4-140/2

4-140/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

29 JANVIER 2008


Proposition de loi modifiant le Code civil et les lois coordonnées sur la comptabilité de l'État en ce qui concerne la prescription


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. DELPÉRÉE


I. Introduction

La commission de la Justice a examiné la proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport lors de ses réunions des 23 et 29 janvier 2008, en présence du ministre de la Justice.

Cette proposition a été examinée conjointement avec la proposition de loi de MM. Hugo Vandenberghe et Tony Van Parys modifiant le Code civil en vue de conférer à une requête en annulation devant le Conseil d'État un caractère suspensif à l'égard de l'action civile en dommages et intérêts (voir doc. Sénat, nºs 4-10/1 et 4-10/3), qui a le même objet.

II. Exposé introductif de Mme Taelman

Mme Taelman souligne qu'en ce qui concerne la problématique abordée, il y a un parallélisme entre sa proposition de loi et la proposition nº 4-10. Même si le citoyen obtient gain de cause au Conseil d'État, il lui reste encore un long chemin à parcourir. En effet, le pluralisme juridictionnel l'oblige encore à saisir ensuite le juge civil pour réclamer des dommages et intérêts. En outre, une procédure devant le Conseil d'État peut durer très longtemps. L'intervenante cite l'exemple d'un recours qui a été intenté en 1981 et pour lequel un arrêt n'est intervenu qu'en 1998.

La distinction artificielle entre contentieux objectif et contentieux subjectif a été créée à l'époque pour contourner l'inconstitutionnalité du Conseil d'État, car celui-ci n'était pas un tribunal au sens de l'article 144 de la Constitution, mais une juridiction administrative. Les droits civils et politiques visés aux articles 144 et 145 de la Constitution relèvent ainsi du contentieux subjectif, le Conseil d'État statuant quant à lui sur le contentieux objectif.

La distinction artificielle en question est absurde et tout à fait incompréhensible pour le citoyen, qui s'attend à pouvoir obtenir des dommages et intérêts dès l'instant où il porte l'affaire en justice et obtient gain de cause.

Jusqu'en 1996, la notion de « citation » utilisée à l'article 2244 du Code civil a été interprétée très largement. Il était donc admis qu'une requête en annulation relèverait également de cette notion.

Cependant, la Cour de cassation a adopté un point de vue différent dans son arrêt du 25 avril 1996: « la requête en annulation d'un acte administratif devant le Conseil d'État n'interrompt ni ne suspend la prescription du droit de réclamer, devant un tribunal civil, une réparation pour acte public illicite. » (traduction)

Malgré la récente réforme du Conseil d'État, dont il est difficile de mesurer les effets à ce jour, il n'est pas rare que les recours en annulation devant cette juridiction durent encore de huit à dix ans. Si le citoyen gagne le procès et obtient l'annulation, il doit encore citer au civil pour obtenir réparation.

En raison, d'une part, de l'article 100 des lois coordonnées du 17 juillet 1991, en vertu duquel les créances à l'égard de l'État se prescrivent après 5 ans, et, d'autre part, de l'arrêt de la Cour de cassation qui affirme qu'une procédure devant le Conseil d'État n'interrompt ni ne suspend la prescription, le citoyen est trop souvent lésé. Vu la longueur de la procédure devant le Conseil d'État, l'action civile risque entre-temps de se prescrire. Dès lors, on devrait désormais, chaque fois que l'on entame une procédure devant le Conseil d'État, engager, à titre conservatoire, une procédure civile devant le tribunal civil, ce qui serait totalement injustifié en termes d'économie de procédure. Il en résulterait en effet une surcharge de travail pour les tribunaux civils et la cause finirait probablement par être rayée du rôle après trois ans. L'État belge ne satisfait dès lors pas aux exigences d'une bonne administration de la justice.

La solution prônée dans la proposition de loi à l'examen consiste à prévoir une extension de l'article 2244 du Code civil, de manière à englober également explicitement les procédures administratives devant le Conseil d'État. De même, l'article 2255 du même Code prévoit un motif explicite de suspension jusqu'au prononcé d'une décision définitive pour les procédures pendantes, et l'article 101 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'État est étendu de manière à englober également explicitement les procédures administratives devant le Conseil d'État.

Enfin, l'intervenante fait remarquer que dans le texte français de l'article 2255 proposé, du Code civil (article 3 de la proposition de loi), le mot « interrompt » doit être remplacé par le mot « suspend », traduction plus correcte.

III. Discussion

Voir doc. Sénat, nº 4-10/3.


En conséquence de l'adoption de la proposition de loi nº 4-10/1, la proposition de loi en discussion devient sans objet.

Le rapporteur, Le président,
Francis DELPÉRÉE. Patrik VANKRUNKELSVEN.