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17 AVRIL 2007
I. INTRODUCTION
La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport au cours de sa réunion du 17 avril 2007.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU REPRÉSENTANT DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Le projet de loi à l'examen concerne l'adoption de l'Accord de coopération du 2 mars 2007 concernant l'exécution de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction, faite à Paris le 13 janvier 1993.
Les matières traitées dans la Convention signent un « caractère mixte » il est nécessaire que l'autorité fédérale ainsi que les Régions se mettent d'accord sur la désignation des instances qui seront responsables de la mise en œuvre de la Convention.
Pour avoir force de loi, cet accord de coopération doit être soumis à l'assentiment des législateurs fédéral et régionaux.
Cela doit permettre de réaliser l'application du système de vérifications, caractéristique de la Convention. L'industrie chimique est le principal acteur concerné à cet égard.
La définition générale des armes chimiques ne fait pas appel à des listes ou à des formules. En fait, elle est très générale et globale. Tout produit chimique toxique est une arme chimique sauf s'il est utilisé à des fins autorisées et aussi longtemps que les types et quantités en jeu sont compatibles avec de telles fins.
L'intervenant cite l'exemple de la strychnine. Il ne fait aucun doute que la strychnine est un produit chimique toxique, mais elle peut également s'utiliser pour l'extermination de taupes dans une pelouse. La détention d'une petite quantité (quelques grammes) de strychnine est autorisée à cette fin. Mais il n'en va bien sûr pas de même, dans le cadre de la Convention, pour la détention de 100 kg de strychnine.
L'application du système de vérifications est basée sur l'utilisation de 3 tableaux de produits chimiques:
— Le tableau 1 comprend les produits que l'on ne trouve normalement que dans un arsenal d'armes chimiques, ainsi que les précurseurs qui font partie des composants de base des armes chimiques (binaires) ou qui ont normalement pour seule fin de servir à la fabrication d'armes chimiques;
— le tableau 2 comprend quelques produits toxiques, quelques-uns de leurs précurseurs ainsi que certains précurseurs de produits figurant au tableau 1; tous ces produits ont ou avaient des applications industrielles, fût-ce dans une mesure plutôt limitée.
— le tableau 3 comprend d'anciennes armes chimiques appartenant à la génération des armes employées pendant la Première guerre mondiale, ainsi que certains précurseurs de produits figurant aux tableaux 1 et 2 et qui sont utilisés à grande échelle dans l'industrie. En 2006, l'industrie a ainsi produit en Belgique 340 000 tonnes de phosgène, un gaz toxique qui a été utilisé immédiatement pour la fabrication de verre plastique.
Pour les vérifications dans l'industrie chimique, la Convention prévoit différents types d'installations: pour les produits chimiques du tableau 1, il y a en Belgique un laboratoire militaire (situé à Vilvoorde — Peutie) qui gère les produits chimiques dans le cadre de la protection contre les armes chimiques. En outre, il y a des installations qui produisent, traitent ou consomment au-delà d'un certain seuil des produits du tableau 2, et celles qui produisent au-delà d'un certain seuil des produits du tableau 3. Il n'y a pas d'installations du tableau 2 en Belgique, et il y en a quatre du tableau 3. Enfin, il y a encore une quatrième catégorie, celle des installations qui produisent certaines substances organiques au-delà d'un certain seuil. En Belgique, il y a encore quelque 42 installations de ce type. Des contrôles de routine basés sur des déclarations annuelles et des inspections internationales sur place sont prévus pour toutes ces installations.
Outre les définitions et les compétences, la Convention prévoit également les modalités d'inspection et plusieurs dispositions pénales ainsi que la base de la coopération avec les Régions.
Enfin, le représentant du ministre souligne que la Convention est déjà entrée en vigueur en 1997, trois mois après sa 65e ratification. Si le présent projet de loi a été déposé tardivement, c'est essentiellement à cause d'un conflit de compétence qui a été résolu dans l'intervalle. Toutefois, à la suite de la récente réforme des institutions, les compétences en matière d'économie ont été transférées en grande partie aux Régions, ce qui a entraîné de nouveaux retards.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Galand peut souscrire au contenu et aux objectifs du projet de loi à l'examen, portant assentiment à l'Accord de coopération, mais il déplore que dix années se soient écoulées entre l'entrée en vigueur (1997) de la Convention et le dépôt du projet de loi. Du fait qu'un laps de temps aussi long s'est écoulé, plusieurs concepts ont évolué et le texte à l'examen n'est dès lors plus d'actualité. Ainsi, les théories sur les conséquences d'une pollution chimique ont fortement évolué.
Il en va de même pour ce qui concerne la définition des produits chimiques toxiques, qui ne tient pas compte de la toxicité pour les plantes n'est pas prise en considération. Serait-ce dû à des pressions exercées par l'industrie qui produit les herbicides ? Si le texte était rédigé aujourd'hui, les négociateurs adopteraient sans doute une attitude plus stricte.
L'intervenant déplore par ailleurs que, pressée par le temps, la commission n'ait pas la possibilité de mener un débat sérieux et, le cas échéant, d'entendre une série d'experts, notamment sur le problème important des stocks d'armes chimiques.
Les négociateurs ont aussi soigneusement évité la question des gaz lacrymogènes, sans doute parce que ces gaz sont utilisés dans le cadre de la lutte anti-émeute.
M. Galand observe par ailleurs que le texte de la Convention a été formulé en des termes très prudents. En effet, le texte soustrait explicitement certaines activités à linterdiction formulée: les activités industrielles, agricoles, médicales et pharmaceutiques, la recherche ou toutes autres activités purement pacifiques, de sorte que les activités industrielles restent autorisées, moyennant les vérifications nécessaires. Mais quelles sont alors en fait les activités interdites ?
Une partie importante de la Convention porte sur la destruction des stocks existants et des installations de fabrication d'armes chimiques. Il est dit qu'en principe, l'État belge n'a pas d'obligations à cet égard parce qu'il ne possède ni stocks, ni installations de fabrication d'armes chimiques. Est-ce toujours d'actualité en 2007 ?
En ce qui concerne les inspections internationales sur le territoire belge, le texte prévoit que les inspecteurs internationaux sont accompagnés par une équipe belge. Le représentant du ministre pourrait-il préciser la composition de cette équipe belge ?
M. Nimmegeers déplore également que dix ans se soient écoulés entre l'entrée en vigueur de la Convention et le dépôt du projet de loi à l'examen. Compte tenu surtout de l'évolution des armes chimiques, on peut affirmer avec certitude que le texte n'est plus d'actualité.
M. Lionel Vandenberghe souligne l'importance du texte à l'examen parce que la Belgique doit encore gérer l'héritage de la Première Guerre mondiale, durant laquelle les armes chimiques ont pour la première fois été employées à grande échelle. En effet, il ne se passe pas un jour sans que l'on retrouve encore des munitions non explosées dans la région du Westhoek.
Le représentant du ministre comprend les observations formulées à propos du dépôt tardif du projet de loi à l'examen, mais souligne les efforts qui ont déjà été accomplis pour résorber une grande partie de l'arriéré en matière de ratification de conventions.
En ce qui concerne l'actualité, nous devons nous en tenir au texte de compromis de la Convention ratifiée en 1997. La Belgique ne peut entreprendre aucune action unilatérale en la matière.
En ce qui concerne les agents défoliants et la toxicité à l'égard des plantes qui n'a pas été prise en considération dans la définition des produits chimiques toxiques, le représentant du ministre souligne que cette situation ne résulte pas de pressions exercées par l'industrie, mais bien d'un compromis qui a été conclu entre les négociateurs et qui fait suite notamment à une exigence formulée par les États-Unis.
Il existe deux types de gaz lacrymogènes: ceux utilisés dans la lutte anti-émeute, qui sont limités en quantité et en concentration (solution à 5 %), et ceux utilisés comme arme chimique, qui existent en concentration beaucoup plus élevée et en plus grande quantité. C'est cette dernière catégorie que la Convention interdit explicitement.
Pendant l'entre-deux-guerres, la Belgique a produit des armes chimiques, à savoir plusieurs wagons d'ypérite qui, en mai 1940, ont tous été transférés en France pour être cédés à l'armée française et qui ont disparu pendant la guerre. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la Belgique ne possède plus de stocks d'armes chimiques ni d'installations de fabrication d'armes chimiques, en dehors de celles datant de la Première Guerre mondiale que l'on retrouve encore aujourd'hui. Les négociateurs belges ont pu faire inscrire une disposition prévoyant que les anciennes armes chimiques pourraient être détruites de manière industrielle comme déchets toxiques. Cette procédure est plus souple et ne nécessite pas la présence d'inspecteurs internationaux. Les anciennes armes chimiques relèvent de l'entière responsabilité de la Défense nationale et ne sont dès lors pas visées par l'Accord de coopération.
Le représentant du ministre souligne qu'en la matière, la Belgique a toujours fait preuve d'un grand pragmatisme et qu'elle a respecté toutes les obligations en matière de notifications et d'inspections, même sans y être contrainte par des dispositions légales.
En ce qui concerne les inspections internationales sur le territoire belge, l'équipe belge ne sera pas toujours composée de la même manière. Pour les anciennes armes chimiques et pour le laboratoire de Vilvorde-Peutie, l'équipe se composera de représentants de la Défense nationale, tandis que pour l'inspection des installations industrielles, les équipes se composent de représentants de la Région concernée. Il faut toutefois noter la présence systématique d'un représentant de l'autorité fédérale (Autorité nationale) chargé de la coordination.
IV. VOTES
Les articles 1er et 2, ainsi que l'ensemble du projet de loi, ont été adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.
La rapporteuse, | Le premier vice-président, |
Margriet HERMANS. | Lionel VANDENBERGHE. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet de loi (voir le doc. Sénat, nº 3-2386/1 – 2006/2007)