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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 24 JANUARI 2008 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Sfia Bouarfa aan de minister van Werk over «de twijfelachtige organisaties die zich bezighouden met de tewerkstelling van onderhoudspersoneel in hotels» (nr. 4-53)

De voorzitter. - De heer Charles Michel, minister van Ontwikkelingssamenwerking, antwoordt.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Le secteur de l'Horeca est mis sur la sellette pour les conditions de travail de certaines femmes de ménage. Quelques exploitants d'hôtel ont recours pour le nettoyage des chambres à des sociétés sous-traitantes malveillantes qui profitent de la situation précaire de leur personnel essentiellement féminin, en majorité d'origine maghrébine, turque ou philippine et peu à même de se défendre. Ces sociétés sous-traitantes paient leurs employés en partie au noir, escamotent leurs primes, camouflent un horaire à plein-temps dans un contrat à temps partiel, refusent de respecter le repos de maladie et licencient en cas de contestation. Ce phénomène touche l'ensemble de la Belgique mais c'est à Bruxelles que l'on comptabilise le plus grand nombre de sièges sociaux de ce type d'entreprises. Aujourd'hui, elles seraient entre vingt-cinq et trente dans la capitale alors qu'on n'en comptait qu'une seule il y a quinze ans.

Le système est simple et illégal ; il suffit d'inscrire le personnel en question sur la commission paritaire de l'Horeca - puisqu'il travaille pour l'industrie hôtelière - moins bien payé que le personnel relevant du nettoyage - commission paritaire 121, ou la commission paritaire auxiliaire pour ouvriers - commission paritaire 100. Il s'agirait d'une commission où l'on regroupe les inclassables et les moins bien payés. Certaines sociétés, plus gourmandes, développent le système sur le modèle des négriers de la construction : le personnel est payé mais pas les cotisations sociales ni les précomptes professionnels.

Le temps que les administrations concernées réagissent, la société a fait aveu de faillite. Les cotisations et les impôts passent par pertes et profits, le personnel laissé sur le carreau se retrouve sans droit et souvent sans les derniers salaires.

D'autres font pression sur leurs travailleuses pour qu'elles se mettent en arrêt maladie ou s'inscrivent au chômage à temps plein ou à temps partiel, et les emploient dès lors en noir. Une fois dans le système, ces travailleuses sont prises au piège.

Il y aurait ainsi plus de 1.000 employés actifs sous ce régime dans les hôtels de la capitale. Tous les hôtels ne sont heureusement pas coupables de ce genre de pratiques ; certains ont leur personnel de nettoyage et le rétribuent dans les règles. D'autres, avertis par les syndicats, ont cassé le contrat avec les sous-traitants et régularisé le personnel. Cependant, la grande majorité, estimée à 70% des hôtels, recourt toujours à des sociétés sous-traitantes assignées devant le tribunal du travail, pour versement d'un salaire insuffisant. Je parle ici des hôtels mais d'autres entreprises font également appel à cette sous-traitance pour le nettoyage.

Ces fraudes sont pourtant facilement décelables. Il suffit d'aller voir auprès de la Banque nationale le chiffre d'affaires de ces sociétés de nettoyage. Si l'on divise ce chiffre par le prix unitaire de nettoyage d'une chambre d'hôtel, on obtient un certain nombre de chambres. À titre d'exemple, certaines sociétés déclarent qu'une femme de ménage ne travaille qu'une heure pour nettoyer de fond en comble quatre chambres. Soit quinze minutes pour aspirer la moquette de la chambre, changer la literie, dépoussiérer le mobilier, regarnir le mini-bar et le présentoir à publicités, nettoyer la salle de bain, y compris les carrelages de haut en bas, remplacer les savons et les serviettes. Le tout payé à 1,55 euro la chambre, soit 6,20 euros à l'heure.

On constate donc que la masse salariale déclarée ne représente par exemple que le tiers. La différence va à des sociétés sous-traitantes, qui ne sont en fait que des boîtes aux lettres, qui tombent en faillite à la première alerte. Ces sociétés prélèvent un pourcentage pour payer l'homme de paille qui leur prête son nom et le solde disparaît dans la nature. Les sociétés changent, mais les méthodes restent, dont l'intimidation. Ainsi, plusieurs permanents syndicalistes et des hôteliers se sont déjà vus menacés.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre afin d'enrayer ce phénomène ? Ne pourrait-on pas développer un label ISO social, à l'instar du label ISO 9000, qui distinguerait les bons élèves, ce qui serait un plus pour leur image de marque ?

M. Charles Michel, ministre de la Coopération au Développement. - Je vous lis la réponse du ministre de l'Emploi.

Les services d'inspection sociale ont été mis au courant des pratiques que vous dénoncez. Ces pratiques ont également été évoquées en mars 2003, lors de la conclusion de la convention de partenariat entre les partenaires sociaux du secteur du nettoyage, le ministre de l'Emploi et le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. Diverses pistes avaient été proposées, notamment l'introduction d'un système de responsabilité solidaire des donneurs d'ordre. Cette piste n'a pu être concrétisée sous la dernière législature, faute d'accord au sein du gouvernement.

En outre, les services d'inspection se plaignent que depuis la modification, intervenue en 2000, de l'article 31 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise à disposition de travailleurs, la preuve d'une mise à disposition illégale est devenue extrêmement difficile, voire quasi impossible à apporter. Pour l'inspection et pour la justice, une présomption ne suffit pas ; il faut vraiment constater l'infraction.

Le ministre en charge du dossier compte relancer les discussions sur l'introduction d'un système de responsabilité solidaire dans certains secteurs particulièrement soumis à la concurrence déloyale.

Il est aussi d'avis que les partenaires sociaux pourraient développer un label social au sein de ce secteur. Ce label serait octroyé par la commission paritaire aux entreprises qui respectent les obligations légales et permettent à la commission paritaire compétente de prendre connaissance des conditions de sous-traitance, par exemple des contrats conclus entre le donneur d'ordre et l'entreprise sous-traitante.

Mme Sfia Bouarfa (PS). - Il m'est difficile de répliquer puisque je n'ai pas affaire au ministre compétent.

Il serait intéressant d'organiser un échange de vues au sein de la commission des Affaires sociales pour discuter de la manière dont nous pouvons lutter contre le travail au noir. Une telle exploitation est inacceptable de nos jours. Les victimes ne sont même pas des étrangers sans papiers ; la plupart sont belges et installées depuis longtemps dans notre pays mais n'ont pas les moyens de se défendre.