4-120/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

26 JUILLET 2007


Proposition de loi réglementant la profession d'intermédiaire sportif

(Déposée par M. Philippe Monfils)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition reprend le texte du DOC 51 2173/001.

Le sport professionnel génère des mouvements financiers de plus en plus importants. Les sommes mises en jeu dans le cadre des activités sportives professionnelles atteignent des sommets qui, d'un jour à l'autre, sont aussitôt dépassés. Qu'il s'agisse de rémunérations des sportifs les plus convoités, du coût des transferts d'une équipe à l'autre, ou des droits de diffusion des événements sportifs dans les médias audiovisuels, les montants concernés sont en pleine explosion.

Cela n'a en soi rien d'anormal si l'on considère que l'activité sportive relève maintenant inéluctablement de la sphère économique et que, comme entreprise de spectacle, elle est donc soumise — en matière de prix — à la loi générale du marché, selon les aléas de l'offre et de la demande.

Cependant, d'autres considérations doivent aussi être prises en compte.

En premier lieu, ne perdons pas de vue que la recherche de la performance maximale et de l'élitisme sportif pousse les clubs, associations et fédérations à découvrir au plus tôt les jeunes talents; de la sorte, des jeunes sportifs amateurs sont embrigadés à des âges de plus en plus précoces dans les milieux du sport professionnel. Si leurs talents sportifs sont parfois évidents, il n'en est pas nécessairement de même pour leurs compétences dans les domaines juridique et économique.

Les jeunes sportifs sont donc souvent, — second élément à considérer, — « pris en charge » par « des agents d'affaires », « managers » ou autres intermédiaires qui s'occupent de leur trouver un club employeur, de leur faire conclure un contrat de travail de sportif rémunéré et, de manière plus générale, de gérer leur carrière professionnelle autant que leurs intérêts financiers.

La tentation est grande, pour certains, d'abuser de l'inexpérience, de la crédulité ou de la situation sociale défavorisée de ces jeunes pour leur faire miroiter monts et merveilles, leur prédire un avenir brillant dans la carrière sportive et, en réalité, utiliser à leur propre profit d'intermédiaire, les talents sportifs en devenir.

Certains jeunes sont des proies d'autant plus faciles à utiliser qu'ils sont recrutés dans des pays étrangers et « introduits » sur le territoire belge dans des conditions parfois douteuses sur le plan de la légalité.

Le législateur s'est déjà ému de ce genre de situation en élargissant les possibilités de sanction pénale pour ces derniers cas bien particuliers. Ainsi, les dispositions légales qui frappaient précédemment de sanctions pénales les employeurs ayant fait travailler sur le territoire une personne non autorisée à s'y établir ont été étendues, par une loi du 9 février 1999, à toute personne ayant prêté son concours à ce genre de situation. Depuis lors, et pour en rester au domaine du sport, les clubs employeurs mais également les intermédiaires à titre quelconque pourront être pénalement et solidairement condamnés pour avoir procédé à l'embauche d'un sportif étranger entré illégalement sur le territoire.

Ces dispositions pénales nouvelles, qui sont intéressantes et justifiées, n'en demeurent pas moins insuffisantes. Elles ne visent qu'un aspect de la problématique de l'exploitation dont certains jeunes sportifs sont victimes, mais ne règlent pas l'ensemble des questions en cette matière.

Si l'Union belge de football, dans le cadre de la FIA, a ré glementé cette matière, la profession d'intermédiaire sportif n'est pas actuellement réglementée. Aucune condition légale ou réglementaire n'étant mise pour accéder à cette profession, la porte est ouverte à tous, sans qualification particulière, ni sur le plan de la compétence, ni même sur le plan de la probité.

La présente proposition entend répondre à cette situation de vide législatif, en encadrant la fonction d'intermédiaire sportif et en donnant une définition claire de la notion d'agent sportif.

La présente proposition prévoit que tout agent sportif doit être titulaire d'une licence d'intermédiaire sportif.

L'expérience montre que l'on trouve, dans ce monde des intermédiaires, le meilleur comme le pire. D'anciens sportifs de haut niveau peuvent y trouver une intéressante reconversion qu'ils exercent avec compétence et probité, dans le respect de la personne du jeune sportif dont ils ont pris les intérêts en charge. Force est aussi de constater que d'autres intermédiaires n'ont parfois que de lointaines accointances avec le monde du sport et que la « défense » des intérêts de jeunes athlètes ne représente pour eux qu'un moyen d'existence particulièrement lucratif qui les pousse à accroître, par des moyens inappropriés ou parfois contraires aux intérêts du jeune sportif, la valeur marchande de leurs « protégés ».

La pratique montre aussi que la confusion des genres n'est pas rare dans le domaine de l'intermédiation sportive. Certains agents prennent en charge la carrière de sportifs et leur font conclure des contrats d'emploi avec des clubs, associations ou fédérations au sein desquels ils assument eux-mêmes des fonctions à responsabilité: on est alors en plein conflit d'intérêts et le rapport de force est souvent tel que le sportif ne peut espérer en être le bénéficiaire.

Pour éviter ce genre de conflits, la proposition de loi établit certaines incompatibilités, dont l'interdiction d'exercer ou d'avoir exercé dans l'année une fonction dirigeante ou d'encadrement au sein du club sportif avec lequel est passé le contrat de travail. Parmi ces incompatibilités figure également celle de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pour des faits tels que l'escroquerie, l'abus de confiance, l'attentat à la pudeur, le viol, le harcèlement, la corruption de la jeunesse ... La proposition de loi impose également la connaissance de matières nécessaires à l'exercice de la profession.

La proposition entend aussi assurer une meilleure protection du jeune sportif face aux « requins » qui voudraient « l'assister » dans la gestion de ses intérêts matériels. Pour ce faire, la proposition organise la nullité automatique des conventions passées entre le sportif professionnel et l'agent d'affaires qui ne serait pas titulaire de la licence d'intermédiaire sportif.

La preuve de la détention de cette licence pourra être fournie par une carte spéciale dont la forme et le contenu seront déterminés par les arrêtés royaux d'exécution.

La licence vise à ne maintenir sur le marché de l'intermédiation sportive, que des agents sérieux, compétents et corrects. L'image et la notoriété de l'intermédiaire sportif seront ainsi réhabilitées.

Le monde du sport ne peut qu'y gagner.

Philippe MONFILS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par intermédiaire sportif toute personne physique ou morale exerçant à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive.

Art. 3

Nul ne peut exercer la fonction d'intermédiaire sportif s'il n'est pas titulaire d'une licence d'intermédiaire sportif.

Art. 4

Pour être titulaire d'une licence d'intermédiaire sportif, il faut:

1º posséder les connaissances professionnelles requises;

2º ne pas exercer ou ne pas avoir exercé dans l'année écoulée, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, de fonction dirigeante ou d'encadrement au sein d'un club, d'une association ou d'une fédération relevant de la discipline sportive concernée par le contrat de travail pour lequel l'agent sert d'intermédiaire;

3º Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pour des faits visés aux articles 372 à 387, 468 à 476, 491 à 495bis, 496 à 501bis du Code pénal ainsi qu'à la loi du 11 juin 2002 relative à la protection contre la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail, à la loi du 2 avril 1965 interdisant la pratique du doping à l'occasion des compétitions sportives et à la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes.

Art. 5

Par connaissances professionnelles requises, il y a lieu d'entendre:

1. des connaissances techniques notamment au niveau:

— des législations fiscales et sociales applicables aux sportifs

— des législations en matière de protection de la jeunesse

— des législations européennes relatives à la libre circulation des travailleurs.

2. des connaissances suffisantes en matière de gestion et de comptabilité.

Le Roi fixe l'organisation et le programme des épreuves de connaissances visées ci-dessus.

Art. 6

La licence d'intermédiaire sportif est délivrée par le ministre qui a les classes moyennes dans ses attributions, après avis de la commission paritaire nationale des sports.

Art. 7

La licence peut être suspendue ou retirée, suivant la procédure visée à l'article 6, en cas de manquement aux dispositions de l'article 4 ou lorsqu'il est établi que l'intermédiaire sportif ne possède plus l'aptitude requise.

Art. 8

Le Roi fixe les modalités d'octroi, de suspension et de retrait de la licence.

Art. 9

Un article 9bis, rédigé comme suit, est inséré dans la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail du sportif rémunéré:

« Art. 9bis. — Est nulle de plein droit toute convention passée par le sportif rémunéré en vue de la conclusion d'un contrat de travail visé à l'article 3 avec toute personne qui n'est pas titulaire d'une licence d'intermédiaire sportif ».

Art. 10

Toute personne qui, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, exerce l'activité d'intermédiaire sportif au sens de la présente loi peut provisoirement poursuivre l'exercice de cette activité.

Dans les 6 mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, elle doit fournir au ministre qui a les Classes moyennes dans ses attributions, les pièces justificatives démontrant qu'elle a acquis par sa pratique, les connaissances professionnelles visées à l'article 5 et qu'elle respecte les conditions de l'article 4, 2º et 3º.

Le ministre statue dans les six mois de la demande conformément aux dispositions de l'article 6.

Art. 11

Sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à 3 mois et d'une amende de 50 à 500 euros ou d'une de ces peines seulement, quiconque aura exercé la fonction d'intermédiaire sportif sans être titulaire de la licence visée à l'article 6.

12 juillet 2007.

Philippe MONFILS.