4-723/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

29 AVRIL 2008


Proposition de loi instituant auprès du Service public fédéral de programmation Développement durable un Conseil de l'investissement socialement responsable

(Déposée par M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend en partie le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 30 août 2004 (doc. Sénat, nº 3-835/1 - 2004/2005).

Le mouvement de l'investissement socialement responsable (ISR infra), suscite l'intérêt depuis la fin des années nonante en raison des relatives bonnes prestations financières de ces produits et de la sensibilisation de plus en plus accrue du public, des entreprises et des intermédiaires financiers aux divers enjeux du développement durable.

Les performances enregistrées par les placements dits « éthiques » montrent en effet qu'il est possible d'atteindre un return financier équivalent, à long terme, à un produit classique. L'opinion qui circule et prétendant que ces placements procurent un moindre rendement que les placements classiques est totalement infondée.

Pour ne prendre qu'un exemple de cette équivalence de rendement, il suffit d'observer l'évolution de l'encours des produits « éthiques » ces derniers temps. En quelques années, les investissements éthiques ont pris une belle ampleur. Le développement des sicav éthiques est à ce titre plus qu'impressionnant. Au moment du dépôt de cette proposition de loi (2004), elles ne représentaient en effet que 1,1 % du marché.

Selon les chiffres du Réseau Financement Alternatif (RFA), à la fin du mois de juin 2007, plus de 6 % des fonds et sicav détenus par des Belges, répondaient aux critères de l'investissement socialement responsable, ce qui représente 10,7 milliards d'euros.

Si on ajoute l'épargne dans d'autres produits — tels les comptes épargne solidaire Triodos ou Cigale, ou dans des parts de banque coopérative (comme Credal ou Triodos) ou encore dans un groupe d'épargne de proximité — ce montant atteint 11,36 milliards d'euros.

Avec une progression de 33 % au cours des six derniers mois de l'année 2007, l'investissement socialement responsable (ISR) est en effet devenu incontournable sur le marché des particuliers comme dans le paysage institutionnel. Selon Bernard Bayot, directeur de RFA, au 30 juin 2007, le marché ISR belge se composait de 157 produits responsables contre 70 en 2003, soit une progression annuelle de 31 %. Comparé à la situation au 31 décembre 2006, où il existait 118 produits financiers ISR, c'est une augmentation de 33 % en six mois.

Au regard de ce qui se produit dans la pratique, l'ISR peut être compris, de manière générale, comme toute forme d'investissement qui ne répond pas uniquement à des critères financiers mais également à des préoccupations sociales éthiques, environnementales et de bonne gouvernance. La sélection des investissements peut se faire selon des critères d'exclusion ou des critères positifs.

Les quatre grandes formes d'investissement qui peuvent se combiner selon les cas, sont: les placements éthiques (ou socialement responsables ou durables); les placements avec partage solidaire; l'investissement éthiques et solidaires et l'activisme actionnarial.

Mais sur le plan légal, la notion d'ISR ne bénéficie actuellement d'aucun statut légal. Et c'est bien là que le problème se pose. La détermination des quatre critères socialement responsable est fixée de manière disparate, elle est le fait soit des distributeurs de produits financiers eux-mêmes soit des organismes de certification externe à la distribution comme Ethibel.

Chaque institution financière qui met un produit financier sur le marché peut elle-même déterminer si ce produit peut être qualifié d'éthique, de durable ou de socialement responsable. Le marché de l'épargne et de l'investissement durable continue de se développer. De plus en plus de produits arrivent sur le marché. Ceux qui choisissent d'investir de manière éthique sont confrontés à un large choix. Toutefois, celui qui n'est pas expert en cette matière ne dispose pas ou difficilement de l'information nécessaire.

Or, pour que les investisseurs intègrent les divers enjeux du développement durable, il importe de les informer et de les conseiller de la manière la plus complète et la plus objective possible sur les services et les produits des marchés financiers. Il faut en effet assurer une meilleure protection non seulement des intérêts mais surtout des aspirations sociétales des épargnants.

C'est donc un constat: l'épargnant ordinaire éprouve toujours plus de difficultés à faire la distinction entre l'image et la réalité. On constate également que les termes « éthique/durable » sont de plus en plus vidés de leur sens.

La présente proposition de loi s'inscrit en réaction face à certaines dérives qui risquent d'éroder la confiance du public. Même s'il existe des initiatives au niveau de l'industrie bancaire et financière, ces dernières ne remplaceront pas une intervention de la puissance publique.

Compte tenu de ce qui précède, il s'avère indispensable de créer un organe de nature consultative composé des acteurs du secteur de l'ISR, de représentants du monde financier, de représentants des consommateurs et de représentants d'associations de travailleurs et d'employeurs pour tendre vers des critères plus objectifs et plus transparents sur le plan financier dans l'intérêt des investisseurs.

L'objectif de la présente proposition de loi n'est pas d'établir une délimitation trop poussée de ce que l'on entend par ISR. Il ne s'agit pas d'être trop restrictif au risque de bloquer l'initiative en la matière. Il s'agit uniquement de faire en sorte que des normes minimales soient déterminées.

Le 24 septembre 2004, le Conseil des ministres a adopté le Plan fédéral de développement durable 2004-2008. Ce dernier est composé de 31 actions. L'un d'entre elles, la huitième, est consacrée aux placements éthiques. Le plan plaide pour l'adoption d'une politique spécifique et cohérente. Concernant la mise en pratique de cette politique, le Plan a prévu l'instauration d'un groupe de travail chargé de diverses missions dont principalement le suivi de l'obligation légale de transparence des fonds de pension.

Enfin, le Plan prévoyait qu'une attention particulière serait également prêtée au contrôle de l'information sociale, éthique et environnementale fournie par les entreprises: « Tout comme pour le rapportage financier classique, il faudra que cette information soit contrôlée d'une façon indépendante sans que ceci représente un coût supplémentaire pour les entreprises ».

La visée éthique que l'on se donne, même si elle n'est pas réalisée aujourd'hui, est déjà une avancée majeure en matière d'humanisation de l'économie, comme le déclare à juste titre Eric Loiselet, « si ces premières avancées sont encore imparfaites ou fragiles, elles n'en constituent pas moins de premières bases stimulantes pour celles et ceux qui sont convaincus que la finance est un levier d'action pour agir sur le monde ».

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article reprend les compétences et différentes missions du Conseil de l'ISR. La plupart des missions n'appellent pas de remarques particulières, à l'exception de la question du rapportage.

Comme le rappelait le Plan fédéral de développement durable, les pouvoirs publics doivent pouvoir exercer un suivi, un contrôle. Or, seul un rapportage sérieux permet de rencontrer cette exigence de transparence. Les fonds de pensions et d'investissement doivent rendre publics les critères sociaux, éthiques, environnementaux et de bonne gouvernance de leurs politiques d'investissement.

Article 3

Cet article règle la composition du Conseil de l'investissement socialement responsable.

Article 4

Cet article règle la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est institué auprès du Service public fédéral de programmation Développement durable un organisme consultatif dénommé Conseil de l'investissement socialement responsable qui a pour missions:

1º de déterminer les critères objectifs et transparents permettant de considérer un investissement comme socialement responsable;

2º de remettre un rapport annuel sur ses activités au ministre qui a le développement durable dans ses attributions;

3º d'assurer le contrôle de l'utilisation de la dénomination « produit éthique »;

4º de rechercher et de rassembler une documentation sur les problèmes relatifs à l'investissement socialement responsable en particulier, suivre et encourager les travaux de recherche y afférents ainsi que coordonner et harmoniser les actions d'information entreprises en faveur des investisseurs socialement responsable.

5º de réaliser une communication générale qui puisse contribuer à soutenir l'épargne et l'investissement durable;

6º de développer une politique générale d'épargne et d'investissement éthique/durable de l'autorité publique;

7º de promouvoir un rapportage transparent;

8º de remettre des avis motivés sur toute initiative parlementaire ou gouvernementale relative l'investissement socialement responsable.

Art. 3

Le Conseil de l'investissement socialement responsable est composé de treize membres désignés par le Roi selon la répartition suivante:

— quatre membres représentant d'organismes dont l'activité principale se rapporte à l'investissement socialement responsable;

— deux membres représentant les organisations de consommateurs;

— deux membres représentant les institutions financières;

— deux membres représentant des ONG impliquées dans le développement durable, la paix, l'environnement, les droits de l'homme;

— un membre représentant la Commission bancaire, financière et des assurances;

— un membre représentant les organisations de travailleurs;

— un membre représentant les organisations d'employeurs.

Art. 4

La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

12 juillet 2007.

Philippe MAHOUX.