4-250/1

4-250/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

9 OCTOBRE 2007


Proposition de loi modifiant l'article 13 de la loi du 31 août 1939 sur l'Office national du Ducroire

(Déposée par Mme Isabelle Durant et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 3 juin 2004 (doc. Sénat, nº 3-730/1 - 2003/2004).

L'Office national du Ducroire est une entreprise publique dont la mission principale est de favoriser les relations internationales en fournissant aux firmes qui exportent ou investissent à l'étranger une couverture d'assurance contre les risques politiques ou commerciaux. Deuxième compagnie d'assurance-crédit au monde à être mise sur pied, après celle de la Grande-Bretagne, le Ducroire belge existe depuis 1921 et prend, en 1939, la forme d'une institution financièrement et administrativement autonome, mais bénéficiant de la garantie de l'État.

Plus de deux tiers du PIB belge étant générés par l'exportation, l'action de soutien de l'Office national du Ducroire auprès des entreprises exportatrices, et surtout des PME, apparaît comme capitale pour la prospérité de l'économie belge.

Actuellement, la plupart des assureurs-crédit, comme le Ducroire, évaluent les dossiers qui leur sont soumis sur des bases uniquement financières et de prise en compte du risque. Cette attitude est totalement irresponsable et ne peut plus être admise à notre époque. La situation est d'autant plus choquante que dans le cas du Ducroire les choix de cet organisme sont cautionnés par l'État belge qui préfère appliquer, à ce sujet, la politique de l'autruche.

Sur le plan international, le Ducroire est directement associé aux activités menées, notamment dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Or, cette organisation a intégré dans ses priorités, depuis quelques années déjà, la responsabilisation des entreprises, notamment en ce qui concerne l'impact environnemental et social des crédits à l'exportation.

C'est dans cette perspective que se place la présente proposition. Celle-ci vise, en effet, à obliger l'Office national du Ducroire à prendre en compte, dans l'évaluation des dossiers qui lui sont soumis, le respect de critères éthiques et la volonté des entreprises d'adopter une attitude responsable en matière de développement durable et de droits de l'homme.

C'est pourquoi, la proposition prévoit, tout d'abord, l'obligation pour le Conseil de l'Office national du Ducroire de soumettre certaines de ses décisions au ministre qui a les Affaires étrangères dans ses compétences. Celui-ci aura alors pour rôle de vérifier, d'une part, l'absence d'incidence négative de la décision du Conseil sur la politique étrangère belge et, d'autre part, l'absence de conséquences néfastes pour le respect des droits de l'homme dans le pays concerné. Il s'agit, par cet avis, d'intégrer de manière cohérente la politique économique belge dans le cadre global de notre politique étrangère, permettant à la Belgique d'adopter une attitude claire à l'égard du respect des droits de l'homme dans certaines régions du monde, comme le Myanmar.

Ensuite, le présent texte prévoit d'introduire une procédure similaire d'avis à l'égard d'autres décisions du Conseil, auprès du ministre qui a l'Environnement, la Protection de la consommation et le Développement durable dans ses compétences.

Il s'agit, ici, pour le Ducroire de bénéficier d'un avis éclairé en matière d'environnement durable, avis pour lequel le Service Public Programmatoire du Développement durable, nous paraît être le service le plus compétent.

Cette proposition n'est, à ce niveau, que la réalisation concrète des priorités mises en avant par le gouvernement dans son plan fédéral de développement durable 2000-2004. Celui-ci prévoyait, en effet, que « le gouvernement octroiera les moyens nécessaires aux services chargés de la coordination de la politique commerciale internationale pour leur permettre de veiller à une plus grande convergence du système commercial multilatéral et du développement durable en général et des accords internationaux en matière d'environnement en particulier » (1) .

Dans les deux cas, les dossiers devant être soumis aux avis des ministres compétents, seront déterminés par arrêté royal. Cette mesure a pour but d'éviter un alourdissement de la procédure pour les dossiers pour lesquels cet avis ne présente aucun intérêt.

Il est également prévu de doter le Conseil de l'Office national du Ducroire d'une nouvelle compétence: pouvoir imposer aux entreprises auxquelles il accorde sa garantie, la réalisation d'un « monitoring » et l'obligation de faire rapport. L'intérêt en est évident, principalement pour le suivi des dossiers importants (comme les investissements dans le secteur de l'énergie ou de l'eau). Il apparaît donc comme indispensable que l'Office du Ducroire dispose d'une telle compétence.

En adoptant la présente proposition, le Parlement s'inscrirait dans une perspective de progrès déjà initiée par l'Agence d'assurance d'exportation anglaise (EGDC). En effet, les « business principles » de celui-ci contiennent un important chapitre consacré au développement durable et aux droits de l'homme: « EGDC will, when considering support, look not only at the payment risk but also at the underlying quality of the project, including its environmental, social and human rights impacts. » « EGDC will press for reform on sustainable development and human rights issues in relation to export credits ». Or, on ne peut imaginer que l'EGDC puisse décider de suivre une ligne politique qui pourrait être néfaste pour son économie, au contraire.

Toutes les décisions de l'EGDC doivent, en outre, tenir compte de la politique gouvernementale en matière d'environnement, de développement durable et de droits de l'homme et nécessitent l'avis préalable des ministères dans ces domaines. Enfin, une évaluation systématique des projets, notamment sur le plan social, environnemental et des droits de l'homme, sur la cohérence avec la politique étrangère et les conventions internationales qui les lient, est prévue.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article a pour but d'obliger l'Office national du Ducroire à prendre en compte, dans l'évaluation des dossiers qui lui sont soumis, des critères liés au développement durable et aux droits de l'homme.

Isabelle DURANT
Vera DUA
Josy DUBIÉ
Freya PIRYNS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 13 de la loi du 31 août 1939 sur l'Office national du Ducroire, dernièrement modifié par la loi du 17 juin 1991, sont apportées les modifications suivantes:

A) L'alinéa 3 est complété par les phrases suivantes:

« Lors de ces décisions il tient notamment compte des engagements internationaux de la Belgique en matière de droits de l'homme et de développement durable. Il peut imposer la réalisation d'un monitoring et d'un rapportage. »;

B) L'alinéa 6 est complété à la fin par les dispositions suivantes:

« — au ministre qui a les Affaires étrangères dans ses compétences dans les cas déterminés par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres;

— au ministre qui a l'Environnement, la Protection de la consommation et le Développement durable dans ses compétences, dans les cas déterminés par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres. ».

12 juillet 2007.

Isabelle DURANT
Vera DUA
Josy DUBIÉ
Freya PIRYNS.

(1) Plan fédéral de Développement durable 2000-2004, p. 103.