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De voorzitter. - De heer Christian Dupont, minister van Pensioenen en Maatschappelijke Integratie, antwoordt.
M. Philippe Monfils (MR). - La presse nous annonçait, ce matin, les résultats assez surprenants d'une étude réalisée par deux scientifiques réputés, Irving Kirsch de l'Université de Hull au Royaume-Uni et Blair T. Johnson de l'Université de Connecticut.
Ces deux experts auraient analysé la totalité des essais cliniques des antidépresseurs de nouvelle génération les plus prescrits : le Prozac, l'Effexor, le Deroxat, le Zoloft et le Seropram.
Ayant réussi à mettre la main sur des études non divulguées jusque-là par les laboratoires fabriquant ces médicaments, ils ont abouti à des conclusions particulièrement surprenantes : ces médicaments ne sont pas plus efficaces qu'un placebo !
Les psychiatres évaluent la gravité de la dépression en fonction des réponses à 21 questions posées au patient, selon l'échelle d'évaluation élaborée en 1960 par le psychiatre britannique Max Hamilton. L'analyse faite par les auteurs de cette enquête des essais cliniques, publiés ou non, soumis à la Food and Drug Administration révèle une différence de 1,8 point sur cette échelle entre le placebo et l'antidépresseur. Or, les recommandations officielles du NICE, le National Institute for Health and Clinical Excellence britannique, exigent un écart d'au moins 3 points pour valider l'efficacité d'un antidépresseur. Cela signifie que si la différence n'est que de 1,8 point, l'antidépresseur n'est pas très efficace.
Au vu de ces résultats interpellants, mes questions sont les suivantes.
La ministre peut-elle nous en dire plus sur cette enquête ? A-t-elle une idée du nombre de personnes en Belgique concernées par la prise de ces antidépresseurs ?
Combien de prescriptions d'antidépresseurs ont-elles été réalisées en Belgique ces dernières années ? Le chiffre doit, à mon sens, être très élevé car le Belge a l'habitude de conserver dans sa pharmacie toute une série de médicaments dont certains sont périmés et d'autres sont inutiles, ce qui est source de dépenses importantes.
Comment la ministre compte-t-elle réagir à ces résultats ? Quels conseils donne-t-elle aux personnes qui considèrent que les antidépresseurs sont la panacée pour sortir d'une certaine morosité ambiante ? S'il s'agit réellement d'un placebo, elles feraient mieux de prendre de l'eau quelque peu améliorée. Ce serait sans doute moins cher et plus amusant !
J'aimerais donc connaître le sentiment des représentants du gouvernement sur cette question qui intéresse énormément de Belges.
M. Christian Dupont, ministre des Pensions et de l'Intégration sociale. - Je vous lis la réponse de la ministre Onkelinx.
J'ai également pris connaissance des résultats de cette publication britannique.
Tout d'abord, permettez-moi de préciser qu'il ne s'agit pas d'une enquête mais de ce que l'on appelle une méta-analyse, c'est-à-dire de la sommation des résultats de toutes les études, publiées ou non, réalisées sur les antidépresseurs et d'une bonne qualité méthodologique.
L'auteur principal, le professeur Kirsch, de l'Université du Connecticut, tente depuis plusieurs années déjà de démontrer le manque de preuves d'efficacité des antidépresseurs, et ses prises de position ne font pas l'unanimité dans le monde scientifique.
Par ailleurs, plusieurs antidépresseurs ne sont pas inclus dans la méta-analyse. Ceci n'enlève bien évidemment rien à la pertinence des résultats publiés par Kirsch au départ des données récoltées sur quatre antidépresseurs parmi les plus utilisés dans notre pays.
L'INAMI a organisé, en mai 2006, une conférence de consensus sur l'usage efficient des antidépresseurs dans le traitement de la dépression. Le rapport de cette conférence, publié sur le site de l'INAMI, conclut « aux incertitudes quant à l'efficacité et/ou l'importance de l'efficacité des antidépresseurs dans le traitement de la dépression ». Il rappelle que le traitement d'une dépression reste un problème complexe : d'une part, les outils du diagnostic sont hétérogènes du point de vue de la symptomatologie étudiée et d'autre part, les études cliniques réalisées sont, non seulement, souvent de trop courte durée mais aussi accordent trop peu de place à l'analyse des effets secondaires. Le jury de la conférence souhaite donc que des études de plus longue durée soient entreprises ainsi que des études sur la prise en charge non médicamenteuse de la dépression.
Par ailleurs, tant l'analyse de Kirsch que le rapport du jury soulignent l'intérêt de ces médicaments dans les formes sévères de la dépression.
Du point de vue du clinicien, il semble aussi difficile de définir des critères permettant d'évaluer précisément la sévérité de la dépression diagnostiquée.
Ces éléments de discussion et le rapport ont été envoyés à tous les médecins et les organes scientifiques des médecins sont donc tout à fait à même de les utiliser pour attirer l'attention des cliniciens sur la manière la plus appropriée de prendre en charge ces patients, en particulier en ne recourant pas systématiquement au traitement médicamenteux.
En ce qui concerne vos autres questions, l'INAMI estime que plus ou moins un million de patients ont reçu, chaque année, de 2004, 2005 et 2006, au moins un conditionnement remboursé d'un antidépresseur. Une étude des mutualités socialistes a montré qu'un nombre important de patients n'ont reçu qu'une seule boîte de médicaments, et se posent légitimement la question de savoir si cette prescription était appropriée.
Une autre conférence de consensus a eu lieu en 2007, visant à faire le point sur l'utilisation des antidépresseurs dans des indications autres que la dépression, et dont le rapport vient lui aussi d'être publié.
Il invite tous les intervenants concernés par la prescription ou la prise d'un antidépresseur à repréciser la place exacte de ces médicaments dans la prise en charge des patients par rapport à l'indication qui a motivé la prescription.
Enfin, je soutiens la rédaction de recommandations, les guidelines, pour la pratique, pour les médecins de première ligne, dans la prise en charge de la dépression ainsi que toutes les activités de formation et d'évaluation dans ce domaine.
M. Philippe Monfils (MR). - Il y a donc quelque chose de vrai dans ce que disent les experts. On n'a pas la certitude absolue que ces médicaments soient réellement utiles. Vous avez par ailleurs indiqué qu'un million de Belges s'étaient déjà vu prescrire au moins une boîte d'antidépresseurs. Enfin, il convient de réfléchir à la meilleure manière de soigner une dépression.
Il est donc nécessaire de mener des expériences de plus longue durée et de poursuivre cette évaluation. Si on constatait qu'un antidépresseur n'a pas plus d'effet qu'un cachet d'aspirine, il conviendrait de revoir les points de vue, notamment sous l'angle de l'INAMI. En effet, il ne sert à rien de rembourser un médicament si on est quasiment certain qu'il ne sert pas à grand-chose. Dans cet ordre d'idée, mieux vaut, pour s'oxygéner les poumons, s'adonner à la course durant un quart d'heure que d'avaler un comprimé !
Je serai attentif à l'évolution des recherches scientifiques et à l'appréciation de l'utilité de ces médicaments.