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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

13 FÉVRIER 2008


Proposition de résolution sur le résultat des élections au Kenya


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

MME ZRIHEN


I. INTRODUCTION

La commission a examiné la proposition de résolution qui fait l'objet du présent rapport au cours de ses réunions des 12 et 13 février 2008.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME TEMMERMAN, AUTEUR DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La proposition de résolution à l'examen a été déposée pour remédier à la situation dramatique que connaît le Kenya depuis les élections présidentielles du 27 décembre 2007.

La bataille électorale n'avait pas du tout débuté sous le signe d'une lutte tribale, mais des rumeurs d'irrégularités dans le dépouillement des votes ont circulé pendant les premiers jours qui ont suivi les élections. Cela n'a pourtant pas empêché le président sortant de prêter serment en tant que nouveau président du Kenya, très peu de temps après la publication des résultats électoraux contestés.

Des troubles ont éclaté au début de cette année, donnant lieu à des actes de violence à caractère ethnique qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de personnes et provoqué le déplacement de milliers de personnes. Le problème, qui était à l'origine uniquement de nature politique, a maintenant pris une tournure ethnique.

La proposition de résolution à l'examen vise à appeler notre gouvernement à intervenir et à utiliser tous les instruments dont il dispose à tous les niveaux où il est influent, aussi bien au sein du Conseil de sécurité des Nations unies que dans le contexte de l'UE. Le gouvernement peut se rallier aux observateurs de l'UE délégués sur place, qui ont exprimé leur inquiétude dès le début.

Il faut rétablir le calme au Kenya, pour que le pays puisse redevenir le joyau de l'Afrique.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Dallemagne est d'accord sur le fond, mais trouve qu'il faut appuyer l'envoi d'une commission internationale. À l'instar de ce qui s'est passé pour la Birmanie, il est nécessaire de pouvoir disposer d'un feed-back du gouvernement dans un délai raisonnable.

Mme Smet désire plus d'informations sur les actions entreprises par le gouvernement belge et en particulier par le département des Affaires étrangères.

Le représentant du ministre des Affaires étrangères souligne que le département suit de près la situation au Kenya. Le cabinet reçoit quotidiennement des informations sur cette situation. En outre, des dépêches circulent sur les forums internationaux.

M. Roelants du Vivier partage entièrement les préoccupations de l'auteur de la proposition de résolution. Il faut remarquer que depuis le dépôt de la proposition de résolution, le chiffre de 250 000 personnes déplacées a évolué et tend actuellement vers les 600 000.

M. Monfils est réticent sur un point, à savoir qu'il faut éviter de faire de la politique à distance. Il considère que le point 2 des recommandations, qui contient un jugement de valeur sur les rivaux en lice, constitue une immixtion dans les affaires intérieures du pays. Le fait qu'on ait demandé M. Kofi Annan d'intercéder, démontre qu'il s'agit de problèmes assez complexes. Il ne faut pas, dans ce contexte, stigmatiser un seul parti. Par ailleurs, il n'y a pas de génocide unilatéral en cours. Il faut dès lors se fier aux actions de l'ONU — et de M. Annan en particulier — et ne pas émettre de jugement de valeur.

Mme Smet partage entièrement l'avis de M. Monfils.

Bien qu'elle adhère à l'observation de M. Monfils, Mme Temmerman indique toutefois que le véritable vainqueur des élections est indéniablement le parti MDO (Mouvement démocratique orange) du leader de l'opposition, M. Odinga. En effet, ce parti dispose de 99 sièges au parlement contre seulement 35 sièges décrochés par le parti du nouveau président.

Cependant, pour ne pas jeter de l'huile sur le feu, Mme Temmerman propose de modifier le texte du point 2, les deux partis étant effectivement responsables de ce qui est maintenant devenu un conflit tribal.

Mme de Bethune demande instamment une déclaration du ministre.

La déclaration du représentant du ministre est jointe en annexe au présent rapport.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS ET VOTES

Considérants

Point D

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 1 qui vise à remplacer le nombre de 250 000 personnes déplacées par 600 000.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point Fbis

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 10 qui tend à insérer un point Fbis (nouveau) mettant l'accent sur la situation politique interne et la difficulté à trouver une solution négociée à la crise.

L'amendement est adopté par 6 voix contre 2 et 2 abstentions.

Point Gbis

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 11 qui vise à insérer un point Gbis (nouveau) attirant l'attention sur les efforts de M. Kofi Annan sur le plan diplomatique.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point I

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 2 qui tend à insérer un point I (nouveau) se référant à la déclaration du Conseil de sécurité du 1er février 2008.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 12 qui vise également à insérer un point I (nouveau) rappelant que la Belgique est encore, jusqu'au 31 décembre 2008, membre du Conseil de sécurité des Nations unies.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point J

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 13 qui tend à insérer un point J (nouveau) évoquant le « Plan d'action » du partenariat stratégique UE-Afrique.

L'amendement nº 13 est adopté par 9 voix et 1 abstention.

Point K

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 14 qui vise à insérer un point K (nouveau) soulignant la crainte d'une possible extension de la crise, en particulier en raison du fait que plusieurs pays de l'Est de l'Afrique et de la région des Grands Lacs sont plus ou moins tributaires du Kenya.

L'amendement nº 14 est adopté par 9 voix et 1 abstention.

Recommandations

Point 2

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 3 qui vise à remplacer le texte du point 2, de manière à demander au gouvernement et à l'UE de soutenir les efforts de M. Kofi Annan dans le cadre de ses tentatives de médiation entre les parties.

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 15 qui a la même portée.

La commission décide à l'unanimité de modifier le texte du point 2 comme suit:

« soutenir les efforts de médiation de M. Kofi Annan entre toutes les parties afin de parvenir à une solution durable et négociée à l'actuelle crise politique du pays; ».

Les amendements nos 3 et 15 deviennent dès lors sans objet.

Point 2bis

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 4 qui tend à insérer un point 2bis (nouveau) appelant toutes les autorités kenyanes à mettre fin au cycle d'attaques et de représailles.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point 2ter

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 5 qui vise à insérer un point 2ter (nouveau) invitant le gouvernement belge et l'UE à aider le gouvernement kenyan à assumer ses responsabilités face aux violations du droit international.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point 3bis

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 6 qui tend à insérer un point 3bis (nouveau) renvoyant à la mission du Haut-commissaire aux droits de l'homme et à la mission du coordinateur humanitaire des Nations unies.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

Point 3ter

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 7 qui vise à insérer un point 3ter (nouveau) se référant aux opérations du PAM et du HCRNU.

M. Dallemagne observe qu'il y a encore d'autres organisations actives sur le terrain.

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 16 qui tend à insérer un point 3ter (nouveau) demandant que soit protégé l'acheminement de l'aide humanitaire internationale auprès des populations les plus touchées par les violences actuelles.

M. Dallemagne pense qu'il s'agit de protéger non seulement l'aide humanitaire internationale mais aussi l'aide nationale, les Kenyans faisant eux aussi des efforts en ce sens.

La commission décide d'insérer les mots « nationale et » après les mots « l'aide humanitaire ».

L'amendement nº 16, ainsi corrigé, est adopté à l'unanimité des 11 membres présents. L'amendement nº 7 est retiré.

Point 3quater

M. Roelants du Vivier dépose l'amendement nº 8 qui vise à insérer un point 3quater (nouveau) ayant pour objectif d'aider le gouvernement kenyan à répondre à l'augmentation des cas de violences sexuelles.

L'amendement nº 8 est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 17 qui a également pour objectif d'insérer un point 3quater (nouveau) demandant aux autorités kenyanes de garantir le respect des libertés fondamentales, de faire preuve d'une plus grande retenue et de permettre à l'opposition de manifester pacifiquement.

Selon M. Wille, du fait de la répartition des sièges au parlement, il n'est pas facile dans la pratique de déterminer qui est dans l'opposition et qui est dans la majorité au pouvoir.

Mme Temmerman est d'avis que l'amendement nº 17 n'apporte aucune plus-value à la résolution. Comme l'a souligné M. Wille, l'opposition dispose, dans les faits, d'un plus grand nombre de sièges au parlement que le parti du président.

L'amendement nº 17 est retiré.

Point 3quinquies

Mme Zrihen dépose l'amendement nº 18 qui tend à insérer un point 3quinquies (nouveau) demandant de s'assurer que les forces armées kenyanes sont réellement impartiales.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

In fine

M. Dallemagne dépose l'amendement nº 9 qui vise à ajouter une recommandation demandant au gouvernement belge de faire rapport au Sénat dans un délai de 3 mois des efforts qu'il a déployés pour mettre en œuvre cette résolution.

M. Wille émet quelques réserves à propos de cet amendement. Selon lui, on ne peut pas prendre l'habitude d'accabler le gouvernement de demandes de rapport qui représentent une lourde charge de travail pour l'administration et dont le résultat est incertain. Il propose donc de se contenter de l'engagement du gouvernement à venir, dans un délai raisonnable, présenter en commission l'évolution de la situation dans le pays.

Mme Zrihen indique que l'amendement de M. Dallemagne n'exige pas de rapport écrit. Un exposé oral auprès de la commission peut suffire, l'essentiel étant de prévoir un suivi.

La commission décide de remplacer les mots « dans un délai de 3 mois » par les mots « dans un délai raisonnable ».

L'amendement nº 9, ainsi corrigé, est adopté par 9 voix et 2 abstentions.


La proposition de résolution amendée est adoptée à l'unanimité des 11 membres présents.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, Le premier vice-président,
Olga ZRIHEN. François ROELANTS du VIVIER.

Annexe


Déclaration du représentant du ministre des Affaires étrangères

Évolution de la situation sur le terrain

La situation sécuritaire est plus calme mais reste tendue. L'interdiction de manifester a cependant été levée.

La facilitation entamée le 22 janvier 2008 par M. Kofi Annan (ancien Secrétaire Général de l'Organisation des Nations unies) et un panel de personnalités africaines éminentes mandatées par l'Union africaine se poursuit. Une percée semble être intervenue selon Kofi Annan. Deux options sont sur la table des négociations: power sharing/partage du pouvoir ou présence d'une opposition forte du MDO (Mouvement Démocratique Orange) de M. R. Odinga au parlement. M. Kofi Annan a récemment demande au speaker de convoquer une session spéciale du parlement afin que le panel des dignitaires africains puisse briefer les parlementaires sur l'évolution de la situation.

La médiation de M. Kofi Annan et des personnalités africaines compte s'attacher aux points suivants: rétablissement des droits fondamentaux, règlement de la crise humanitaire, règlement de la crise politique actuelle et résolution des questions plus profondes de la crise. Ce comité de médiation estime que ses activités dureront au moins 6 mois et le budget de fonctionnement est évalue à 8 344 400 $. La Belgique, tout comme la plupart des pays de l'Union européenne, a été sollicitée il y a peu en vue de soutenir ce comité; la question est actuellement a l'examen.

Les deux parties, l'ancien président M. Kibaki et son rival R. Odinga, se sont également engagées à établir une Commission de Vérité et de Réconciliation.

M. Kofi Annan a annoncé ce 12 février 2008 que désormais les négociations se poursuivraient à huis clos dans un endroit tenu secret.

Intervention de I'ONU

Le coordinateur des Nations unies pour l'aide humanitaire, M. John Holmes, est sur place actuellement. II a souligné qu'au moins 1/3 des 300 000 déplacés sont des enfants.

Action de l'Union européenne

Le 14 janvier 2008, I'UE a adopté une déclaration manifestant son inquiétude à l'égard de la situation. Celle-ci invite entre autre toutes les parties à participer pleinement au processus de médiation entamé par l'Union africaine et rappelle clairement les constatations faites par la mission d'observation de I'UE (et d'autres observateurs indépendants) qui fait planer de sérieux doutes sur les résultats officiels de l'élection présidentielle.

Le commissaire européen Louis Michel a effectué le 7 février 2008 une seconde visite au Kenya à la demande de M. Kofi Annan. II a eu l'occasion de rencontrer tant M. M. Kibaki que M. R. Odinga. Ce dernier se serait montre plus flexible que lors de sa rencontre précédente avec le commissaire Michel (janvier 2008) et accepterait l'idée d'une sorte de gouvernement de transition (6 mois — 1 an), accompagné d'un accord de partage du pouvoir. Pour le commissaire européen L. Michel, la communauté internationale se doit de maintenir sa pression sur les deux parties.

Le Conseil Affaires générales du 18 février 2008 compte adopter des conclusions sur le Kenya.

Éventuelles sanctions UE ? L'adoption de sanctions n'est pas encore à l'ordre du jour. Le risque de leur mise en application est cependant franchement évoqué lors des réunions entre représentants de I'UE et du Kenya.

Position belge

— Nécessité d'arrêt immédiat des actions violentes,

— Encourager les leaders politiques à tout mettre en œuvre pour ressoudre cette crise d'une manière pacifique;

— Soutien a la médiation de M. Kofi Annan;

— Attendre le résultat des efforts de M. Kofi Annan avant que l'UE n'envisage d'autres mesures (p.e. recours à l'article 96; sanctions, ...);

— Question des droits de l'homme: le ministre des Affaires étrangères, M. De Gucht, a transmis courant janvier 2008 une lettre au Sous-secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide, F. Deng, afin de le sensibiliser à la question des tensions ethniques au Kenya.