4-139/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

10 AOÛT 2007


Proposition de loi introduisant l'injonction de payer dans le Code judiciaire

(Déposée par Mme Martine Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte du DOC 51-1215/001.

A. Analyse du problème

Dans l'Union européenne (1) , l'arriéré de paiement moyen, c'est-à-dire la durée du défaut de paiement après l'échéance convenue, est de quinze jours. En Belgique, il est de vingt jours. Seuls le Portugal (41 jours) et l'Italie (22 jours) connaissent un arriéré de paiement plus important. En Europe, le délai de paiement total effectif moyen est de 54 jours. En Belgique, il est de 61 jours. Seuls quatre pays font moins bien (la Grèce, 94 jours; le Portugal, 91; l'Italie, 87 et l'Espagne, 74). La Belgique fait piètre figure.

Il ressort d'une étude du bureau Dun&Bradstreet que ce sont surtout les PME belges qui sont victimes d'arriérés de paiement exagérés (2) . Les frais de recouvrement pèsent lourdement sur la trésorerie de ces PME. Les clients qui ne paient pas leurs factures ou les paient tardivement freinent ainsi la croissance des PME et menacent les chances de survie des entreprises (3) .

La majorité des emplois en Belgique sont créés par les PME. Il appartient dès lors au législateur d'élaborer une procédure de recouvrement efficace, de manière à éviter d'hypothéquer la viabilité de ces entreprises et, partant, les emplois qu'elles créent.

B. Obligation européenne d'élaborer une procédure de recouvrement rapide

Le Parlement européen et le Conseil ont tiré leurs conclusions du rapport de la Commission européenne et ont promulgué la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO L 200 du 8 août 2000, p. 35).

L'article 5, alinéa 1er, de cette directive oblige les États membres à élaborer une procédure de recouvrement des créances non contestées qui soit rapide et efficace:

« Les États membres veillent à ce qu'un titre exécutoire, quel que soit le montant de la dette, puisse être obtenu normalement dans les quatre-vingt-dix jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d'une juridiction ou d'une autre autorité compétente, lorsqu'il n'y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. Les États membres s'acquittent de cette obligation en conformité avec leurs dispositions législatives, réglementaires et administratives respectives. »

Étant donné qu'en Belgique, il est généralement possible d'obtenir un titre exécutoire dans les nonante jours, le ministre de la Justice a estimé qu'à ce moment-là, l'adaptation de la « Procédure sommaire d'injonction de payer » (art. 1338 et suivants du Code judiciaire) n'était pas une priorité (4) .

Bien que cela ne ressorte pas d'une lecture littérale de l'article 5, alinéa 1er, de la directive, cet article visait essentiellement à permettre de faire l'économie de procédures. Étant donné que les procédures classiques sont souvent lourdes et onéreuses, il n'est pas intéressant, financièrement, pour le créancier de s'adresser au juge pour de petites créances, ainsi qu'il ressort des considérants de la directive:

— « Les retards de paiement constituent une violation du contrat qui est devenue financièrement intéressante pour les débiteurs dans la plupart des États membres, en raison du faible niveau des intérêts de retard et/ou de la lenteur des procédures de recours. [...] » (5) .

— « Les conséquences d'un retard de paiement ne seront dissuasives que si elles sont assorties de procédures de recours rapides et efficaces pour le créancier.[...] » (6) .

En Belgique, on peut donc opter pour la « Procédure sommaire d'injonction de payer », qui est conçue pour de tels cas, ou pour la procédure de droit commun.

C. Procédure sommaire d'injonction de payer

Les chiffres montrent toutefois que la « procédure sommaire d'injonction de payer » n'est pas une réussite et qu'elle n'est guère appliquée dans la pratique (7) .

Personne n'ignore les problèmes que pose la « procédure sommaire d'injonction de payer » (8) :

— Elle ne s'applique qu'aux créances dont le montant n'est pas supérieur à 1 860 euros;

— La demande doit être étayée par un écrit émanant du débiteur, ce qui signifie que la dette ne peut même pas être établie par une facture acceptée par un commerçant (9) ;

— L'intervention d'un avocat est requise, ce qui occasionne des frais supplémentaires considérables;

— L'exécution provisoire du jugement n'est pas possible et l'envoi d'une sommation préalable est requise;

— Les frais de justice sont trop importants, les gens préférant dès lors faire appel à des agences de recouvrement.

Ces problèmes ont des conséquences sous l'angle de l'économie du procès. Ces restrictions ont pour conséquence qu'une analyse coût-profit de la procédure sommaire d'injonction de payer est souvent négative pour le créancier, ce qui, à son tour, a pour conséquence que les débiteurs ne réagissent pas aux injonctions de payer. Ils spéculent sur le fait que le créancier sera découragé par les frais judiciaires, ce qui est le cas la plupart du temps, dès lors que les créances ne peuvent être supérieures à 1 860 euros.

La conséquence est que les petites créances ne sont guère recouvrées et que, lorsqu'elles le sont, les gens préfèrent entamer une procédure de droit commun (dont les frais ne sont pas non plus négligeables). La procédure sommaire d'injonction de payer ne remplit donc pas la fonction pour laquelle elle a été créée.

La complexité des procédures belges n'a pas échappé à la Commission européenne:

« Dans plusieurs États membres, cependant, une procédure spécifique d'injonction de payer s'est révélée particulièrement utile pour garantir le recouvrement rapide et efficace des créances qui ne font l'objet d'aucune contestation juridique. À ce jour, dans onze États membres (Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Portugal, Espagne et Suède) une telle procédure fait partie intégrante du droit procédural en matière civile. À l'exception de la Belgique, où la procédure sommaire d'injonction de payer s'est finalement avérée plus lourde qu'une procédure civile ordinaire en raison de déficiences structurelles (l'injonction de payer doit être précédée par un avis officiel, par exemple) et n'a dès lors pas été très bien acceptée par les acteurs juridiques » (10) .

La Commission européenne a dès lors rédigé un Livre vert « sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance ». Ce Livre vert contient des recommandations concrètes destinées aux États membres.

D. Étude juridique comparative

Le Livre vert comporte une étude juridique comparative consacrée aux procédures d'injonction de payer applicables dans les différents États membres. En quoi consiste toutefois exactement la procédure d'injonction ? La procédure d'injonction peut se résumer comme suit:

— sur demande du plaignant, la juridiction prend une décision unilatérale sur la créance en cause sans que soit préalablement donnée au défendeur la possibilité de se défendre;

— cette décision est notifiée au défendeur, qui est prié, dans un délai fixé, de se conformer à l'injonction en payant ce qu'il doit, ou de contester la créance en formant opposition;

— si le défendeur ne réagit pas de l'une ou l'autre manière, l'injonction de payer devient exécutoire;

— ce n'est que s'il est fait opposition que l'affaire peut être examinée selon la procédure ordinaire.

En français, on parle dans ce cas de « l'inversion du contentieux », l'injonction précédant tout débat éventuel. C'est au défendeur (débiteur présumé) qu'il appartient de saisir le juge. Cette procédure est comparable à la procédure par défaut: le défendeur qui ne se présente pas est condamné par défaut et il doit à son tour, s'il estime avoir été condamné à tort, saisir le juge en formant opposition.

L'échec de la procédure sommaire d'injonction de payer belge est attribué à l'inversion insuffisante du contentieux:

« Il est en effet permis de se demander si cet insuccès ne proviendrait pas du fait que le législateur n'a pas suffisamment inversé le contentieux pour la rendre véritablement attractive » (11) .

Les procédures d'injonction les plus connues (et les plus imitées) proviennent de France et d'Allemagne. La France connaît une « procédure d'injonction de payer » (12) et la procédure allemande est appelée « Mahnverfahren » (13) .

Il existe en outre de nombreuses formes intermédiaires dans les États membres européens. C'est notamment le cas de l'Autriche, dont la présente proposition s'inspire essentiellement.

La présente proposition entend donc adapter la procédure sommaire d'injonction de payer. Les éléments gênants de la procédure actuelle sont supprimés et l'ensemble de la procédure est adapté, dans l'esprit des procédures d'injonction en vigueur dans d'autres pays européens.

Le coût de la procédure est ainsi allégé, l'intervention d'un avocat est facultative et le montant maximum est supprimé, de même que la sommation.

À l'instar de la procédure autrichienne, la condition de l'écrit est également abandonnée. Une procédure d'injonction présuppose en effet que le principe selon lequel la charge de la preuve repose sur le créancier, conformément à l'adage « actori incumbit probatio », ne s'applique que lorsque la créance est contestée.

La Commission européenne a reconnu le modèle autrichien comme une formule combinant les caractéristiques les plus efficaces de ces deux familles classiques (France et Allemagne) (14) .

E. Arriéré judiciaire

Une grande partie des causes dont sont saisis nos cours et tribunaux ne porte pas sur des faits litigieux ou des questions de droit (15) . Il arrive fréquemment que le débiteur ne conteste rien, mais refuse purement et simplement de payer. Le créancier est donc tenu de saisir le tribunal afin d'obtenir un titre exécutoire lui permettant de recouvrer une créance, par exécution forcée, auprès du débiteur récalcitrant.

Il est important de distinguer au stade le plus précoce possible de la procédure les demandes réellement contentieuses des affaires qui ne reposent sur aucun différend juridique réel.

Cette distinction est une condition indispensable pour faire un usage efficace des ressources exiguës affectées à la justice. Elle permet de se concentrer sur les affaires controversées et de les trancher dans un délai raisonnable (16) .

C'est la raison pour laquelle un colloque a été organisé dès 1989 au Sénat sur les mesures permettant de résorber l'arriéré judiciaire. Ici aussi, une procédure d'injonction simplifiée a été préconisée en tant que mesure efficace (17) .

Le professeur français Perrot (18) cite quelques chiffres concernant l'effet de la procédure française d'injonction de payer (19) :

« En Belgique, cette procédure existe également, mais dans les textes tout au moins (art. 1338-1344 C. jud.), car son insuccès n'est un mystère pour personne. En revanche, elle connaît en France une vogue qui ne se dément pas: chaque année, elle absorbe plus d'un million d'affaires; et sur ce million, on ne relève que 6 à 8 % d'opposition, ce qui revient à dire que 900 000 demandes environ sont évacuées chaque année en marge des procédures ordinaires devant les tribunaux de droit commun. Il y a là, entre nos deux pays, un contraste qui mérite réflexion. »

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Le président du tribunal de première instance est compétent si la procédure sommaire de recouvrement concerne une somme qui excède 1 860 euros et que le tribunal de première instance est matériellement compétent en ce qui concerne la procédure contradictoire.

Pour le recouvrement de sommes n'excédant pas 1 860 euros, c'est le juge de paix qui est compétent en vertu de l'article 590 du Code judiciaire.

Article 3

Le président du tribunal de commerce est compétent si la procédure sommaire de recouvrement concerne une somme qui excède 1 860 euros et que le tribunal de commerce est matériellement compétent en ce qui concerne la procédure contradictoire.

Article 4

Cet article détermine la compétence territoriale du juge en matière d'injonctions de payer. Cela implique que lorsque le débiteur n'est pas domicilié en Belgique, le juge compétent sera désigné conformément au règlement européen 44/2001 (20) .

Le seul critère retenu est le domicile, et non la résidence. Celle-ci n'est en effet jamais certaine, et offre donc une protection insuffisante au défendeur. Cette mesure s'applique également dans d'autres États membres de l'Union européenne, où le juge compétent est presque toujours celui du domicile (21) .

Cet ajout à l'article 638 du Code judiciaire rend superflu l'actuel article 1344 du Code judiciaire. La compétence territoriale est désormais réglée à l'endroit du Code judiciaire qui est prévu à cet effet.

Article 5

La procédure vise à obtenir rapidement un titre exécutoire en vue du recouvrement des dettes. La notion d'« injonction de payer » est conforme à celle utilisée dans d'autres pays européens, dont la France.

1338. Cet article définit le champ d'application de l'« injonction de payer » ratione materiae.

La limite de 1 860 euros disparaît. La doctrine considère en effet que si la créance n'est pas contestée, il n'y a pas de raison de limiter le montant (22) .

L'exigence d'un écrit disparaît également. Celle-ci nuit à l'attrait de la procédure. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence applique déjà une interprétation très large de la notion d'« écrit » (23) . L'expérience nous apprend que la suppression de l'écrit ne diminue pas la protection juridique de l'intimé. Dans les pays où un écrit n'est pas requis (Autriche, Finlande, Allemagne, Suède et Portugal) (24) , il est d'usage de rejeter les requêtes manifestement non fondées (25) (26) .

1339. La procédure est introduite par requête déposée au greffe ou adressée au greffier par lettre recommandée, ce qui signifie que, conformément à l'article 1025 du Code judiciaire, les dispositions du « Titre V Introduction et instruction de la demande sur requête unilatérale » sont d'application, pour autant que les dispositions de ce chapitre n'y dérogent pas.

La sommation de payer préalable, qui devait être signifiée par exploit d'huissier ou par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception, est supprimée. Le caractère unilatéral de la procédure est donc maintenu. Les droits du créancier sont préservés par la possibilité offerte de rendre la procédure contradictoire sans frais et par voie de requête déposée au moyen du formulaire type annexé à l'acte de signification.

Rien n'empêche au demeurant le créancier d'adresser une sommation en vue d'obtenir encore un paiement volontaire. En matière commerciale, cette pratique est d'ailleurs courante.

L'identification obligatoire des organes compétents de la personne morale requérante offre une garantie de représentativité des parties requérantes.

L'intervention d'un avocat est donc facultative (cf. les articles 1034ter, 6º, 1337ter, 5º, 1344bis, 5º et 1016bis, alinéa 2, du Code judiciaire), ce qui est conforme aux recommandations de la Commission européenne et répond à l'esprit des autres procédures européennes d'injonction de payer (27) . La doctrine a également considéré l'intervention obligatoire d'un avocat comme une charge (28) .

L'obligation d'annexer à la requête un certificat récent établissant que le débiteur est inscrit ou établi à l'adresse mentionnée dans la requête a pour but de refréner les recours inconsidérés à la procédure. Le certificat facilite l'identification du débiteur. Ce certificat peut être obtenu à un coût relativement modique, surtout si on compare ce dernier aux frais de citation.

En vertu de l'article 3 de l'arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif à la communication des informations contenues dans les registres de la population et dans le registre des étrangers, toute personne peut obtenir, sur demande écrite et signée, un extrait des registres lorsque la délivrance de ces documents est nécessaire aux fins d'exécution ou de poursuite d'une procédure déterminée par la loi, ou lorsque la procédure requiert l'indication du domicile de la personne à l'égard de laquelle elle doit s'exécuter.

Pour ne pas rendre la procédure trop coûteuse pour le pouvoir judiciaire, il est prévu que les demandes inférieures à un certain montant devront toujours être introduites électroniquement. En effet, de nombreux greffes sont, aujourd'hui encore, confrontés à des systèmes informatiques incompatibles, les obligeant à retranscrire les requêtes. Un temps précieux est ainsi perdu.

Le Roi prend les arrêtés d'exécution qui s'imposent. Il faut s'interroger à cet égard sur l'opportunité de faire entrer anticipativement en vigueur, pour ce qui concerne ce chapitre, les articles 4-6 de la loi du 20 octobre 2000 introduisant l'utilisation de moyens de télécommunication et de la signature électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire (Moniteur belge du 22 décembre 2000).

Notre intention expresse est d'augmenter progressivement ce plafond à mesure que l'on se familiarisera avec le système. Le plafond de 1 860 euros est intéressant en ce qu'il permet de limiter provisoirement cette informatisation aux justices de paix.

Cette situation correspond à l'exemple autrichien, où la majorité de pareils ordres de paiement sont traités électroniquement, à la satisfaction générale.

1340. Le juge examine la demande. Selon les règles de droit commun relatives aux requêtes unilatérales, le juge peut convoquer le requérant afin de vérifier la demande et de lui demander des renseignements complémentaires (art. 1028 du Code judiciaire). Cette situation doit toutefois demeurer exceptionnelle afin de ne pas alourdir la procédure en imposant des formalités supplémentaires. En effet, si le juge a des doutes, il doit tout simplement rejeter la demande. Dans ce cas, le créancier aura toujours la possibilité d'obtenir gain de cause en recourant à la procédure de droit commun.

Le greffier adresse, par simple lettre, une copie de l'ordonnance au requérant ou, le cas échéant, à son avocat.

1341. Le requérant ne pourra former opposition ni exercer de recours contre une ordonnance rejetant la demande ou n'y faisant droit que partiellement. Il pourra cependant ne pas faire signifier l'ordonnance et introduire sa demande en recourant à la procédure de droit commun.

La pratique française nous apprend toutefois que les créanciers préfèrent généralement faire signifier l'ordonnance et qu'ils se contentent d'une partie de la créance. De ce fait, ils perdent définitivement leurs droits sur le reste du montant réclamé initialement.

1342. L'ordonnance garde sa validité pendant six mois, délai durant lequel elle pourra être signifiée.

La signification de l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le juge n'entraîne pas de frais d'enregistrement. Le droit de condamnation nécessite en effet un litige tranché par les cours et les tribunaux. Pour qu'il y ait un litige, il faut qu'il y ait eu contestation, ce qui, dans la phase de l'injonction de payer, n'est pas encore le cas. Il n'y a contestation que lorsque le défendeur forme opposition. Ce n'est qu'à ce moment-là que naît un litige. L'absence de litige exclut donc l'ordonnance rendue par le juge du champ d'application de l'article 142 du Code des droits d'enregistrement (29) .

L'acte de signification sera accompagné d'un formulaire type permettant de former opposition, afin de sauvegarder les droits du débiteur.

L'acte de signification de la copie certifiée conforme de l'ordonnance d'injonction de payer contiendra, outre une copie de la requête, la sommation de payer ou, au besoin, de former opposition au moyen du formulaire type joint.

L'acte de signification contiendra également une série de mentions supplémentaires (délai imparti pour former opposition; avertissement qu'à défaut de paiement, l'ordonnance pourra être exécutée) propres à offrir une protection supplémentaire au débiteur.

Le débiteur pourra, de manière simple, former opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer. L'opposition sera formée sans frais et par requête. Aucune citation ne sera requise.

Bien qu'il doive prendre lui-même l'initiative d'engager le débat judiciaire, le débiteur conserve sa qualité de défendeur dans la procédure d'opposition. La charge de la preuve n'est pas inversée: elle incombe en premier lieu au créancier. Il est toutefois vrai que le principe actori incumbit probatio n'intervient que dans la procédure d'opposition. Tant qu'il n'y a pas contestation, il n'y a pas lieu, en principe, d'apporter de preuve.

Le greffier portera l'opposition à la connaissance du créancier par pli judiciaire et, s'il échet, de son avocat, par simple lettre.

Le créancier devra consigner les frais. Cette disposition vise à éviter que des créanciers intentent inconsidérément une procédure sommaire en recouvrement. La procédure proposée vise à assurer le recouvrement de dettes certaines. L'opposition rend ces dettes moins certaines. Si, à l'issue d'un débat contradictoire ouvert sur opposition, il est finalement accédé — en tout ou en partie — à la demande du créancier, celui-ci pourra récupérer la somme consignée.

La consignation des frais constitue la contrepartie des frais de citation qui doivent être acquittés dans le cas d'une procédure contradictoire engagée par voie de citation. La consignation permet d'éviter qu'un créancier n'utilise la procédure proposée qu'en vue d'éluder l'intentement d'une procédure contradictoire par voie de citation.

1343. Cet article règle le déroulement de la procédure contradictoire.

Si la demande ressortit à la compétence du juge qui en a pris connaissance, celui-ci connaît, selon la voie ordinaire, des demandes initiales, des demandes incidentes et des défenses sur le fond.

Lorsque la demande ne ressortit pas à la compétence d'attribution de ce juge, l'affaire est renvoyée devant le juge compétent. Les seules formalités requises à cet effet sont la mention du renvoi dans un registre spécial prévu à cet effet et la transmission du dossier par les services du greffe.

La cause est alors inscrite sans frais au rôle du juge de renvoi (30) .

Les parties sont appelées, par pli judiciaire, dans le délai ordinaire des citations. Dans ce cas également, les formalités sont réduites au maximum, sans pour autant porter atteinte aux droits de la défense.

Le jugement rendu sur opposition est susceptible d'appel si le juge qui a traité l'opposition ne statuait pas en dernière instance. La procédure de recouvrement n'entraîne donc pas la perte d'un degré d'appel si le droit commun prévoit un second niveau de juridiction.

1344. En l'absence d'opposition contre l'ordonnance, il peut être procédé à l'exécution dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai d'opposition. Le créancier demande à cet effet au greffier, par déclaration verbale ou par lettre, l'apposition de la formule exécutoire.

L'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a les effets d'un jugement contradictoire qui n'est pas susceptible d'appel. Dès ce moment, l'ordonnance acquiert force de chose jugée (articles 23 à 28 du Code judiciaire). L'utilisation de voies de recours extraordinaires reste donc possible.

Article 6

L'article 1399, alinéa 2, du Code judiciaire est remplacé. L'exécution provisoire d'une injonction de payer est impossible. Elle ne peut pas non plus être autorisée par le juge si le délai d'opposition court. Le principe demeure donc identique, mais le renvoi prévu à l'alinéa 2 doit être adapté.

Article 7

Afin de garantir la sécurité juridique, il est proposé de n'appliquer la nouvelle procédure qu'aux requêtes déposées conformément à l'article 1338 après l'entrée en vigueur de la loi proposée.

Martine TAELMAN.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE Ier

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE II

Modifications du Code judiciaire

Art. 2

L'article 587, alinéa 1er, du Code judiciaire, modifié en dernier lieu par la loi du 10 mai 2007, est complété comme suit:

« 16º sur les demandes formées conformément à l'article 1338, dans les matières qui relèvent de la compétence du tribunal de première instance. ».

Art. 3

L'article 589 du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 1er septembre 2004, est complété comme suit:

« 17º à l'article 1338 dans les matières qui relèvent de la compétence du tribunal de commerce. ».

Art. 4

L'article 628 du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 9 mai 2007, est complété comme suit:

« 25º le juge du domicile de la personne ou de l'une des personnes contre qui une demande est introduite conformément à l'article 1338 ou, s'il s'agit d'une personne morale, le juge du siège social de celle-ci. ».

Art. 5

Le chapitre XV de la quatrième partie du Livre IV du même Code, comprenant les articles 1338 à 1344, est remplacé comme suit:

« Chapitre XV. Injonction de payer

Art. 1338. Toute demande qui tend au paiement d'une dette certaine et liquide qui a pour objet une somme d'argent peut être introduite, instruite et jugée conformément aux dispositions du présent chapitre.

Art. 1339. — § 1er. La demande est introduite par requête unilatérale, adressée au juge en double exemplaire.

§ 2. La requête, dressée sur un formulaire-type, doit, à peine de nullité, porter les mentions suivantes:

1º le jour, le mois et l'année;

2º les nom, prénom, profession et domicile du requérant ainsi que, le cas échéant, les nom, prénom, domicile et qualité de ses représentants légaux; s'il s'agit d'une personne morale, sa forme juridique, sa dénomination, l'identification des organes compétents qui représentent la société, son siège social et, le cas échéant, le numéro unique d'entreprise;

3º les nom, prénom et domicile des débiteurs ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa forme juridique, sa dénomination et son siège social;

4º l'indication précise de la créance, avec le décompte de ses différents éléments, y compris le mode de calcul précis des intérêts éventuellement dus;

5º la cause de la demande, et l'énumération des documents susceptibles d'en justifier l'existence, le montant et le bien-fondé. Dans ce cas, une copie de ces documents est jointe en annexe et un inventaire des pièces numérotées est repris au bas de la requête;

6º la désignation du juge qui doit connaître de la cause;

7º la signature du requérant ou de son avocat.

§ 3. à cette requête est annexé un certificat récent attestant que le débiteur est inscrit ou établi à l'adresse mentionnée dans la requête.

§ 4. Le modèle du formulaire type est fixé par le Roi.

§ 5. Si le montant de la créance n'excède pas 1 860 euros, la requête ne peut être introduite que par la voie électronique, de la manière fixée par le Roi.

Art. 1340. Le juge se prononce dans les quinze jours suivant le dépôt ou la réception de la requête au greffe. Le juge rejette ou accueille, en tout ou partie, la demande par une ordonnance rendue en chambre du conseil.

Le greffier envoie, par simple lettre, une copie de l'ordonnance au requérant ou, le cas échéant, à son avocat.

Art. 1341. L'ordonnance qui rejette la demande ou n'y fait droit que partiellement n'est pas susceptible d'opposition ni d'appel de la part du requérant. Celui-ci a toutefois la faculté de ne pas faire signifier l'ordonnance et d'introduire sa demande pour le tout selon la procédure de droit commun.

Art. 1342. — § 1er. L'ordonnance est réputée non avenue si elle n'est pas signifiée dans les six mois de sa date.

§ 2. L'exploit de signification d'une copie certifiée conforme de l'ordonnance d'injonction de payer contient, à peine de nullité:

1º une copie de la requête;

2º un formulaire type pour former l'opposition;

3º la sommation:

a) ou bien de payer au requérant les montants fixés dans l'ordonnance et dont le décompte détaillé est joint en annexe;

b) ou bien de former opposition, si le débiteur estime devoir faire valoir des moyens de défense;

4º l'indication du délai dans lequel le débiteur peut former opposition, du greffe devant lequel celle-ci doit être formée ainsi que de la forme que celle-ci doit revêtir;

5º l'avertissement au débiteur qu'à défaut de paiement ou d'opposition dans le délai prescrit, l'ordonnance deviendra exécutoire, ce qui permettra au créancier de le contraindre par toutes voies de droit au paiement des sommes prévues à l'ordonnance.

§ 3. Le modèle du formulaire type est fixé par le Roi.

§ 4. La signification de la copie certifiée conforme de l'ordonnance d'injonction de payer interrompt la prescription au sens de l'article 2244 du Code civil.

§ 5. À peine de déchéance, l'ordonnance portant injonction de payer est susceptible d'opposition de la part du débiteur dans le mois de sa signification.

L'opposition est formée sans frais au greffe du tribunal qui a rendu l'ordonnance d'injonction de payer, soit par déclaration verbale contre accusé de réception, soit par déclaration écrite au moyen du formulaire type annexé à l'exploit de signification, déposé au greffe ou adressé au greffe par lettre recommandée à la poste.

§ 6. Dans les trois jours de la réception de l'opposition, le greffe en informe le créancier par pli judiciaire et, le cas échéant, son conseil par pli ordinaire.

Par même courrier, il invite le créancier à déposer au greffe les frais d'opposition dans un délai d'un mois, à peine de nullité de la procédure.

Art. 1343. — § 1er. Lorsque la demande ressortit à la compétence d'attribution du juge qui a rendu l'ordonnance d'injonction de payer, celui-ci connaît, selon la voie ordinaire, de la demande initiale, des demandes incidentes et des défenses au fond.

Si tel n'est pas le cas, l'affaire est renvoyée devant la juridiction compétente, sans autre formalité que la mention du renvoi sur le registre spécial prévu à cet effet et la transmission du dossier de la procédure par le greffier.

L'affaire est inscrite d'office et sans frais au rôle du juge de renvoi.

§ 2. La juridiction saisie de l'opposition fixe les jour et heure où, dans le délai ordinaire des citations, les parties sont appelées, par pli judiciaire, à comparaître devant elle afin d'entendre statuer sur la cause.

§ 3. Si aucune des parties ne se présente, la juridiction saisie de l'opposition constate l'extinction de l'instance. Celle-ci rend non-avenue l'ordonnance portant injonction de payer.

§ 4. Le jugement rendu sur opposition se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer.

§ 5. Le jugement rendu sur opposition est susceptible d'appel, conformément aux règles de droit commun, dans les limites de la troisième partie, titre II et conformément au livre III, titre III.

Art. 1344. En l'absence d'opposition dans le délai d'un mois qui suit la signification de la copie certifiée conforme de l'ordonnance portant injonction de payer, le créancier peut demander au greffier, par déclaration verbale ou par lettre, l'apposition de la formule exécutoire. Le créancier joint à sa demande la preuve de la signification et de sa date.

L'ordonnance est réputée non avenue si la demande du créancier n'est pas introduite dans le délai d'un mois après l'écoulement du délai d'opposition.

L'ordonnance revêtue de la formule exécutoire a les effets d'un jugement contradictoire qui n'est pas susceptible d'appel. ».

Art. 6

À l'article 1399, alinéa 2, du même Code, les mots « article 1342 » sont remplacés par les mots « article 1340 » et les mots « article 1340 » sont remplacés par les mots « 1339 ».

CHAPITRE III

Dispositions finales

Art. 7

La présente loi s'applique uniquement aux requêtes déposées après son entrée en vigueur.

Art. 8

La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

25 juillet 2007.

Martine TAELMAN.

(1) Chiffres issus du Rapport de la Commission de 1997 relative aux délais de paiement dans le cadre des transactions commerciales, qui renvoie au Payment Habits Survey, Intrum Justitia, Amsterdam, avril 1997. Dans le même sens: European Business Survey, Grant Thomton International, Londres, mai 1997.

(2) En France aussi, par exemple, où l'on constate une dichotomie marquée entre les arriérés dans les PME, d'une part, et les arriérés dans les grandes entreprises, d'autre part, enquête PME-PMI, UFB Locabil, Rueil-Malmaison, France, février 1996.

(3) Bank & Bedrijf, KMO's, zelfstandige en vrije beroepen, Magazine Cera Bank, avril 1998, no 9, p. 18.

(4) Questions et réponses Sénat 2001-2002, 27 septembre 2001, 2494 (Question no 1566 Steverlynck).

(5) Directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 8 août 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, JO L 200, 36, considérant 16.

(6) Directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, PB. du 8 août 2000, L 200, 36, considérant 20.

(7) Questions et Réponses Sénat, 2001-2002, 27 septembre 2001, 2494 (question no 1556 Steverlynck). Il en ressort que la « Procédure sommaire d'injonction de payer » n'est guère appliquée. En 1999, 8 144 injonctions ont été données, alors que le nombre d'injonctions données en 2000 s'élevait encore à 5 472. Ce nombre est très faible par rapport à d'autres pays (par exemple la France: 1 000 000 d'injonctions par an grâce à une procédure simplifiée — cf. infra).

(8) X., « Réponses belges aux Livre vert sur l'injonction de payer », Act. Dr. 2003/3, p. 474-477.

(9) Justice de paix Ostende, 28 novembre 1997, TWVR 1998, 44 avec note.

(10) Livre vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne « sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance », p. 10.

(11) Perrot, R. « La procédure française d'injonction de payer », T. Vred. 1998, p. 467.

(12) Art. 1405-1425 N.C.P.C. (Nouveau Code de Procédure Civile).

(13) § 688 — § 703d ZPO (Zivil Process Ordnung).

(14) Livret vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne « sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des petits litiges », p. 20.

(15) Il ressort du rapport du professeur Correa, présenté lors du colloque tenu les 3 et 4 juillet 2000 à Paris, que près de 70 % des litiges dont est saisi le Tribunal français ne sont pas contestés ou ne le sont que de façon marginale, c'est-à-dire que les contestations ne concernent pas le fond de l'affaire. C'est probablement aussi lié à la compétence matérielle du Tribunal français. Par analogie avec d'autres pays européens, nous pouvons conclure que 40 à 45 % de toutes les causes instruites par un tribunal sont toujours des créances incontestées, ce qui reste un nombre très significatif (Schoenaerts, B., Belgische Justitie: een kafkaiaanse nachtmerrie, Gent, Mys & Breesh, 1995, p. 270).

(16) Livre vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne sur « une procédure européenne d'injonction de payer et des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance », p. 9.

(17) Actes du colloque « Arriéré judiciaire » tenu au Sénat le vendredi 26 mai 1989, p. 73.

(18) Président de la Commission de Réforme des voies d'exécution en France, Professeur émérite Université Phantéon-Assas (Paris II), Docteur honoris causa Universités de Genève, Louvain, Milan et Liège, Professeur à l'Université de Droit, d'Economie et de Sciences sociales de Paris.

(19) Perrot, R., « La procédure française d'injonction de payer », T. Vred. 1998, p. 457.

(20) Règlement no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

(21) Livre vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne sur « Une procédure européenne d'injonction de payer et des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance », p. 26.

(22) X., « Réponses belges au Livre vert sur l'injonction de payer », Act. Dr. 2003/3, p. 479; Perrot, R., « La procédure française d'injonction de payer », T. Vred. 1998, p. 477; Livre vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne « sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance », p. 23.

(23) Justice de Paix Ostende (2) 28 novembre 1997, TWVR 1998, 44, note.

(24) En Espagne et en Italie, si un écrit est en principe requis, les pièces émanant unilatéralement du requérant sont cependant aussi acceptées. L'exigence d'un écrit est ainsi éliminée de fait.

(25) Dans certains pays, cette disposition est même inscrite dans la loi. C'est ainsi que l'article 23 de la loi suédoise sur les procédures sommaires et le § 691 (1) de la ZPO allemande énumèrent une liste d'exemples qui doivent être considérés comme manifestement non fondés. En Finlande, une action est considérée comme manifestement non fondée si elle est illégale ou s'il est de notoriété publique qu'elle est injustifiée.

(26) Dans les pays où un écrit est bel et bien requis, nous devons cependant constater que l'application dans la pratique diffère considérablement d'un ressort à l'autre, en raison de différences d'interprétation de l'exigence d'un « écrit », ce qui ne garantit pas davantage un niveau élevé de protection de l'intimé.

(27) Livre vert du 20 décembre 2002 de la Commission européenne sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance, p. 49.

(28) Réponses belges au Livre vert sur l'injonction de payer », Act. Dr. 2003/3, p. 494.

(29) Werdefroy, F., « Registratierechten 2000-2001 », vol. 2, Kluwer, 2000, 4ème édition remaniée, pp. 1359-1360; Ordonnance du 24 décembre 1979, Repertorium RJ, R 142, no E.E./E.L. 755; Rec. Gén. Enr. Not., no 22 687; Circ. du 16 septembre 1987, Rec. Gén. Enr. Not., no 22 538. « L'ordonnance d'injonction de payer rendue par le juge de paix dans la procédure sommaire (Code jud., art. 1338-1344) ne relève pas du champ d'application de l'article 142 ».

(30) Cf. article 662, alinéa 1er, du Code judiciaire.