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M. le président. - M. Pieter De Crem, ministre de la Défense, répondra.
M. Francis Delpérée (cdH). - La presse rapporte que l'asbl « Gestion des finances de l'Exécutif des Musulmans de Belgique » a été mise en liquidation. Elle précise également que de nouvelles inculpations pour faux, usage de faux et abus de biens sociaux sont intervenues à charge de personnalités composant cet exécutif et que ces dernières ont décidé de démissionner.
Il n'appartient pas à l'État et encore moins au gouvernement d'intervenir dans l'organisation des cultes. Toutefois, on peut comprendre que ceux-ci veuillent disposer d'un interlocuteur officiel, représentatif des musulmans de Belgique, qui serve d' « organe représentatif du culte musulman » - comme dit la loi sur le temporel des cultes - et permette d'assurer le financement de ce culte qui devrait, en principe, s'inscrire dans le prolongement de l'article 181 de la Constitution.
En fait, sinon en droit, cet interlocuteur fait aujourd'hui défaut. Parmi les membres de l'Exécutif, l'un a été révoqué, d'autres sont démissionnaires et d'autres encore ont fait l'objet d'un vote de méfiance.
Une question se pose dans l'immédiat. Quelles sont les personnes qui vont assumer l'expédition des affaires courantes au sein de l'Exécutif et de quelle manière ? Comment pourront-elles intervenir si elles ne disposent pas de moyens financiers ou de personnel suffisants ?
Une question se pose à plus longue échéance. Au vu des derniers événements, le système institutionnel mis en place il y a dix ans et corrigé il y a trois ans, ne montre-t-il pas ses limites, ses insuffisances, ses imperfections et ses contradictions ?
Le dialogue engagé par les autorités belges avec les responsables de l'Exécutif des Musulmans de Belgique peut-il être poursuivi ? Le contrôle qui affecte nécessairement l'usage des deniers publics versés aux organes de chefs de cultes peut-il s'effectuer dans ces conditions ?
Je sais que le ministre de la Justice a, ces derniers jours, multiplié les contacts avec les milieux concernés, plus exactement avec ce qu'il appelle dans la presse « les différents segments de la société musulmane ».
Est-il prêt à envisager des réformes de structures qui permettraient, dans le respect du principe d'indépendance de l'État et des cultes - principe rappelé dans un arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 septembre 2005 - de mieux organiser un tel dialogue ?
M. Pieter De Crem, ministre de la Défense. - Je vous lis la réponse du ministre de la Justice.
Comme vous, c'est dans la presse que j'ai pris connaissance des derniers développements du dossier et de l'instruction judiciaire en cours.
Étant donné le principe de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas l'intention de m'immiscer dans l'instruction ou de faire des commentaires à ce sujet.
Toutefois, je peux vous affirmer qu'afin de garantir ses intérêts, l'État belge s'est porté partie civile dans ce dossier.
Ces dernières semaines, j'ai en effet eu de fréquents contacts avec les représentants du culte musulman, en vue de rechercher une solution opérante et de débloquer des moyens financiers inscrits au budget. Cependant, un certain nombre de conditions devaient d'abord être remplies : relevé des dettes, plan financier d'assainissement et prévision de liquidation des dettes du passé, tenue d'une assemblée générale afin de me communiquer les noms des personnes à désigner comme titulaires d'un mandat au sein de l'Exécutif des Musulmans.
Cette Assemblée générale a eu lieu vendredi dernier, mais n'est pas parvenue à un consensus sur la désignation des personnes susmentionnées.
Il y a dès lors lieu de constater qu'actuellement, l'organe chef du culte musulman n'est plus représentatif et qu'il n'y a pas d'interlocuteur structuré.
Par ailleurs, il faut savoir qu'un certain nombre de dossiers sont en cours et qu'une continuité doit être assurée dans leur gestion.
Vu les développements dans ce dossier, il revient selon moi, en première instance, à la Communauté musulmane de trouver une solution intermédiaire ainsi qu'un financement.
J'attire d'ailleurs l'attention sur le fait que le rapport au Roi qui accompagne l'arrêté royal du 3 mai 1999 portant reconnaissance de l'Exécutif des Musulmans de Belgique, stipule que le subside a un caractère transitoire. Après près de neuf ans, j'estime que cette période transitoire est venue à terme et qu'à côté de l'obligation constitutionnelle de payer les traitements et les pensions des imams, d'autres ressources financières doivent être explorées, tant au niveau d'autres autorités qu'au niveau de la Communauté musulmane. Maintenir le régime actuel constitue une discrimination vis-à-vis d'autres cultes reconnus.
L'Exécutif a actuellement deux secrétaires généraux dont les traitements sont payés sur le budget du SPF Justice et qui pourront déjà effectuer une mission intermédiaire mais il revient à la Communauté musulmane de me présenter des propositions.
Vu les principes de non-ingérence des autorités publiques dans les affaires internes d'un culte, il y a lieu de bien analyser la situation et de ne pas se précipiter ; je vise surtout les autorités publiques.
Mes collaborateurs auront, dans les semaines à venir, des contacts avec diverses organisations du monde musulman en Belgique, afin de se concerter sur l'avenir.
Il est nécessaire qu'une structure stable et efficace soit mise en place comme organe chef du culte musulman et toutes les pistes devront être explorées. Les diverses opinions exprimées ces derniers jours montrent la nécessité d'un tel exercice. J'invite la Communauté musulmane de Belgique à entamer cette réflexion de fond.
Nous examinons également les possibilités de modifier la législation qui est actuellement en vigueur en ce qui concerne le culte musulman.
M. Francis Delpérée (cdH). - Je relève deux points importants dans la réponse du ministre. Tout d'abord, le fait que le culte musulman doit disposer d'une structure stable qu'il aurait en grande partie déterminée lui-même, pour respecter le principe de l'indépendance de l'État et des cultes.
Le second point me paraît le plus important : le ministre dit, et nous l'avons signalé à plusieurs reprises ces dernières années, que le régime de financement qui a été établi est finalement un régime discriminatoire, un régime temporaire qui devait s'effacer pour revenir au respect des principes constitutionnels, notamment celui de l'article 181 relatif au financement des traitements et pensions des ministres des cultes. Il serait temps de remettre le train sur ses rails constitutionnels !