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30 JANVIER 2008
Des élections législatives et présidentielles ont eu lieu au Kenya le 27 décembre 2007. Il s'agissait du quatrième scrutin de suite depuis l'instauration du multipartisme en 1992. Lors de son accession au pouvoir en 2002, le président sortant, Mwai Kibaki, avait fait à la population des promesses portant entre autres sur la croissance économique, la gratuité de l'enseignement et surtout des mesures vigoureuses pour lutter contre la corruption endémique. Quatre ans plus tard, le pays a effectivement progressé. Il a enregistré une croissance économique de 6 %, qui a profité surtout à la classe moyenne et à la classe supérieure de la société kényane. L'enseignement fondamental a aussi été rendu gratuit, mesure dont les filles sont les principales bénéficiaires. Mais la pauvreté alarmante de la plus grande partie de la population kényane et la corruption persistante restent problématiques.
Dans l'intervalle, l'opposition s'est bien organisée, surtout le Mouvement démocratique orange (MDO) dirigé par Raila Odinga, principal adversaire politique de Mwai Kibaki.
Les observateurs européens ont signalé des fraudes électorales. En effet, dans certaines circonscriptions électorales, le nombre de suffrages émis est supérieur au nombre d'électeurs enregistrés.
Cela n'a pourtant pas empêché le président sortant de prêter serment comme président du Kenya, très peu de temps après la publication des résultats électoraux contestés.
Les élections législatives se sont soldées par une nette victoire du parti d'opposition MDO, qui obtient 99 sièges sur 210 au parlement, contre seulement 43 pour le parti de Mwai Kibaki. Lors du premier vote au parlement, l'opposition a battu les partis au pouvoir et obtenu les deux postes les plus en vue (speaker et deputy-speaker).
Au début de cette année, des troubles sérieux ont éclaté, donnant lieu à des scènes de pillage et à des violences ethniques. On a ainsi assisté à une véritable chasse aux Kikuyu — la tribu du président Kibaki. Leurs maisons ont été incendiées et ils ont été assassinés par centaines. Comble de malheur, une église de la ville d'Eldoret, située dans l'ouest du pays, qui servait de refuge principalement à des Kikuyu, a été incendiée, faisant plus de cinquante victimes, surtout des femmes et des enfants, qui ont péri brûlés vifs. Entre temps, le président de la commission électorale a reconnu qu'il ne pouvait pas affirmer avec certitude qui avait remporté les élections; il a déclaré avoir subi des pressions.
La pression internationale s'intensifie. L'Union européenne, l'Union africaine et les États-Unis s'emploient en coulisse à rapprocher les parties en conflit.
Pendant ce temps-là, le président a composé son nouveau gouvernement, sans y associer le MDO, vainqueur des élections. Cela n'a certainement pas apaisé les esprits; le MDO a d'ailleurs déjà annulé plusieurs manifestations de masse afin d'éviter de nouvelles violences ... On risque à nouveau l'escalade.
Notre pays soutient naturellement les efforts diplomatiques de l'Union européenne. Le SPF Affaires étrangères suit la situation afin de donner des conseils de voyage actualisés. La situation au Kenya est incertaine et instable. Le niveau de sécurité 4 a été décrété, ce qui signifie que les voyages non essentiels sont déconseillés.
Marleen TEMMERMAN. |
Le Sénat,
A. Eu égard à la situation très incertaine et très instable au Kenya;
B. Considérant que des observateurs indépendants envoyés par l'Union européenne ont constaté des fraudes lors des dernières élections législatives et présidentielles dans ce pays;
C. Vu les troubles graves qui ont fait plusieurs centaines de morts et donné lieu à de nombreuses scènes de viol et de pillage;
D. Étant donné que le déchaînement de violence a engendré un flux de réfugiés de plus de 250 000 personnes qui ont fui l'endroit où ils vivaient;
E. Eu égard à la misère persistante des innombrables habitants des bidonvilles dans les grandes villes et à l'enrichissement personnel de la classe dirigeante;
F. Vu les tensions continues entre les divers groupes ethniques;
G. Considérant que les efforts diplomatiques de l'Union européenne, de l'Union africaine et des États-Unis restent pour l'heure sans résultats;
H. Vu la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2008 sur le Kenya;
demande au gouvernement belge et à l'Union européenne d'utiliser les instruments dont ils disposent pour:
1. plaider pour la création d'une commission d'enquête internationale indépendante chargée de vérifier si les élections se sont déroulées honnêtement et correctement au Kenya; il y a lieu à cet effet de publier les chiffres pour chaque bureau de vote, tels qu'ils figurent dans le rapport des observateurs de l'Union européenne;
2. convaincre le président et le nouveau gouvernement du Kenya d'entamer sans délai une concertation avec les dirigeants des représentants du MDO, qui sont les véritables vainqueurs des récentes élections;
3. inscrire à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies les violations des droits de l'homme commises dans le sillage des élections;
4. faire des propositions qui, au-delà des mesures à prendre dans le domaine de l'aide urgente et de l'aide aux réfugiés, favoriseront une reprise économique rapide dans le pays (tourisme et secteur des transports). En même temps, il faut éviter tout effet domino dans les pays voisins.
17 janvier 2008.
Marleen TEMMERMAN. François ROELANTS du VIVIER. Margriet HERMANS. Georges DALLEMAGNE. Josy DUBIÉ. |