4-306/1 | 4-306/1 |
18 OCTOBRE 2007
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 29 mars 2007 (doc. Sénat, nº 3-2380/1 — 2006/2007).
L'évolution de la société, l'émergence d'une collectivité de plus en plus multiculturelle et diversifiée au plan des conceptions religieuses et philosophiques contraint d'ouvrir un dossier délicat. Dans quels rapports exacts, aujourd'hui, dans ce type de société nouvelle qui s'affirme, doit-on situer le mariage civil et le mariage religieux ?
L'article 21, alinéa 2, de la Constitution énonce que « le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s'il y a lieu ».
Cet article 21, alinéa 2, de la Constitution sert de fondement à ce qui est devenu un des piliers de notre état de droit, à savoir la conception laïque de l'État, même si cela n'a pas toujours été le cas.
Précédemment, au moment de sa rédaction, l'article 21, alinéa 2, de la Constitution avait essentiellement pour but de donner un moyen à l'État de tenir en ordre ses registres d'état civil par le recensement des mariages, des naissances et des décès puisque ce type de recensement était jusqu'alors abandonné aux bons soins des autorités ecclésiastiques, en dehors de tout contrôle étatique.
Aujourd'hui, nos sociétés de type occidental ont généralement évolué — de manière plus ou moins prononcée selon les États — vers une laïcisation de l'État, c'est-à-dire vers une prise accentuée d'autonomie des autorités civiles publiques vis-à-vis des églises et une tendance à réserver la sphère d'influence religieuse au seul domaine privé de la conscience. Cet État laïc est caractérisé par son ouverture à toutes les cultures, religions et philosophies, même si elles sont minoritaires. Cette ouverture doit évidemment être envisagée dans le cadre d'un respect réciproque. Les croyances de tout un chacun relèvent de la vie privée et ne peuvent faire l'objet d'ingérence de la part de la loi mais en contrepartie, celles-ci doivent respecter les règles de fonctionnement de notre état de droit telles qu'elles sont incarnées par la loi, émanation de l'ensemble du corps social dans toutes ses diversités.
L'article 21, alinéa 2, de la Constitution consacre ces principes dans le domaine particulier du mariage. À cet égard, l'institution du mariage civil, tel que régi par notre droit, est la seule célébration d'union entre deux personnes apte à garantir certains des principes fondamentaux de notre société, tels l'égalité entre l'homme et la femme, les droits de l'enfant, la liberté de travail pour les époux, ... Le mariage civil est donc, à maints égards, un gage évident de sécurité juridique pour les personnes concernées et, pour notre société toute entière, un gage de stabilité de nos valeurs démocratiques essentielles.
Cette disposition constitutionnelle est confirmée par l'article 267 du Code pénal qui punit de sanctions pénales les ministres du culte qui auront contrevenu au principe constitutionnel de l'article 21, alinéa second, en célébrant le mariage religieux avant le mariage civil.
Cet aspect pénal du problème est actuellement remis en cause par certains qui souhaiteraient dépénaliser cette célébration religieuse antérieure au mariage civil. L'auteur de la présente proposition n'est pas personnellement hostile à cette dépénalisation. Elle l'insère donc expressément dans le présent texte. Toutefois, si la loi pénale est ainsi modifiée alors que sa fonction était d'assurer dans les faits le respect du prescrit constitutionnel, il s'impose alors, corrélativement, de trouver de nouveaux garde-fous.
Si l'on autorise la célébration d'un mariage religieux indépendamment de tout mariage civil, une conséquence prévisible est en effet que, dans un certain nombre de cas — qui risquent de ne pas être quantitativement négligeables — seul ce mariage religieux sera réalisé et le couple ainsi consacré s'estimera suffisamment régi, quant à son mode de fonctionnement, quant aux droits et obligations qui découlent pour chacun des époux, par des normes religieuses parfois fort éloignées des libertés fondamentales assurées par notre droit. Il faut donc s'assurer qu'en dépénalisant la célébration du mariage religieux avant un éventuel mariage civil, ce mariage religieux ne puisse conférer aucun droit civil et ne puisse surtout entraver l'exercice d'aucun de ceux-ci. Bref, à la sanction pénale actuelle, il convient de substituer une sanction de type civil.
La dépénalisation doit donc être envisagée en rappelant que seul le mariage civil, tel qu'il est formellement déterminé par le chapitre II du Titre V du Livre Premier du Code civil est susceptible de conférer aux époux les droits et obligations de nature civile consacrés par le chapitre VI, qu'aucune autre union n'octroie ces droits et qu'aucune autre union ne peut y déroger.
Dans le système ainsi conçu, chacun pourra librement déterminer la forme qu'il entend donner à son union matrimoniale sans qu'il ne soit plus question d'une sanction pénale. Mais chacun doit savoir également, de manière parfaitement claire, que le choix formel utilisé aura néanmoins d'importantes répercussions quant aux effets engendrés. Il n'apparaît alors ni vexatoire, ni discriminatoire de continuer à interdire la célébration religieuse avant la célébration civile, le prescrit constitutionnel réaffirmant le principe de la laïcité de l'État et de la primauté de la loi civile sur les préceptes religieux en matière d'organisation de la vie sociétale.
Enfin, ce qui est valable en matière civile doit l'être également dans le domaine des droits politiques. L'auteur du présent texte souhaite dès lors qu'il soit expressément précisé, dans le Code de la nationalité belge, que seule l'union matrimoniale civile, réalisée dans les formes prévues par les dispositions du Code civil, est susceptible d'avoir d'éventuels effets en matière de nationalité.
Dans un souci de conformité des textes de loi à l'évolution de notre société, l'article 2 propose d'abroger l'article 267 du Code pénal qui prévoit des sanctions pénales contre les ministres des cultes procédant à la célébration d'un mariage religieux préalablement à tout mariage civil. Cette sanction pénale peut aujourd'hui être considérée comme désuète, surtout si on lui trouve un substitut efficace d'ordre civil.
L'article 3 de la proposition organise ce substitut. Il vise à insister sur la primauté du mariage civil par rapport au mariage religieux. Il rappelle expressément que cette union religieuse ne pourrait octroyer aucun effet juridique, qu'il soit civil ou politique, sous réserve de l'application du Code de droit international privé lorsqu'il y a un élément d'extranéité. Les droits fondamentaux mentionnés au Titre V du Livre Premier du Code civil et régissant les rapports des époux entre eux s'en trouvent ainsi réaffirmés.
Dans la lignée de l'article 3, l'article 4 précise dans le Code de la nationalité belge que si, dans certaines conditions, celle-ci peut s'acquérir par mariage, le mariage visé à l'article 16 du Code de la nationalité belge s'entend comme celui visé au Titre V du Livre Premier du Code civil, en spécifiant qu'en aucune manière, il ne peut s'agir d'un autre type d'union, à caractère religieux ou philosophique.
Christine DEFRAIGNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 267 du Code pénal est abrogé.
Art. 3
L'article 212 du Code civil, est complété par l'alinéa suivant:
« Sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions du Code de droit international privé, seuls les mariages contractés devant l'officier de l'état civil dans les conditions visées au chapitre II sont susceptibles d'octroyer aux époux les droits et obligations réglés par le présent chapitre.
Aucune union d'ordre religieux ou philosophique célébrée en Belgique ne peut contrevenir à ce prescrit en entravant la jouissance et l'exercice des droits civils des époux. »
Art. 4
L'article 16, § 2, du Code de la nationalité belge, est complété comme suit:
« 5º La notion de mariage tel que visée au présent code s'entend conformément au Titre V du Livre Premier du Code civil. Aucune autre forme d'union n'est susceptible d'ouvrir un droit quelconque à la nationalité. »
12 juillet 2007.
Christine DEFRAIGNE. |