4-167/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

28 AOÛT 2007


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agréation des médecins spécialistes et des médecins généralistes, en vue d'instaurer les conditions d'un débat contradictoire entre les chambres des commissions d'agréation des médecins spécialistes et le Conseil supérieur

(Déposée par M. Jacques Brotchi)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 12 janvier 2007 (doc. Sénat, nº 3-2020/1 - 2006/2007).

En vertu de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions de soins de santé, les candidats médecins spécialistes doivent obtenir l'agréation d'une commission pour être reconnus aptes à exercer leur spécialité de manière autonome.

Chaque spécialité médicale relève d'une commission d'agréation composée de médecins spécialistes exerçant cette profession à laquelle le candidat en question se destine.

Les chambres des commissions d'agréation sont constituées paritairement de représentants des universités et de représentants des associations professionnelles. Ils évaluent la formation du candidat et sa compétence en se fondant sur plusieurs critères définis par arrêtés royaux et ministériels, tels la durée de la formation, les rapports successifs du maître de stage, le nombre d'actes médicaux posés pendant la période de stage, etc.

En cas de refus d'agréation, un candidat peut faire appel de la décision de la commission d'agréation auprès du Conseil supérieur.

Sur base des avis des commissions d'agréation et du Conseil supérieur, il appartient alors au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions de reconnaître ou non le candidat médecin spécialiste apte à exercer sa spécialité de manière autonome.

Reconnaître un médecin spécialiste apte à exercer sa spécialité de manière autonome est une lourde responsabilité. Malheureusement la procédure appliquée aujourd'hui pose problème au niveau de la communication entre les trois pouvoirs de décision mis en place, c'est-à-dire la commission d'agréation, le Conseil supérieur et le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

En 2004, la presse quotidienne avait fait état de quatre cas de chirurgiens qui avaient été jugés incompétents par leurs pairs mais reconnus aptes à exercer leur spécialité. La presse médicale avait cité le cas de deux radiologues. À l'occasion d'une enquête plus approfondie, plusieurs cas similaires ont été relevés parmi les anesthésistes, les gynécologues, les psychiatres et les intensivistes-réanimateurs.

De 1994 à 2004, sur quatorze candidats spécialistes que la chambre d'agréation de Chirurgie a refusé de reconnaître aptes à exercer leur spécialité de manière autonome, onze ont reçu un avis positif du Conseil supérieur. Dans quatre-vingt pour cent des cas en moyenne les avis de la commission d'agréation ne sont donc pas suivis.

Pour prendre quelques exemples plus concrets, deux candidats chirurgiens ayant échoué à quatre reprises aux examens organisés en fin de formation ont quand même été agréés. Un médecin étranger à qui la chambre d'agréation demandait une courte formation complémentaire pour exercer ici en Belgique a quand même été agréé au motif que celui-ci entrait « dans le quota fixé limitant le nombre de candidats à la spécialité ». Un autre n'avait pas effectué la moitié du nombre d'opérations requises pour devenir chirurgien et a tout de même été reconnu apte.

Il semble donc qu'il n'est pas assez tenu compte des avis des commissions d'agréation, malgré le fait qu'elles sont les plus à même, sur le terrain, à évaluer concrètement les qualités des candidats médecins spécialistes (elles sont composées en effet de médecins actifs et donc toujours au fait des derniers développements de leur spécialité).

Le Conseil supérieur est quant à lui composé de 28 médecins généralistes et de 24 médecins spécialistes qui souvent ne sont plus en activité. Il s'ensuit, pour prendre un autre exemple, que les capacités d'un candidat chirurgien sont évaluées par une instance de 52 médecins parmi lesquels ne siègent que quatre chirurgiens, dont certains n'exercent plus.

Il faut également soulever que le Conseil supérieur, lorsqu'il s'écarte des décisions prises par les commissions d'agréation, ne motive pas ses décisions en fonction des considérations soulevées par les commissions d'agréation. Dans la grande majorité des cas, les décisions du Conseil supérieur ne sont d'ailleurs purement et simplement pas motivées en droit. Ceci va clairement à l'encontre du principe général de bonne administration et plus particulièrement des articles 6, § 5, 1º, et 32, § 2, de l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agréation des médecins spécialistes et des médecins généralistes qui exigent que cette instance d'appel se prononce par délibération motivée ».

À l'occasion d'une demande d'explication adressée par l'auteur de la présente proposition au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, le 28 octobre 2005, le ministre se disait « sensible aux propositions avancées par la commission d'agréation pour améliorer sa communication avec la chambre d'appel et faire en sorte que des spécialistes actifs dans la discipline participent au délibéré en appel, à la condition expresse qu'ils n'aient pas été impliqués en première instance ».

La présente proposition de loi s'inscrit dans cet objectif de meilleure communication entre instances décisionnelles.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 2A et 3

Les articles 2A et 3 prévoient respectivement la désignation de deux juristes au sein du Conseil supérieur et la désignation d'un juriste au sein de chaque commission d'agréation, afin de guider ces instances dans la motivation de leurs décisions.

Article 2B

L'article 2B prévoit que les membres du Conseil supérieur doivent être actifs dans leurs disciplines respectives, comme c'est le cas pour les commissions d'agréation.

Ceux-ci doivent en effet être au fait des développements récents de la médecine pour être à même de juger si un candidat spécialiste réunit les capacités requises pour exercer son métier de manière autonome et pour l'exercer conformément aux critères d'excellence que la Belgique s'est fixés concernant ses professionnels de la santé.

Il en va de la qualité de nos soins de santé. Le Conseil supérieur doit pour ce faire réunir des membres impliqués dans leur discipline, ce qui est indissociable d'une activité continuée.

Article 4

En vertu de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions de soins de santé, les candidats médecins spécialistes doivent obtenir l'agréation d'une commission d'agréation avant d'être reconnus aptes à exercer leur spécialité de manière autonome.

Chaque spécialité médicale relève d'une commission d'agréation composée de médecins spécialistes exerçant la profession à laquelle le candidat en question se destine.

En vertu de l'article 5, § 4, les critères d'agréation sont fixés pour chaque spécialité par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions, sur proposition du Conseil supérieur.

Il y a deux cas dans lesquels l'avis du Conseil supérieur peut être requis suite à une décision de la commission d'agréation:

(i) dans le cas où la commission d'agréation refuse l'agrément, parce qu'elle considère que l'un ou l'autre critère n'est pas rempli par le candidat spécialiste, celui-ci peut faire appel de cette décision auprès du Conseil supérieur;

(ii) lorsque le ministre estime ne pouvoir suivre l'avis de la commission d'agréation, il demande l'avis du Conseil supérieur. Ce dernier rend son avis au ministre qui en dernière instance décide de reconnaître ou non le candidat médecin spécialiste apte à exercer sa spécialité de manière autonome.

Un débat contradictoire entre les commissions d'agréation et le Conseil supérieur statuant en appel fait défaut.

Les avis des commissions d'agréation ne sont largement pas suivis, alors qu'elles sont composées à 100 % de spécialistes en pleine activité professionnelle. Celles-ci sont les plus à même, sur le terrain, à évaluer concrètement les qualités des candidats médecins spécialistes.

Il faut souligner également que les décisions en appel du Conseil supérieur ne sont pas motivées en droit le plus souvent. Et lorsqu'elles le sont, le Conseil supérieur ne motive pas sa décision en fonction des considérations soulevées par les commissions d'agréation.

Or, la loi prévoit que tout acte administratif individuel pris par une autorité administrative doit être motivé de manière claire, précise et concrète. En vertu de principe général de droit de bonne administration, chaque décision administrative doit donc obligatoirement être accompagnée d'une motivation. Par ailleurs les articles 6, § 5, 1º, et 32, § 2, de l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agréation des médecins spécialistes et des médecins généralistes exigent que cette instance d'appel se prononce par délibération motivée.

Le présent article a pour but de préciser l'obligation pour chacune de ces chambres de motiver en droit leurs décisions et d'établir un véritable débat contradictoire entre ces deux niveaux décisionnels.

Le § 1er prévoit la possibilité pour les commissions d'agréation de désigner des médecins spécialistes qui participeront à leur délibération. Le Conseil supérieur devra faire appel à eux au cas où un recours est introduit devant lui. Ceux-ci pourront éclairer les membres du Conseil supérieur sur les développements actuels de leur spécialité et leur donner leur opinion d'expert concernant la qualité du cursus du candidat dont question.

Le § 2, afin d'améliorer encore la communication entre la commission d'agréation et le Conseil supérieur, prévoit la possibilité pour la commission d'agréation de désigner un de ses membres pour exposer le dossier devant le Conseil supérieur. Il ne peut évidemment assister ni aux débats ni à la délibération.

Le § 3 prévoit expressément l'obligation pour le Conseil supérieur de motiver en droit sa décision, qu'il s'agisse d'une question de fond ou de forme.

Jacques BROTCHI.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente proposition de loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 6, § 1er, de l'arrêté royal du 21 avril 1983 fixant les modalités de l'agréation des médecins spécialistes et des médecins généralistes, modifié par l'arrêté royal du 16 mars 1999, sont apportées les modifications suivantes:

A. l'alinéa 1er est complété par un 9º, rédigé comme suit:

« 9º de deux juristes. » ...;

B. entre l'alinéa 1er et l'alinéa 2, qui deviendra l'alinéa 3, est inséré l'alinéa suivant:

« Les membres visés à l'alinéa 1er sont actifs dans leurs disciplines respectives et suivent une formation continuée. ».

Art. 3

L'article 7, § 2, du même arrêté royal, est complété par un 3º, rédigé comme suit:

« 3º d'un juriste. ».

Art. 4

L'article 32 du même arrêté royal est remplacé par les dispositions suivantes:

« § 1er. Chaque chambre des commissions d'agréation désigne quatre médecins agréés dans la spécialité qui relève de sa compétence et qui sont actifs dans cette discipline. Ces médecins sont nommés par le ministre pour un terme renouvelable de six ans.

Quand la chambre compétente du Conseil supérieur est appelée à se prononcer en application des articles 29 et 30, elle fait appel aux quatre médecins visés à l'alinéa 1er pour participer à sa délibération avec voix délibérative. Au moins un des membres de la chambre compétente du Conseil supérieur, agréé dans cette spécialité, s'il y en a, doit assister à la délibération.

§ 2. La chambre de la commission d'agréation qui a rendu l'avis contre lequel une procédure est introduite en application des articles 29 et 30 désigne un de ses membres qui doit être entendu par la chambre compétente du Conseil supérieur pour exposer les motivations qui ont présidé à l'adoption de l'avis dont question.

§ 3. La chambre compétente du Conseil supérieur se prononce dans les soixante jours de la date à laquelle elle a été saisie en application des articles 29 et 30. Son avis doit être motivé et exposer les raisons pour lesquelles elle décide de s'écarter de l'avis de la chambre de la commission d'agréation concernant tels critères spécifiques concernant le plan de stage, la formation et/ou l'agréation. ».

Art. 5

La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

16 août 2007.

Jacques BROTCHI.