée au Sénat le 26 juillet 2007, après avoir été déposée initialement à la Chambre des représentants par M. Monfils (doc. Chambre, 51 2216/001). Le 9 octobre 2007, elle a été prise en considération et envoyée à la commission des Finances et des Affaires économiques. Celle-ci a examiné ladite proposition une première fois lors de sa réunion du 21 novembre 2007. Plusieurs membres ayant, à cette occasion, formulé des remarques et des questions, il a été décidé d'organiser une audition.

La proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins de M. Martens et consorts a été déposée le 22 novembre 2007 et prise en considération et envoyée également à la même commission le 29 novembre 2007.

L'audition des acteurs concernés a eu lieu le 20 février 2008. Au cours de cette réunion, les orateurs ont exposé leurs points de vue et les membres ont formulé un certain nombre de questions. Le compte rendu de cette audition fait l'objet de l'annexe 1.

Lors des réunions des 27 février et 19 mars 2008, la commission des Finances et des Affaires économiques a intégré un certain nombre de remarques et décidé de créer un groupe technique qui devrait s'efforcer de définir une position commune. À la suite de cette réunion, les amendements 19 à 24 ont été déposés. Les auteurs des amendements 1 à 23 (doc. Sénat, 4-119/2 et 3) ont ensuite décidé de retirer leurs amendements respectifs.

II. Exposé des auteurs

II.1. Exposé introductif de l'auteur, M. Monfils

L'intervenant explique que les dispositions à l'examen visent, d'une part, à rassurer les auteurs quant au régime fiscal applicable à l'impôt sur les droits d'auteur et les droits voisins et, d'autre part, à simplifier le régime fiscal lui-même. Il est précisé que la question, importante elle aussi, de l'étalement des revenus sur plusieurs exercices fiscaux ne fait pas l'objet des dispositions proposées.

L'intervenant rappelle que la proposition de loi avait déjà été déposée à la Chambre au cours de la législature précédente et que les dispositions en discussion ont vu le jour après une large concertation avec le cabinet du ministre des Finances et les sociétés d'auteurs. Il faut savoir qu'actuellement, le traitement fiscal des droits d'auteur est très incertain et que les auteurs, selon la catégorie à laquelle ils appartiennent, peuvent être imposés différemment. C'est pourquoi il est souhaitable que l'on fasse ressortir ces revenus à une même catégorie fiscale, quelle que soit la profession exercée à titre principal par les créateurs concernés, d'autant plus que pour plus de 98 % des intéressés, le montant des droits d'auteurs est inférieur à 10 000 euros par an. L'intervenant propose donc de soumettre dans tous les cas les droits d'auteur à une imposition distincte et libératoire. À cet effet, il serait créé une nouvelle catégorie de revenus divers qui seraient soumis à une taxatioon distincte au taux de 15 %. Cette formule aura pour avantages supplémentaires de constituer un incitant culturel, à la manière de la tax shelter, et de permettre aux sociétés de gestion des droits de disposer des éléments de fait nécessaires en vue de la perception de l'impôt.

II.2. Exposé introductif de M. Martens, coauteur de la proposition nº 4-417

M. Martens déclare que le régime d'imposition proposé est clair et simple et qu'il répond bien aux problèmes que rencontrent les petits et moyens artistes. Il fait toutefois remarquer que les véritables professionnels s'en tirent à très bon compte avec un taux forfaitaire de 15 %. Aussi est-il plutôt partisan d'instaurer un taux progressif, comme il le propose dans sa proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins (doc. Sénat, nº 4-417/1). L'auteur précise que la différence principale entre les deux propositions à l'examen réside dans le fait qu'il propose pour sa part un taux d'imposition progressif. Cette progressivité est proposée pour ménager un peu plus la catégorie, nombreuse, des auteurs dont les revenus sont plutôt limités, tandis que « les plus gros poissons » contribueraient davantage. Les charges les plus lourdes doivent, selon les auteurs, être portées par « les épaules les plus solides ». Il n'est donc pas justifié de les taxer à un taux inférieur à celui de l'impôt des sociétés.

En terminant, l'auteur se dit prêt à rechercher une proposition de consensus, de manière à pouvoir mettre en place un régime d'imposition fiscale à la fois clair et équitable pour les revenus concernés.

III. Discussion

M. Dallemagne recommande que l'on fasse une distinction entre le caractère accessoire et le caractère professionnel de ces revenus. En ce qui concerne les revenus professionnels, le membre relève qu'ils seraient très faiblement taxés en comparaison avec l'impôt progressif qui s'applique à d'autres catégories de revenus et professions. Aussi l'intervenant recommande-t-il de faire une distinction entre les différents types de revenus et de taxer les revenus professionnels au taux progressif. M. Dallemagne demande en outre que l'on prenne l'avis de la Cour des comptes et il trouve regrettable que l'on n'ait pas intégré dans le régime proposé une possibilité d'étalement des revenus sur plusieurs exercices d'imposition. Il convient en outre de veiller à ne pas créer de discrimination entre les divers groupes d'artistes.

M. Van Gaever trouve que notre législation fiscale est déjà assez diversifiée et complexe. Il ne voit pas l'utilité de créer encore une catégorie de revenus supplémentaire. L'intervenant n'est pas partisan de légiférer de manière fractionnée car si l'on procède de la sorte, d'autres catégories professionnelles vont avoir exactement les mêmes demandes.

Le président souligne aussi qu'il y a des différences marquées entre les auteurs et que la législation devrait en tenir compte.

M. Monfils précise que, d'après les chiffres de la SABAM, quelque 93 % des auteurs gagnent moins de 5 000 euros. Il n'y a que 500 auteurs, sur un total de 8 000, qui gagnent plus de 20 000 euros. Il importe de noter à cet égard que les auteurs qui gagnent mieux leur vie exercent généralement leurs activités sous le couvert d'une entreprise. Malgré cette remarque, l'auteur se dit prêt à accepter une certaine progressivité. Des amendements en ce sens pourront donc certainement être déposés.

Le représentant du ministre des Finances déclare que le ministre est partisan des dispositions à l'examen. La législation actuelle incite en effet les auteurs qui dépassent un certain plafond de revenus, soit à s'établir dans un pays étranger pour bénéficier d'un régime fiscal plus favorable, soit à travailler sous le couvert de diverses sociétés qu'ils créent, ce qui entraîne donc dans les deux cas un manque à gagner pour l'État belge. À titre d'illustration, l'intervenant explique que la SABAM, qui verse 90 % des droits d'auteur, transfère à l'étranger plus de 140 millions d'euros sur les 165 millions d'euros qu'elle redistribue au total.

Compte tenu de ce contexte, l'intervenant calcule qu'il est plus intéressant de percevoir 15 % sur 165 millions d'euros que de prélever en moyenne 35 % sur 25 millions d'euros. De ce point de vue-là, la Belgique ne subira donc aucun préjudice. Par contre, il risque d'y avoir un préjudice social. Étant donné toutefois que 90 % des auteurs touchent moins de 10 000 euros de droits d'auteur par an, ils relèveront très vraisemblablement d'un autre statut social dans le cadre duquel ils paient déjà des cotisations sociales et exercent leurs droits.

L'orateur relève par ailleurs que le champ d'application des dispositions à l'examen a été clairement limité aux droits d'auteurs et aux droits voisins, tels qu'ils sont définis par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. les dispositions ayant le mérite d'améliorer la sécurité juridique, d'accroître les recettes fiscales en Belgique et de permettre à l'État belge de disposer plus rapidement de ces recettes grâce à une retenue à la source, le ministre est tout à fait favorable à la modification proposée. Mais compte tenu de l'évolution de la législation fiscale depuis le dépôt du texte initial de la proposition, il conviendra en tout cas d'y apporter certaines modifications d'ordre technique.

Mme de Bethune souscrit à l'intention de trouver une solution au problème. Mais elle souhaiterait que l'administration élabore à titre d'exemple plusieurs scénarios en indiquant chaque fois leurs conséquences. Cela permettrait d'y voir plus clair. L'intervenante ajoute que la progressivité est toutefois un élément indispensable à ses yeux.

Le représentant du ministre des Finances déclare que l'administration a évalué à 2 932 000 euros l'impact budgétaire de la proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins (doc. Sénat, 4-119/1).

Il est plus que probable que ce coût sera en réalité ramené à zéro car il y a lieu de tenir compte des effets induits et autres modifications de comportement prévisibles d'après:

— les bénéficiaires « belges » restent en Belgique (puisqu'il n'y a plus de raison de « fuir » le régime fiscal belge et de perdre la qualité d'habitant du Royaume);

— le retour vers la Belgique des bénéficiaires belges expatriés (pour raisons fiscales) devient très raisonnablement envisageable (des déclarations d'artistes connus, « exilés » à Paris, ont été faites en ce sens);

— on table compte, dans la situation actuelle telle que décrite ci-dessus, sur un pourcentage de recouvrement de 100 % de l'impôt établi (IPP dans la situation actuelle) — ce qui est bien entendu illusoire;

— par comparaison, un système de retenue de l'impôt à la source (précompte mobilier) assure un encaissement à 100 %; l'impôt est de surcroît perçu plus tôt et toute possibilité d'éluder l'impôt est annihilée;

— il existe, par suite de la baisse des impôts directs, un effet de retour général qui peut être évalué à 30 % (essentiellement par le biais des taxes indirectes supplémentaires, dont certaines sont régionales);

— la diminution importante des litiges fiscaux à laquelle on peut s'attendre réduit le coût de la gestion de ce contentieux, libère de facto des fonctionnaires pour des tâches plus utiles ou rentables et contribue à réduire l'arriéré judiciaire.

En ce qui concerne la proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins (doc. Sénat, 4-417/1), l'orateur déclare que l'administration n'a pas calculé ce qu'elle coûterait, estimant que la méthode proposée par ladite proposition de loi n'est pas utilisable pour le moment.

Mme Vienne fait remarquer que les auditions ont révélé que le taux d'imposition moyen prévu par la proposition nº 4-417, dont elle est un des signataires, est inférieur pour presque toutes les catégories de contribuables au taux prévu dans la proposition de M. Monfils. Elle affirme dès lors que le coût pour les pouvoirs publics sera, en principe, inférieur à ce qu'il serait si la proposition de M. Monfils était adoptée.

M. Monfils déclare que l'application des dispositions de la proposition de M. Martens, et en conséquence des différentes catégories de revenus, n'est pas praticable pour l'administration fiscale, surtout eu égard aux montants peu importants et à la faible différence des montants auxquels la progressivité sera appliquée.

Quoi qu'il en soit, l'orateur entend apporter une réponse aux critiques précitées. Non sans garder à l'esprit que l'ensemble doit pouvoir être appliqué facilement par l'administration fiscale. Il souhaite dès lors formuler deux possiblités. Il propose en premier lieu de conserver le taux d'imposition de 15 % mais en instaurant deux catégories de revenus pour l'application des frais forfaitaires. Ces frais sont déductibles à 50 % dans la tranche inférieure. Dans la deuxième tranche, le pourcentage de déduction des frais forfaitaires ne s'élève qu'à 25 %, et dans la troisième tranche il n'y a plus de déductibilité. Une autre possiblité consiste par exemple à accorder une exonération fiscale sur la première tranche de 5 000 euros et à aplliquer au solde un impôt libératoire de 15 %. Anticipant les remarques éventuelles, l'orateur précise que les dispositions légales seront adaptées en cas d'abus.

M. Monfils ajoute que les sportifs jouissent actuellement d'avantages fiscaux significatifs, qu'on été votés au parlement sans remarques préalables, et que les montants concernés sont généralement supérieurs. Il se demande dès lors pourquoi l'adaptation proposée, dont l'impact financier est plus faible, suscite autant d'émoi.

Enfin, en ce qui concerne le champ d'application des dispositions proposées, l'orateur dit vouloir se limiter à ce qui a été prévu par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. Comme les travaux scientifiques n'ont pas été exclus par cette loi, ils relèvent également du champ d'application.

M. Dallemagne adhère à l'objectif de la proposition et estime que la pression fiscale sur les droits d'auteur et les droits voisins doit être raisonnable. L'intervenant est cependant d'avis qu'il faut distinguer entre les droits d'auteur et les prestations artistiques. En ce qui concerne ces dernières, l'orateur considère en effet qu'il y a lieu de les assimiler à des revenus professionnels et de les soumettre à un taux d'imposition de 33 %. En effet, si l'on ne tient pas compte de cette distinction, le taux libératoire de 15 %, qui est donc moins élevé, s'appliquera à un nombre beaucoup plus important d'artistes et le public cible des dispositions à l'examen s'en trouvera considérablement élargi.

L'intervenant voudrait par ailleurs savoir quelles sont les catégories d'impôt qui vont être supprimées.

Mme Vienne est également d'avis qu'il convient de faire la distinction entre les droits d'auteur et les droits constitués dans le cadre d'une prestation artistique. S'agissant de la première catégorie, c'est-à-dire les droits d'auteur, il est possible de trouver un consensus compte tenu des objectifs de la proposition.

M. Monfils ne comprend pas l'émoi provoqué par le champ d'application de la proposition. En effet, l'exécution d'une œuvre donnée fait partie des droits d'auteur. Du reste, la proposition s'abstient de donner et d'appliquer une nouvelle définition des droits d'auteur et des droits voisins.

M. Roosen précise qu'à l'heure actuelle, le droit d'auteur recouvre le droit de publication de l'œuvre, le droit de la communiquer à un public donné, ou le droit d'exécution. L'on peut par exemple citer le droit d'enregistrer une mélodie sur CD et de la diffuser auprès du public. L'exécution d'une œuvre et la communication de celle-ci peuvent revêtir différentes formes. L'on peut ainsi mentionner les prestations télévisées et autres, la présentation d'une pièce de théâtre ou l'interprétation d'une œuvre musicale.

En ce sens, une artiste lyrique est rémunérée de deux manières. Tout d'abord en qualité de travailleuse salariée pour son intervention technique en tant qu'artiste lyrique. Et ensuite pour son œuvre et sa façon de l'exécuter, qui constitue en fait la prestation artistique, également protégée par un droit voisin. Elle devra négocier ce dernier élément avec le directeur de l'opéra ou, le cas échéant, avec la maison de disques.

Prenons ensuite l'exemple d'un réalisateur de films. Lui aussi conclura, d'une part, un contrat de travail pour l'exécution technique de son œuvre. D'autre part, il percevra également un droit d'auteur, fixé contractuellement, pour sa création artistique, en l'occurrence son film.

M. Dallemagne constate que les droits d'auteur et les droits voisins bénéficieront donc du même taux d'imposition avantageux et que cela lui fait problème. Il aurait préféré des taux d'imposition distincts.

M. Monfils réplique qu'il serait difficile d'utiliser dans la législation fiscale une définition des droits d'auteur qui diffère de celle de la législation de base.

M. Van Den Driessche pense qu'il faut prévoir un régime spécial. Seulement, il souhaite disposer d'un calcul exact du coût prévu et demande à cet effet l'avis de la Cour des comptes.

Le président se demande dans quelle mesure il est opportun d'étaler les revenus. Il s'interroge également sur le risque plus ou moins élevé de voir se produire un effet de cascade. Dans quelle mesure d'autres groupes d'artistes professionnels revendiqueront-ils une extension du système ? Dispose-t-on de chiffres exacts sur la répartition des différents groupes de revenus chez les auteurs ?

Le représentant du ministre estime que pour déterminer le champ d'application des dispositions proposées, le mieux est de se reporter à la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins.

En ce qui concerne la demande d'avis à la Cour des comptes, l'intervenant relève que les chiffres ne sont pas indiqués séparément dans les déclarations. Dès lors, la Cour des comptes n'est pas en mesure de réaliser un calcul ou une extrapolation exacte. L'organe le plus indiqué pour effectuer ce genre de calculs est donc l'administration fiscale, qui a fait appel pour son estimation aux chiffres provenant directement du secteur.

En ce qui concerne l'instauration d'une certaine progressivité dans les taux d'imposition, le représentant du ministre souligne qu'elle romprait le lien avec les revenus mobiliers. Si l'on veut par contre conserver ce lien, le taux le plus logique est 15 %, comme pour les autres revenus mobiliers. Dans cette optique, l'intervenant préconiserait donc plutôt de faire varier le montant des frais forfaitaires. Il faut cependant être attentif au fait que les auteurs voudront peut-être bénéficier plusieurs fois de la première tranche la moins imposée. Si l'on voulait en outre instaurer une première tranche non imposée, on pourrait appliquer des frais forfaitaires de 100 %. Une méthode qui n'est pas vraiment cohérente du point de vue fiscal. Dans ce sens, il est plus opportun d'instaurer une quotité exonérée d'impôt.

Au sujet de l'étalement des revenus dans le temps, le représentant du ministre relève que cette démarche n'est intéressante que pour des revenus professionnels qui sont imposés de manière progressive. En revanche, si tous les revenus sont soumis au même taux d'imposition, l'étalement est inutile.

M. Dallemagne déclare qu'il ressort des auditions que six catégories d'imposition distinctes sont actuellement utilisées et que certaines d'entre elles sont jusqu' ici cataloguées comme revenus professionnels. Si elles concernent la cession et la licence, elles appartiennent à la catégorie des droits d'auteur. Si elles se rapportent à l'exécution ou à l'exploitation, elles relèvent alors de la catégorie des revenus professionnels.

En outre, l'intervenant propose que l'auteur se limite rigoureusement à la catégorie des droits d'auteur et adapte son texte en ce sens. Dans ce cas toutefois, une grande partie des problèmes auxquels sont confrontés les artistes à l'heure actuelle, ne sera pas réglée. Les artistes ne bénéficient pas d'un plafond d'imposition de 33 % ni d'autres dispositions avantageuses, comme c'est le cas des sportifs professionnels depuis le mois de mai 2007.

M. Monfils n'est pas favorable à l'idée de modifier le champ d'application des dispositions proposées, car une telle modification impliquerait aussi, dans la plupart des cas, un report du vote. Il souhaite dès lors que le champ d'application reste limité aux droits d'auteur et aux droits voisins. Pour les peintres, les sculpteurs et les autres artistes, il y a lieu de faire appel à une autre réglementation.

Enfin, il souligne que dans sa proposition, il entend précisément rompre le lien avec l'article 37 du CIR, tandis que l'amendement de M. Dallemagne vise au contraire à maintenir ce lien.

M. Roosen affirme qu'à l'heure actuelle trois taux d'imposition différents peuvent être appliqués aux droits d'auteur, en fonction du cadre professionnel ou privé et en fonction de l'existence d'un contrat de cession ou de licence. Cette classification et ses conséquences engendrent beaucoup d'insécurité et de litiges juridiques, alors qu'il s'agit de très petits montants. L'orateur demande que l'on y mette un terme et qu'il ne subsiste plus qu'une seule catégorie pouvant être soumise à un impôt progressif par le biais des frais ou de la quotité de revenu exemptée. Il est en effet possible que ceux dont les revenus sont plus élevés paient proportionnellement plus d'impôts mais il est préférable que cela se fasse par d'autres moyens que par la distinction entre les revenus professionnels et les droits d'auteur.

L'orateur ajoute que la représentation de certaines oeuvres relève du champ d'application de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins. Elle est considérée comme un revenu mobilier. Aussi le débat doit-il porter sur la distinction fiscale ou non entre les droits d'auteur et les droits voisins dans le cadre professionnel et dans le cadre privé.

L'orateur fait également remarquer que beaucoup d'auteurs demandent avec insistance de pouvoir obtenir un contrat de travail régulier et que l'ingénierie fiscale restera dès lors limitée. De surcroît, les auteurs sont généralement liés à un éditeur. En conséquence, ils ne bénéficieront dans la pratique qu'une seule fois de la quotité de revenu exemptée.

Le président conclut qu'un groupe de travail informel de collaborateurs élaborera une proposition commune tenant compte des observations juridiques et des remarques de fonds.

Pour résumer, M. Monfils déclare que les décisions de base se concentrent sur la détermination des taux d'imposition, d'une part, et sur les montants et les pourcentages des frais forfaitaires, d'autre part. Par ailleurs, il faut encore apporter un certain nombre d'améliorations techniques.

Mme de Bethune considère également qu'il est préférable de préciser encore un certain nombre d'éléments au préalable. Elle indique ainsi qu'il est actuellement impossible, sur le plan technico-juridique, de combiner un précompte mobilier libératoire et des frais forfaitaires dégressifs. Est-il possible de chercher une autre solution ?

M. Monfils renvoie à l'accord de gouvernement, dans lequel ce dernier déclare également vouloir aboutir à une solution et invite le parlement à prendre une initiative à cet effet. L'intervenant marque dès lors son accord sur la réunion de travail technique.

Le représentant du ministre souhaite formuler deux remarques techniques: si une retenue est effectuée à la source sous la forme d'un précompte mobilier, ce dernier ne peut pas varier en fonction du montant des revenus. L'on peut éventuellement travailler avec le système des frais déductibles, mais cela constitue un problème du point de vue technique. Ou bien il faut renoncer à l'application de l'article 313 du CIR 1992 et prélever le précompte sur l'ensemble des revenus par le biais de la déclaration fiscale après déduction des frais, ou bien l'article 313 reste d'application, le précompte mobilier est libératoire et il n'est plus possible de déduire des frais par la suite.

IV. Discussion des articles

M. Monfils déclare que le groupe de travail instauré lors de la discussion de ces propositions le mercredi 19 mars dernier est arrivé à un accord. Il estime que l'ensemble des demandes de chacune des parties a été pris en compte sans remettre en cause la philosophie de la proposition de loi.

Les amendements repris dans le document nº 4-119/4 ne sont que la traduction des accords passés avec un certain nombre de groupes politiques demandeurs de certaines adaptations. Ces amendements ont été examinés par le cabinet du ministre des Finances, qui est toujours d'accord sur le système y proposé.

Il y a eu d'abord une intervention du groupe cdH concernant la technique utilisée. Finalement, il a été décidé de changer la technique. On ne fait plus référence à l'article 90 du CIR92, mais il a été convenu d'insérer la disposition à l'article 17, § 1er, du même Code. Ceci a entraîné évidemment des modifications subséquentes à d'autres articles. De plus, la solution retenue éclaircit la donne. L'intervenant renvoie à la justification des amendements en question. Il s'agit maintenant de revenus mobiliers et non plus de revenus divers à caractère mobilier.

Deuxièmement, le groupe socialiste a insisté pour que l'on incorpore un certain degré de progressivité dans la fiscalité des droits d'auteur et des droits voisins. À cet effet, l'amendement nº 21 propose d'apporter une série de modifications au chapitre Ier, section III, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, du 27 août 1993. M. Monfils fait remarquer que le service Évaluation de la législation du Sénat attire très justement l'attention sur le fait qu'il n'est pas opportun que le législateur modifie directement lui-même des règles établies par le pouvoir exécutif. Ceci n'empêche pas toutefois, d'un point de vue purement juridique, que le législateur puisse modifier les arrêtés royaux. C'est pour respecter l'accord conclu au sein du groupe de travail que cet amendement nº 21 a été introduit. Si on le retirait, il faudrait au minimum qu'il y ait un engagement précis, ferme et définitif du ministre des Finances, de prendre un arrêté royal au lendemain de la mise en vigueur de la loi.

Le troisième problème a été soulevé par le groupe CD&V-N-VA. Celui-ci voudrait qu'à un moment donné, les avantages des 15 % et des quotités exemptés à l'impôt s'arrêtent. Il faudrait revenir au système normal d'imposition à partir d'un certain seuil de revenus. Le montant de 50 000 euros (après indexation) a été retenu à cette fin. Pour tenir compte des indexations à partir de 1992, ce chiffre a été ramené à 37 500 euros (non indexés).

Personnellement, M. Monfils aurait préféré maintenir le système de revenus mobiliers jusqu'au bout. En effet, il n'y aura même pas 100 déclarations qui dépasseront ce seuil de 50 000 euros après indexation. D'ailleurs, si les personnes en question jugent la taxation de leurs revenus moins intéressante qu'ailleurs, elles vont se domicilier à l'étranger ou s'établir sous forme de société.

Dès lors que le système préconisé par l'amendement nº 19 est fondé sur l'article 17 du CIR92 et non plus sur l'article 90 du même Code, les problèmes concernant les doubles impositions, etc., ne se posent plus. Par conséquent, une série d'articles y relatifs peuvent être supprimés.

Au total, on s'est efforcé de donner satisfaction à tous ceux qui avaient fait des remarques sur le fond, sans pour autant toucher à l'économie générale, qui est d'octroyer un avantage particulier aux créateurs.

À propos de l'amendement nº 22 à l'article 4, l'intervenant souligne que les mots « ces capitaux et biens mobiliers » qui se retrouveront dorénavant à l'alinéa 3 (ancien alinéa 2) de l'article 37 du CIR92, sont bien les capitaux et biens mobiliers visés à l'alinéa premier de cet article et non pas les seuls revenus visés à l'alinéa 2 (nouveau).

Une fois ce texte en vigueur, M. Monfils compte bien en vérifier l'application. Il importera de voir ce que la mesure donne au niveau financier. Bien entendu, s'il y avait lieu de corriger des dysfonctionnements éventuels ou si la loi était contournée par le biais d'une mauvaise interprétation, il serait demandé au gouvernement de modifier le système mis au point ici.

M. Van Nieuwkerke déclare que son groupe marque son accord sur les amendements proposés dans le document nº 4-119/4 et il se réjouit qu'ils prévoient une progressivité de l'impôt.

M. Van den Driessche souligne de son côté que son groupe souscrit à la plupart des nouveaux amendements. Il se réjouit surtout que l'on ait réalisé une percée dans ce dossier, que l'on ait convenu d'un forfait, que l'on applique un taux unique de 15 %, etc. En revanche, son groupe n'est pas acquis à l'idée de pouvoir déduire des frais professionnels en plus du forfait. Il rejette donc l'amendement nº 20 qui instaure un article 3 nouveau visant à adapter l'article 22, § 3, du CIR92. L'application de frais forfaitaires a en effet pour conséquence que le contribuable doit à nouveau déclarer les revenus à l'impôt des personnes physiques s'il veut récupérer ses frais forfaitaires. L'avantage du caractère libératoire du précompte professionnel est ainsi totalement perdu et le régime fiscal proposé est rendu inutilement plus complexe.

L'intervenant relève en outre que si l'amendement nº 20 est rejeté, comme le suggère son groupe, l'amendement nº 21 qui modifie l'arrêté royal d'exécution du CIR92 devient sans objet. Le rejet de l'amendement offre aussi l'avantage de réduire à néant les objections juridiques au fait qu'une loi modifie un arrêté royal.

M. Monfils rétorque que, depuis très longtemps, on estime qu'il fallait faire un effort au niveau des tout petits revenus de droits d'auteur. C'est pour cette raison que l'on propose d'utiliser le système préconisé ici. La notion des frais professionnels a été retenue pour aboutir au début à moins de 15 %. C'était une revendication de certains groupes politiques, que M. Monfils partageait personnellement.

Initialement, la proposition était très simple: 15 % de précompte mobilier libératoire pour tous les créateurs concernés.

Par la suite, on a commencé à négocier. Les uns voulaient un plafond, les autres souhaitaient que l'accent soit mis sur les petits revenus. De fil en aiguille, on est arrivé à une situation de moins de 15 % pour les petits revenus avec une limite aux revenus soumis au précompte libératoire. M. Monfils propose donc de s'en tenir au consensus trouvé au sein du groupe de travail.

M. Duchatelet pense que l'essentiel est d'aboutir à un résultat efficace. Il adhère aussi bien aux arguments de M. Monfils qu'à ceux de M. Van den Driessche. Cela étant, lui aussi estime que l'accord conclu précédemment doit être respecté.

Mme Vienne voit mal comment elle pourrait se rallier à la demande de rejet des amendements nos 20 et 21 alors que l'on avait conclu un accord précédemment.

M. Van den Driessche reconnaît qu'un accord avait été trouvé sur de nombreux points, mais conteste que la question des frais professionnels ait fait l'unanimité.

M. Monfils réplique que le groupe de travail n'a pas abordé la question spécifique des frais professionnels. En revanche, il a été donné suite à la demande du CD&V-N-VA visant à plafonner les revenus bénéficiant du précompte libératoire. D'autres groupes n'y étaient pas tellement favorables. Mais ils se sont inclinés pour pouvoir arriver à un consensus.

Le ministre déclare qu'il soutient les adaptations proposées, le champ d'application étant limité aux droits d'auteur et aux droits voisins.

Enfin, le ministre tient encore à signaler que les dispositions qui visent, d'une part, à instaurer un forfait pour les frais et, d'autre part, à introduire un plafond au-delà duquel les droits d'auteur seront taxés différemment, posent problème. En ce qui concerne le forfait pour les frais, l'intervenant souligne que la quotité actuellement exonérée offre une alternative et qu'il est plutôt partisan de cette technique existante qui prévoit une immunisation fiscale jusqu'à hauteur de 6 400 euros. En ce qui concerne le plafond, l'intervenant observe qu'au-delà d'une certaine somme, les droits d'auteur perdront leur caractère de revenus mobiliers. Le ministre se demande par ailleurs si cette technique résistera au contrôle constitutionnel.

Le ministre ajoute que les dispositions proposées n'impliqueront ni frais supplémentaires ni manque à gagner pour l'État fédéral.

V. Votes

Article 1er

Cet article est adopté par 12 voix et 1 abstention.

Article 2

M. Monfils et consorts déposent un amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 4-221/3) visant à remplacer l'article 2 proposé en vue de permettre la création d'une nouvelle catégorie de revenus mobiliers.

L'amendement est adopté par 14 voix et 1 abstention.

L'article 2, ainsi amendé, est également adopté par 14 voix et 1 abstention.

Article 3

M. Monfils et consorts déposent un amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 4-221/3) tendant à insérer une disposition permettant aux auteurs de déduire leurs frais professionnels.

Mme Schelfhout déplore que l'on instaure un taux fixe de 15 % et que l'on permette encore ensuite de porter en déduction des frais professionnels forfaitaires. Elle souligne que cela réduit à néant l'avantage du caractère libératoire du précompte mobilier.

L'amendement est adopté par 11 voix contre 4 et 1 abstention.

L'article 2, ainsi amendé, est également adopté par 11 voix contre 4 et 1 abstention.

Article 4

M. Monfils et consorts déposent l'amendement nº 22 (doc. Sénat, nº 4-221/3) visant à remplacer l'article 4 proposé, afin que les revenus qui sont recueillis à l'occasion de la cession ou de la concession de droits d'auteur et de droits voisins et qui sont inférieurs au montant de 37 500 euros, conservent leur qualité de revenus mobiliers.

L'amendement est adopté par 15 voix et 1 abstention.

L'article 4, ainsi amendé, est également adopté par 15 voix et 1 abstention.

Article 5

M. Monfils et consorts déposent l'amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 4-221/3) qui tend à remplacer l'article 5 proposé pour permettre de régler l'entrée en vigueur de la loi.

L'amendement est adopté par 15 voix et 1 abstention.

L'article 5, ainsi amendé, est également adopté par 15 voix et 1 abstention.

Articles 6 à 10

M. Monfils et consorts déposent l'amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 4-221/3) qui vise à supprimer les articles 6 à 10 proposés.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 16 membres présents.

En conséquence, les articles 6 à 10 sont supprimés.

Article 11 (nouveau)

M. Monfils et consorts déposent l'amendement nº 21 (doc. Sénat, nº 4-221/3) qui vise à modifier l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 afin de pouvoir fixer le montant des frais forfaitaires de manière dégressive suivant deux tranches de revenus.

Mme Schelfhout renvoie à la remarque qu'elle a faite précédemment à propos de l'article 3. De plus, selon elle, ce n'est pas une bonne idée de modifier un arrêté royal par une loi.

L'amendement est adopté par 11 voix contre 4 et 1 abstention.

VI. Vote final

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté par 15 voix et 1 abstention.

Par suite de l'adoption de la proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins, déposée par M. Monfils, la proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins (doc. Sénat, nº 4-417/1) devient sans objet.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 10 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Berni COLLAS. Wouter BEKE.

Texte adopté par la commission (voir le doc. Sénat, nº 4-119/6 - 2007/2008)


ANNEXE


Finances et Affaires économiques

Mercredi 20 février 2008

réunion à 10 heures 25 — Salle K

Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins (de M. Philippe Monfils, doc. 4-119/1 et 2)

Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992 afin d'introduire un régime de taxation distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins (de M. Bart Martens et consorts, doc. 4-417)

Présidence de M. Wouter Beke

Audition

— de maître Ariane Brohez, cabinets d'avocats Loyens;

— de M. Luc Van Oycke, directeur SABAM;

— de M. Tanguy Roosen, directeur juridique SACD-SCAM;

— de MM. Pierre-Martin Huts, directeur juridique, et Pierre Burnotte, administrateur délégué, SMART ASBL;

— de M. Kurt Van Damme, juriste Boek.be, et administrateur délégue Ruit, beheersvennootschap van de Vlaamse Uitgevers;

— de maître Sylvie Van Herreweghe, association d'avocats Afschrift;

— de M. Luc Gulinck, représentant de URADEX;

— de M. Maarten Quaghebeur, président de Music Managers Federation.

M. Tanguy Roosen. — Je voudrais tout d'abord remercier très sincèrement M. Monfils, qui a suggéré d'organiser cette audition en matière de fiscalité des droits d'auteur et des droits voisins, ainsi que le président de la commission, qui a accepté d'organiser cette audition.

Je commencerai par une brève présentation de la SACD, de la SCAM et de la SOFAM, les trois sociétés belges de gestion collective de droits d'auteur, qui regroupent quelque 7 000 auteurs. La SACD gère principalement les répertoires des oeuvres audiovisuelles et sonores de fiction, et le répertoire du spectacle vivant, la SCAM gère principalement les répertoires des oeuvres audiovisuelles et sonores documentaires, et le domaine de l'édition, notamment la littérature de fiction et scientifique ainsi que la bande dessinée. Enfin, la SOFAM gère principalement les répertoires photographiques et des arts graphiques et plastiques. Nous sommes donc spécialisés dans ces différents secteurs d'activité, ce qui nous permet d'avoir une bonne vision de l'économie propre à ce domaine.

Depuis 1999, les différents gouvernements se sont intéressés au statut social des artistes. Des avancées significatives ont été enregistrées dans ce domaine. Par contre, le statut fiscal n'a été que très modestement abordé par les précédents gouvernements et par les différents parlements, puisque seule une loi relative à la taxation du régime des petites indemnités a été votée. Cette loi ne couvre que des prestations artistiques de faibles montants.

Depuis 2001, la SACD et la SCAM ont formulé aux gouvernements différentes propositions en matière de fiscalité des droits d'auteur. Bien que des propositions aient été déposées à la Chambre sous la précédente législature, notamment par M. Monfils, mais aussi par des représentants du parti socialiste et du sp.a, Valérie Déom et Anne-Marie Baeke, bien que certains parlementaires se soient vivement intéressés à cette question de la fiscalité des droits d'auteur, bien que la loi-programme contienne une disposition permettant de réduire de 80 % la base taxable des royalties provenant de brevets, ce qui constitue quand même une mesure très dynamique en matière de fiscalité, et bien que les sportifs rémunérés aient bénéficié d'un régime social et fiscal sous la précédente législature, les droits d'auteur restent sur le côté pour le moment.

Pourquoi une fiscalité des droits d'auteur ? Pour des raisons politiques: En 1995, la Commission européenne constatait que le développement de la société de l'information nécessitait une utilisation croissante des œuvres. De fait, on constate aujourd'hui que tous les opérateurs de télécom, les télévisions, les sites internet, bref, que toute la chaîne technologique de la société de l'information utilise de manière croissante des œuvres et des prestations artistiques: des films, des textes, des photos, etc.

Or, si les œuvres connaissent une exploitation croissante, on constate dans le même temps l'absence d'augmentation proportionnelle des rémunérations des auteurs et des artistes interprètes, en Belgique en tout cas, mais cela vaut pour l'Europe en général. Au contraire, au vu des situations individuelles, on constate que la rémunération des auteurs a stagné, voire diminué, en tout cas dans tous les domaines d'activité que nous couvrons: audiovisuel, littérature, spectacle vivant et arts graphiques. Il est très difficile de maintenir le même niveau de rémunération, et cela sans même tenir compte de l'indexation.

Il faut donc prendre des mesures très claires pour essayer de favoriser un secteur en développement permanent. Il suffit pour s'en rendre compte de prendre en considération les succès obtenus en matière cinématographique ou encore dans le domaine de la littérature: les auteurs belges et les artistes interprètes belges sont reconnus dans le monde entier. Malheureusement, leur rémunération n'a pas augmenté. Vous me direz que le secteur de la culture relève des Communautés. C'est exact, mais il appartient, selon nous, aux différents niveaux de pouvoir de prendre toutes les mesures relevant de leurs propres compétences pour favoriser le développement de la création par des mesures concrètes.

Et le pouvoir fédéral peut prendre des mesures en matière sociale, ce qu'il a fait. Il peut aussi prendre des mesures en matière fiscale, ce qu'il doit faire. Ces mesures fiscales doivent tendre à une simplification du régime fiscal. En effet, aujourd'hui, la déclaration des droits d'auteur est extrêmement difficile. De plus, il faut favoriser un taux adapté de taxation des revenus de droits d'auteur.

Des raisons juridiques militent aussi en faveur d'une modification de la législation. Les droits d'auteur perçus par des auteurs ne sont pas le fruit d'un travail ou d'une prestation. Ils sont le fruit de l'exploitation d'œuvres et de prestations. La Cour de cassation a confirmé cette interprétation ainsi que la loi belge sur le droit d'auteur: les droits d'auteur sont des revenus patrimoniaux, ce sont des revenus mobiliers.

Malheureusement, lorsqu'un auteur touche des droits d'auteur, il a cinq possibilités de les déclarer en tant que personne physique. On ne parle même pas des auteurs qui se sont constitués en société, dont le nombre est réduit. Selon que vous exercez votre activité de créateur dans le domaine professionnel ou dans la sphère privée, occasionnelle, à titre amateur, vous avez déjà deux manières de déclarer vos revenus. En outre, le type de contrat que vous avez conclu avec votre cocontractant joue également un rôle: s'agit-il d'un contrat de cession, équivalant à une vente, ou d'un contrat de concession, équivalant à une location ?

Vous avez donc diverses possibilités de déclarer vos droits d'auteur, avec autant de risques d'entrer en conflit avec l'administration fiscale. Et ces conflits sont réels. Le premier gros souci d'un auteur concerne donc la déclaration des droits d'auteur.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l'auteur et l'artiste-interprète exploitent très rarement leurs propres œuvres. La plupart du temps, les modèles économiques et juridiques impose que l'auteur ou l'artiste interprète, cède ou concède ses droits d'auteur à son cocontractant, lequel les exploite et ce, dans tous les secteurs d'activité font que l'auteur, qu'il s'agisse dans le secteur audiovisuel, littéraire, journalistique ou autre .... Le cocontractant peut être une télévision, un producteur de films, un éditeur, un distributeur. Il existe une chaîne d'exploitation extrêmement développée qui assure l'exploitation des droits d'auteur, tandis que l'auteur lui-même attend entre le 30 juin et le 30 novembre, comme le prévoient la plupart des contrats, que ses éventuels droits d'auteur lui soient versés. Les droits provenant de la gestion collective sont versés à des moments déterminés de l'année, sans, à nouveau, que le montant de ceux-ci puisse être calculé en début d'année puisque cela dépend de l'exploitation des œuvres, du paiement des droits par les utilisateurs et de la répartition des droits.

L'imprévisibilité et le caractère aléatoire des droits posent des questions très complexes quant à la progressivité de l'impôt. En effet, l'auteur ne peut pas connaître en début d'année le montant des droits d'auteur qu'il percevra en fin de compte chaque année. La situation peut varier très sensiblement d'une année à l'autre. Ainsi, lorsqu'il est en phase de création, l'auteur perçoit peu de droits d'auteur. Il se peut que son œuvre ne soit exploitée que un ou deux ans après sa création et, comme l'exploitation d'une œuvre est souvent très morcelée, le montant des droits peut varier beaucoup en fonction du succès remporté par l'œuvre ou du professionnalisme des intervenants. Le deuxième souci rencontré par les auteurs est donc la taxation des droits d'auteur, variables et imprévisibles.

Lorsqu'on parle d'une réforme de l'État, on parle d'argent. Est-il en l'occurrence réellement question de 200 ou 300 millions d'euros de droits d'auteur annuels ? Les sommes en jeu sont bien plus raisonnables en Belgique. Ainsi, la SACD, qui a un chiffres a d'affaires de 156 millions d'euros dans l'Europe entière, répartit aux auteurs belges entre 3 et 4 millions d'euros par an pour le spectacle vivant et l'audiovisuel. Quant à la SCAM, elle répartit entre 1 et 1,3 million d'euros par an à des auteurs belges. La SABAM vous communiquera ses chiffres tout à l'heure. Un grand éditeur belge m'a révélé qu'il répartissait 1 million d'euros de droits d'auteur à ses auteurs, personnes physiques. Les montants répartis aux auteurs ne sont pas importants et une modification du régime de taxation n'aurait donc pas une très grande incidence. À mon avis, si l'on considère que ce secteur d'activité génère au maximum entre 50 et 60 millions d'euros de droits d'auteur versés à des personnes physiques, on est déjà au-delà de la réalité.

Voici quelques autres chiffres. Vous constaterez que ceux de la SABAM sont similaires.

Entre 97 et 98 % des auteurs de la SACD et de la SCAM touchent moins de 20 000 euros par an. Entre 93 et 96 % des auteurs de la SACD et de la SCAM touchent moins de 10 000 euros par an. La plupart des auteurs rémunérés par le biais de la gestion collective touchent donc moins de 10 000 à 20 000 euros. Quelques auteurs font exception et touchent entre 50 000 et 100 000 euros mais dans ce cas, les intéressés passent en société, comme n'importe quel autre indépendant, pour optimiser leur situation fiscale. La présente discussion porte sur la fiscalité de personnes qui perçoivent au maximum 30 000 à 40 000 euros. Or, en Belgique, très peu perçoivent de telles sommes.

Nos propositions sont simples: une case fiscale réservée aux droits d'auteur, sans plus de distinction entre les revenus professionnels, semi-professionnels, amateurs, les cessions, les licences et les concessions. Il n'y aurait qu'une case pour les droits d'auteur, un taux d'imposition moyen ou fixe de plus ou moins 15 %, un précompte mobilier libératoire qui permet à l'État d'en toucher plus rapidement le montant et aux auteurs d'être débarrassés des questions administratives relatives à la déclaration de leurs revenus aux gouvernements, et une exonération des prix et des subsides. Aujourd'hui, il existe des exonérations partielles qui sont difficiles à appliquer.

Je souhaite commenter brièvement les différentes propositions de loi. Celle de M. Monfils prévoit une case pour les droits d'auteur, un taux d'imposition de 15 %, des frais forfaitaires et un précompte mobilier libératoire. C'est le système le plus simple mais il comporte une subtilité: seuls les frais liés aux exploitations audiovisuelles bénéficieraient d'une déduction forfaitaire. Il conviendrait d'étendre les déductions forfaitaires de frais pour les droits d'auteur à l'ensemble des domaines du droit d'auteur.

La proposition déposée par Mme Vienne, M. Martens et consorts est assez proche de celle du MR en ce sens qu'elle prévoit également une case pour les droits d'auteur. Par contre, elle prévoit un taux d'imposition progressif par tranche, tant pour le taux d'imposition que pour les frais à déduire. Ce système est plus complexe à appliquer. La proposition ne prévoit cependant pas de précompte mobilier libératoire, un point sur lequel il faut insister.

Enfin, la proposition de M. Dallemagne est sans doute la plus complexe. Elle supprime la distinction entre les revenus de cessions et de concessions, ce qui est une bonne chose, mais elle réintroduit une distinction entre les revenus professionnels et les revenus non professionnels, en établissant des critères très difficiles à appliquer, entre autres l'exécution et la reproduction d'une œuvre ainsi que sa promotion. Or, par essence, une œuvre est destinée à être reproduite et exécutée. Enfin, je vois peu d'auteurs, amateurs ou professionnels, qui ne font pas la promotion de leurs œuvres. Les critères de distinction entre les revenus professionnels et amateurs nous paraissent très compliqués. Le taux d'imposition est de 15 % pour les revenus amateurs et de 33 % maximum pour les revenus professionnels.

Un point important de cette proposition est l'exonération des subsides et prix, l'exonération étant complète lorsque les sommes proviennent des autorités publiques.

Le grand point commun entre les différentes propositions est la prise en considération des particularités du droit d'auteur. C'est un point commun qui est très important.

Il n'y a plus de distinction entre les cessions et les concessions de droits d'auteur. C'est un autre point très important.

Ce sont bien les revenus provenant de l'exploitation des œuvres et des prestations visées par la loi sur le droit d'auteur du 30 juin 1994 qui sont concernés aux gouvernements. C'est encore un point très important.

En revanche, un travail important doit être réalisé par la commission pour essayer de rassembler les différentes propositions et arriver à des taux d'imposition raisonnables permettant de prendre en considération la nature mobilière des revenus.

Sur ce point, nous avons déposé un dossier qui reprend nos différentes propositions, un commentaire des lois et une comparaison des différentes propositions se trouvant actuellement sur la table.

Nous restons à la disposition de la commission pour toute autre information qu'elle souhaiterait obtenir sur le sujet.

Mme Ariane Brohez. — Parmi les orateurs d'aujourd'hui se trouvent divers représentants du secteur qui vous expliqueront, comme l'a déjà fait M. Roosen, les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés les auteurs et les artistes en matière fiscale. Ces interventions auront pour but de vous présenter la réalité du secteur.

Si une majorité se dégage au sein de votre commission, mesdames et messieurs les sénateurs, pour dire qu'il convient de modifier le régime fiscal actuel et de prévoir un régime spécifique pour les auteurs, il vous appartiendra d'amender les propositions de loi déposées aujourd'hui.

Une question de technique fiscale se posera à ce moment: Comment ferez-vous pour intégrer un régime fiscal spécifique dans le Code des impôts sur les revenus tel qu'il existe ?

Il ne faut pas, à mon sens, essayer de réinventer la roue. Des principes fiscaux très clairs existent et « il suffit » de les appliquer aux artistes.

Le premier principe fiscal que nous connaissons est que le droit civil — le droit comptable — s'impose au droit fiscal, sauf si ce dernier y déroge.

Pour les droits d'auteur, nous disposons d'une loi civile, à savoir la loi du 30 juin 1994 sur les droits d'auteur et les droits voisins, qui définit le droit d'auteur comme « un droit patrimonial de nature mobilière ». Il me semble dès lors inutile d'élaborer une nouvelle définition fiscale du droit d'auteur puisqu'une loi est très claire à cet égard. L'ensemble des propositions fiscales qui vous sont soumises à l'heure actuelle reprennent cette définition.

Cette loi civile ajoute un élément très important: il s'agit d'un droit de nature mobilière. En droit fiscal, la première démarche à accomplir, que l'on retrouve d'ailleurs dans les propositions de loi qui vous sont présentées, est la reconnaissance du caractère mobilier du droit d'auteur.

Comme l'a dit M. Roosen, en droit fiscal, différentes qualifications sont possibles: revenus divers, revenus mobiliers, revenus professionnels. En droit fiscal, on prévoit, dans les propositions qui vous sont soumises, une catégorie nouvelle de « revenus divers à caractère mobilier ». On reconnaît ainsi un caractère mobilier aux revenus dont question et on peut les soumettre à un régime spécifique applicable aux revenus mobiliers.

Quand on examine notre Code fiscal, on constate que le régime naturel applicable aux revenus mobiliers est un précompte mobilier libératoire.

La personne qui paie les revenus à l'auteur retient alors l'impôt au moment du paiement et le verse directement à l'État belge. L'auteur touche quant à lui un montant net et n'est pas obligé de le consigner dans sa déclaration fiscale. Il s'agit du régime applicable à tous les revenus mobiliers en Belgique. Il est aussi le plus simple. Si vous choisissez cette voie du précompte mobilier libératoire, vous devrez fixer le taux. Il s'agit d'un choix politique que vous devrez poser.

Ce précompte pose toutefois un problème: l'absence de progressivité. On entend souvent que cette dernière est nécessaire dans l'impôt afin que soient frappées d'une imposition plus importante les tranches de revenus plus élevées. Comme l'a indiqué M. Roosen et comme le démontrera M. Van Oycke, la majorité des tranches se situent entre 10 000 et 20 000 euros pour les droits d'auteur versés à des personnes physiques. Il ne s'agit donc pas de tranches très élevées. Par ailleurs, il serait possible d'instaurer une progressivité en jouant sur des frais forfaitaires mais, d'un point de vue technique et pratique, vous ne pouvez combiner un précompte mobilier libératoire avec une progressivité de l'impôt. En effet, un auteur peut être affilié à plusieurs sociétés de droits. La combinaison précitée obligerait un auteur, une fois passé un seuil de revenus, à demander à l'une ou l'autre des sociétés qui lui paient des droits de retenir un précompte plus élevé. Cette solution est donc impensable.

Il existe une alternative si vous souhaitez introduire cette progressivité et renoncer au précompte mobilier libératoire, qui est pourtant le régime naturel des revenus mobiliers. Cette alternative consiste à obliger les artistes à consigner ces revenus dans leur déclaration fiscale. Il s'agit d'un choix politique. Vous devez être toutefois conscients de ses conséquences pour l'État belge. Dans un système de précompte mobiliser libératoire, le contrôle est assuré par les sociétés de gestion et l'État perçoit l'impôt immédiatement. Par contre, dans un système de déclaration fiscale, le contrôle est effectué par l'État qui doit vérifier le caractère correct des déclarations et ne perçoit l'impôt afférent aux revenus qu'avec un peu plus d'un an de retard. D'un point de vue technique, il est donc possible de suivre cette voie mais, d'un point de vue pratique, ce système est probablement plus difficile pour les artistes. Vous devez donc poser un choix politique. Vous devrez également décider qui sera responsable du contrôle et si vous acceptez que l'État perçoive avec retard le paiement de ces impôts.

Avec le précompte mobilier libératoire, l'impôt est perçu immédiatement et la responsabilité est accrue dans le chef des sociétés de gestion qui devront retenir l'impôt et le verser à l'État. D'un point de vue strictement technique, il conviendra de revoir les dispositions de l'arrêté royal d'exécution du Code relatives à l'exemption et à l'exonération afin que les sociétés qui perçoivent des droits d'auteur restent soumises à l'impôt des sociétés. On pourra prévoir pour elles une exemption de précompte mobilier.

Pour les ASBL qui perçoivent des revenus de droits d'auteur en tant que revenus propres, il faudra prévoir un précompte mobilier dans leur chef à l'instar de ce qui est prévu pour les personnes physiques dans les codes. Par contre, pour les ASBL ou d'autres sociétés comme la SACD qui perçoivent des revenus destinés à être redistribués à leurs membres, il est clair que ces revenus ne doivent être taxés qu'une seule fois, donc il n'y aura pas de retenue de précompte lors du versement à la SACD ou à l'ASBL mais il y aura une telle retenue au moment du versement aux membres.

Voilà fait le tour des points techniques. Bien entendu, s'il reste des questions nous sommes à votre disposition pour y répondre.

M. Pierre-Martin Huts (SMART ASBL). — Je représente l'association sans but lucratif SMART. C'est une association professionnelle d'artistes qui compte à ce jour plus de dix-sept mille membres actifs dans tous les secteurs des arts: il y a des plasticiens, des interprètes, des cinéastes, des techniciens du spectacle, ... Ces personnes sont concernées par le statut social des artistes et par le statut fiscal des artistes en discussion.

Nous avons travaillé avec plusieurs partis à l'élaboration du statut social. Je vous rappelle que c'est la loi-programme du 24 décembre 2002 qui a clarifié le statut social des artistes et instauré une sécurité juridique pour les artistes en Belgique.

Avec la SABAM, la SACD, la SOFAM et d'autres sociétés qui travaillent avec des artistes, nous relayons un constat: la nécessité de prendre mieux en compte la capacité contributive des artistes belges et de mettre fin à une grande insécurité juridique sur le plan fiscal. M. Roosen a expliqué les différentes possibilités de taxation des revenus de droits d'auteur et de droits voisins. Tous les jours, nous recevons des gens qui nous interrogent sur le mode de taxation parce qu'ils sont en conflit avec l'administration, voire en litige devant les cours et tribunaux.

En tant qu'association socioprofessionnelle, nous avons collaboré à l'élaboration, avec la SABAM et maître Brohez, à ce qui est devenu la proposition Monfils. Nous voulions un système clair et simple; c'est pourquoi nous avons proposé d'isoler la taxation des droits d'auteur et des droits voisins dans une catégorie particulière pour éviter l'espèce de « shopping » qui existe aujourd'hui. Cette catégorie est à créer comme catégorie nouvelle dans les revenus divers.

Comme nous travaillons avec des artistes, nous avions déterminé le champ d'application en fonction de celui du statut social des artistes. Il est apparu dans les discussions qu'il était possible de l'élargir, sans crainte de débordement, à l'ensemble des revenus de droits d'auteur et de droits voisins car les artistes ne sont pas les seuls à percevoir ce genre de revenus.

À la différence des autres propositions, nous avons opté, dans un but de simplicité, pour une retenue de précompte mobilier.

En effet, cette retenue est à l'avantage des artistes puisque c'est un débiteur redevable du précompte mobilier qui retient l'impôt, avec une responsabilité qui lui incombe, évidemment; il s'agit en général de sociétés de gestion collective ou d'un agent payeur. L'artiste quant à lui sera libéré de toute déclaration et formalité ultérieures. Pour une partie considérable des artistes, l'avantage est la simplicité. En effet, les conflits juridiques sont évités et les recettes de l'État sont rapides et sûres. Tel est l'objectif de la proposition que nous avions soutenue.

Vu votre intérêt à l'égard de cette problématique, nous nous réjouissons de voir aboutir une proposition hybride qui rassemble les intérêts de chacun.

À côté de la nécessité de mieux prendre en compte le statut fiscal des artistes, comme on le fait pour les sportifs ou d'autres catégories professionnelles, il convient de mettre en avant les situations individuelles. Il s'agit en général, comme M. Roosen l'a indiqué, de gens qui dépendent énormément de l'exploitation de leurs œuvres par des tiers. L'artiste va créer sans rémunération, ses revenus fluctueront ensuite selon qu'il s'adresse à une grande maison d'édition du type Dargaud ou à une petite maison d'édition. Ses revenus dépendront du travail effectué par le tiers et aussi d'autres aléas comme le succès, la mode, etc. Nous avons donc affaire à une catégorie fragilisée, sans certitude concernant ses revenus. Ce point me semble important, et nous y travaillons tous les jours.

Par ailleurs, on constate que d'autres pays ont pris en compte les particularités de cette catégorie de contribuables. Je pense notamment à la France et au Québec.

Enfin, je voudrais dire que je suis moi-même aux prises avec toute une série de dossiers actuellement en réclamation devant le directeur des contributions ou devant le tribunal. Il me semble que l'adoption d'une proposition de loi qui simplifie le régime de taxation est à l'avantage de la population des artistes et des autres bénéficiaires de droits d'auteur mais également de l'administration elle-même et, de manière générale, de l'économie de la création et de la connaissance.

M. Luc Van Oycke. — La société SABAM compte 30 000 membres, que je représente aujourd'hui, non seulement des artistes connus comme Axelle Red ou Arno, mais aussi beaucoup d'autres que l'on entend peu, qui ont moins de succès mais qui souhaiteraient jouir d'un revenu supplémentaire de droits d'auteur grâce à une meilleure taxation. Aujourd'hui, seuls dix ou quinze artistes vivent des droits d'auteur en Belgique.

La SABAM est une société multidisciplinaire, c'est-à-dire qu'elle s'occupe de la musique, des médias, des arts de la scène, du théâtre, de la littérature. Elle a un chiffre d'affaires de 232 millions d'euros.

Le total du secteur du droit d'auteur et droit voisin représente un chiffre d'affaires de 339 000 000 euros.

Sans Auvibel — la copie privée — et Reprobel — la reprographie — on arrive à 300 millions d'euros.

Je ne reviendrai pas sur les critiques relatives au statut fiscal qui est inexistant à l'heure actuelle. Ce que demandent les artistes, c'est une sécurité juridique et un système fiscal plus simple avec un précompte libératoire.

Nous vivons un moment historique. Je travaille dans le secteur depuis vingt-cinq ans. C'est la première fois que l'on est arrivé à un accord pratiquement unanime dans le secteur. Nous sommes vingt-cinq sociétés reconnues par le SPF Affaires économiques. Nous sommes aussi concurrents dans certains secteurs et, aujourd'hui, nous sommes tous sur la même longueur d'ondes, les artistes également, avec lesquels je discute régulièrement de leurs problèmes personnels.

Il faut savoir que la majorité des droits d'auteur perçus par la Sabam, à savoir 75 % de notre chiffre d'affaires, repart à l'étranger. Il suffit d'écouter la radio pour se rendre compte que le répertoire est plus anglo-saxon que belge, mais c'est un autre problème que nous n'évoquerons pas aujourd'hui. De ces 75 %, il nous reste donc 25 % pour nos 30 000 membres.

L'année dernière, la SABAM a payé environ 60 millions d'euros aux membres, mais il faut savoir que 63 % de cette somme ont été payés aux personnes morales, soit environ 37 millions d'euros. Les personnes morales sont principalement les gros toucheurs, mais aussi les sous-éditeurs — notamment EMI et Universal — qui représentent un important répertoire. Ceux-là ne sont évidemment pas pris en considération dans le projet fiscal.

Finalement, il s'agit d'un plan très social et les chiffres rejoignent ceux de la SACD. Nous constatons effectivement que 37 % des revenus reviennent aux personnes physiques et que 73 % de nos membres belges touchent moins de mille euros. Ce plan touche bien sûr de grands artistes connus dont j'ai cité quelques noms tout à l'heure, mais il concerne principalement des personnes pour lesquelles le droit d'auteur constitue un supplément de revenus.

J'ai également réalisé, avec M. Roland Rosoux du SPF Finances, une simulation financière du projet dont je pourrai vous parler tout à l'heure.

Enfin, pour que vous vous rendiez compte de l'urgence, les artistes ont eu une très bonne et une très mauvaise nouvelles en décembre.

Beaucoup d'interprètes ont reçu des droits de la société URADEX, qui est présente aujourd'hui, me semble-t-il. Les artistes étaient bien sûr très heureux mais, en l'absence de tout statut fiscal, la majorité des membres risque de passer dans une tranche d'imposition beaucoup plus élevée et de perdre une partie du salaire. Pourquoi ? Parce que les droits relatifs aux années 1995 à 2005 leur ont été payés en une seule fois. Imaginez un auteur qui attend son argent depuis dix ans, qui le reçoit le 31 décembre et qui, de ce fait, passe dans une tranche d'imposition plus élevée. Que dit le fisc ? Désolé.

À la suite de ces revenus inattendus, certains artistes vont peut-être perdre leurs allocations de chômage. Se pose donc là un problème.

URADEX n'a pas nié l'existence de problèmes mais estime qu'ils proviennent des autorités, raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui.

Il s'agit d'un cadeau empoisonné. À la suite de ce paiement tardif, les artistes n'ont plus la possibilité d'effectuer des versements anticipés ni d'imputer des frais supplémentaires déductibles.

Je me fais la voix de l'ensemble des artistes puisque la SABAM représente 75 à 80 % du secteur. Nous devons penser non seulement à nos artistes de renom mais également à tous les autres qui forment la majorité, qui souffrent et ne vivent pas du droit d'auteur à cause d'une taxation trop élevée, d'un système trop compliqué.

M. Kurt Van Damme. — Je m'exprime en tant qu'administrateur délégué de la société de gestion de l'association des éditeurs flamands, VUV/RUIT, mais aussi au nom de l'association des auteurs éducatifs et scientifiques flamands, VEWA, en l'absence du professeur Blanpain, et VAV. Je traduis ainsi le point de vue de la plupart des éditeurs et des auteurs flamands du monde du livre, qui représente quand même une partie importante de notre économie du savoir. Notre préoccupation est sans doute partagée par notre homologue francophone ADEB.

Cela fait un certain temps que nous réclamons un régime fiscal simplifié et une réglementation offrant une sécurité juridique tant à l'auteur qu'à l'éditeur. Lorsqu'un auteur ne sait pas comment ses revenus sont imposés, cela complique les négociations avec les maisons d'édition.

On ne souligne pas assez l'importance du droit d'auteur dans l'économie de la connaissance moderne. L'artiste a déjà un statut social mais il est loin d'avoir un statut fiscal. Il est grand temps de régler ce problème.

Je tiens à souligner ici nos préoccupations principales.

Les propositions de loi déposées ont toutes du mérite mais n'indiquent pas suffisamment que le droit d'auteur englobe bien davantage que les prestations artistiques. Parallèlement aux auteurs littéraires qui fournissent effectivement des prestations artistiques, on trouve aussi les enseignants et les professeurs d'université qui, en contribuant à l'élaboration d'un recueil ou d'un travail scientifique, fournissent également des prestations relevant du droit d'auteur. Le champ d'application de la nouvelle réglementation doit s'étendre à l'ensemble des travaux relevant de la loi du 30 juin 1994 sur le droit d'auteur.

Je n'entends pratiquement parler que de droits d'auteur et de droits voisins. Il y a aussi les revenus des licences légales. Le projet de règlement devrait englober tous ces revenus. Notre note contient une proposition de texte en ce sens.

Comme beaucoup d'autres experts, nous estimons souhaitable de créer une catégorie séparée pour les revenus divers. En les imposant comme revenus mobiliers, le fisc aura tendance à appliquer le tarif progressif prévu à l'article 37 du Code des impôts sur les revenus. La proposition de loi Monfils, Vienne, Martens et consorts a l'avantage d'introduire une catégorie séparée pour les revenus divers ainsi qu'un tarif d'imposition réduit.

Quant aux dépenses, les propositions de loi sont également assez satisfaisantes grâce au système des frais forfaitaires. En tant qu'éditeurs et auteurs flamands, nous voulons simplement ajouter qu'un auteur travaille souvent de longues années à sa création artistique ou littéraire. Il faut donc tenir compte des dépenses pendant la période d'imposition. La jurisprudence le fait déjà, mais il nous semble nécessaire de l'insérer dans la loi.

Les propositions de loi déposées ne prévoient pas de règlement des revenus issus des droits d'auteur acquis à l'étranger. Or, une grande partie des auteurs belges éditent leurs œuvres dans des maisons d'édition néerlandaises et françaises.

Un règlement est donc souhaitable en la matière. Il faut en tout cas éviter une double imposition. Les éditeurs et auteurs flamands ne sont pas contre un prélèvement à la source, mais il n'est possible que si on n'applique pas le tarif progressif. Un éditeur ne connaît pas le montant des droits d'auteur qu'un auteur perçoit d'autres éditeurs.

Soit on applique un système de prélèvement à la source et, par exemple, une flat tax de 15 % comme dans la proposition Monfils, soit on applique un tarif progressif plafonné. Tout ce que demandent les éditeurs et les auteurs flamands, c'est une réglementation simplifiée et une sécurité juridique.

Les éditeurs et auteurs flamands ont pris connaissance de la proposition du sénateur Dallemagne visant une libéralisation généralisée de l'impôt sur les revenus provenant des prix littéraires et des subsides. C'est souhaitable. Nous les rejoignons totalement sur ce point.

En résumé: au point de vue fiscal, les auteurs occupent une position vulnérable dans notre économie de la connaissance. Ils consacrent beaucoup de temps à leur création artistique ou littéraire. Ils investissent beaucoup de temps dans cette activité et n'en retirent des fruits que plus tard. Il arrive fréquemment qu'une grosse somme soit soudain versée par une ou plusieurs sociétés de gestion. Ces revenus étant imposés selon un tarif progressif, ils sont fortement taxés.

Dans l'intérêt de l'économie de la connaissance et compte tenu du fait que le statut social de l'artiste est réglé depuis 2002, nous insistons pour un règlement urgent du statut fiscal des revenus issus des droits d'auteur.

Mme Sylvie Van Herreweghe. — Je représente maître Rayet, spécialisée en droits d'auteur et en fiscalité. Nous travaillons toutes deux pour l'association d'avocats Afschrift.

Le Code des impôts sur les revenus comprend quatre catégories principales de revenus: immobiliers, mobiliers, professionnels et divers. Normalement, les revenus de personnes sont imposés sous l'une de ces quatre catégories. Les revenus qui ne tombent sous aucune de ces quatre catégories ne sont normalement pas imposés. Les droits d'auteur et les droits voisins sont une catégorie très particulière de droits qui n'ont encore jamais été réglés fiscalement.

Nous devons faire une distinction entre les revenus que l'artiste retire du travail et les revenus qu'il obtient par la suite, après exploitation, généralement par un tiers.

L'artiste peut réaliser lui-même une œuvre. Un peintre fait un tableau et le vend. Les revenus qu'il retire de la vente sont des revenus professionnels et sont en principe imposés comme tels. Si par la suite des reproductions de ce tableau sont réalisées et vendues, il en découle aussi des revenus mais ils ont un caractère particulier. Ils sont tout d'abord secondaires, ce qui signifie qu'il existait préalablement une œuvre qui a servi de base pour la reproduction. C'est ce qui donne un caractère particulier à ces revenus: ils proviennent du travail mais ils n'y sont pas liés parce que l'auteur n'a pas de prise sur eux.

Il est impuisant quant aux droits qu'ils percevra pour l'exploitation de son travail par une tierce personne. S'il perçoit des revenus élevés, il s'en réjouira, mais s'il en touche peu, il ne peut en principe rien y changer. Il ne s'agit donc pas ici de revenus qui proviennent effectivement de son travail et par conséquent il est erroné de les qualifier de revenus professionnels. Cela a pourtant été fait par le passé parce qu'il n'existait pas de système fiscal distinct pour les droits d'auteur et les droits voisins.

Les droits d'auteur et les droits voisins ont fait l'objet de la loi de 1994. Il me semble dès lors correct de relier spécifiquement l'article 90, 13º, à la loi sur les droits d'auteur.

À ce jour, il n'y a pas de réglementation fiscale. Le contrôleur des impôts vérifie quels ont été les revenus. Il dispose de différentes possibilités pour les imposer, en fonction de l'accord intervenu, de son humeur, etc. Bref, l'artiste doit s'en remettre à la bienveillance de ce contrôleur qui décide s'il s'agit d'un revenu professionnel, d'un revenu mobilier ou d'un revenu indéfinissable qu'il qualifie alors de « revenus divers ». L'artiste est impuissant. Souvent, il n'a d'autre solution que de s'adresser au juge, avec toutes les conséquences qui en découlent.

C'est pourquoi les présentes propositions de loi sont un must pour le secteur et que l'instauration ou la création d'une qualification particulière pour les revenus provenant de ces droits est absolument nécessaire.

Les principales différences entre les propositions de loi en discussion tiennent aux taux d'imposition. L'une opte pour une flat tax, l'autre plaide pour l'addition des droits aux revenus professionnels de l'artiste à ce moment et pour un taux d'imposition global. Pour la proposition d'ajouter les revenus au revenu global de l'artiste, maître Rayet fait notamment le commentaire suivant:

« Alors que ce travail a peut-être été fourni pendant des mois ou des années sans rapporter grand-chose, l'exploitation de l'œuvre, une fois terminée, par les tiers exploitants pourrait tout à coup, en une seule année produire une grande quantité de droits. Y appliquer le taux progressif par tranches pour cette seule année, c'est ne pas tenir compte du fait que l'artiste créateur ou interprète n'aura peut-être rien gagné pendant plusieurs années auparavant et qu'il ne gagnera peut-être rien pendant plusieurs années après. Appliquer le droit commun de l'impôt sur les revenus est dans ce cas inéquitable. »

L'application d'un taux progressif sur ces droits d'auteur est discriminatoire. L'auteur a dû les attendre pendant des années et des années, sans rien voir venir, et soudain il perçoit en une fois un montant important sur lequel il est tout d'un coup imposé à un taux qu'il imaginait impossible.

Pour lui, ce ne sont pas des revenus d'un travail mais des revenus de l'exploitation de son travail par une autre personne. Tout travailleur normal a des revenus professionnels sur une base régulière, qui sont donc répartis sur différentes années. Les artistes, eux, se retrouvent en possession de ces revenus à un moment qu'ils ne déterminent pas eux-mêmes mais ils sont pourtant lourdement imposés sur ces revenus. C'est un élément important. Je plaide pour une réflexion approfondie avant d'appliquer à ces revenus un taux d'imposition progressif, en particulier parce qu'il a déjà été clairement montré qu'un taux progressif est important pour les personnes qui ont constitué une société — pour lesquelles cette législation n'est pas pertinente — ou pour les personnes qui font en sorte que la législation fiscale belge ne leur soit plus applicable.

Il en résulte que les personnes pour lesquelles cette législation est importante sont celles qui ne touchent pas de gros revenus et pour lesquelles une flat tax serait une très bonne solution. Lorsque les revenus arrivent par exemple le 31 décembre d'un exercice d'imposition déterminé, il n'a pas été possible de faire des versements anticipés. Cela entraîne un accroissement de l'impôt, ce qui pénalise encore davantage ces personnes.

Une flax tax est également commode. L'éditeur doit payer les droits d'auteur à l'auteur. L'éditeur peut, après déduction des frais forfaitaires, comptabiliser un montant global et payer après retenue de l'impôt à la source, qu'il reverse à l'État. Ce système est simple pour l'artiste qui, en cas de frais forfaitaires, ne doit plus faire de déclaration, et avantageux pour l'État parce que les recettes sont garanties par l'obligation pour l'éditeur de prélever le précompte mobilier. Une flat tax est donc efficace et avantageuse pour l'État, même si elle ne produit pas les 35 % espérés sur les hauts revenus.

M. Luc Gulinck. — Je ne représente pas la SIMIM, la société de gestion qui recouvre les droit voisins pour les producteurs de phonogrammes. Je représente URADEX, où je suis le vice-président du conseil d'administration, la société de gestion des droits voisins des artistes-interprètes. Nous sommes donc partisans d'une rémunération équitable et d'une rémunération pour la copie privée; nous avons environ 6 500 artistes interprètes affiliés.

Les intervenants précédents ont déjà avancé beaucoup d'arguments en faveur d'un règlement rapide de la question. Nous les rejoignons totalement. L'insécurité juridique doit être éliminée le plus rapidement possible. Nous plaidons aussi pour une taxation simple et nous nous rangeons en même temps derrière les exigences pour ce qui concerne la catégorie « revenus divers ». Une succession de malheurs, conséquence de l'insécurité juridique, est tombée à la fin de l'an dernier sur le compte d'URADEX lorsqu'un paquet d'argent a été versé en une fois aux ayants droit, y compris des arriérés. URADEX est actuellement sous administration provisoire. Un jugement dit qu'il faut payer le plus vite possible. Cela s'est aussi passé après autorisation, venue assez tard, du département de l'Économie. Les bénéficiaires de ces indemnisations ont été alors confrontés aux problèmes dont nous parlons.

Il y a une réticence politique à l'égard des tarifs spéciaux, indépendants de la structure des tarifs pour les revenus professionnels. J'insiste sur le fait que la propriété intellectuelle n'est pas éternelle. Elle est limitée légalement à 70 ans après la mort de l'auteur et à 50 ans après l'exécution de la prestation.

C'est très différent de la propriété matérielle et cela peut jouer un rôle dans la nouvelle structure de tarif. L'expérience d'autres pays, comme l'Irlande et la France, montre que de meilleures règles, plus claires, peuvent être un encouragement pour la vie artistique. C'est pourquoi nous sommes aussi partisan d'une meilleure réglementation.

Le statut de l'artiste est une bonne chose et je me réjouis que le Sénat ait porté attention au problème de la fiscalité en matière de droits d'auteur et de droits voisins. Mais il subsiste d'autres problèmes qui doivent être abordés pour assurer une sécurité juridique complète à la communauté artistique de notre pays. Je pense par exemple aux contributions de sécurité sociale sur les droits d'auteurs et les droits voisins, au manque de clarté dans les taux de TVA, au statut en cas de chômage et vis-à-vis de la réglementation de l'ONEM. Ces problèmes ne sont pas au programme de cette audition, mais ils méritent aussi l'attention du monde politique.

M. Maarten Quaghebeur. — Notre association ne représente pas seulement les agents musicaux mais aussi les artistes représentés par ces agents. Notre activité se situe essentiellement dans la région flamande. Nous représentons les agents de la plupart des artistes qu'on peut entendre actuellement à la radio, comme Nathalia et Gabriel Rios. Nous représentons aussi de nombreux artistes affiliés à la SABAM et à l'URADEX.

En qualité d'agents nous sommes les conseillers professionnels de nos artistes et nous sommes fréquemment confrontés aux problèmes qu'ils rencontrent lors de leur déclaration de revenus. Ils se demandent souvent si et où ils doivent mentionner leurs droits d'auteurs et droits voisins. La distinction faite entre les droits perçus occasionnellement et les droits perçus pour une activité plutôt professionnelle entraîne beaucoup de problèmes. Il est parfois très difficile de faire cette distinction.

Je donne un exemple concret. Trois jeunes filles de dix-huit ans chantent dans un groupe a capella et ont un grand succès. Lorsque l'année suivante elles doivent remplir leur déclaration de revenus, elles ne savent pas encore si elles vont poursuivre dans cette voie comme profession. Quand deux ans après le contrôleur des contributions vérifie leur déclaration, elles sont peut-être occupées à titre professionnel, mais cette distinction ne peut être faite qu'a posteriori. Un contrôleur peut donc s'appuyer sur d'autres éléments qui n'étaient pas connus au moment de l'établissement de la déclaration de revenus. C'est pourquoi je demande plus de clarté et de transparence et qu'on ne maintienne pas cette distinction.

Les propositions offrent bien une certaine transparence. Toutefois nous avons encore des questions. Le système du précompte mobilier libératoire nous semble le meilleur. Il peut être facilement réglé, de sorte que les associations de gestion puissent effectuer elles-mêmes la retenue du précompte mobilier libératoire. Les artistes ne reçoivent toutefois pas seulement de l'argent des sociétés d'auteurs. Il y a aussi les contrats pour les disques. Les avances payées pour les disques servent en principe à financer les coûts d'enregistrement, éventuellement les salaires des musiciens, les coûts de production du groupe ou des musiciens.

Dans de nombreux cas, on paie aussi une avance sur les droits d'auteurs. Avec les règles du précompte mobilier libératoire nous arrivons à une situation où nous devons faire une distinction, dans le contrat, entre la partie qui concerne les droits d'auteurs et celle qui est une avance sur les revenus de la vente de disques. J'imagine sans peine que des discussions puissent survenir ensuite sur la question de savoir quelle fraction représentait une avance sur droits d'auteurs.

Un autre problème réside dans la pratique contractuelle de l'industrie musicale où la distinction n'est pas toujours clairement faite entre les rémunérations pour la création et celles des prestations. Dans un certain nombre de cas, elles sont mélangées. Certains artistes participent gratuitement à un disque et obtiennent un droit de rémunération sur l'argent que rapporte le morceau. Dans d'autres cas, les artistes reçoivent un salaire pour cette prestation et renoncent à leur droit; ils ne co-signent pas le formulaire de déclaration. Comment faut-il traiter ces cas, vu que la rémunération pour ces prestations d'un jour contient aussi en partie un paiement pour des droits ?

Les présentes propositions tiennent également compte des dépenses qu'un compositeur ou un artiste interprète fait pour acquérir ces droits. Il est évident qu'interpréter un morceau ou y collaborer et l'exploiter ensuite n'est pas une science exacte: la composition peut être rapide ou prendre beaucoup de temps et son exploitation peut être immédiate ou bien des années plus tard. Il semble logique qu'il soit tenu compte aussi bien d'un coût forfaitaire que de la possibilité de démontrer des coûts réels.

Le principe de l'étalement proposé par M. Dallemagne est important et doit être réexaminé lors de l'élaboration finale de la proposition de loi. Comme déjà dit, les revenus des musiciens et des artistes ne sont en général pas constants; c'est probablement la catégorie professionnelle pour laquelle la nécessité de tenir compte de cette particularité est la plus haute.

Enfin, un statut fiscal clairement réglé est plus que jamais nécessaire aujourd'hui. Nous avons un statut social qui fonctionne réellement et grâce auquel la sécurité juridique a été améliorée. Il importe de régler aussi l'aspect fiscal pour rendre possible la création et l'exploitation de la musique et de l'art en général. Comme M. Van Oycke, je ne puis que confirmer que le paiement par la société de perception URADEX fin décembre nous a rappelé ces faits.

S'il existe encore une possibilité de régler ce problème politiquement ou administrativement, il faut en faire usage.

Mme Christiane Vienne (PS). — Je voudrais tout d'abord rappeler l'esprit dans lequel nous avons déposé notre proposition de loi. Mon parti et moi-même sommes en principe favorables à la progressivité de l'impôt. Il s'agit bien d'une progressivité sur la structure générale de l'impôt. S'il apparaissait que l'instauration de cette progressivité ne contribuerait pas à davantage de justice sociale, nous serions toutefois prêts à revoir nos positions.

Les explications que j'ai entendues aujourd'hui m'amènent à conclure que l'instauration d'une progressivité de l'impôt sur le forfait n'est peut-être pas la décision la plus pertinente. Cela ne signifie cependant pas que la progressivité de l'impôt ne puisse s'appliquer aux frais. Je vous rappelle que la proposition que j'ai cosignée instaure une progressivité à la fois sur le forfait, c'est-à-dire sur la somme perçue, et sur les frais.

Notre objectif est clairement de faciliter la vie des artistes et d'assurer la lisibilité de l'impôt. Le citoyen ne doit pas avoir besoin d'un expert fiscal pour remplir sa déclaration d'impôt, qu'il soit un artiste ou monsieur et madame Tout le monde. Il doit pouvoir remplir sa déclaration d'impôt de manière simple et lisible et déterminer de manière tout aussi lisible quelle est sa contribution au financement de l'État et comment celle-ci se structure par rapport à ses revenus. Notre proposition me semblait atteindre cet objectif, même si les arguments avancés quant à la réalité économique m'amènent à envisager éventuellement un taux unique d'imposition pour les revenus des droits d'auteur.

Quant aux prix et aux subsides, notre proposition relative au mécénat vise à les exonérer d'impôt.

Je voudrais maintenant poser une question. N'est-il pas contradictoire et techniquement difficile d'instaurer un système de taxation unique, avec un précompte mobilier libératoire, tout en permettant d'étaler dans le temps la déclaration des revenus, comme le prévoit la proposition de notre collègue Dallemagne ?

M. Philippe Monfils (MR). — Comme ma présence était requise en commission des Affaires institutionnelles, je suis désolé de n'avoir pu entendre tous les experts. Je lirai bien entendu le compte rendu des leurs interventions.

Le constat est clair: il est nécessaire de légiférer. À partir de là, je souhaite qu'on ne remette pas sur la table l'ensemble des difficultés rencontrées par les artistes. C'est la meilleure manière de ne plus rien faire. Il est vrai qu'il n'existe pas encore un véritable statut de l'artiste mais nous devons bien commencer par certains éléments. Ensuite, nous poursuivrons. Au cours de la législature précédente, les sportifs ont obtenu des avantages fiscaux alors que de nombreux autres problèmes qu'ils rencontrent n'ont même pas été abordés. Nous n'avons pas réussi à faire voter une disposition de ce type-là et je le regrette. Même si l'avis des socialistes était légèrement différent du nôtre, nous aurions pu trouver une formule. Finalement, nous avons traîné et nous n'avons rien fait.

En ce qui concerne les droits d'auteur, il est temps de conclure, quitte à poursuivre le débat sur le statut social, fiscal, et professionnel de l'artiste.

Le problème rencontré par URADEX est différent. À un moment donné, les droits d'auteur envoyés à certains arrivent en masse. Il suffit alors de trouver un accord avec l'administration fiscale pour procéder à l'étalement. Ce n'est pas une loi qui va régler ce cas particulier.

J'en arrive à la progressivité. Le représentant de la SACD a cité des chiffres. Permettez-moi de rappeler que nous ne parlons pas ici de montants faramineux permettant aux artistes de s'acheter des Ferrari pour les casser en roulant trop vite aux petites heures du matin. 97 à 98 % des auteurs gagnent moins de 20 000 euros de droits d'auteur par an et 93 à 94 % moins de 10 000 euros. Ce n'est pas la fortune. En matière de progressivité, il faut être raisonnable. On peut créer une ou deux catégories mais il est inutile de le faire pour coincer les hauts traitements. D'ailleurs, ceux-là sont des professionnels qui constituent des sociétés. Il s'agit d'un autre problème. Je suis disposé à faire un effort, si l'on se montre raisonnable, en fixant une ou deux catégories, sans plus, pour lesquelles ont peut envisager un système de déduction de frais.

Il convient de réfléchir au problème du précompte et de l'étalement. Dans le cas d'un précompte libératoire de 15 %, il n'y a aucune nécessité d'étaler, sauf dans des cas très particulier comme l'affaire d'URADEX. L'étalement est réservé à d'autres situations. Je songe à un sculpteur qui ne gagne rien pendant deux ans parce qu'il prépare son exposition et qui ensuite vend d'un coup ses sculptures et gagne 100 000 euros. L'administration fiscale peut alors envisager un système d'étalement mais, dans ce cas, il s'agit du paiement pour le propre traitement de l'artiste et non de droits d'auteur. Il ne s'agit pas des mêmes réalités. Elles peuvent éventuellement se croiser mais il faut faire la distinction, étant entendu que je partage le point de vue que dans certains cas, un étalement se justifie, précisément pour les artistes — peintres, sculpteurs — dont les rentrées, notamment en matière de vente, sont différentes.

Ne mélangeons pas tout, mais l'étalement ne doit pas a priori être rejeté.

Telles sont les remarques que je souhaitais formuler. Je tiens à remercier mes collègues et les experts de l'intérêt qu'ils portent à cette question. J'espère que nous arriverons dans les prochaines semaines à adopter un texte permettant d'avancer dans cette problématique. Sinon, les auteurs seront considérés comme des laissés-pour-compte, alors que tout le monde ici est persuadé qu'il faut progresser.

M. le président. — M. Dallemagne propose de répartir les revenus sur plusieurs années. Que pensent les experts de cette proposition ?

Pourquoi n'applique-t-on pas, aux droits d'auteur et aux droits voisins, le même système que celui utilisé pour l'imposition des arriérés ? Cela se fait-il dans certains cas ?

Nous aimerions que le représentant du ministre nous renseigne sur l'impact budgétaire des propositions. Cela pourrait peut-être se faire à l'occasion d'une prochaine réunion.

Mme Ariane Brohez. — Il ne faut pas nécessairement rejeter immédiatement l'idée de l'étalement dans le temps. Cela fait partie des choix que je qualifie de politiques.

D'un point de vue strictement technique, combiner un précompte mobilier libératoire sur une partie de revenus et un étalement de ces mêmes revenus dans le temps ne me semble pas être possible. Un précompte mobilier libératoire fixe à un moment donné le montant de l'impôt à payer et qui est définitivement payé.

On ne peut pas, à un moment déterminé, dire que l'impôt est fixé forfaitairement à 15 %, par exemple, le faire payer à ce moment là et revenir par la suite sur le montant en question parce qu'un supplément est dû ou une partie doit en être remboursée.

Il faut donc ne pas exclure l'étalement a priori ou ne pas l'exclure pour toutes les catégories de revenus, mais savoir que la combinaison, pour une même catégorie de revenus, d'un étalement et d'un précompte mobilier libératoire n'est pas possible.

Le fait de travailler avec des comptabilisations de bénéfices antérieurs ou des arriérés d'honoraires ou de rémunérations est prévu dans notre code aujourd'hui. Il faut donc que les revenus de droits d'auteurs entrent dans la catégorie des revenus professionnels et non des revenus divers ou mobiliers. On est toujours confronté au problème de la catégorisation des droits d'auteur.

Un problème plus délicat ou davantage soumis à l'interprétation est celui des arriérés de rémunérations ou d'honoraires. Comme les autres intervenants l'ont dit, l'artiste perçoit les droits d'auteur grâce à l'exploitation de ses œuvres qu'en fait un tiers. Il faudra donc prouver que l'artiste a travaillé durant les années précédentes et effectué certaines exploitations permettant de rattacher les droits d'auteur perçus aujourd'hui, par exemple, à une année antérieure. Donc, cela me paraît techniquement difficile, sauf si, pour certaines catégories d'artiste ou certaines catégories de revenu, on prouve effectivement le caractère professionnel du revenu.

M. Kurt Van Damme. — Le concept « auteur » englobe différentes tâches du domaine littéraire. Parallèlement aux écrivains de bestsellers, il y a aussi des auteurs pour lesquels écrire représente un salaire d'appoint et qui souvent ont une autre profession ou sont chômeurs. Les enseignants du secondaire ou les chargés de cours de l'enseignement supérieur en sont un bel exemple. Par exemple, un assistant à l'université collabore, avec une maison d'édition scientifique, à l'élaboration d'un matériel éducatif. Il reçoit pour cela la modeste rémunération de mille euros. Si ce montant est ajouté à ses autres revenus, il peut passer dans une tranche d'imposition supérieure. Voilà pourquoi le secteur de l'édition opte, outre pour une répartition des revenus dans le temps, pour une catégorie séparée « revenus divers ». La globalisation des revenus met de nombreux auteurs sur le pavé.

M. Tanguy Roosen. — Les interventions des sénateurs me laissent penser qu'une négociation est possible.

J'ai fait un petit calcul afin d'évaluer les impôts que devraient payer les artistes, en fonction de leur tranche de revenus et selon les différentes propositions de loi.

Prenons tout d'abord le cas d'un auteur qui gagne 20 000 euros de droits. Selon la proposition de M. Monfils, le taux d'imposition des revenus de cet auteur irait de 15 % en l'absence de charges forfaitaires à 2,3 % en cas de déduction de tels frais, notamment dans le domaine cinématographique. Avec la proposition du parti socialiste, on aboutit à un taux d'imposition marginal moyen de 11,3 % en tenant compte des charges forfaitaires déductibles et du taux d'imposition forfaitaire. Celui-ci n'est donc pas très éloigné des 15 %. En vertu de la proposition du cdH, il faut vérifier si ces revenus sont considérés comme professionnels ou non. Le taux d'imposition sera alors de 15 % à 33 %, ce dernier taux s'appliquant si aucun frais professionnel n'est déduit par l'auteur.

Passons à la tranche de 30 000 euros par an. La proposition de M. Monfils instaure un taux fixe; il varie donc toujours entre 2,3 % et 15 %. Par contre, le taux d'imposition marginal prévu par la proposition de Mme Vienne et de M. Martens est de 13,74 %. Il est de nouveau proche des 15 %. Enfin, avec la proposition cdH, le taux est compris entre 15 % et 33 % en fonction de la situation de l'artiste. Notez que cette tranche de 30 000 euros englobe 98 % des auteurs et des artistes interprètes en Belgique.

La discussion me paraît donc envisageable. C'est simplement une question de philosophie et de technique pour que chacun puisse retrouver l'esprit de sa proposition. Les taux sont en effet assez proches.

Enfin, le taux d'imposition des royalties pour les brevets est de 6,6 %. Cela laisse une marge de discussion si une comparaison doit être faite avec ces dernières.

Mme Sylvie Van Herreweghe. — La question se pose de savoir si la progressivité peut bien être appliquée à la catégorie des revenus divers. Pratiquement tout le monde est favorable à l'idée d'une nouvelle catégorie de revenus divers. À ce jour, une sorte de flat tax est appliquée aux douze catégories de revenus divers.

Étant donné que l'objectif est de ne pas ajouter les revenus provenant des droits d'auteur aux revenus professionnels, on peut effectivement se demander si une application de la progressivité correspond bien à la philosophie sur laquelle est basée la catégorie des revenus divers. Dès lors que les différences sont peu importantes après le calcul de l'impôt, une flat tax est peut être le système le plus indiqué. De plus, un précompte libératoire est simple et efficace, tant pour les éditeurs que pour les artistes, et il offre la sécurité. Pour l'État, il génère des revenus directs.

Pourquoi ne pas imposer les revenus provenant des droits d'auteur comme des arriérés ? Les arriérés sont des revenus professionnels et on s'accorde à dire que les droits d'auteur ne peuvent être qualifiés comme tels. Chronologiquement, les droits d'auteur se situent après la réalisation de l'œuvre mais ils ne sont pas des revenus provenant du travail. Du point de vue juridico-technique, les droits d'auteur ne peuvent donc être qualifiés d'arriérés.

La répartition dans le temps me paraît difficilement praticable et crée davantage de complications que la claire proposition de loi en discussion.

Mme Christiane Vienne (PS). — Je voudrais faire une réflexion en tant que vice-présidente de cette commission. Cette réflexion s'adresse aux membres de la commission, elle ne concerne donc pas les intervenants extérieurs.

Je tiens à insister sur ce que disait M. Monfils tout à l'heure: l'initiative doit rester parlementaire. Nous pouvons arriver rapidement à un accord. Je ne voudrais pas que, tout à coup, on nous dise « cela coûte trop cher » et qu'ensuite, dans quelques mois, ne sorte une initiative du ministre, qu'il s'agisse de l'actuel ou d'un autre.

Quoi qu'il en soit, le dossier est arrivé à maturité. M. Monfils a bien exprimé combien les uns et les autres nous sommes prêts à avancer rapidement. Au nom de mon parti je tenais à préciser que nous tenons à ce que cela reste une initiative parlementaire.

Mme Anne Delvaux (cdH). — Je voudrais remercier les orateurs pour la qualité de leurs exposés.

J'ai envie de dire: oui il y a une difficulté, oui il faut absolument la résoudre. Mais il faut faire attention au dérapage budgétaire. La situation est actuellement délicate. Il ne faudrait pas non plus créer un régime dérogatoire au droit commun qui soit disproportionné.

M. Dallemagne est au Congo. Il vous demande d'excuser son absence. Il sera ravi de poursuivre la discussion. Lui non plus n'est pas psychorigide.

Je voudrais ajouter que, pour nous également, l'initiative doit rester parlementaire.

M. Philippe Monfils (MR). — Je voudrais rassurer Mme Vienne.

Dans les débats nombreux que nous avons eus avant les élections, le ministre des Finances avait marqué son accord sur les conséquences budgétaires de la proposition. Il n'y avait pas de problème. D'ailleurs, si cela n'avait pas été le cas, je n'aurais pas déposé la proposition. Je sais en ma qualité de parlementaire qu'il est absurde de déposer une proposition qui entraîne des conséquences budgétaires d'une certaine importance. Nous avons même reçu des conseils d'un représentant du cabinet qui discutait avec nous de la faisabilité.

Le seul problème est que si l'on étend le champ d'application au professeur d'université qui publie un syllabus ou à d'autres, il faudra refaire de nouveaux calculs. Je puis cependant vous dire dès maintenant qu'il ne faut pas s'angoisser. Il se fait que le ministre des Finances d'hier est le ministre des Finances d'aujourd'hui. Je ne crois pas que l'ouverture d'esprit sur la manière de taxer les droits d'auteur entraîne un trou budgétaire colossal. Je crois que l'on peut continuer sans problème.

Mais il faudra que vienne à notre prochaine réunion un représentant du cabinet qui puisse nous dire officiellement si cette proposition est applicable dans le cadre budgétaire. Je suis extrêmement optimiste à cet égard. Tout allait bien avant les élections, elle ne peuvent aller que mieux puisque, avec cette proposition, l'État s'y retrouve. Il bénéficiera des 15 % de précompte mobilier alors qu'auparavant la taxation de ce type de revenus créait bien des discussions et se perdait dans les méandres des litiges. Parfois même on ne récupérait rien parce que les frais étaient tels que cela ne valait pas la peine d'entamer l'action.

M. Tanguy Roosen. — Les propositions sont très claires sur le champ d'application de la loi. Elles visent toutes les œuvres protégées par la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins. Il s'agit donc tant des œuvres plutôt artistiques que des ouvrages réalisés par des professeurs d'université ou des scientifiques.

Sur ce dernier point, je sais de ma pratique que l'essentiel des rémunérations versées aux auteurs scientifiques le sont par le biais de la reprographie. On peut donc identifier rapidement les masses financières concernées par l'exploitation de ces œuvres. Mais un auteur scientifique qui écrit un article dans une revue n'est jamais rémunéré. Il ne le sera que par le biais de la reprographie. Il sera éventuellement rémunéré lorsqu'il édite un livre. Mais un ouvrage scientifique qui se vend à plus de 3 000 exemplaires en Belgique est un fait extrêmement rare.

M. Luc Van Oycke. — Je voudrais confirmer les propos de M. Monfils. Le 25 janvier dernier, j'ai communiqué à l'expert du ministre des Finances, M. Rosoux, les chiffres d'affaires de toutes les sociétés de droits d'auteur et de droits voisins de Belgique.

Sachant que nous représentons environ 75 à 80 % du secteur, M. Rosoux a fait une simulation en 2004 et va affiner ses chiffres. Je ne m'avancerai donc pas sur ces résultats mais je puis néanmoins déjà confirmer que l'impact budgétaire est pratiquement nul. Je laisserai l'expert du ministre s'exprimer à ce sujet.

M. le président. — Nous ne manquerons pas de demander ces informations.

M. Kurt Van Damme. — Je voudrais encore intervenir brièvement sur le champ d'application de la réglementation. L'excellente proposition de loi du sénateur Monfils fait état de « prestations artistiques ». La loi de 1994 relative au droit d'auteur est beaucoup plus large et la protection par le droit d'auteur ne tient pas compte du caractère artistique ou non du texte. La seule question est celle de savoir si le texte est original au sens du droit d'auteur. L'application de la nouvelle réglementation doit par conséquent être étendue à toutes les œuvres protégées par la loi relative aux auteurs. L'extension aux auteurs d'œuvres à caractère éducatif ou scientifique est importante et aura, comme on vient de le dire, un impact budgétaire limité.

M. le président. — Étant donné les différentes remarques qui ont été formulées, je propose que la commission examine s'il est nécessaire d'ajouter certains éléments aux propositions par le biais d'amendements. Étant donné l'importance de la note du ministre dans le débat, je prie son représentant de nous la transmettre au plus tôt.