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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

8 JANVIER 2008


Proposition de résolution concernant l'introduction du Cambodge dans la liste des pays partenaires de la coopération au développement


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

M. DALLEMAGNE


I. Introduction

La proposition de résolution à l'examen a été déposée le 12 juillet 2007 par M. Roelants du Vivier. La commission l'a examinée au cours de sa réunion du 23 octobre 2007 et a ensuite procédé, le 11 décembre 2007, à l'audition de M. Michel Van der Stichele, collaborateur de cabinet du ministre de la Coopération au Développement, de M. Peter Moors, directeur général de la direction générale de la Coopération au développement, et de M. Carl Michiels, directeur de la Coopération technique belge.

La discussion a repris le 8 janvier 2008, en présence du ministre de la Coopération au Développement.

II. Exposé introductif de M. Roelants du Vivier, auteur de la propostion de résolution

L'auteur se réfère aux développements de sa proposition de résolution. Il estime qu'une révision de la liste des pays partenaires de la coopération bilatérale s'impose. Il convient d'y réintroduire le Cambodge et de prévoir un cadre de coopération approfondi avec le Laos.

Selon l'auteur, il faut demander au gouvernement d'autoriser le ministre de la Coopération au Développement à mener à bien tous les projets initiés par la Belgique au Cambodge et de poursuivre l'opération « Mekong River Commission », un exemple de coopération régionale.

Un pays comme le Vietnam ne devrait plus se retrouver dans la liste des pays partenaires puisqu'il affiche une croissance économique importante.

III. Discussion

M. Dallemagne estime que la décision de rayer le Cambodge des pays partenaires reste à ce jour inexplicable. Le Cambodge est un pays très pauvre qui répond aux critères de la coopération au développement. La Belgique avait déjà lancé un nombre de projets dans le domaine de l'agriculture ou de la santé soit à travers le système des Nations unies soit à travers une série d'ONG. La Coopération belge avait pris le relais de certaines initiatives qui étaient encore modestes mais qui à terme pourraient prendre des dimensions assez importantes. Il s'agissait de projets structurels à caractère novateur, comme par exemple la facilitation de l'accès des plus pauvres aux soins de santé (equity funds).

Il est dangereux d'abandonner les projets déjà initiés puisqu'on demande au Cambodge de s'inscrire dans un nouveau système de soins de santé et de s'adapter à cette nouvelle réalité. Par ailleurs, dans un tout autre domaine, les responsables des Khmers Rouges sont à l'heure actuelle traduits en justice devant des juges internationaux et cambodgiens également avec l'aide de la Belgique. Il est évidemment d'une très grande importance que les procès aboutissent et il convient d'en assurer le suivi. Il serait mauvais de se retirer du Cambodge tandis que la communauté internationale y est très présente.

Il faut également s'inquiéter de l'avenir du Laos, un pays qui s'ouvre au monde.

Mme Smet estime qu'il faut limiter la coopération au développement à 18 pays. Pour le Vietnam, il faut prévoir un phasing out. La proposition de résolution à l'examen n'indique pas comment réduire progressivement l'aide au développement accordée, pour l'interrompre ensuite de façon définitive.

Mme Temmerman met en garde contre les risques d'un phasing-out trop rapide de l'aide au développement, qui pourrait effectivement générer des problèmes de taille. La Belgique a ainsi décidé, il y a quelques années, de mettre un terme à l'aide au développement en faveur du Kenya, ce qui a entraîné dans ce pays une augmentation du taux de mortalité de mères qui participaient à un projet de suivi des naissances.

Mme de Bethune convient qu'il ne faut pas arrêter trop brutalement l'aide au développement accordée au Laos et au Cambodge. Elle plaide également pour un débat général sur les critères à appliquer pour l'octroi d'une co-opération au développement, en présence du ministre de la Coopération au Développement.

Mme Hermans pense elle aussi qu'il faut mener une discussion ouverte sur la coopération belge au développement et la loi du 25 mai 1999 avec le ministre compétent.

M. Van Overmeire souhaite limiter l'aide au développement à 18 pays maximum. Comment le Vietnam a-t-il pu réaliser la croissance économique considérable qu'il a connue ? L'aide au développement apportée y est-elle pour quelque chose ? Le Cambodge pourrait-il réaliser une croissance comparable grâce à l'aide au développement ?

Mme Zrihen estime que les projets en matière d'éducation et de santé constituent une plus-value pour la démocratie.

M. Dubié considère que la liste des pays devrait faire l'objet d'une révision afin d'y inclure des pays très pauvres comme Haiti. Il faut effectuer un screening plus général de tous les pays qui figurent sur la liste des pays partenaires et également des pays susceptibles d'y être inclus.

Mme Temmerman plaide en faveur d'un arrêt de l'aide au développement dans les pays qui forment ou enrôlent des enfants soldats. Elle renvoie à cet égard à un discours concernant les enfants soldats que le premier ministre a prononcé récemment devant le Conseil de sécurité des Nations unies.


Avant de poursuivre la discussion, la commission décide d'organiser l'audition d'un représentant de la direction générale de la Coopération au développement, de la Coopération technique belge et du ministre qui a la Coopération au développement dans ses attributions.

IV. Audition du 11 décembre 2007

1. Exposé de M. Michel Van der Stichele, au nom du ministre de la Coopération au Développement

L'histoire de la collaboration bilatérale directe belge peut se résumer en la réduction du nombre de pays partenaires. L'article 6 de la loi du 25 mai 1999 relative à la coopération internationale belge prévoit un maximum de 25 pays. Une liste de 18 pays partenaires a été établie par le Conseil des ministres du 7 novembre 2003.

La loi de 1999 définit sept critères:

1. le degré de pauvreté du pays partenaire;

2. l'expérience pertinente et actuelle de la coopération internationale belge relative au pays partenaire;

3. la contribution du pays partenaire à son développement socio-économique;

4. le respect par le pays partenaire du principe de bonne gouvernance;

5. l'existence d'une situation de crise dans le pays partenaire pour laquelle la coopération internationale belge peut intervenir sur le plan international dans la résolution du conflit;

6. le degré d'intégration régionale du pays partenaire dans le cadre de la coopération régionale;

7. une politique du pays partenaire visant à éliminer la discrimination.

Il n'y a pas de place pour l'arbitraire. Les pays partenaires doivent répondre à ces critères. La concentration géographique est un élément positif, notamment du point de vue de l'efficience et de l'efficacité. La peer review de la coopération belge qui s'est déroulée voici deux ans à l'OCDE a fortement insisté sur ce point: la Belgique a fort bien agi en se concentrant sur une liste plus réduite de pays partenaires. Selon certains, dix-huit pays représentent un nombre encore trop élevé et quinze serait un nombre optimum. D'autres souhaitent en outre un maintien dans les trois continents — en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

En 2000 et en 2003, les décisions prises par les différents gouvernements sont tombées comme des couperets, ce qui a posé problème. En effet, ce fut une surprise assez désagréable pour la plupart des pays qui n'ont plus été repris dans la liste des pays partenaires. De plus, aucune stratégie de sortie n'était prévue à l'époque: les pays disparaissaient de la liste du jour au lendemain. Les projets en cours ont pu continuer, mais ils n'étaient pas toujours conçus comme une fin en soi. Souvent, ils devaient être prolongés dans le cadre de phases ultérieures destinées à finaliser l'apport de la coopération belge.

Malheureusement, ce ne fut pas le cas, notamment en ce qui concerne le Cambodge: en octobre 2003, on a démarré de grands projets, comme le projet « éducation », et le mois suivant, le Cambodge ne figurait plus sur la liste des pays partenaires. Cela a créé d'importants problèmes. C'est aussi la raison pour laquelle le précédent ministre de la Coopération a obtenu du gouvernement, en mars 2007, que le projet « éducation » qui devait normalement prendre fin au 30 juin 2007, a été prolongé jusqu'en 2010. Ainsi le projet relatif à la santé qui se terminera fin 2007, devrait également être poursuivi pour être efficace.

Une leçon peut être tirée pour l'avenir: si la Belgique décidait de se retirer de certains pays, il faudrait absolument prévoir une stratégie de sortie, de manière à ce que la sortie ait lieu progressivement, quitte à ce que d'autres pays donateurs endossent éventuellement les projets et le rôle de la Belgique. Il faudrait en tout cas prévoir cette dimension en cas de modification de la liste.

La dernière modification — et réduction — de la liste date de fin 2003. Pendant quatre à cinq ans, il y avait stabilité, suivant le souhait des deux derniers ministres en charge qui voulaient éviter une mise en cause systématique de la liste. En effet, le besoin de changement est contrebalancé par la nécessité de stabilité. Une modification systématique de la liste des pays partenaires n'est pas un bon signal donné par la Belgique.

Cela dit, la question de modification est tout à fait légitime. En quatre ou cinq ans, la situation des pays partenaires a changé aussi. Pour certains d'entre eux, la situation économique et sociale s'améliore: en Afrique du sud, au Vietnam et en Algérie, le PIB par habitant a augmenté et ces pays ont progressé dans le classement du Comité d'aide au développement de l'OCDE (DAC). Un débat peut donc être envisagé sur l'opportunité de remplacer ces trois partenaires par trois autres. Cette question devra être abordée par le prochain gouvernement.

En ce que concerne le budget, M. Van der Stichele souligne que ces dernières années le secteur multilatéral a bénéficié d'augmentations assez conséquentes, à savoir les contributions au Fonds européen de développement et à la Banque Mondiale, lesquelles sont calculées en fonction de l'importance des pays. Les prochaines années devraient voir un certain rééquilibrage au profit de notre coopération bilatérale.

2. Exposé de M. Peter Moors, directeur général de la direction générale pour la Coopération au Développement

La question de savoir si le Cambodge doit être repris dans la liste des pays partenaires de la coopération au développement belge est avant tout d'ordre politique. La réponse en revient au gouvernement et au parlement. Il est cependant clair que la DGCD peut et doit apporter des éléments politiques pour cette décision. La DGCD a en effet par définition une mission de soutien à la politique.

La loi de 1999 sur la coopération internationale définit les objectifs de la politique de développement de la Belgique: lutte contre la pauvreté et développement durable.

La loi cible la coopération bilatérale directe sur vingt-cinq pays partenaires choisis sur la base de sept critères (voir supra). En 2003, il a été décidé de ramener le nombre de pays partenaires à dix-huit.

En pratique, la concentration géographique n'a jusqu'à présent pas eu un grand impact sur la politique de coopération. Dans douze des dix-huit pays partenaires, la part belge s'élève à moins de deux pour cent de l'aide totale. En outre, la coopération gouvernementale n'a pas de stratégie efficace de sortie pour les ex-pays partenaires. Ainsi, notre pays entretient toujours une coopération bilatérale directe avec dix pays qui ne sont plus partenaires, comme le Cambodge.

La concentration devrait être appliquée plus rigoureusement, de manière à augmenter l'impact de notre politique de développement. La Belgique est un donateur de moyenne importance. En 2006, l'ODA, l'aide officielle au développement de notre pays, s'élevait à 1 576 millions d'euros. En chiffres absolus, cela place la Belgique en quatorzième position. La coopération belge au développement s'élevait à 0,50 % du produit national brut, ce qui nous situait en huitième position.

La conclusion est triple.

Premièrement, un rattrapage est nécessaire en matière d'aide bilatérale directe. La part de cette aide bilatérale directe dans l'ODA est tombée l'an dernier à moins de quatorze pour cent. C'est insuffisant. Si le budget de la coopération au développement augmente les années prochaines conformément à la croissance, la majeure partie de cette augmentation devra aller à l'aide bilatérale directe, de manière à permettre un bon mélange des canaux d'aide traditionnels. La Belgique n'est pas un petit donateur mais la part de notre aide bilatérale directe est trop réduite.

Deuxièmement, pour les pays qui ne sont plus partenaires, il faut élaborer et exécuter une stratégie stricte de sortie. Une telle stratégie signifie non pas que l'aide belge est totalement supprimée, mais que l'aide bilatérale directe se termine. La Belgique peut toutefois rester présente par le biais de canaux non gouvernementaux ou multilatéraux.

Troisièmement, il faut augmenter la prévisibilité et la continuité de l'aide bilatérale directe. À titre de comparaison: en Finlande, le noyau des dix-sept partenaires n'avait pas changé au cours des quarante dernières années en au Luxembourg la liste des dix pays partenaires du Luxembourg n'avait plus été modifiée depuis plus de dix ans. Une telle continuité augmente naturellement la prévisibilité, la durabilité et l'impact de l'effort bilatéral en matière de développement.

Au début des années nonante, l'aide bilatérale directe belge était dispersée entre plus de quarante pays. En 1999 et en 2003, le principe de la concentration géographique a été introduit: le nombre de pays partenaires a été ramené en 1999 à vingt-cinq et en 2003 à dix-huit. À ce moment, le Cambodge, entre autres, fut ôté de la liste.

Étant donné l'ampleur de notre aide bilatérale directe, le nombre de dix-huit pays partenaires est peut-être encore trop élevé. Idéalement, nous devrions pouvoir réduire davantage le nombre de pays partenaires et mener simultanément à bien une augmentation de l'aide bilatérale directe.

La réduction du nombre de pays partenaires peut se faire de manière naturelle. Sur la liste des pays partenaires de la Belgique figurent différents pays qui, compte tenu de leur développement économique, ne seront bientôt plus considérés par le DAC comme des pays en développement. Nous pouvons décider de ne pas remplacer ces pays sur notre liste des pays partenaires. Le nombre de pays partenaires pourrait ainsi passer dans les prochaines années de dix-huit à quinze par exemple, ce qui serait une diminution progressive. Combinée à une augmentation des moyens de l'aide bilatérale directe, cela devrait permettre à la Belgique de figurer, pour dix pays partenaires au moins, dans le groupe des dix plus grands donateurs. Pour l'instant, nous n'y sommes que pour six de ces pays.

On ne peut évidemment pas faire abstraction des considérations politiques. Quelques-unes de ces considérations se trouvent dans la loi de 1999 sur la coopération internationale: l'accent mis à juste titre sur les trois pays d'Afrique centrale ou l'obligation tout aussi justifiée d'être présent sur trois continents.

Le Vietnam est le seul pays partenaire asiatique. En mars 2007, une commission mixte fut mise en place qui proposa d'envisager d'autres formes de coopération lorsque le Vietnam passera du statut de low income country à celui de middle income country, (vraisemblablement en 2009 ou 2010). Ces autres formes de coopération peuvent être des collaborations universitaires ou commerciales dont le Vietnam est demandeur. Les coopérations non gouvernementale et multilatérale vont probablement subsister. La seule certitude est que la coopération bilatérale directe avec le Vietnam se terminera lorsque ce pays deviendra un middle income country.

La loi de 1999 implique qu'à ce moment un autre pays asiatique soit ajouté à la liste des pays partenaires. Ce pourrait être le Cambodge ou le Laos. Un des critères dont on tiendra vraisemblablement compte sera l'expérience et l'étendue de la coopération passée ou actuelle.

Nous avons une longue et importante tradition de coopération avec le Cambodge et cette coopération fonctionne très bien. En novembre 2003, il a été décidé de retirer le Cambodge de la liste des pays partenaires, alors qu'en octobre 2003, on venait de lancer un grand projet d'enseignement qui doit se poursuivre jusqu'en 2011. En outre, deux projets de santé se poursuivront jusqu'à la mi-2008.

Au Laos on compte cinq interventions: trois d'entre elles s'achèveront fin 2007, les deux autres au printemps 2009.

Enfin, la Belgique a également accordé son soutien, même si c'est de manière limitée, à la Mekong River Commission, l'accord de coopération régional dans la région du Mékong. En 2005, une première contribution d'un million d'euros a été versée pour le Navigation Program. En 2006, l'engagement a été pris de poursuivre ce financement jusqu'en 2009.

Une bonne répartition dans les pays partenaires est souhaitable, non seulement, comme le prescrit la loi, par le biais d'une répartition géographique sur les trois continents, mais aussi selon d'autres équilibres, comme par exemple par un mélange de pays fragiles et de pays stables ou une bonne répartition entre pays très pauvres et moins pauvres.

Selon le human development index du PNUD, neuf de nos dix-huit pays partenaires font partie du groupe des pays de low human development; les neuf autres figurent sur la liste des pays de medium human development. Tant le Vietnam que le Cambodge et le Laos font partie des pays de medium human development.

La mission de la DGCD est de donner au ministre, au gouvernement et au parlement des éléments politiques de prévision et de soutien. À la question de savoir si le Cambodge doit figurer sur la liste des pays partenaires, la DGCD n'a pas de réponse directe mais elle peut essayer de fournir quelques éléments politiques qui peuvent jouer un rôle dans cette décision.

En résumé:

1. La nécessité d'augmenter la prévisibilité et la continuité de notre coopération bilatérale directe en ne modifiant pas constamment la liste des pays partenaires. Si le souhait politique d'ajouter des pays à la liste des pays partenaires se manifestait, ce serait réalisable puisque dans les prochaines années l'aide bilatérale directe avec certains pays partenaires évoluera vers d'autres formes de coopération. Ces pays perdent en effet peu à peu leur statut de pays en développement.

2. La nécessité d'augmenter l'impact de notre aide bilatérale directe, entre autres, en augmentant le montant de cette aide, en développant des stratégies de sortie efficaces, en les appliquant de façon stricte et en n'augmentant pas le nombre de pays partenaires, voire, idéalement, en le diminuant.

Un nombre de dix-huit pays partenaires est la limite supérieure de la coopération au développement de la Belgique si nous voulons éviter la dispersion. Si l'an prochain plusieurs nouveaux pays seront ajoutés à la liste des pays partenaires, d'autres devraient être simultanément supprimés, de manière à ce que la liste ne comporte pas plus de dix-huit pays — chiffre qui est même un peu trop élevé.

3. Exposé de M. Carl Michiels, directeur de la Coopération Technique belge

La Belgique est un petit pays et le budget bilatéral est restreint, d'où la nécessaire concentration de la coopération belge au développement.

L'an prochain, les engagements relatifs à la coopération bilatérale seront plafonnés à 175 millions d'euros. Un montant de 120 millions d'euros est prévu pour les trois pays de concentration d'Afrique centrale. Le reste doit être réparti entre les quinze autres pays, ce qui signifie en moyenne trois millions d'euros par an pour chacun de ces pays. Ceci nous ramène au niveau d'une ONG. Le choix est donc soit d'augmenter le budget de l'aide bilatérale, soit de concentrer encore davantage l'aide.

Par ailleurs, les actions éclair constituent une stratégie néfaste pour la coopération au développement. Si les problèmes climatiques sont dus à un excédent de CO2, la coopération au développement souffre d'une pénurie de CO4: coordination, continuité, consensus et cohérence.

Continuité, parce que la coopération au développement est une course de longue distance qui nécessite des projets à long terme. Il faut du temps pour apprendre à connaître ses partenaires, pour développer des méthodes, les tester et les évaluer et pour porter les initiatives à un niveau plus élevé.

Au Cambodge, la coopération au développement ne répond pas à cette exigence de continuité. Le Cambodge est apparu sur la liste des pays de concentration en 1999. En 2001, la Belgique a conclu avec ce pays un accord général prévoyant un programme indicatif pour quatre ans. En 2003, le Cambodge a disparu de la liste. À l'époque, la CTB se focalisait sur l'exécution de deux projets très importants, d'ailleurs toujours en cours. L'objectif était de concentrer la coopération sur les secteurs des soins de santé et de l'enseignement, et sur les zones les plus pauvres du Cambodge. À l'heure actuelle, trois projets sont poursuivis: un projet de santé, un projet éducatif et un programme de formation.

Le projet relatif à l'enseignement primaire a donné de bons résultats en matière de bâtiments scolaires. Notre coopération a réussi à introduire un nouveau projet d'école, avec des locaux plus lumineux, plus frais et malgré tout avantageux au plan financier. Ce projet a été adopté par le ministère cambodgien de l'Enseignement. Nous avons aussi lancé des bourses d'études pour les étudiants sans ressources. Ce modèle a été adopté par la Banque mondiale. À l'heure actuelle, 522 salles de classe ont été construites dans 82 endroits, 7 000 étudiants ont reçu une bourse et nous développons de nouvelles activités pédagogiques partout où c'est possible: gestion, enseignement des langues, des mathématiques, etc.

Ce projet a heureusement été prolongé pour figer les résultats de cette première phase, une phase expérimentale, dans une phase de consolidation. Un budget additionnel de 4 700 000 euros a été alloué en mars 2007 pour garantir la durée de ce projet.

Dans le projet relatif à la santé, l'objectif était d'utiliser deux nouveaux outils: un fonds d'investissement qui a permis aux plus démunis d'accéder aux services de santé, et un système de contractualisation qui a permis au personnel de santé, encouragé par des primes, de développer des services qualitatifs de haut niveau. Grâce au fonds d'investissement, environ 40 000 patients ont pu accéder aux soins de santé et grâce à la contractualisation, la qualité des services a considérablement augmenté, le tout allant de pair avec des formations dans tous les domaines, comme la gestion et les techniques médicales.

Un problème se pose au plan opérationnel. Comme le projet vient d'être entamé et qu'il est basé sur des techniques fort innovantes qui n'ont pas encore fait leurs preuves, nous craignons qu'en cas d'arrêt du projet après la première phase, il soit très difficile de consolider les résultats ainsi que les réalisations et de transférer le projet à notre partenaire. Le gouvernement cambodgien aura du mal à trouver des ressources propres pour reprendre le fonds d'investissement et la contractualisation.

Il va de soi qu'au vu des objectifs du Millénaire, les secteurs de l'enseignement et de la santé restent importants, tant pour le gouvernement cambodgien que pour la coopération belge au développement et pour la société des donateurs en général.

Quant à l'insertion du Cambodge dans la liste des pays de concentration, une période supplémentaire de consolidation peut garantir la stabilité et l'efficacité du projet de santé.

4. Échange de vues

M. Roelants du Vivier estime que les exposés des orateurs démontrent clairement que l'éviction du Cambodge de la liste des pays partenaires a constitué une anomalie qu'il faut réparer d'une manière ou d'une autre. La meilleure façon de le faire est de réintroduire ce pays dans la liste des pays partenaires. Cela fait donc pratiquement quatre ans que le nombre de pays de concentration a été réduit de 25 à 18 et que le Cambodge n'est plus repris dans la liste. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences.

M. Roelants du Vivier est d'avis qu'il faut reconcentrer l'aide du multilatéral vers le bilatéral ou du moins veiller, lorsqu'on augmente les moyens pour aboutir à 0,7 % du revenu national brut, à ce que le bilatéral représente la part du lion.

Outre l'intérêt de la coopération au développement en général, une politique de développement ou même une politique étrangère sert aussi les intérêts d'un pays. Selon un ancien ministre de la Coopération luxembourgeois, un pays industrialisé et riche a le devoir d'apporter l'aide multilatérale à divers pays, mais l'identification même d'un petit pays comme le Luxembourg était plus difficile au travers de l'aide multilatérale que de l'aide bilatérale. Dès lors, il est important que dans certaines régions du monde, la Belgique soit clairement identifiée comme un pays donateur efficient et cohérent.

Au moment de la décision de retenir des pays dans les trois continents, en Asie un pays a été choisi qui, heureusement, se développe très bien. Le Vietnam est le cas parfait d'un pays qui, progressivement, va s'installer dans la catégorie des pays qui se développent davantage. Même si le Cambodge revient de loin, on peut espérer qu'il suivra la même piste que le Vietnam. Lorsque la mission à l'égard du Cambodge est accomplie, un autre pays d'Asie sera considéré. La continuité est un bon argument, mais il convient de l'évaluer en fonction de l'évolution économique des différents pays.

Selon M. Roelants du Vivier, il serait judicieux d'entreprendre une stratégie de sortie pour le Vietnam et de concentrer l'aide sur le Cambodge, qui la mérite largement.

Le nombre de pays de concentration doit se situer dans une fourchette entre 10 et 18. Il est clair que des arguments politiques interviendront à un moment donné pour privilégier un pays par rapport à un autre.

Le Laos exerce des pressions amicales pour pouvoir faire partie des pays partenaires de la coopération au développement. Il y a une différence essentielle entre le Laos et le Cambodge. En effet, ce dernier pays mérite nos félicitations pour son évolution démocratique, que ce soit à travers les élections ou le tribunal international. Il faut espérer que le Laos suivra la même évolution. Nous ne devons toutefois pas décourager le Laos. Il est possible d'imaginer un cadre de coopération avec lui. Toutefois, sur le plan politique, la priorité doit pouvoir être donnée au Cambodge.

M. Mahoux se réfère d'abord l'augmentation significative du budget global de la coopération au développement qui a été traduit dans un texte légal. Toutefois, les décisions du prochain gouvernement ne sont pas encore clairs.

En ce que concerne l'aide bilatérale indirecte, le nombre de pays de concentration est trop important. Cela n'exclut nullement toutes les formes d'aide bilatérale indirecte. L'orateur est partisan de l'indépendance des politiques des ONG et de leurs choix stratégiques et idéologiques par rapport aux projets qu'elles développent et aux endroits où elles interviennent. Sinon, les ONG seront asservies à des décisions politiques, particulièrement concernant le choix des pays.

Il importe d'additionner tous les efforts en matière de coopération au développement en faveur des populations auxquelles nous apportons notre aide.

En ce que concerne l'introduction du Cambodge dans la liste des pays partenaires, l'orateur met en garde contre les risques éventuels. Il serait naïf d'imaginer que toutes les politiques de coopération au développement se valent et font l'objet d'un consensus général.

Ceux qui connaissent le Cambodge, y portent leur attachement pour des raisons historiques, culturelles, liées à la réalité du génocide. La Belgique était prête de s'engager, comme elle l'a fait pour de nombreux pays dans des circonstances similaires. Après de nombreux obstacles, la juridiction mixte Cambodge-Nations unies s'est enfin mise en place et nous espérons que certains des responsables du génocide, avant qu'ils soient tous morts, pourront être jugés par cette juridiction internationale.

Notre attachement à ce pays s'explique peut-être aussi par un sentiment de cohérence par rapport à des projets engagés, par exemple dans le domaine de l'enseignement, de la santé.

Selon M. Mahoux, l'Inspection des Finances refuse que l'on consacre des budgets importants au Cambodge parce qu'il ne figure pas dans la liste des 18 pays prioritaires. Fait-elle obstacle à des arrêtés gouvernementaux consacrant des budgets au Cambodge dans le cadre d'un phasing out ? Quel est le montant exact et la durée d'un phasing out raisonnable ? Cesser subitement les projets en cours serait faire marche arrière.

Il conviendrait donc d'évaluer le phasing out, son coût et sa durée. Il faudrait ensuite confronter cette évaluation à l'avis de l'Inspection des Finances et à celui du gouvernement. En effet, si l'Inspection des Finances émet un avis négatif, le ministre ne peut prendre la décision lui-même et le dossier est soumis au gouvernement. Il est préférable d'être d'accord avec l'Inspection des Finances mais elle n'a pas toujours raison.

Par la suite, il faut décider si la liste des pays partenaires doit être modifiée. Modifie-t-on les chiffres ou les pays éligibles ? Voir le problème au travers d'un dossier, même s'il est important, revient à le traiter partiellement. Il serait préférable de considérer le problème de manière globale et de se montrer plus pragmatique à l'égard du Cambodge.

L'orateur est personnellement attaché aux relations bilatérales directes. La cohérence dans les relations multilatérales reste important, et les politiques européennes coordonnées de coopération au développement doivent être soutenues. Ceci n'empêche pas de poursuivre nos coopérations bilatérales directes. De toute façon, un euro ne peut servir deux fois. L'augmentation des budgets généraux de la coopération au développement serait l'idéal.

M. Dallemagne constate que 120 des 175 millions d'euros qui seront consacrés à l'aide bilatérale directe pour l'an prochain, seront absorbés par les trois pays d'Afrique centrale. Ceci est le signal que ce budget doit être revu à la hausse. En effet, réserver seulement trois millions en moyenne de l'aide de la Belgique pour chacun des autres pays de concentration. Même s'il faut s'inscrire dans des coopérations multilatérales et européennes, l'aide bilatérale reste un instrument précieux en raison de notre compétence et expertise, par exemple en matière de santé ou d'éducation.

Comment se fait-il que cette aide ait crue relativement peu par rapport à l'ensemble de l'aide publique au développement alors que nous avons un instrument de coopération efficace pour l'aide bilatérale, la Coopération Technique Belge ?

Selon M. Moors, la Belgique est à la quatorzième place en valeur absolue et à la huitième place en aide publique par habitant. Or, les rangs généralement cités étaient jusqu'à présent: dixième pour l'aide publique en valeur absolue et sixième pour l'aide publique par habitant. C'est une correction de taille importante et doit inciter la Belgique à restituer le volume de l'aide par rapport à celui d'autres bailleurs de fonds internationaux.

Quant au Cambodge, M. Dallemagne estime que la réintégration du Cambodge dans la liste des pays de concentration répond à ce critère de continuité et permet à la Belgique de poursuivre ses actions très innovantes. L'orateur se réfère au concept des écoles et le projet en matière de santé qui sont des initiatives de la Coopération belge. Elles font aujourd'hui l'objet de séminaires internationaux et de visites d'autres bailleurs de fonds. Elles inspirent évidemment aussi le gouvernement cambodgien dans la mise en place de politiques en matière de santé et d'éducation.

La Belgique a engagé le Cambodge dans des réformes importantes. Les responsables de ce pays ont été convaincus que leur système de santé publique ne fonctionnait pas, qu'il n'était pas équitable ni opérationnel, qu'il était extrêmement coûteux pour la population cambodgienne. En même temps, les mesures souhaitables leur ont été proposées.

Après avoir engagé ce pays sur certaines voies, il serait indécent de se retirer brusquement. Les conséquences de la rupture sont plus graves qu'un retour à la case départ, car c'est comme rien n'a été fait. Les modifications dans le système de santé vont entraîner, outre un effondrement, une perte de crédit globale pour les actions de coopération, y compris d'autres bailleurs de fonds, en raison de l'incertitude et de la fragilité des actions et des conseils donnés par la communauté internationale.

Le Cambodge n'a pas véritablement l'occasion de faire appel à d'autres bailleurs de fonds puisque la Belgique a dit pendant quatre ans qu'il serait réintroduit sur la liste.

La Belgique a eu la possibilité de concentrer toute une série d'instruments de la Coopération au Cambodge. Elle a commencé bien avant que la Coopération bilatérale ne démarre à travers des instruments de coopération multilatéraux comme la FAO, la préservation des forêts, etc.

Elle a commencé aussi très tôt avec de grandes ONG, notamment Médecins sans frontières et Handicap international. Ce sont d'ailleurs ces ONG qui ont inspiré le projet de la coopération bilatérale. Ces ONG sont toujours là. L'aide multilatérale a décru, mais le contexte actuel renforce la coopération belge et lui donne un crédit particulier puisqu'il est possible d'agir à différents niveaux. La coopération belge maintient des projets structurels importants de politique de santé tandis que, par exemple, Médecins sans frontières se préoccupe du sida, de la tuberculose et de la malaria et Handicap international, du projet pour les mines.

Les conditions de départ de la Belgique ont été particulièrement rocambolesques. En octobre 2003, Phnom Penh était totalement pavoisée de drapeaux belges, la princesse Astrid avait inauguré en grande pompe les bureaux de la coopération et, trois semaines plus tard, la Belgique informait le gouvernement cambodgien qu'elle fermait les portes de la coopération !

Comment a-t-on pu sortir le Cambodge des pays de concentration ? Pourquoi retient-on un pays ? Pourquoi rejette-t-on un autre ? Il faut être sûr que les pays sont choisis sur la base des critères votés par le parlement. Le Cambodge remplit certains de ces critères.

En ce que concerne le principe de la bonne gouvernance, M. Dallemagne explique que la Belgique a pu arrêter la politique désastreuse du Cambodge, notamment dans le domaine de l'immobilier, qui visait à raser des hôpitaux et des écoles pour les remplacer par des hôtels. Il était insensé de poursuivre une coopération dans le domaine de l'éducation et de la santé si, dans le même temps, le gouvernement détricotait ce que nous mettions en œuvre. En 2006, le premier ministre Hun Sen a affirmé que l'on ne toucherait pas aux hôpitaux ni aux écoles.

Avoir un dialogue politique avec le pays dans lequel nous travaillons et qui peut être sensible à un dialogue, est aussi de la coopération. Notre coopération avec le Cambodge a du sens, notamment parce que c'est un pays qui évolue. Si nous y retournons, nous n'y resterons plus longtemps. Dans dix ou quinze ans, ce pays n'aura probablement plus besoin de cette forme de coopération internationale. Le Cambodge, tiré par les efforts de la communauté internationale et par l'évolution économique positive qui s'est produite en Thaïlande et au Vietnam, pourra effectivement s'en sortir.

Selon M. Dallemagne il importe que la Belgique reste présente en Asie et ne reste pas totalement étrangère aux réalités dans les domaines politique, économique et social. Le Vietnam sortira tôt ou tard de nos pays partenaires étant donné son actuelle croissance économique. En matière de répartition et de concentration sur les différents continents, une coopération au Cambodge est intéressante.

Une telle coopération pourrait également être envisagée avec le Laos, car malgré les difficultés politiques qui y perdurent, ce pays sort progressivement de l'enfermement idéologique et économique. Certains pays donateurs ont réclamé des comptes sur le plan des droits de l'homme et sur le plan politique. Le Laos a accepté de répondre. Dans ces domaines, la coopération accomplit également des efforts dont les progrès sont très intéressants: ils pourraient permettre de ne pas avoir une coopération totalement isolée dans un pays d'Extrême Orient mais d'avoir une base critique en gardant des contacts avec le Vietnam et la Thaïlande.

La Thaïlande n'est plus un pays de concentration mais de nombreux experts thaïlandais continuent à venir se former en Belgique. Ceci est utile dans une coopération triangulaire avec des pays comme le Laos, dont ils partagent la langue, et le Cambodge, où les équipes médicales thaïlandaises sont de plus en plus présents. La Belgique essaye de promouvoir cette nouvelle forme de coopération extrêmement intéressante, à savoir la coopération triangulaire Sud-Sud avec d'autres pays, tout à fait applicable au Cambodge.

La Belgique doit se concentrer sur un certain nombre de pays mais doit surtout augmenter considérablement les moyens, notamment en matière de coopération bilatérale.

Enfin, M. Dallemagne aborde le procès des khmers rouges. À ce jour, personne n'a officiellement reconnu la matérialité des faits, ce qui est une anomalie absolument scandaleuse de l'histoire contemporaine. Soit il y aura un jour une justice et la communauté internationale dira, avec le Cambodge, qu'il y a eu génocide. Soit le Cambodge continuera à avoir de graves problèmes de santé mentale, de reconstruction et d'identité.

La Belgique a parcimonieusement financé les Chambres du Tribunal cambodgien. Elle devrait y participer de manière beaucoup plus résolue. Partir au moment où cet effort de mémoire est accompli, est un geste politique particulièrement désastreux.

Mme de Bethune estime que le nombre de pays partenaires doit diminuer progressivement en vue d'une plus grande concentration.

Ensuite, l'oratrice estime que des moyens plus importants doivent être accordés à la coopération bilatérale directe. Il est un fait que 14 % des moyens APD pour la coopération bilatérale directe, c'est insuffisant. Bien que Mme de Bethune soit favorable à la coopération multilatérale, il convient de réfléchir à la répartition équilibrée.

Le Cambodge ne peut être ajouté à la liste qu'à condition que l'on obtienne la certitude que les moyens seront consacrés à une politique critique. De plus, la prévisibilité est une condition indispensable à la qualité et le phasage doit se faire de manière responsable.

Mme de Bethune se réfère ensuite au Vietnam qui ne répondra bientôt plus à la définition de « pays en développement ». Comment envisager la coopération future avec le Vietnam dans ce cas ? La Belgique peut-elle se permettre de ne plus avoir de pays partenaires en Asie ? La loi prévoit l'obligation d'être présent dans tous les continents. Quel est l'avis du département à ce sujet ? Une solution est-elle envisageable dans le contexte européen ?

En ce que concerne le Cambodge, Mme de Bethune se demande quelle est la plus-value que la Belgique peut apporter au Cambodge. Quels sont les arguments justifiant le rajout du Cambodge à la liste ? M. Michiels peut-il donner de plus amples explications sur une prolongation des projets de santé ?

Au Laos l'arrêt des projets n'a pas eu lieu de façon très correcte. Si les arguments de bonne gestion valent pour le Cambodge, il doit en être de même pour le Laos. Ou bien la situation n'y est-elle pas comparable ?

Mme Hermans estime qu'il est incontestable que les moyens pour la coopération doivent augmenter et qu'il faut assurer un meilleur équilibre entre nos engagements bilatéraux et multilatéraux, sans pour autant négliger ces derniers.

La question de l'augmentation du nombre de pays partenaires est très sensible. Pourquoi une exception est-elle possible pour un pays et pas pour un autre ? Si le montant total des moyens augmente, de même que le nombre de pays partenaires, les pays partenaires individuels risquent de recevoir moins en pratique. Ce sont principalement la continuité et un soutien financier suffisant qui constituent la garantie d'une aide efficace.

M. Mahoux demande quelle est, dans l'action générale de la CTB, la part qui relève directement d'un financement par la DGCD et, pays par pays, celle qui émanerait d'autres coopérations.

M. Dubié souligne qu'il faut éviter le saupoudrage consécutif de notre coopération bilatérale à un nombre trop important de pays. Le Cambodge est un petit pays, alors que le Vietnam compte plus de 80 millions d'habitants. Toute aide accordée au Vietnam est dès lors du saupoudrage.

L'intervenant n'est pas d'accord avec la thèse que la coopération bilatérale doit servir les objectifs de la politique intérieure de la Belgique. Il faut viser d'abord et avant tout l'amélioration du sort des populations les plus pauvres des pays concernés.

Selon M. Dubié, le Sénat doit recommander au prochain gouvernement de remplacer le Vietnam comme pays partenaire par le Cambodge, voire à terme par le Laos.

M. Dallemagne souhaite savoir à quelle année M. Moors faisait référence en ce qui concerne le rang de la Belgique et les chiffres qu'il a cités.

Par ailleurs, pour avoir un phasing out au Vietnam et redémarrer des projets, il faut un certain temps, à savoir trois ans en moyenne entre une décision politique et le démarrage d'un projet. Quel timing devons-nous adopter pour redémarrer des projets de manière cohérente et éviter toute rupture de charge ? N'est-il pas déjà trop tard ?

Réponses de M. Van der Stichele

L'Inspection des Finances a rempli son rôle: lorsque le département de la Coopération au développement présente un projet dans un pays qui ne figure pas sur la liste des pays partenaires et que ce projet est imputé sur la ligne budgétaire de la coopération bilatérale directe, l'Inspection des finances rend un avis négatif.

La loi sur la coopération précise que c'est un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres qui dresse la liste. Il appartiendra au prochain gouvernement de juger de l'opportunité de modifier la liste des dix-huit partenaires.

Fin mars 2007, le gouvernement a décidé que l'on relance une deuxième phase du projet Éducation, nonobstant le fait que le Cambodge n'était plus sur la liste des pays partenaires. Le problème des stratégies de sortie est nouveau et se posera aussi, dans le courant de l'année prochaine, pour le secteur de la santé. Il appartiendra au prochain gouvernement et au prochain ministre de la Coopération de prendre leurs responsabilités.

En ce que concerne le Laos, nous serons confrontés, mutatis mutandis, à la même problématique. M. Van der Stichele se réfère aux conclusions des évaluations à mi-parcours: « Les évaluations à mi-parcours des projets en cours ont fortement insisté sur la nécessité de prolonger la durée des projets afin de garantir la durabilité des résultats et l'appropriation par les partenaires ». Parce que les projets laotiens se terminent en 2009, les décisions devront être prises, de préférence en temps opportun, pour assurer la continuité, la pérennité et l'efficience de nos actions dans ce pays.

Pour ce qui est de la part de la coopération bilatérale directe dans le budget de la coopération, M. Van der Stichele fait remarquer que l'effort global de l'aide publique belge au développement représente 1 576 millions d'euros.

Cette dernière comprend les actions menées par la Coopération au développement, les Affaires étrangères, la Justice, la Défense, ainsi que les programmes des régions, des communautés, des provinces et des communes. Elle englobe en outre les remises de dettes.

En 2006, le budget de la coopération a représenté 835 millions d'euros, pour 2007, le budget nominal de la coopération est de 954 millions d'euros. Le montant de 175 millions doit donc être mesuré au regard du budget de la coopération au développement. La coopération bilatérale directe représente plus que les 175 millions de la ligne de la CTB puisqu'elle inclut également l'aide budgétaire et les nouvelles formes de coopération au développement (environ 40 millions d'euro).

L'Inspection des Finances a demandé qu'un cavalier budgétaire soit inscrit dans le budget de la coopération. Celui-ci précise que l'on ne peut engager que 175 millions par an de l'encours général des projet de la CTB qui s'élève au maximum à 650 millions d'euros. Le plafond fixé pour les projets que peut réaliser la CTB, devrait toutefois être rehaussé à l'avenir car, si l'on répartit le montant par année et compte tenu du temps que prend la réalisation des projets, il n'offre que des possibilités limitées. En effet, il a été fixé à un moment où le nombre d'engagements de la Belgique était en augmentation mais les réalisations sur le terrain ne suivaient pas. Ces dernières années, le « chiffre d'affaires » a fortement augmenté grâce à l'adaptation de M. Michiels: en 2003, la CTB exécutait des projets pour 80 millions d'euros, aujourd'hui, on en est à environ 175 millions d'euros.

Quant aux trois piliers de la coopération — coopération bilatérale, coopération multilatérale, coopération indirecte —, il n'y a pas une règle d'or divisant le budget en trois tiers. Notre politique d'aide à un pays se fait parfois en même temps par le biais de l'aide bilatérale directe, par des actions spécifiques, notamment du Fonds belge de survie, et par le biais de l'aide indirecte, principalement à travers les ONG mais aussi de la coopération universitaire. Tant au nord qu'au sud du pays, la coopération universitaire est en effet restée importante et concerne beaucoup de pays, tant en Asie et en Amérique du Sud qu'en Afrique.

La question de notre présence en Asie est de nature politique. Il appartiendra au prochain gouvernement d'examiner si nous voulons garder une présence sur les trois continents, donc également en Asie.

La continuité et la prévisibilité seront les principaux problèmes des années à venir.

Réponses de M. Moors

Pour 2006, la Belgique occupe la quatorzième position en chiffres absolus avec 1,576 milliards d'euros, ou la huitième place avec 0,50 % du PNB.

Selon les critères de l'OCDE, ls grands blocs dans ce budget de l'aide publique au développement sont:

— budget DGCD: 835 millions d'euros

— opération de dettes: 285 millions d'euros

— contributions à la Commission européenne: 220 millions d'euros

— opérations Affaires étrangères: 91 millions d'euros.

L'aide directe bilatérale se situait à 13,7 % dans le chiffre global de 1,5 milliard d'euros. Dans douze de nos dix-huit pays partenaires, ceci ne représente même pas 2 % de l'effort global des donateurs.

Si l'aide bilatérale est augmentée et en même temps également le nombre de pays partenaires, nous ne gagnerons pas en impact. Une augmentation du nombre de pays partenaires ne peut pas neutraliser l'augmentation du budget.

C'est la raison pour laquelle, dix-huit soit le nombre maximal de pays partenaires, à terme même quinze en comparaison avec les autres pays européens disposant d'un budget semblable. Les Pays-Bas ont déterminé un second cercle mais leur aide publique au développement s'élève à cinq milliards d'euros. Avec cinq milliards, la Belgique peut aussi tracer un second cercle.

Selon M. Moors, il faut augmenter le budget de l'aide publique directe et disposer d'une programmation plus claire avec par exemple des programmes indicatifs de coopération de quatre ans ainsi que des seuils minima un peu plus élevés. Ces seuils sont aujourd'hui fixés à environ huit millions par pays partenaire. À mi-terme, il conviendrait peut-être, à l'instar d'autres pays européens, de prévoir un trigger pour augmenter encore davantage si, par exemple, le pays fait preuve de bonne gouvernance, de respect de l'égalité entre hommes et femmes, etc.

Les critères légaux prévus pour la sélection des pays partenaires sont évidemment relativement généraux et vagues. En tout, cinquante à soixante pays y satisfont. Peut-être la loi de 1999 devrait-elle être actualisée en tenant compte des développements intervenus sur la scène internationale depuis 1999.

En ce que concerne le nombre de pays partenaires, M. Moors estime qu'une quinzaine de pays pourrait être un bon nombre. Il est important de rester dans les trois continents, ce qui permet d'être au courant de ce qui s'y passe. La coopération procure une source d'information directe.

Le choix judicieux des pays partenaires a aussi un impact régional. L'amélioration de la situation au Cambodge résulte notamment de la croissance économique énorme que connaît le Vietnam voisin. Plus tard, une évolution similaire sera peut-être constatée au Laos.

Réponses de M. Michiels

La création de la CTB s'articule autour des trois éléments suivants:

D'abord, la création de la nouvelle société s'est faite en recrutant le personnel par le biais de secteur non marchand, privé et public. Il y a donc eu une importante injection de sang neuf, ce qui a entraîné l'émergence d'idées nouvelles.

Ensuite, le recrutement et la sélection du personnel s'effectuent d'une manière totalement dépolitisée.

Enfin, la CTB a la possibilité de travailler pour des tiers.

Il est possible de dépenser un euro plus qu'une seule fois. Par exemple: quand la CTB développe des activités de la coopération belge en cofinançant avec des fonds européens. Ainsi, dans le programme Water Facility, l'on peut multiplier l'impact et la visibilité de la coopération belge en attirant des fonds européens.

La CTB a été stimulée, dans le cadre de l'article 7 de la loi du 21 décembre 1998 portant création de la Coopération technique belge sous la forme d'une société de droit public qui l'a créée, à accomplir des missions pour des tiers. Ainsi, depuis un certain temps, la CTB a de plus en plus de marchés pour la Commission européenne, la Banque mondiale, DFID, GTZ, AFD, etc.

Cela marche très bien en RDC car la CTB et la coopération belge sont parmi les seuls acteurs à avoir une couverture nationale; elles peuvent donc avoir une capacité opérationnelle dont les autres ne disposent pas. En RDC, la CTB n'a d'ailleurs pas besoin de chercher des marchés, les bailleurs eux-mêmes demandent d'exécuter ou de contrôler leurs propores programmes.

Par ailleurs, la CTB a reçu la visite d'un comité d'audit de la Commission européenne qui souhaite établir une short list d'agences certifiées qui peuvent être prises en considération pour exécuter une grande partie de leur aide en vue d'un plus grand décaissement. Les résultats sont attendus pour la fin janvier mais les signaux paraissent assez favorables.

En ce qui concerne le Cambodge, la Banque mondiale a accepté de prendre en charge, pour l'avenir, la partie du programme qui concerne les bourses.

Après avoir rencontré M. Moors, le secrétaire général des Affaires étrangères et son directeur des Relations bilatérales le 29 janvier 2008, la CTB espère avoir un début de réponse à la question du rôle que doit jouer la CTB dans la stratégie de sortie. Il est tout à fait possible que la Belgique se retire mais que la CTB soit encouragée à maintenir une présence dans les pays concernés avec l'argent d'autrui, sans recourir au budget bilatéral belge. Une telle politique est par exemple suivie en Allemagne par la GTZ et le BMZ. La GTZ est activement encouragée à assurer une présence allemande dans le plus grand nombre possible de pays.

En ce que concerne les moyens accordés à la coopération bilatéral directe, M. Michiels fait remarquer que, selon les normes belges, 8 millions constituent un montant assez élevé pour un projet bilatéral. Dans le cas du Cambodge, un autre élément est bien plus important, eu égard aux propos du représentant belge au PNUD: « Development co-operation is not about money changing hands, it's about ideas changing minds. »

Ainsi, dans le projet éducatif, l'architecture de l'école a été fondamentalement modifiée et modernisée avec l'aval du ministère de l'Enseignement. L'innovation pédagogique, à savoir l'introduction de tout nouveaux instruments pédagogiques, n'est pas non plus passée inaperçue. La coopérante belge à l'origine de celle-ci, Mme Iris Uyttersprot, a été détachée au DFID en raison de son expertise technique.

En matière de soins de santé, M. Michiels se refère au fonds d'investissement. L'accès aux soins de santé pour les plus démunis est un grand défi. Rendre les soins de santé gratuits revient à miner les bases financières de pays déjà pauvres au départ. Créer des mutualités suppose un pouvoir d'achat plus important. Le fonds d'investissement créé au Cambodge, a suscité tel intérêt que l'année dernière, une conférence régionale a été organisée avec le Vietnam, le Laos et le Cambodge pour partager les expériences.

Le trop long délai séparant la décision politique et le début de l'exécution était, on le sait, l'un des principaux problèmes de la coopération belge au développement. Nous tentons à présent de ramener ce laps de temps à six mois.

À la question de Mme de Bethune sur le problème de la continuité ou d'ancrage du travail accompli par la Belgique au Laos, M. Michiels répond qu'un vaste projet multisectoriel de coopération au développement régional est en cours depuis des années à Savannaketh. Le problème de durabilité touche cependant davantage au concept même du projet. D'autres projets, tels que celui de la sécurité sociale et un projet pour l'enseignement technique, ont effectivement un plus grand potentiel. Ce dernier projet est particulièrement innovant, dans le sens où les étudiants de l'enseignement technique participent à la reconstruction de leurs propres écoles.

M. Moors confirme que l'administration est prête à prolonger les accords dits particuliers tant avec le Cambodge qu'avec le Laos pour qu'on ne doive pas mettre fin brutalement aux projets. Il n'est toutefois pas possible de dégager de nouveaux moyens car ceci n'est possible que pour les pays partenaires.

V. Suite de la discussion

M. Roelants du Vivier repète qu'à peine le Cambodge a-t-il atteint un degré de développement satisfaisant qu'on veut le retirer de la liste, sans qu'il y ait une quelconque stratégie de sortie, pas plus d'ailleurs qu'il n'y avait de stratégie d'entrée.

D'aucuns ont exprimé la réflexion qu'il fallait réduire la liste à 15 pays. On peut en discuter, mais la décision demande tout de même une réflexion plus approfondie.

M. Mahoux estime que dans des domaines comme la santé et l'éducation, il faut avoir une continuité dans la politique. Il incombe au gouvernement de trancher, bien entendu dans le respect des prescrits de la loi budgétaire. Il convient également de s'interroger sur la question de savoir comment on devient un pays d'élection. Il faut au moins trouver une formule de phasing out.

L'orateur s'étonne qu'on puisse décider du cas d'une série de pays en développement, sans jamais avoir entendu leurs représentants. Le taux de croissance comme seul paramètre pour entrer dans la liste est trop abstrait. Ce départ du Vietnam ne peut par ailleurs pas constituer l'argument-clé pour réadmettre le Cambodge dans la liste.

De plus, il faudrait associer les entités fédérées (communautés et régions) au processus de décision concernant la liste des pays partenaires.

M. Dallemagne estime que les discussions et auditions ont démontré l'urgence de cette discussion.

Certains chiffres énoncés sont quelque peu trompeurs. Les chiffres des auditions concernaient les dépenses enregistrés dan la comptabilité des projets. En réalité, si ces projets ne sont pas refinancés, ils se termineront pour Siem Reap en juin et pour Kompong Chhang en octobre. Toutes les dépenses sont déjà engagées, à l'exception de 60 000 euro. Si on veut donner une continuité à ces projets, les décisions doivent être prises séance tenante. Quelques mois ne suffisent pas pour réengager tout le processus d'accords de coopération, de redéfinition et identification des projets, etc. Même des procédures « légères » ne rentrent que difficilement dans ce schéma.

L'Inspection de Finances ne reculera pas. Le directeur-général de la DGCD, M. Moors, a été clair à ce sujet. Si on veut poursuivre le financement de ces projets en dehors du cadre de l'enveloppe budgétaire actuelle, il faut réinclure le pays dans la liste.

La loi de coopération impose qu'on soit présent sur trois continents. Ceci implique que le Vietnam va appartenir bientôt à une autre catégorie vu sa richesse nationale brute, quelque soit son taux de croissance. Le Vietnam ne correspondra donc plus à un type de pays appartenant à la catégorie de pays en développement et pourra donc être remplacé utilement par le Cambodge.

M. Dallemagne ne plaide plus pour un phasing out. Notre action n'aura de sens que si nous pouvons le faire pour encore une dizaine d'années.

Il s'agit d'un pays avec une économie en progression et une démocratie en progression, bien que toujours fragile. Il ne faut pas s'attendre à un rétablissement en 3 ou 4 ans. Il faudra que les projets durent une dizaine d'années pour avoir du sens. Il s'agit de nouveaux systèmes de santé, de solidarité, de répartition et d'accès des plus pauvres aux soins de santé. Il faut du temps pour réussir cet exercice. En plus, il s'agit de projets pilotes qui sont observés par la communauté internationale et par le Cambodge comme exemples.

Il reste aussi à juger les responsables du génocide (les Khmers rouges). Là aussi la Belgique est impliquée, en ayant financé en partie le TPI. À l'intérieur du pays, certains ne souhaitent pas de travail de mémoire.

Le nombre de pays bénéficiaires ne cesse de diminuer: de 40 à 25 en 1999 et de 25 à 18 en 2003. Par ailleurs, les moyens sont en accroissement. Depuis sa mise en œuvre, la CTB a vu son budget doubler (de 80 million euro à 175 millions euro). Ces moyens sont néanmoins insuffisants et il faut donner la priorité à la coopération bilatérale.

Si on élimine le Vietnam de la liste des 18, il est préférable de ne pas le reprendre comme argument dans la résolution, parce que ceci risque de créer une animosité entre ce pays et le Cambodge. Il faut surtout raisonner en termes d'efficacité, et intégrer les schémas de la coopération dans la prise de décision.

Du reste, l'orateur appuie la proposition de résolution et insiste même sur l'urgence qu'il y a à la voter.

M. Destexhe se dit surpris par le choix opéré: pourquoi éliminer le Cambodge et non le Vietnam ? Il est d'accord qu'il y a lieu de s'interroger à intermittence sur la nécessité de maintenir un pays dans la liste. Mais il est réticent dès qu'il s'agit de trancher sans débat de fond. Actuellement ce type de décisions est pris de façon opaque par le Conseil des ministres.

Pourquoi les pays du Proche Orient ne reçoivent-ils jamais de l'aide, alors que la Palestine est aidée de façon soutenue. Il y a d'autres pays, comme le Yemen, qui méritent pourtant notre attention. L'orateur propose une concertation avec le ministre.

Mme de Bethune signale qu'une limitation du nombre de pays entraîne une meilleure concentration des moyens financiers. Il faut également réactiver l'aide indirecte. Par ailleurs, la commissaire affirme que l'Afrique centrale doit rester prioritaire pour la Belgique.

Mme Hermans estime, elle aussi, que les moyens financiers ne peuvent pas être trop morcelés. Il faut évaluer la coopération au développement en maintenant le nombre actuel de pays partenaires.

M. Mahoux s'interroge sur l'avantage qu'il pourrait y avoir à employer le terme phasing out. Cela signifie dans le fond que l'on met un terme aux projets.

Un autre aspect est le maintien du nombre de 18 pays en développement à soutenir. Ceci implique évidemment que si l'on veut rajouter un pays, l'on doit obligatoirement en retirer un autre. Cela veut dire que l'élection du Cambodge implique la suppression du Vietnam.

Quoi qu'il en soit, il faut que la Belgique assume ses décisions et continue donc à exécuter les projets en cours. L'orateur tient toutefois à entendre à ce propos les pays concernés, tout comme les entités fédérés, qui doivent être associés à la décision.

M. Wille souligne que l'on utilise le critère de la croissance économique. Dans ce sens, il s'agit de repositionner l'Afrique, car de nombreux pays africains escomptent une croissance de 4 à 5 %. Si le seul critère est la croissance économique, ces pays seront mis à l'écart. Par conséquent, le commissaire plaide pour que la croissance ne soit pas exprimée en chiffres absolus, mais qu'elle soit plutôt considérée comme une croissance continue.

Sans une croissance économique de 6 à 7 %, les soins de santé régresseront au Vietnam. Dès lors, avant de continuer à lui apporter une aide, il faut forcer ce pays à faire des choix idéologiques. À cet égard, il ne faut pas oublier que l'Asie a une conception de la démocratie différente de celle de l'Europe et que l'Afrique pourrait suivre cette conception à l'avenir.

L'intervenant émet encore une réserve sur le phasing out. On pourrait en effet voir un pays au développement rapide participer à la définition des projets.

M. Roelants du Vivier déclare que la discussion actuelle démontre l'importance d'une réflexion approfondie sur de sujet en commission.

L'échange de vues qu'on vient de terminer confirme que le ministre peut compter sur l'appui de la commission, s'il veut poursuivre une forme de collaboration avec le Cambodge. Il insiste que l'on ne se limite pas à l'aspect de la coopération bilatérale.

M. Charles Michel, ministre de la Coopération au Développement, répond qu'un débat général sur la liste des pays partenaires n'est pas possible dans le cadre du gouvernement intérimaire. Il s'agit en premier lieu de garantir la continuité des projets déjà entamés au Cambodge.

Le gouvernement a l'intention de diminuer le nombre de pays partenaires. Il convient que la Belgique conserve une crédibilité au sein de la communauté des donateurs. Il faut réfléchir sur les stratégies d'exit pour éviter de créer une instabilité au niveau de la continuité des projets à long terme. D'autres pays de l'Union européenne n'ont pas modifié la liste de leurs pays partenaires pendant des années. Il ne faut pas oublier que la Belgique a également des engagements multilatéraux, imputés sur le budget de la Coopération au Développement.

Dans la déclaration gouvernementale, le gouvernement a fait état de son intention d'arriver à 0,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB) pour l'aide au développement à l'horizon de 2010. Il y a deux urgences à court terme. La finalisation des programmes de la Coopération au Développement dans un certain nombre pays devrait se faire incessamment. Il faut également prendre des décisions en ce qui concerne les plans pluriannuels de coopération avec les ONG agréés.

Mme Temmerman demande si le gouvernement intérimaire peut aussi décider de modifier la liste des pays partenaires de la coopération au développement.

Le ministre de la Coopération au Développement répond que cela est possible en principe, mais qu'il faut surtout confirmer la continuité des projets.

M. Dallemagne estime qu'il faut éviter un vide au niveau de la continuité des projets au Cambodge tout en tenant compte de l'inertie qui se fait sentir au niveau de la mise en œuvre de ceux-ci. Il serait intéressant de lancer la discussion sur la modification de la liste, le plus rapidement possible. La coopération au développement demeure un instrument de la politique étrangère du gouvernement conformément à la déclaration gouvernementale.

Mme de Bethune estime que ces considérations s'appliquent aussi au Laos.

M. Mahoux considère qu'il peut y avoir des correspondances entre la politique étrangère et la coopération au développement sans que la coopération au développement soit au service de la politique étrangère.

M. Dallemagne signale qu'il faut aborder un certain nombre de thèmes transversaux comme la déforestation qui est un problème pressant au Cambodge. En Afrique centrale, cette problématique revêt également un caractère urgent. Le membre souhaite savoir si cette question relève aussi des urgences à aborder par le nouveau gouvernement intérimaire.

Le ministre de la Coopération au Développement répond qu'il y a quatre thèmes transversaux qui sont mis en œuvre à travers la Coopération au Développement, notamment l'environnement, l' égalité des chances, l'économie sociale et les droits de l'enfant. De plus, notre pays est leader mondial en ce qui concerne les projets relatifs à la lutte contre la déforestation en RDC. Le ministre souhaite également que des initiatives fortes soient prises en ce qui concerne la problématique des enfants soldats.

VI. Discussion des amendements

Considérations

Amendements nos 2 et 3

Mme Zrihen dépose deux amendements (doc. Sénat, nº 4-66/2) qui tendent à supprimer deux alinéas des considérations afférents à la proposition d'une phasing out stratégie du Vietnam. Il importe de ne pas modifier la liste des pays partenaires au coup par coup et de réintégrer le Cambodge dans la liste des pays partenaires à condition que le Vietnam soit supprimé de cette liste.

Les amendements nos 2 et 3 sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

Recommandations

Point 4 (nouveau)

Amendement nº 1

M. Roelants du Vivier et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 4-66/2) afin d'ajouter un point 4 au dispositif qui tend à limiter le nombre de pays partenaires sur la liste à 18. Il convient de ne pas trop disperser l'aide au développement belge ce qui empêcherait de mener une action bien ciblée en la matière.

L'amendement nº 1 est adopté par 7 voix et 4 abstentions.

MM. Mahoux et Dallemagne justifient leur abstention en précisant qu'on mène la discussion à l'envers. Comment peut-on fixer la limite à 18 alors qu'on n'a pas encore discuté sur le fond (critères, budgets, répartition géographique, ...) ?

Amendement nº 4

Mme de Bethune et consorts déposent l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 4-66/2) visant à ajouter un point 4 au dispositif, qui insiste sur la nécessité d'élaborer une vision politique avant de modifier la liste des pays partenaires.

L'amendement est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.

VII. Votes

L'ensemble de la proposition de résolution amendée est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.


Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, La présidente,
Georges DALLEMAGNE. Marleen TEMMERMAN.

Texte adopté par la commission (voir le doc. Sénat nº 4-66-4)