3-2442/1

3-2442/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

1 AVRIL 2007


Proposition de loi modifiant la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement

(Déposée par M. Bart Martens et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


1. Ancrage international du droit d'accès à la justice en matière d'environnement et origine de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement

L'accès à la justice en matière d'environnement est un droit inscrit au niveau international par la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Cette convention, appelée communément convention d'Aarhus, fixe en effet en son article 9.3 l'obligation pour chaque Partie de veiller « à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement ». La Belgique a ratifié cette convention le 21 avril 2003.

Au niveau belge, le droit à l'accès à la justice en matière d'environnement a connu une lente évolution qui s'est concrétisée, au niveau judiciaire, par une loi novatrice en 1993 qui reconnaît aux associations de protection de l'environnement un intérêt collectif pour pouvoir contester devant le président du tribunal de première instance les infractions ou menaces d'infraction des dispositions relatives à la protection de l'environnement.

Avant l'entrée en vigueur de cette loi, la jurisprudence était assez partagée pour reconnaître un droit d'action en intérêt collectif pour les associations de protection de l'environnement. Bien que certaines juridictions de fond étaient assez progressistes en la matière, la Cour de cassation considérait en effet, sur la base de l'introduction d'une action en justice par une association de protection de l'environnement, que la seule poursuite d'un but n'entraîne pas la naissance d'un intérêt propre, conformément à l'article 17 du Code judiciaire. Cette jurisprudence restrictive de la Cour de cassation est connue sous le vocable d'arrêt Eikendael (1) .

Les associations se voyaient ainsi dénier un droit d'ester en justice pour sanctionner des atteintes à l'environnement. La doctrine belge affirmait quant à elle que « le droit d'action des associations de protection de l'environnement est un droit qui prévaut, (...), étant donné qu'une interprétation correcte du Code judiciaire doit aboutir à la condition que les associations ont toujours un intérêt personnel à ester à l'encontre des actes contraires à leur but statutaire, même si elles ne sont personnellement pas lésées » (2) .

La loi du 12 janvier 1993 se veut une réponse à l'interprétation restrictive de la Cour de cassation en reconnaissant à des associations de protection de l'environnement un intérêt pour contester certaines atteintes à l'environnement. Avec cette loi, elles ont donc pu intenter une action spécifique en cessation d'un acte contrevenant au droit de l'environnement. La loi a également un objectif de prévention puisque les menaces d'infraction du droit de l'environnement relèvent également de son champ d'application.

2. Expériences tirées de l'application de la loi du 12 janvier 1993

Cette loi, bien qu'accueillie favorablement par la doctrine belge, a cependant marqué certaines limites au fur et à mesure de son application. À la demande de la Conférence interministérielle de l'environnement, élargie à la Justice et à l'Intérieur (CIEJI), la loi a été évaluée fin 2006. La présente proposition de loi a pour objectif de pallier ces lacunes, afin de restaurer l'objectif premier de la loi. Elle apporte par la même occasion une réponse aux recommandations que le comité d'examen du respect des dispositions de la convention d'Aarhus a adressées à la Belgique en avril 2006, dans lesquelles il constate que la Belgique ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 9.3 de la convention.

Un premier constat concerne le nombre limité d'actions intentées sur la base de la loi. Pour les dix premières années d'application, soit de 1993 à 2003, on recense environ 60 actions (3) dont 4 introduites par le procureur du Roi, 22 par une autorité administrative, 14 par un citoyen individuel et une vingtaine par les associations de protection de l'environnement (4) . Pour 2003-2006, aucune donnée chiffrée globale n'est actuellement disponible, mais on peut estimer le nombre à seulement quelques cas par an de part et d'autre de la frontière linguistique.

Parallèlement, on constate un recours moins fréquent à la loi par les associations de protection de l'environnement, alors qu'elles en sont les principales bénéficiaires.

Une deuxième constatation concerne le taux particulièrement faible de réussite des actions intentées par les associations de protection de l'environnement: sur les 21 actions introduites entre 1993-2003, 6 ont été gagnées, 2 partiellement gagnées et 13 perdues, soit un total de 62 % de cas perdus (5) .

Une troisième constatation porte sur l'interprétation restrictive de la loi. Alors que la procédure devait être simple, rapide et efficace via une procédure au fond, mais selon les formes du référé, force est de constater que certaines dispositions de la loi ainsi que certaines interprétations jurisprudentielles limitent l'efficacité recherchée.

L'entrée en vigueur de la convention d'Aarhus pour la Belgique ainsi que l'expérience tirée après plus de dix ans d'application de la loi ont montré que certaines modifications devaient y être apportées.

3. Modifications apportées à la loi

La loi du 12 janvier 1993 se caractérise par sa concision et, donc, sa densité: elle ne comporte en effet que quatre articles. Son évaluation a révélé que des modifications sont requises principalement à deux articles de cette loi: l'article 1er relatif au champ d'application territorial et au champ d'application matériel et l'article 2 relatif aux conditions auxquelles doivent répondre les associations de protection de l'environnement pour pouvoir intenter une action en justice.

Les lignes qui suivent illustrent les défauts et lacunes mis en évidence par l'évaluation, ainsi que les corrections proposées. Un nouvel article 6 est inséré afin de régler le cas des affaires pendantes lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

a) Compétence territoriale du juge

Actuellement, chaque président du tribunal de première instance est habilité à se prononcer sur les actions intentées sur la base de la loi du 12 janvier 1993. Ce qui porte le nombre total à 27 juges. Nombreux parmi eux sont en fait très peu confrontés aux actions en matière d'environnement pour être en mesure de se faire une idée précise de la matière.

Dans l'appréciation des cas soumis au juge, il est fondamental que ce dernier puisse appréhender la thématique environnementale dans toute sa complexité juridique et scientifique. Afin de garantir une application efficiente et correcte du droit d'action en matière de protection de l'environnement, il convient de permettre au juge de développer une spécialisation en matière d'environnement. En effet, l'essor du droit de l'environnement depuis le début des années septante et le développement qu'il connaît encore actuellement au niveau international, européen et belge font de cette matière une branche du droit dont l'application nécessite une connaissance approfondie. Il convient par ailleurs de prendre également en considération la régionalisation importante des compétences environnementales qui a conduit à la création de trois droits régionaux de l'environnement.

Pour accroître cette spécialisation, la proposition de loi prévoit un régime aux termes duquel seul le président du tribunal de première instance qui siège à la cour d'appel sera compétent pour connaître des actions visées dans la présente proposition de loi. De cette façon, 5 tribunaux seront compétents. On peut en effet considérer que les arrondissements judiciaires de taille réduite, avec un corps limité de magistrats, sont sans doute les moins à même de pouvoir offrir et développer sur le long terme la spécialisation nécessaire requise par la loi. Une méthode comparable est déjà appliquée à d'autres matières, comme les droits de propriété intellectuelle, les affaires fiscales ou la pollution marine par les navires.

L'introduction de cette concentration n'aura pas seulement pour effet d'accroître la spécialisation des magistrats, mais aussi de permettre une plus grande efficacité dans l'organisation des possibilités de formation des magistrats en matière d'environnement.

b) Extension du champ d'application matériel

Les infractions à la législation sur l'environnement peuvent prendre non seulement la forme d'actes matériels positifs (comme le déversement de produits dangereux dans l'eau ou l'atmosphère, le dépôt clandestin de déchets, la construction illégale d'un bâtiment, le braconnage, ...) mais aussi d'omissions par lesquelles une infraction est commise par défaut d'agir conformément aux règles du droit de l'environnement. La convention d'Aarhus prévoit en son article 9.3 que les Parties doivent prévoir des procédures administratives ou judiciaires par lesquelles les membres du public peuvent contester des actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement. La loi du 12 janvier 1993 ne vise actuellement que les actes matériels positifs, pas les omissions. En ajoutant les omissions dans le champ d'application matériel, la proposition de loi permettra en conséquence de s'aligner complètement sur les prescriptions de la Convention de Aarhus.

c) Explicitation de l'adjectif « manifeste » qui caractérise le type d'infraction du droit de l'environnement qui doit être prise en considération

Aux termes de la loi de 1993, il ne suffit pas qu'il y ait constatation d'une infraction ou d'une menace d'infraction. L'infraction doit aussi être manifeste et la menace d'infraction grave.

La loi du 12 janvier 1993 ne précise dès lors pas ce qu'il convient de comprendre par la notion « manifeste ». Les travaux préparatoires ne permettent pas de déduire une position définitive sur la question. Le terme « manifeste », devait être compris au sens de l'adage « de minimis non curat praetor ». Il revenait donc in fine au juge d'apprécier l'importance d'une infraction et son impact sur l'environnement.

Certains parlementaires avaient estimé que le terme manifeste était difficile à définir et craignaient qu'il ne donne lieu à des discussions et à une insécurité juridique.

Treize années d'application de la loi ont mis en évidence la pertinence de la réserve exprimée. Plusieurs interprétations par la doctrine et la jurisprudence n'ont en effet pas facilité une application uniforme de la loi.

Selon certains, la qualification doit être comprise au sens d'infraction manifeste, évidente, flagrante.

D'autres estimaient que les conséquences pour l'environnement sont déterminantes pour établir si une infraction doit être considérée comme manifeste ou non.

Afin de garantir une bonne application de la loi, une homogénéité de la jurisprudence et, donc, d'assurer une meilleure sécurité juridique, il convient en conséquence d'enlever cette imprécision en donnant une interprétation univoque à la qualification « manifeste »

Les principes d'un État de droit, dans lequel toute infraction doit être réprimée, doivent être appliqués. En outre, il convient de tenir compte du pouvoir d'appréciation du juge, qui consiste à donner une appréciation juridique sur la question de l'existence éventuelle d'une infraction. Ces considérations ont pour conséquence qu'une infraction manifeste doit être comprise comme une infraction dont l'existence n'est pas susceptible de contestation sérieuse.

d) Explicitation de la qualification « grave » qui caractérise le type de menace de infraction du droit de l'environnement qui doit être prise en considération

La détermination de la gravité de la menace de infraction fait l'objet également de nombreuses controverses doctrinales. La jurisprudence n'a, cependant, pas eu l'occasion de déterminer ce qu'il fallait précisément comprendre par cet adjectif, à défaut de cas rencontrés.

La thèse doctrinale la plus fréquente soutient que ce concept de « menace grave d'infraction » doit se comprendre par rapport à l'atteinte potentielle à l'environnement qui résulterait de cette infraction. Selon cette théorie, il revient donc au juge d'apprécier la gravité ou non d'une atteinte à l'environnement.

Une autre thèse soutient que toute menace réelle de infraction du droit de l'environnement devrait être prise en considération.

En vue d'une application correcte de la loi, d'une homogénéité de la jurisprudence et d'une meilleure sécurité juridique, il convient ici aussi de lever ces imprécisions en donnant une interprétation univoque à la qualification « grave ».

Par analogie aux considérations développées pour la notion de « manifeste », une menace d'infraction peut être considérée comme grave lorsque tout porte à croire qu'elle se produira.

Enfin, comme cela a déjà été précisé au cours des débats parlementaires préparatoires, le caractère manifeste ou non d'une infraction ou le caractère grave ou non d'une menace d'infraction affecte non pas la recevabilité d'une action, mais son bien-fondé.

Article 1er, alinéa 2

e) Absence de jugement d'opportunité sur les intérêts à protéger

Quand le juge constate une infraction ou une menace d'infraction au droit de l'environnement, il est fondamental qu'il prenne des mesures de protection de l'environnement qui soient adaptées au cas d'espèce. Ce principe n'est cependant pas garanti par la loi du 12 janvier 1993 puisque celle-ci dispose que le juge peut ordonner la cessation d'actes qui ont connu un commencement d'exécution ou imposer des mesures de prévention pour protéger l'environnement ou visant à prévenir l'exécution de ces actes ou à prévenir des dommages à l'environnement.

La faculté laissée au juge de prononcer ou non la cessation de certains actes a conduit certains juges à interpréter de manière particulière l'évaluation d'intérêts divers. Ainsi, certaines actions en cessation ont été déclarées irrecevables parce qu'un intérêt non environnemental prévalait sur la protection de l'environnement. Bien que la cessation ne soit pas requise pour chaque cas d'infraction au droit de l'environnement, il n'est cependant pas logique de déclarer l'action irrecevable et de ne prendre aucune mesure de protection ou de prévention alors qu'une infraction environnementale a pourtant été constatée par le juge.

La présente proposition de loi vise en conséquence à rétablir l'objectif premier de la loi qui est la protection de l'environnement, en prévoyant de manière plus explicite que lorsque le juge constate une infraction ou une menace d'infraction au droit de l'environnement, il doit en tout cas prendre des mesures de protection de l'environnement. En effet, il est inconcevable de laisser impunie une infraction du droit et de laisser perdurer une atteinte à l'environnement ou de les faire avaliser indirectement par le pouvoir judiciaire.

Les modalités des mesures sont laissées à la libre appréciation du juge, qui reste la personne la mieux à même pour pouvoir apprécier le type de mesure que requiert le cas d'espèce: cessation, mesures de prévention ou de remise en état de l'environnement, etc.

La proposition de loi part du postulat que le juge doit agir lorsqu'il constate une infraction ou une menace d'infraction au droit de l'environnement. Ensuite, l'analyse de l'infraction doit permettre au juge de déterminer la mesure la plus appropriée au cas concerné. La liste des mesures prévues par la proposition de loi est non limitative pour ne pas faire obstacle à la compétence et à la marge d'appréciation du juge en l'espèce.

Article 2

f) Critères auxquels les associations environnementales doivent satisfaire

La loi de 1993 impose un certain nombre de critères que les associations de protection de l'environnement doivent remplir pour pouvoir intenter une action de manière recevable. Un certain nombre de ces critères sont considérés comme stricts. Seules les prescriptions fondamentales qui garantissent la concordance juridique et la « fiabilité » de l'association, sont prises en considération.

— Concordance avec la législation sur les ASBL

Il suffit que l'association soit une ASBL conforme aux prescriptions de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales et les fondations. La formulation actuelle, à savoir que l'association doit respecter toutes les prescriptions de la loi sur les ASBL, crée un obstacle inutile. Le respect de critères purement formés, tel que le dépôt d'un rapport avant une date déterminée, peut en effet avoir valeur de critère de recevabilité, alors qu'il n'a rien à voir avec la fiabilité ou le statut juridique de l'association.

— Délimitation du terrain d'action géographique

La délimitation dans les statuts du territoire auquel s'étend son activité est supprimée en tant que critère de recevabilité, rejoignant en cela les conclusions de la majorité de la doctrine, qui considère fort à propos que ce critère ne constitue pas une condition de recevabilité de l'action et, partant, n'apporte rien de fondamental au débat.

— Critère de possession de la personnalité juridique depuis un an

Le critère de recevabilité lié à la possession de la personnalité juridique depuis au moins 3 ans fait que des associations (par exemple des comités de quartier) qui se sont constituées pour contester des infractions de règles environnementales sont empêchées d'intenter une action. Afin de respecter la finalité initiale de ce critère, à savoir écarter les associations « fictives », tout en n'imposant pas de critères trop lourds aux associations, il leur suffit dorénavant d'apporter la preuve qu'elles ont la personnalité juridique depuis un an au moins.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article n'appelle aucun commentaire particulier.

Article 2

Cet article vise à remplacer l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement en ce qui concerne:

La compétence territoriale du juge: « Président du tribunal de première instance établi au siège de la cour d'appel »

Cet amendement confère aux présidents des tribunaux de première instance établis au siège de la cour d'appel la compétence pour connaître des actions intentées en matière d'environnement sur la base de cette loi.

Cet amendement présente l'avantage de renforcer le cadre organique judiciaire dans lequel s'applique cette loi sectorielle, à l'instar de ce qui se passe pour d'autres thématiques juridiques spécifiques, comme en matière fiscale, sans pour autant apporter de modification structurelle essentielle.

L'insertion du concept d'« omission »

Cet amendement vise à incorporer dans le champ d'application matériel les omissions, c'est-à-dire les actes matériels qui n'ont pas été posés par un particulier ou une autorité publique et ce, en contravention avec les prescriptions du droit de l'environnement. Les atteintes à l'environnement peuvent en effet être le fait tant d'actes matériels positifs que d'omissions. Ces dernières sont à définir comme le fait de ne pas avoir accompli certains actes visant à protéger l'environnement alors que ceux-ci sont pourtant requis par le droit de l'environnement. Il convient de prendre en considération ces deux types d'actes matériels qui peuvent être posés en infraction du droit de l'environnement afin de garantir une étendue complète au champ d'application matériel de la loi. Cet ajout permet par ailleurs de répondre pleinement aux prescriptions de l'article 9.3 de la convention d'Aarhus.

Explicitation des termes infraction « manifeste » et menace « grave » d'infraction:

L'exposé des motifs donne une interprétation univoque des termes « infraction manifeste » et « menace grave d'infraction ».

Une infraction manifeste doit être comprise comme une infraction dont l'existence n'est pas susceptible de contestation sérieuse.

Une menace d'infraction est grave lorsque tout porte à croire qu'elle se produira.

Remplacer le concept d'infraction ou menace d'infraction « à une ou plusieurs dispositions de lois, décrets, ordonnances, règlements ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement » par « au droit de l'environnement »

Cet amendement vise à préciser, par l'utilisation d'un concept générique, que la loi s'applique à l'ensemble du droit de l'environnement, c'est-à-dire non seulement aux lois, décrets, ordonnances ou règlements, mais également à la Constitution, aux règles du droit international et du droit communautaire qui sont d'application directe.

Pour rappel, il convient de comprendre sous le vocable « droit de l'environnement » notamment la conservation de la nature et l'aménagement du territoire, comme cela a du reste été interprété correctement par la jurisprudence en application de la loi du 12 janvier 1993.

Absence de jugement d'opportunité:

Ce nouvel alinéa prévoit que le juge, dès qu'il constate l'existence d'une infraction ou d'une menace d'infraction, doit prendre des mesures de protection de l'environnement

La loi prévoit donc, de manière non exhaustive, le type de mesures que le juge peut prendre:

— soit ordonner la cessation des actes qui ont connu un commencement d'exécution;

— imposer des mesures pour prévenir l'exécution d'un acte ou d'une omission ou pour empêcher des atteintes à l'environnement;

— imposer des mesures de remise en état de l'environnement en cas de dommages causés à l'environnement.

Le choix des mesures est donc laissé à la libre appréciation du juge, qui est le mieux à même de déterminer la mesure adaptée au cas d'espèce. En ce sens, le juge pourra soit décider la cessation de l'acte, soit imposer des mesures de prévention ou de réparation ou une combinaison des trois types de mesures, soit encore imposer d'autres mesures.

Article 3

Cet article vise à remplacer l'article 2 de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement.

La loi du 2 mai 2002 a modifié l'intitulé de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. Il convient de reprendre dans la loi cette modification, qui ne porte absolument pas à conséquence pour le contenu de la loi.

Pour qu'une association sans but lucratif puisse agir en justice valablement, la loi prévoit qu'elle doit être une ASBL remplissant les critères de la loi de 1921. Le respect de toutes les prescriptions de la loi sur les ASBL n'est donc plus un critère de recevabilité aux termes de la présente proposition de loi.

Par rapport à la loi précédente, il est, en outre, précisé que la seule condition d'avoir l'environnement dans son objet social suffit. Dorénavant, la loi n'exige plus que les ASBL précisent dans leurs statuts le territoire auquel s'étendent leurs activités.

Le critère temporel relatif à l'acquisition de la personnalité juridique est dorénavant fixé à un an, ce qui suffit amplement pour faire la preuve que l'ASBL exerce une activité réelle et conforme à son objet statutaire. En effet, ce dernier critère est l'élément central qui doit jouer en la matière.

Article 4

Cette disposition transitoire vise à régler le traitement des actions introduites sous l'ancienne loi et toujours pendantes lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Afin de garantir un traitement rapide de ces actions, la loi prévoit que le président du tribunal de première instance qui a été saisi reste compétent pour traiter cette action. En outre, afin d'assurer un traitement égal de toutes les actions en matière de protection de l'environnement, la loi prévoit que les nouvelles dispositions seront applicables à ces affaires pendantes.

Article 5

Cet article n'appelle aucun commentaire particulier.

Bart MARTENS.
Ludwig VANDENHOVE.
Fauzaya TALHAOUI
Luc WILLEMS.
Philippe MAHOUX.
Berni COLLAS.
Francis DELPÉRÉE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

L'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement est remplacé par la disposition suivante:

« Article 1er. Sans préjudice des compétences d'autres juridictions en vertu d'autres dispositions légales, le président du tribunal de première instance qui siège au siège de la cour d'appel, à la requête du procureur du Roi, d'une autorité administrative ou d'une personne morale telle que définie à l'article 2, constate l'existence d'un acte ou d'une omission, même pénalement réprimé, constituant une infraction manifeste ou une menace grave d'infraction au droit de l'environnement.

Lorsque le président constate l'existence d'une infraction manifeste ou d'une menace grave d'infraction, il prend des mesures de protection de l'environnement. Il peut entre autres:

1º ordonner la cessation d'un acte dont l'exécution est déjà commencée;

2º imposer des mesures visant à prévenir l'exécution d'un acte ou d'une omission ou à empêcher des atteintes à l'environnement;

3º en cas d'atteintes à l'environnement, imposer des mesures de remise en état de celui-ci.

Avant tout débat au fond, une tentative de conciliation aura lieu.

Le président peut accorder un délai pour se conformer aux mesures ordonnées. »

Art. 3

L'article 2 de la même loi est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 2. La personne morale visée à l'article 1er doit être une association sans but lucratif conformément aux exigences de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif les associations internationales sans but lucratif et les fondations. Elle doit avoir dans son objet social la protection de l'environnement.

La personne morale doit, au jour de l'intentement de l'action en cessation, être dotée de la personnalité juridique depuis un an au moins.

Elle doit apporter la preuve, par production de ses rapports d'activité ou de tout autre document, qu'elle a une activité réelle et continue conformer à son objet statutaire et que cette activité concerne l'intérêt collectif de l'environnement qu'elle vise à protéger. »

Art. 4

Dans la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement est inséré un article 6 rédigé comme suit:

« Art. 6. Par dérogation à l'article 1er, les actions qui sont pendantes à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, en application de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, sont traitées par le président qui a été saisi de l'action avant l'entrée en vigueur de la présente loi. »

Art. 5

La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

Bart MARTENS.
Ludwig VANDENHOVE.
Fauzaya TALHAOUI.
Luc WILLEMS.
Philippe MAHOUX.
Berni COLLAS.
Francis DELPÉRÉE.

(1) Pas., 1983, I, p. 338.

(2) Doc. Parl., Sénat, 1990-1992, no1232/2, p. 2.

(3) 62 % des actions introduites par les ONG visaient la conservation de la nature, 19 % les déchets, 14 % les installations classées et 5 % les oiseaux sauvages. Plus d'informations sur les actions: N. De Sadeleer, G. Roller & M. Dross, Access to Justice in Environmental Matters and the Role of NGOs — Empirical Findings and Legal Appraisal, The Avosetta Series 6, Europa Law Publishing, 2005, p. 16.

(4) Tijdschrift voor procesrecht en bewijsrecht, 2003, 11o jaarjang, p. 145-146.

(5) N. De Sadeleer, G. Roller & M. Dross, op. cit., p. 16.