4-398/1

4-398/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

19 NOVEMBRE 2007


Proposition de loi complétant le Code des sociétés en vue d'instituer un comité d'audit au sein des sociétés cotées en bourse

(Déposée par M. Georges Dallemagne)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 22 septembre 2004 (doc. Sénat, nº 3-844/1 - 2003/2004).

Face aux scandales financiers mis en lumière dans la presse américaine mais également internationale, la réaction des investisseurs américains a été de remettre en cause, d'une manière générale, la qualité de l'information comptable publiée par les sociétés cotées sur une des multiples places boursières.

Après de nombreuses discussions parlementaires, le Sarbanes-Oxley Act a été adoptée le 25 juillet 2002 en vue de renforcer les mesures visant à assurer la qualité de l'information comptable publiée par les sociétés américaines cotées en bourse. Le Sarbanes-Oxley Act vise divers acteurs de la vie des sociétés cotées en bourse, à savoir:

— les gestionnaires, en accentuant leur responsabilité à propos de la qualité de l'information publiée par la société dans laquelle ils sont actifs;

— les auditeurs externes, par l'adoption de nouvelles règles en matière d'indépendance du contrôleur légal des comptes;

— les comités d'audit, en imposant leur création et en renforçant leur rôle et leurs responsabilités;

— la surveillance des différents acteurs par la création d'un Public Company Accounting Oversight Board, organe indépendant chargé d'assurer les intérêts des investisseurs et des tiers en général.

Le Sarbanes-Oxley Act (SOA) contient ainsi diverses dispositions relatives aux comités d'audit leur donnant un rôle crucial dans le cadre de la qualité de l'information comptable et financière publiée par les sociétés cotées. Elle définit le comité d'audit comme étant un organe créé au sein de l'organe de gestion, composé exclusivement de membres dudit organe de gestion (section 2 SOA) dont tous sont indépendants (section 301 SOA). Notons qu'au moins un membre doit être spécialisé dans les matières financières (section 407 SOA).

Ce comité est chargé d'une part, de superviser le processus de « reporting » des informations comptables et financières et, d'autre part, de l'audit des états financiers (section 2 SOA). En ce qui concerne ce deuxième aspect, le rôle du comité d'audit est détaillé dans la section 301: le comité d'audit est responsable pour les honoraires perçus par la firme d'audit tout en étant chargé de superviser les travaux effectués par le contrôleur des comptes, en ce compris la résolution des conflits entre l'organe de gestion et l'auditeur des comptes.

Le comité d'audit approuve également, au préalable (« preapproval requirements »), toutes les missions dont le contrôleur des comptes est chargé (section 202 SOA), que celles-ci portent sur le contrôle des comptes en tant que tel ou sur les différents missions complémentaires que la société d'audit est appelée à effectuer dans cette même société.

Malheureusement, comme le constate Catherine Dendauw (1) , les réformes — que ce soit au niveau européen (recommandation du 15 mai 2002) ou au niveau belge (loi du 2 mai 2002, dite de « Corporate Governance ») — se sont limitées à un renforcement des dispositions applicables aux contrôleurs légaux des comptes.

D'une manière générale, le contrôleur légal des comptes a pour mission de donner un avis sur le contenu et la présentation des comptes annuels soumis à l'assemblée générale des actionnaires (2) . Cet avis d'expert vise à accroître la crédibilité de l'information contenue dans les comptes annuels, établis par l'organe de gestion.

En Belgique, le rôle de commissaire ne se limite pas à un avis rendu aux actionnaires de la société ou du groupe qui l'a nommé. En effet, le commissaire fait également rapport périodiquement au conseil d'entreprise. Il convient également de souligner que le Code des sociétés prévoit que le commissaire joue un rôle d'intérêt général. Il effectue dès lors sa mission de contrôle légal des comptes dans l'intérêt des différentes « stakeholders ».

Il va de soi que la crédibilité des comptes ne peut se trouver renforcée que dans la mesure où le contrôleur légal des comptes effectue sa mission en toute indépendance et dans le respect des différentes dispositions auxquelles il est soumis.

La responsabilité des diverses manipulations des comptes ne repose cependant pas sur les épaules du contrôleur légal des comptes. En effet, l'organe de gestion est en premier lieu responsable de l'établissement des comptes annuels. Néanmoins, il convient de souligner que l'organe de gestion des entreprises est, en Belgique, déjà soumis à de nombreuses dispositions légales (responsabilité de l'établissement des comptes annuels, remise d'un rapport de gestion aux actionnaires, ...).

On ne peut que regretter que les comités d'audit n'ont toujours pas de base légale que ce soit en matière de composition, de missions ou de moyens, même si rien n'empêche la constitution de tels comités d'audit sur une base volontaire.

À cet égard, on peut s'interroger sur l'utilité et le rôle que sont appelés à jouer de tels comités dans les sociétés ou groupes de sociétés où il existe un actionnariat dominant ayant le pouvoir d'influencer la composition des organes de gestion (3) .

Or, tant les recommandations de l'autorité de marché de la Bourse de Bruxelles que les recommandations de la Commission bancaire et financière et de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) suggèrent la création d'un comité d'audit au sein du conseil d'administration.

La présente proposition vise à créer un tel comité au sein des sociétés cotées, ayant pour mission d'assister le conseil d'administration dans l'exercice de sa mission de surveillance des affaires et de la gestion de la société cotée dans le respect des principes de « Corporate Governance ».

Le comité d'audit devra ainsi être attentif à la mise en place et au maintien d'un système de contrôle interne approprié et d'un audit interne de qualité. Le comité d'audit devra également faire rapport au conseil d'administration sur l'état du système de contrôle interne de la société.

Les personnes en charge de l'audit interne présenteront régulièrement au comité la réalisation des travaux d'audit. De même, le comité d'audit rencontrera les auditeurs externes dont notamment les commissaires réviseurs.

La présente proposition envisage de composer le comité d'audit d'au minimum trois administrateurs non-exécutifs, dont la majorité sont des administrateurs indépendants, se réunissant au moins deux fois par an.

Afin d'exercer sa mission telle que définie de manière précise par le conseil d'administration, le comité d'audit disposera du pouvoir explicite d'enquêter dans toute matière qui relève de ses attributions et de l'accès à toute l'information. Le comité devrait pouvoir demander des avis d'experts externes et, le cas échéant, les inviter à assister aux réunions.

Georges DALLEMAGNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans le livre VIII, titre IV, chapitre Ier, du Code des sociétés, une section Iter, intitulé « Le comité d'audit », contenant un article 524quater, rédigé comme suit:

« Art. 524quater. — § 1er. Dans les sociétés cotées, il est institué un comité d'audit au sein du conseil d'administration, auquel il répond et fait rapport régulièrement. Il se réunit au moins deux fois l'an.

§ 2. Le comité d'audit se compose d'au moins trois administrateurs n'ayant pas en charge la gestion journalière des affaires de la société et dont la majorité sont des administrateurs indépendants au sens de l'article 524, § 4.

Les conditions de désignation et de révocation, la durée de la mission des membres ainsi que le mode de fonctionnement et les attributions du comité d'audit, sont déterminés par les statuts ou, à défaut de clause statutaire, par le conseil d'administration.

§ 3. Le comité d'audit rencontre les personnes en charge de l'audit interne et externe, y compris les commissaires réviseurs, au moins une fois par an.

Le comité d'audit dispose du pouvoir explicite d'enquêter ainsi que de l'accès à l'information disponible dans toute matière qui relève de ses attributions.

§ 4. La société cotée indique dans son rapport annuel la composition du comité d'audit. »

14 novembre 2007.

Georges DALLEMAGNE.

(1) C. Dendauw, « Des comités d'audit ? », La Libre Entreprise, 6 décembre 2003, p. 7.

(2) Voir à ce sujet les articles 142 à 143 du Code des sociétés.

(3) C. Dendauw, ibidem, p. 7.